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ELIMINATION D'UN LIEUTENANT ENNEMI 08.01.1958

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Message  laic-aokas Mar 21 Juin - 12:48

ELIMINATION D'UN LIEUTENANT ENNEMI 08.01.1958



La Révolution algérienne était parsemée de légendes populaires et d’histoires fabuleuses qui se racontaient au coin de l’âtre. Mais il était des épisodes de guerre et des faits d’armes qui suscitèrent des sentiments autrement plus douloureux à la suite des mesures de violence prises par le pouvoir colonial contre le peuple algérien désarmé qui paya un lourd tribut...


Le lieutenant V., officier de la garnison de Tizi N’Berber, était un soldat impitoyable et odieux. Il détestait les Algériens et ne manquait aucune occasion pour ironiser sur « l’entreprise imbécile et hasardeuse » de cette populace qui rêvait d’indépendance. Mais par-dessus tout, ce militaire vouait aux maquisards une haine féroce. De ce fait, il était de toutes les missions qui lui permettraient de « casser du fellaga », comme il se plaisait à le répéter autour de lui.

Un duel sans merci se déroulait à distance entre lui et le chef des combattants algériens, Redjardj Boubekeur. Le lieutenant barbu fit le serment devant ses hommes de ne pas se raser la barbe jusqu’à l’élimination de son ennemi juré.

Un jour, l’officier rassembla la population locale pour lui adresser un discours de propagande déjà entendu :

« Écoutez-moi tous. Je vous informe qu’il ne reste plus qu’un petit nombre de fellagas dans le maquis. Et l’armée française est sur le point de les liquider. Nous savons qu’ils viennent manger votre nourriture en vous obligeant de vous taire. C’est pourquoi, pour ne pas vous mettre en danger, je ne vous demanderai pas de les dénoncer nommément, mais de m’indiquer simplement la direction qu’ils ont prise en vous quittant ».

Pour toute réponse, un silence de cimetière plana dans l’assistance. Le lieutenant avait eu beau répéter ses paroles volontairement bienveillantes, mais le ton de sa voix trahissait l’hypocrisie de ses propos. Devant le mutisme obstiné des habitants, le lieutenant V. perdit contenance et prit soudain une attitude méprisante. Sa voix devint subitement aigre :

« Dites à vos fellagas de se montrer s’ils sont des hommes ! Dites leur qu’il y a ici un homme, un vrai, qui les attend de pied ferme ! ».

Informés de la déclaration de l’officier français, les moudjahidine décidèrent d’en finir une fois pour toutes avec cet ennemi venimeux en adoptant une idée proposée par un citoyen, Azoug Akli. Celui-ci avait sympathisé avec l’officier qu’il appelait Rikiki, et en compagnie duquel il vidait souvent quelques bouteilles d’alcool. Un soir, bien éméché, l’Algérien joua au délateur :

« Écoute Rikiki, si tu veux, je peux te dire où se trouve Redjradj Boubekeur. Il te surveille jour et nuit des hauteurs de la colline en changeant chaque jour de poste d’observation. En suivant mes indications, tu peux le prendre par surprise et le descendre.
»

Le lendemain, mercredi, le lieutenant alla en expédition à la tête d’une demi-douzaine de soldats vers le lieudit Bouminès, une crête située à deux kilomètres à vol d’oiseau du poste militaire de Tizi N’Berber. A environ cent mètres du monticule élevé indiqué par le pseudo dénonciateur, le groupe d’hommes se posta à couvert prêt à intervenir. Quelques minutes plus tard, une silhouette humaine apparut et disparut par intermittence derrière une éminence rocheuse.

D’un geste de la main, le lieutenant demanda à ses hommes de rester sur place. Il voulait s’adjuger à lui seul l’exploit glorieux de la mort du chef des Résistants. Bondissant comme un félin, il entreprit de contourner la cible. De roche en roche, il arriva à une trentaine de mètres du but ; il attendit quelques secondes, puis il s’élança ; soudain, un coup de feu éclata et le projectile l’accueillit en pleine course. Touché en plein thorax, l’officier tomba à la renverse sans un cri. Couché sur le dos, il tint sa carabine américaine sur sa poitrine ensanglantée et resta immobile, à l’écoute des bruits alentours. Sa blessure lui causait un mal intolérable. Un instant après, la tête hallucinée dans le brouillard d’un début d’inconscience, l’officier entendit derrière lui une voix forte et autoritaire :

« Me voici, lieutenant. C’est moi, Redjradj Boubekeur. Bonjour et adieu. »

Ce disant, le chef des maquisards acheva froidement l’officier d’une seule balle. Sans plus tarder, il dépouilla le cadavre de tous ses vêtements et s’empara des armes et des munitions.
Entre temps, pris de panique devant la liquidation rapide de leur officier, révélant ainsi le piège mortel tendu par les maquisards, les six soldats s’enfuirent sans demander leur reste.

Le lendemain, en représailles à la mort du lieutenant V., l’armée coloniale rassembla la population et procéda à plusieurs arrestations, dont celle pressentie de Azoug Akli qui subira les pires tortures. De plus, elle sanctionna les foyers en supprimant à compter de ce jour, et pendant plusieurs mois, le ravitaillement en vivres qu’assurait mensuellement aux indigènes « la république française dans un élan de générosité ».

Les personnes fortement soupçonnées de soutenir la Révolution furent sommées de creuser leur propre tombe avant d’être lâchement abattus à coups de pelle dans la nuque et jetés dans la fosse commune comme des sacs de gravats.

A Agni, les familles Brahmi et Boukasmi virent leurs maisons incendiées et leurs bétails volés ou décimés. En quelques minutes, ils perdirent tous les biens qu’ils avaient amassés durant plusieurs années à force de travail, d’effort et de sacrifice. Les femmes et les enfants furent jetés dehors et s’enfuirent avec leurs vêtements sur le dos, seule possession dérisoire épargnée.

Toute la population mâle d’Aït Ouaret Ouali fut assujettie aux travaux forcés mortifiants et vexatoires : à dos de mulet et d’homme, les pierres des maisons détruites étaient transportées à un emplacement où elles serviront à la construction d’un poste de garde et d’observation.

Les femmes, elles, étaient soumises à la corvée de l’eau qu’elles allaient chercher à plusieurs centaines de mètres dans des cruches et des jerricans à l’usage exclusif des militaires français. Ce travail imposé dura pendant six mois.

Mais la volonté d’un peuple opprimé, déterminé à se défaire du joug colonial, ne peut être soumise indéfiniment. Dans la nuit, la Révolution en marche avançait inexorablement ; tandis que le jour poignit, le soleil de la liberté s’apprêtait à émerger du fond de l’horizon...
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Message  laic-aokas Mar 21 Juin - 12:48

source:

AOKAS : Histoire et faits d'armes (livre édité par l'association "Aokas mémoires") . un livre très intéressant à lire assurément !

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