Lettre de Hand sadi pour Djaffer
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Lettre de Hand sadi pour Djaffer
Jeune, mais déjà ancien militant de la cause amazig, je t’ai connu en ce printemps 80. Tu étais alors étudiant à l’université de Tizi-Ouzou.Je ne me souviens pas de notre première rencontre, mais elle a dû avoir lieu tôt, puisque je venais te voir pour préparer la toute première manifestation du 11mars, au lendemain de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri. Impulsion décisive à ce formidable mouvement qui deviendra le printemps berbère. Tu avais résumé l’événement à travers cette saisissante formule kabyle «ass n 11 di magres id-nessegres », (Un jour du onze mars que nous avons rompu nos entraves !). L’image qui me reste de toi et celle de l’étudiant frondeur et bouillonnant, sillonnant le pays pour propager la contestation. A Alger, les étudiants ne parvenaient pas à tirer leur tract, car le responsable de la reprographie exigeait une autorisation de son supérieur. Ballottés d’un responsable à un autre, leur course se terminait inlassablement devant la porte cadenassée de la salle de tirage. Arrivé sur les lieu, tu fis voler le verrou d’un coup de pied, mis en marche la Ronéo, et tu tirais le tract sans te soucier davantage d’une quelconque permission. C’était tout toi. Elève au lycée à Constantine, tu fus exclu pour des observations impertinentes et répétées en cours d’instruction civique de Boumédiène. Ayant été ton enseignant, je me souviens n’avoir pas été toujours complaisons avec toi. Mais tu ne m’en as pas tenu rigueur, puisque à l’extérieur des cours, nous nous retrouvions dans la fraternité du combat où plus aucune hiérarchie n’était de mise : tu te souviens de notre arrestation à la gendarmerie de Tassaft ? Nous étions attachés l’un à l’autre par une paire de menottes. Tu découvrais le contact glaciale du métal et l’implacable mécanisme qui en faisait resserrer l’étreinte à chaque mouvement indocile. Tu n’avais pas un tempérament à accepter la discipline qu’imposait l’instrument, ton esprit se tournait ailleurs, vers la fenêtre par laquelle tu me proposais de sauter, mais notre compagnon Arab était lui attaché à un lit de ferraille.
De ce jour, il me revient encore la multitude de tes démêlés avec les gendarmes qui ressortaient tous les dossiers ; il y avait bien sûr les tracts, ceux de Tizi, de Michelet et d’ailleurs, mais aussi une affaire de permis de conduire à boudouaou, et bien d’autre encore. Tu me paraissais pas accablé pour autant. Ton aplomb face à eux est admirable. Le sommet en a été l’affaire de la pérquisition sans doute, dénoncé par quelqu’un, les gendarmes étaient venus perquisitionner chez toi pour chercher la Ronéo de Tafsut. Tu leur as expliqué que l’opération était risquée, on ne violait pas impunément une maison kabyle, et que si l’on forçait l’entrée, en sortir devenait problématique, surtout vivant.
L’argument les avait convaincus, les gendarmes renoncèrent à leur perquisition et tu échappais à un emprisonnement, car la Ronéo était bien là, chez toi ! Tafsut dont tu fus l’un des fondateurs publia dans sans premier numéro, un percutant poème «Adrum s wegrum », (Le pain du reniement) que tu signais et où tu fustigeais cette légion de Kabyles de service qui se font les chantres de l’arabisation.ijermdhen, comme tu les appelais, avaient fini par cesser de te poursuivre, d’autres qui ont revêtu leur uniforme ont pris le relais, semant terreur et barbarie sur leur passage. Mais indomptable dans l’âme, tu ne sauras pas te soumettre à ceux-ci, pas plus que tu ne sus te soumettre aux précédents. Je sais, un sens de l’honneur aussi aiguisé, peut prendre des allures de provocations. Il se trouvera même quelques-uns pour penser secrètement que ta mort, tu l’as cherchée. Car enfin, pourquoi diable, s’impliquer avec autant de risques personnels dans des problèmes qui, après tout concernent toute la collectivité ?
Pourquoi ? Parce que tu es de cette race d’hommes, authentiques pionniers, qui empruntent les chemins raides et escarpés, délaissants les sentiers tortueux. Je peux te le dire aujourd’hui Djaffar, tu fais partie de ces quelques figures avec Mmis n Slimane, ce maçon que j'ai’ connu autrefois à l’Académie berbère, dont l’engagement dans le même mouvement m’a conforté dans ma conviction. Vous êtes des repères, des guides. C’est le sentiment que j’ai éprouvé en vous retrouvant au RCD. « Parce que la montagne toute proche ne protège plus le village du sirocco ni des sauterelles », écrivait Mammeri, il se trouve aujourd’hui encore à deux pas de chez toi, des kabyles pour promettre de t’arabiser avant l’an 2000. Des tueurs intégristes ne leur en ont pas laissé le temps. Des assassins, peut-être hébergés si prés de chez toi, parce que la montagne ne protège plus du sirocco ni des sauterelles, la colline oubliée. Djaffar, je sais ce que plus tard, tu me diras là-haut : la prochaine fois, ils ne t’auront pas, tu ne baisseras pas ta garde, même durant ton cours. Non Djaffar, ils ne soumettront toi dont le meurtre même résonne comme un appel à la résistance pour l’éternité, un appel qui se perpétue depuis la mort de Jugurtha dans une cellule romaine, il y a plus de deux mille ans. Tu lui diras, là-haut, que les fils du pauvre n’ont pas peur.
Hand Sadi
De ce jour, il me revient encore la multitude de tes démêlés avec les gendarmes qui ressortaient tous les dossiers ; il y avait bien sûr les tracts, ceux de Tizi, de Michelet et d’ailleurs, mais aussi une affaire de permis de conduire à boudouaou, et bien d’autre encore. Tu me paraissais pas accablé pour autant. Ton aplomb face à eux est admirable. Le sommet en a été l’affaire de la pérquisition sans doute, dénoncé par quelqu’un, les gendarmes étaient venus perquisitionner chez toi pour chercher la Ronéo de Tafsut. Tu leur as expliqué que l’opération était risquée, on ne violait pas impunément une maison kabyle, et que si l’on forçait l’entrée, en sortir devenait problématique, surtout vivant.
L’argument les avait convaincus, les gendarmes renoncèrent à leur perquisition et tu échappais à un emprisonnement, car la Ronéo était bien là, chez toi ! Tafsut dont tu fus l’un des fondateurs publia dans sans premier numéro, un percutant poème «Adrum s wegrum », (Le pain du reniement) que tu signais et où tu fustigeais cette légion de Kabyles de service qui se font les chantres de l’arabisation.ijermdhen, comme tu les appelais, avaient fini par cesser de te poursuivre, d’autres qui ont revêtu leur uniforme ont pris le relais, semant terreur et barbarie sur leur passage. Mais indomptable dans l’âme, tu ne sauras pas te soumettre à ceux-ci, pas plus que tu ne sus te soumettre aux précédents. Je sais, un sens de l’honneur aussi aiguisé, peut prendre des allures de provocations. Il se trouvera même quelques-uns pour penser secrètement que ta mort, tu l’as cherchée. Car enfin, pourquoi diable, s’impliquer avec autant de risques personnels dans des problèmes qui, après tout concernent toute la collectivité ?
Pourquoi ? Parce que tu es de cette race d’hommes, authentiques pionniers, qui empruntent les chemins raides et escarpés, délaissants les sentiers tortueux. Je peux te le dire aujourd’hui Djaffar, tu fais partie de ces quelques figures avec Mmis n Slimane, ce maçon que j'ai’ connu autrefois à l’Académie berbère, dont l’engagement dans le même mouvement m’a conforté dans ma conviction. Vous êtes des repères, des guides. C’est le sentiment que j’ai éprouvé en vous retrouvant au RCD. « Parce que la montagne toute proche ne protège plus le village du sirocco ni des sauterelles », écrivait Mammeri, il se trouve aujourd’hui encore à deux pas de chez toi, des kabyles pour promettre de t’arabiser avant l’an 2000. Des tueurs intégristes ne leur en ont pas laissé le temps. Des assassins, peut-être hébergés si prés de chez toi, parce que la montagne ne protège plus du sirocco ni des sauterelles, la colline oubliée. Djaffar, je sais ce que plus tard, tu me diras là-haut : la prochaine fois, ils ne t’auront pas, tu ne baisseras pas ta garde, même durant ton cours. Non Djaffar, ils ne soumettront toi dont le meurtre même résonne comme un appel à la résistance pour l’éternité, un appel qui se perpétue depuis la mort de Jugurtha dans une cellule romaine, il y a plus de deux mille ans. Tu lui diras, là-haut, que les fils du pauvre n’ont pas peur.
Hand Sadi
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