Liquidation des opposants par la Sécurité militaire (SM)
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Liquidation des opposants par la Sécurité militaire (SM)
Le 4 janvier 1967 : Mohamed Khider, l'un des « historiques » de la guerre d'indépendance qui avait quitté le pouvoir en avril 1963 est abattu dans sa voiture, sous les yeux de sa femme. On attribue d'abord cette liquidation au fait qu'il aurait conservé les fonds secrets du FLN, mais Hocine Aït Ahmed évoque une raison plus sérieuse, son intention de former un gouvernement en exil. L'enquête menée par la police espagnole établit que l'attentat a été organisé par un « responsable de la SM, attaché culturel à l'ambassade d'Algérie à Madrid », agissant avec un ancien truand algérien de Paris, Salah Hijeb, dit « Vespah », devenu responsable de la Sûreté nationale (l'opération est sans doute montée par la SM en étroite collaboration avec la DGSN). Le contrat sur Khider, exécuté par le truand-tueur Youcef Dakhmouche, courait en fait depuis fin 1964 (en 1971, Dakhmouche sera arrêté - et très probablement liquidé - par la SM ce classique procédé mafieux, consistant à éliminer les exécuteurs des basses œuvres pour ne pas laisser de témoins, sera utilisé à beaucoup plus grande échelle à partir de 1992). C'est Abdallah Ben Hamza qui en serait le maître d'œuvre (quelques mois avant l'assassinat, il avait poussé l'audace - autre grand classique - jusqu'à rendre une visite « amicale » à sa victime à Madrid).
Le 15 décembre 1967, Boumédiène reprend le commandement de l'armée au colonel Tahar Zbiri, qu'il destitue pour avoir organisé un putsch avorté. En fait, Tahar Zbiri - malgré ses titres, il avait en réalité moins d'influence au sein du commandement de l'armée que le colonel Chabou - a été victime d'une manipulation de la Sécurité militaire (ce qui, avec le souci de Boumédiène de ne pas s'aliéner les nombreux officiers de l'Est algérien, explique la relative mansuétude dont il bénéficiera, puisque des crimes plus véniels sont couramment sanctionnés par la peine de mort). La crise entre les deux hommes durait depuis quelques mois, Tahar Zbiri ne supportant plus de voir le pays dériver vers un régime de pouvoir personnel. À l'origine, il n'était nullement partisan d'un coup d'État spectaculaire. Selon Mohammed Harbi, en tant que chef d'état-major, il n'avait en effet qu'un geste à faire pour éliminer Boumédiène, sans compter que tous les chefs de région militaire y étaient favorables. Mais « on » lui suggéra l'idée saugrenue, au motif que son geste aurait plus de panache, de quitter Alger dont il avait le contrôle total et de se rendre à El Asnam, pour « marcher » ensuite sur la capitale. Ce qu'il fit. Mais, au moment de lancer la marche, il s'aperçut que ses blindés étaient... à court de carburant. Les témoins assistèrent alors à une scène hallucinante: une file de blindés allant se ravitailler dans une pompe à essence publique ... Ses chars furent pris « sous le feu de Mig pilotés par des aviateurs russes» dans la région de Mouzaia et d'El Affroun, faisant plusieurs centaines de morts, dont de nombreux civils.
Exit Tahar Zbiri, qui prend le chemin de l'exil ... Mais certains de ceux qui l'ont soutenu ne s'en tirent pas aussi bien. Dès le 14 décembre 1967, comme le rapporte Zbiri lui-même, le commandant Saïd Abid, chef de la 1re région militaire, est « suicidé » de trois balles dans le corps. Et le 8 janvier 1968, le colonel Abbès trouve la mort dans un « accident de voiture » sur la route Cherchell-Alger - méthode souvent répétée depuis lors par la SM pour se débarrasser discrètement des importuns.
Le 26 avril 1968, les amis de Zbiri tentent un dernier sursaut: camouflés sous l'uniforme de l'ANP, un commando s'introduit dans le Palais du gouvernement où siège le conseil des ministres ... « Boumédiène sortit par la petite porte alors que ceux qui se disposaient à l'exécuter entraient par la porte principale. » Deux guetteurs le reconnaissent à l'extérieur et lui tirent dessus, le blessant légèrement. Mais l'attentat échoue, forgeant au président un début de réputation d'invincibilité.
En 1969, alors qu'il s'est exilé en Suisse, Aït-Ahmed est approché par Hamid Aït-Mesbah (l'homme qui avait livré aux autorités françaises l'organigramme de la base Didouche). Monté en grade au sein de la Sécurité militaire, il affirme préparer contre Boumédiène un coup d'État auquel, au nom de la solidarité kabyle, il voudrait l'associer: « Il n'y a pas d'autre moyen de se débarrasser d'un régime qui a ruiné le pays. », lui dit-il en substance. Aït Ahmed lui demande d'expliquer comme il concilie cette volonté de sauver le pays avec la répression féroce qu'il a personnellement menée, principalement contre les Kabyles, entre 1963 et 1965. Aït-Mesbah répond qu'il s'était alors employé à en « limiter les dégâts ».
Prévenu par Ali Mécili de ce piège grossier, Aït-Ahmed décline prudemment l'offre qui lui est faite. Un an plus tard, Aït-Mesbah réitère son manège pour attirer Krim Belkacem dans un guet-apens. Cette fois, il réussit son coup. Le rôle qu'il voudrait faire jouer à Krim, dirigeant historique de la guerre d'indépendance, dans le prétendu putsch contre Boumédiène, serait somme toute assez marginal: « Préparer le texte d'une proclamation à la nation et la liste de sa prochaine équipe gouvernementale. » Le 20 octobre 1970, la police de Francfort retrouvera Krim étranglé avec sa propre cravate dans une chambre d'hôtel.
Selon Aït-Ahmed, « c'est d'abord en France que le complot, c'est-à-dire l'assassinat de Krim, devait se dérouler. Il était question de faire disparaître le corps dans une villa louée à cette occasion en Provence. J'ai des raisons de penser que la police française en avait eu vent, Krim s'est vu interdire de séjourner sur le territoire français sans autorisation préalable. Les préparatifs du coup d'État se sont transposés ailleurs et c'est ainsi que le rendez-vous fatal eut lieu en Allemagne. »
Et les exécutions se multiplient également dans le proche entourage de Houari Boumediene. En 1971, le colonel Abdelkader Chabou, cet ancien officier de l'armée française devenu le vrai patron de l'armée - il est secrétaire général du ministère de la Défense nationale - et qui avait, on l'a vu, secrètement autorisé les Français à poursuivre leurs expérimentations de guerre chimique dans le Sahara en 1967, est à son tour suspecté de préparer un coup d'État; il périt dans un accident d'hélicoptère Puma de fabrication française. Les inspecteurs militaires chargés de l'enquête découvrent des traces d'explosifs dans les débris et concluent à l'attentat, mais ils sont priés de mettre fin à leurs investigations. En 1974, c'est Ahmed Medeghri, ministre de l'Intérieur, qui se « suicide» à son tour de trois balles dans la tête. Quelques heures auparavant, il était sorti en claquant la porte du bureau de Boumediene avec lequel il avait eu un entretien orageux. À ses obsèques, sa femme crie : « Boumediene assassin! »
Le 7 avril 1987 à 22 h 35, Maître Mécili, avocat au barreau de Paris et dirigeant de l'opposition algérienne en France, est assassiné dans l'entrée de son immeuble du 74, boulevard Saint-Michel, de trois balles dans la tête. Selon Aït Ahmed, quelques heures après le crime, le ministre français de l'Intérieur, Charles Pasqua, a téléphoné à l'ambassadeur d'Algérie en France pour « l'assurer que l'Algérie n'avait rien à voir avec cette affaire ». Une information judiciaire est ouverte et confiée à la juge d'instruction Françoise Canivet-Beuzit. Pendant près de six mois il n'en filtrera rien. La police reçoit un « renseignement confidentiel » qui accuse un petit truand algérien, Abdelmalek Amellou (Malek), d'avoir commis le meurtre pour le compte des services spéciaux de son pays. Un second renseignement dénonce un commanditaire officier de la Sécurité militaire, un intermédiaire et deux exécutants : Amellou et un certain Samy.
Au milieu des années 80 la Direction Centrale de la Sécurité Militaire (DCSM) est devenue la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité (DGDS). Sa dénomination est remplacée en novembre 1987 par celle de Direction Générale à la Prévention et à la Sécurité (DGPS).
Les événements du 5 octobre 1988 : le général Lakehal Ayat Medjedoub qui est à l'époque à la tête de la DGPS, fait valoir ses droits à la retraite. Chadli le remplace alors par le général Betchine. Une période de changements politiques majeurs débute alors avec l'instauration du multipartisme mais aussi de la montée du mouvement intégriste incarné par le Front islamique du salut (FIS). Malgré ces changements d'appellation, la plupart des Algériens parlent toujours de la « SM ».
Le 15 décembre 1967, Boumédiène reprend le commandement de l'armée au colonel Tahar Zbiri, qu'il destitue pour avoir organisé un putsch avorté. En fait, Tahar Zbiri - malgré ses titres, il avait en réalité moins d'influence au sein du commandement de l'armée que le colonel Chabou - a été victime d'une manipulation de la Sécurité militaire (ce qui, avec le souci de Boumédiène de ne pas s'aliéner les nombreux officiers de l'Est algérien, explique la relative mansuétude dont il bénéficiera, puisque des crimes plus véniels sont couramment sanctionnés par la peine de mort). La crise entre les deux hommes durait depuis quelques mois, Tahar Zbiri ne supportant plus de voir le pays dériver vers un régime de pouvoir personnel. À l'origine, il n'était nullement partisan d'un coup d'État spectaculaire. Selon Mohammed Harbi, en tant que chef d'état-major, il n'avait en effet qu'un geste à faire pour éliminer Boumédiène, sans compter que tous les chefs de région militaire y étaient favorables. Mais « on » lui suggéra l'idée saugrenue, au motif que son geste aurait plus de panache, de quitter Alger dont il avait le contrôle total et de se rendre à El Asnam, pour « marcher » ensuite sur la capitale. Ce qu'il fit. Mais, au moment de lancer la marche, il s'aperçut que ses blindés étaient... à court de carburant. Les témoins assistèrent alors à une scène hallucinante: une file de blindés allant se ravitailler dans une pompe à essence publique ... Ses chars furent pris « sous le feu de Mig pilotés par des aviateurs russes» dans la région de Mouzaia et d'El Affroun, faisant plusieurs centaines de morts, dont de nombreux civils.
Exit Tahar Zbiri, qui prend le chemin de l'exil ... Mais certains de ceux qui l'ont soutenu ne s'en tirent pas aussi bien. Dès le 14 décembre 1967, comme le rapporte Zbiri lui-même, le commandant Saïd Abid, chef de la 1re région militaire, est « suicidé » de trois balles dans le corps. Et le 8 janvier 1968, le colonel Abbès trouve la mort dans un « accident de voiture » sur la route Cherchell-Alger - méthode souvent répétée depuis lors par la SM pour se débarrasser discrètement des importuns.
Le 26 avril 1968, les amis de Zbiri tentent un dernier sursaut: camouflés sous l'uniforme de l'ANP, un commando s'introduit dans le Palais du gouvernement où siège le conseil des ministres ... « Boumédiène sortit par la petite porte alors que ceux qui se disposaient à l'exécuter entraient par la porte principale. » Deux guetteurs le reconnaissent à l'extérieur et lui tirent dessus, le blessant légèrement. Mais l'attentat échoue, forgeant au président un début de réputation d'invincibilité.
En 1969, alors qu'il s'est exilé en Suisse, Aït-Ahmed est approché par Hamid Aït-Mesbah (l'homme qui avait livré aux autorités françaises l'organigramme de la base Didouche). Monté en grade au sein de la Sécurité militaire, il affirme préparer contre Boumédiène un coup d'État auquel, au nom de la solidarité kabyle, il voudrait l'associer: « Il n'y a pas d'autre moyen de se débarrasser d'un régime qui a ruiné le pays. », lui dit-il en substance. Aït Ahmed lui demande d'expliquer comme il concilie cette volonté de sauver le pays avec la répression féroce qu'il a personnellement menée, principalement contre les Kabyles, entre 1963 et 1965. Aït-Mesbah répond qu'il s'était alors employé à en « limiter les dégâts ».
Prévenu par Ali Mécili de ce piège grossier, Aït-Ahmed décline prudemment l'offre qui lui est faite. Un an plus tard, Aït-Mesbah réitère son manège pour attirer Krim Belkacem dans un guet-apens. Cette fois, il réussit son coup. Le rôle qu'il voudrait faire jouer à Krim, dirigeant historique de la guerre d'indépendance, dans le prétendu putsch contre Boumédiène, serait somme toute assez marginal: « Préparer le texte d'une proclamation à la nation et la liste de sa prochaine équipe gouvernementale. » Le 20 octobre 1970, la police de Francfort retrouvera Krim étranglé avec sa propre cravate dans une chambre d'hôtel.
Selon Aït-Ahmed, « c'est d'abord en France que le complot, c'est-à-dire l'assassinat de Krim, devait se dérouler. Il était question de faire disparaître le corps dans une villa louée à cette occasion en Provence. J'ai des raisons de penser que la police française en avait eu vent, Krim s'est vu interdire de séjourner sur le territoire français sans autorisation préalable. Les préparatifs du coup d'État se sont transposés ailleurs et c'est ainsi que le rendez-vous fatal eut lieu en Allemagne. »
Et les exécutions se multiplient également dans le proche entourage de Houari Boumediene. En 1971, le colonel Abdelkader Chabou, cet ancien officier de l'armée française devenu le vrai patron de l'armée - il est secrétaire général du ministère de la Défense nationale - et qui avait, on l'a vu, secrètement autorisé les Français à poursuivre leurs expérimentations de guerre chimique dans le Sahara en 1967, est à son tour suspecté de préparer un coup d'État; il périt dans un accident d'hélicoptère Puma de fabrication française. Les inspecteurs militaires chargés de l'enquête découvrent des traces d'explosifs dans les débris et concluent à l'attentat, mais ils sont priés de mettre fin à leurs investigations. En 1974, c'est Ahmed Medeghri, ministre de l'Intérieur, qui se « suicide» à son tour de trois balles dans la tête. Quelques heures auparavant, il était sorti en claquant la porte du bureau de Boumediene avec lequel il avait eu un entretien orageux. À ses obsèques, sa femme crie : « Boumediene assassin! »
Le 7 avril 1987 à 22 h 35, Maître Mécili, avocat au barreau de Paris et dirigeant de l'opposition algérienne en France, est assassiné dans l'entrée de son immeuble du 74, boulevard Saint-Michel, de trois balles dans la tête. Selon Aït Ahmed, quelques heures après le crime, le ministre français de l'Intérieur, Charles Pasqua, a téléphoné à l'ambassadeur d'Algérie en France pour « l'assurer que l'Algérie n'avait rien à voir avec cette affaire ». Une information judiciaire est ouverte et confiée à la juge d'instruction Françoise Canivet-Beuzit. Pendant près de six mois il n'en filtrera rien. La police reçoit un « renseignement confidentiel » qui accuse un petit truand algérien, Abdelmalek Amellou (Malek), d'avoir commis le meurtre pour le compte des services spéciaux de son pays. Un second renseignement dénonce un commanditaire officier de la Sécurité militaire, un intermédiaire et deux exécutants : Amellou et un certain Samy.
Au milieu des années 80 la Direction Centrale de la Sécurité Militaire (DCSM) est devenue la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité (DGDS). Sa dénomination est remplacée en novembre 1987 par celle de Direction Générale à la Prévention et à la Sécurité (DGPS).
Les événements du 5 octobre 1988 : le général Lakehal Ayat Medjedoub qui est à l'époque à la tête de la DGPS, fait valoir ses droits à la retraite. Chadli le remplace alors par le général Betchine. Une période de changements politiques majeurs débute alors avec l'instauration du multipartisme mais aussi de la montée du mouvement intégriste incarné par le Front islamique du salut (FIS). Malgré ces changements d'appellation, la plupart des Algériens parlent toujours de la « SM ».
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