L'Algérie entre islamistes, sécurité militaire et désinformation
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L'Algérie entre islamistes, sécurité militaire et désinformation
Qui voudra (dès lors) se dire solidaire des égorgeurs, des violeurs et des assassins- surtout quand il s'agit de gens que l'on désigne, sans autre attendu historique, comme des " fous de l'Islam ", enveloppés et masqués sous le nom honni d'islamisme, symbole atavique de tous les fanatismes orientaux, bien fait pour donner à la haine raciste l'alibi indiscutable de la légitimité éthique et laïque ? " (Pierre Bourdieu ) (1)
Toute l'opacité de la crise algérienne vient aujourd'hui de ce que les communicateurs du régime ont réussi à faire confisquer la représentation de la société toute entière par ses deux marges idéologiques extrêmes, toutes deux étant de surcroît plus ou moins manipulées par lui. D'une part une poignée de " laïques " intransigeants (dont quelques " féministes d'Etat" bien loin de représenter le combat des femmes de leur société (2 )) sont exportés (voire installés à demeure) dans les capitales européennes. A grand renforts de slogans exploitant les vieilles peurs occidentales de l'Islam, ils ont pour mission d'accréditer l'idée fallacieuse que la guerre conduite par le régime est une lutte " des hommes contre les femmes " ou un combat pour les valeurs (laïcité, droits des femmes, modernité) partagées par l'Occident. Ils le font avec d'autant plus d'efficacité que le degré de symbiose atteint entre les différentes familles politiques françaises et la petite partie de la société algérienne qui est aujourd'hui au pouvoir est particulièrement élevé. Le régime et ses alliés laïques ont une connaissance intime des schémas de pensée des Français, de leurs peurs, de leurs sympathies et de leurs ignorances. Devant la communauté juive, ils savent très à propos brandir le spectre du nazisme, l'étendart de la laïcité devant les communistes ou les franc-maçons, celui du féminisme devant les femmes, de la création devant les artistes, quand bien même leurs engagements passés et présents sur tous ces terrains sont aux antipodes de leurs discours d'exportation. En face des acteurs (brillants) de cette supercherie démocratique, de mystérieux groupes armés, aussi " archaïques " que " barbus " et aussi " arabophones " qu'" obscurantistes ", antithèses absolues des modernes " féministes laïques " et autres " intellectuels exilés " de nos soirées parisiennes, sont " autorisés " à manier dans une impunité quasi-totale (3 ) une violence sans limite. Il ne reste plus au régime qu'à faire identifier la majorité de la population algérienne à ses quelques émissaires " modernes " et son entière opposition islamiste aux horreurs des groupes armés. Le discours de ses communicateurs (" Il n'y pas de différence entre le GIA et le FIS ", " Il n'existe pas d'islamiste modéré " " Nous menons le même combat que vous dans vos banlieues "etc.) y parvient avec une remarquable facilité. Comment l'environnement français en particulier, occidental en général, pourrait il alors imaginer de solution autre que purement répressive ? Le tour, ainsi, est joué. Vu depuis la rive occidentale, la répression bestiale que mènent des militaires corrompus pour se maintenir au pouvoir disparaît comme par enchantement derrière un clivage terriblement mensonger : la guerre d'Algérie opposerait une société laïque, francophone et assumant l'héritage occidental à un monstre islamique disqualifiant toute idée de reconnaissance de n'importe lequel de ceux qui manient un identique vocabulaire.
Derrière ce trompe-l'œil trop complaisamment relayé par les médias et une petite poignée d'intellectuels occidentaux, une équipe incrustée au pouvoir depuis près de 40 années peut dès lors conduire presque " tranquillement" la guerre triviale qui l'oppose dans la réalité, contre scrutins et émeutes, à une immense majorité de la population. Entre les deux extrêmes "laïque" et "terroriste" du champ politique, souffre ainsi la majorité de la société algérienne, qui prône ce compromis que redoute tant le pouvoir militaire et que la communauté internationale semble persister, jusqu'à ce jour, à vouloir ignorer.
François BURGAT, Sanaa, mai 1998
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