Amirouche…, Boumediene et Boussouf…(Par Arezki Metref)
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Amirouche…, Boumediene et Boussouf…(Par Arezki Metref)
ICI MIEUX QUE LA-BAS
Amirouche…, Boumediene et Boussouf…
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Pas encore lu le livre de Saïd Sadi sur le colonel Amirouche mais, il semblerait que ça se meuve déjà pas mal. Rien qu’au travers des interviews, la sienne et celle de Noureddine Aït Hamouda, et au vu du contenu de la préface publiée sur Internet, on saisit la portée subversive du propos. Ça promet et ça ne peut être que salutaire ! Inédit ! Un pavé dans le ronron consensuel et falsificateur qui sert d’ordinaire à une historiographie ouvertement bidonnée.
Oui, un pavé – un vrai – dans la mare au diable où, captive, l’histoire de la guerre de Libération n’est qu’un festin au cours duquel les gros poissons bouffent les petits. Ce qui, au passage, donne l’occasion d’avoir une pensée pour Benyoucef Mellouk, héros solitaire dont le donquichottisme persévérant finira par faire éclater au grand jour la vérité des impostures. Les réactions semblent déjà nombreuses, notamment à l’interview du fils du colonel Amirouche dans El Watan. Je me suis amusé à la lecture des commentaires anonymes qui succèdent à l’entretien. Personne, évidemment, ne conteste la dimension héroïque, point culminant de la légende d’Amirouche. Même si l’Algérie possède ses héros, il n’y en a pas eu d’équivalent. Donc, à cet égard, pas de problème. Là où ça discute sérieux, pour ne pas dire grave, semble-t-il, c’est dans le fait de désigner nominativement Boussouf et Boumediene comme étant à l’origine du guet-apens tendu par l’armée française à Amirouche et Haouas, en route vers Tunis dans le but de demander des comptes aux fonctionnaires de la Révolution en train de se prélasser dans les palaces. Sans compter la séquestration de la dépouille d’Amirouche dans les soussols de la gendarmerie, placée alors sous le commandement du colonel Bencherif que Noureddine Aït Hamouda dit avoir interpellé sur la question. Il aurait répondu qu’il n’avait fait qu’exécuter un ordre de Boumediene. D’ailleurs, et à raison, Noureddine Aït Hamouda s’étonne qu’aucun journaliste ne soit allé trouver Ahmed Bencherif pour recueillir sa version de cette affaire. On peut s’attendre peut-être à ce que, interpellé de la sorte, haut et fort, Ahmed Bencherif ne sorte de sa retraite pour apporter spontanément ses lumières au débat. Ce n’est donc pas du livre lui-même qu’il s’agit ici mais de fragments du buzz qu’il suscite. Je passe sur les commentaires-bateau qui alignent les mots, et les insultes, sans faire avancer le schmilblick. Il reste quelques grandes catégories de position. 1. Les anti-Kabyles. On retrouve parmi eux les défenseurs acharnés de Boussouf et Boumediene, qui relativisent l’héroïsme d’Amirouche sans le nier. Parmi eux, il y a ceux qui, par mégarde, ou carrément, ouvertement, déclinent leur anti-kabylisme même pas primaire. Ils sont à fond dans le révisionnisme tant leur désir d’éradiquer les Kabyles de la contexture nationale les pousse jusqu’à nier des évidences historiques. Peu parmi eux nient l’importance d’Amirouche, mais ils l’atténuent de beaucoup, et tiennent surtout à placer au sommet de l’échelle du patriotisme, Boussouf et Boumediene, qu’ils défendent bec et ongles. 2. Les boumedieniens. Autre catégorie tout aussi simple. Celle des gens qui reconnaissent la dimension d’Amirouche, justifient sans l’approuver forcément Boussouf mais qui défendent mordicus Boumediene. Les partisans de Boumediene réduisent évidemment à la proportion d’artefact chacun de ses actes négatifs. Reconnu patriote et intègre (on brandit toujours l’argument qu’à sa mort en 1978 après douze ans de régne, son compte bancaire était presque vide), tout ce qu’il a fait, l’a été au profit du pays. D’ailleurs, si l’Algérie d’aujourd’hui possède tant de cadres de valeur, c’est grâce à lui. Bref, un mélange de torchons et de serviettes qui ne rend pas à Boum ce qui appartient à Boum et aux autres ce qui n’est pas à lui. Peut-on s’accorder cinq minutes sur cette tautologie : on peut être un dictateur, assoiffé de pouvoir, sans cesser d’être patriote et honnête. 3. Les malgaches essentialistes. Cette catégorie est déjà plus complexe. Elle découple Boussouf de Boumediene, et accorde au premier les circonstances atténuantes refusées au second. Boussouf, c’est un grand monsieur, disent les locataires de cette catégorie, dont tous les actes ont été commandés par l’intérêt de la nation. Boumediene, par contre, n’était qu’un opportuniste et un putschiste qui a trahi son mentor, Boussouf, par goût du pouvoir absolu. Si l’on s’inscrit dans ce raisonnement, de toute évidence, la mort d’Amirouche est le fait de l’armée française et cette histoire de trahison n’est que de l’intox du capitaine Léger. 4. Les fraternalistes beats. «Tous frères !» qu’ils disent. Le pendu et la corde. Ils constatent, en gros, que tout le monde est beau, gentil et tout et tout. Et qu’il faut laisser reposer les martyrs en paix. Que ce n’est pas la peine de remuer tout ça. Et que ça ne fait qu’ajouter de la fitna. Amine ! 5. Les «Terminators» novices. Cette catégorie est redoutable. On y trouve ceux qui ne croient en rien. Pour eux, tout est fichu et l’était d’ailleurs depuis le début. Tous égaux dans la félonie et la nullité ! Sauf eux, bien entendu! Même ceux-là reconnaissent qu’Amirouche a sa place au panthéon de notre histoire mais ils ne voient pas à quoi ça sert dans un pays bâti sur du sable. 6. Les dubitatifs. Ils opinent du chef devant le portrait machiavélique, autoritaire, tordu, tracé de Boussouf et de Boumediene. Sans verser dans les griefs faits à Amirouche souvent par ses adversaires, ils voudraient cependant qu’on fasse de lui aussi un portrait plus nuancé. Sans toucher à son indiscutable héroïsme. Evidemment, il y a d’autres catégories dans ce débat essentiel, qui a le mérite de porter sur les fondements mêmes de l’histoire de ce pays pris en otage. Et si, comme on croit l’avoir compris, le pouvoir est en train de faire rédiger une «réponse» au livre de Saïd Sadi, c’est qu’il y a panique à bord du Titanic.
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/11/article.php?sid=98418&cid=8
Amirouche…, Boumediene et Boussouf…
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Pas encore lu le livre de Saïd Sadi sur le colonel Amirouche mais, il semblerait que ça se meuve déjà pas mal. Rien qu’au travers des interviews, la sienne et celle de Noureddine Aït Hamouda, et au vu du contenu de la préface publiée sur Internet, on saisit la portée subversive du propos. Ça promet et ça ne peut être que salutaire ! Inédit ! Un pavé dans le ronron consensuel et falsificateur qui sert d’ordinaire à une historiographie ouvertement bidonnée.
Oui, un pavé – un vrai – dans la mare au diable où, captive, l’histoire de la guerre de Libération n’est qu’un festin au cours duquel les gros poissons bouffent les petits. Ce qui, au passage, donne l’occasion d’avoir une pensée pour Benyoucef Mellouk, héros solitaire dont le donquichottisme persévérant finira par faire éclater au grand jour la vérité des impostures. Les réactions semblent déjà nombreuses, notamment à l’interview du fils du colonel Amirouche dans El Watan. Je me suis amusé à la lecture des commentaires anonymes qui succèdent à l’entretien. Personne, évidemment, ne conteste la dimension héroïque, point culminant de la légende d’Amirouche. Même si l’Algérie possède ses héros, il n’y en a pas eu d’équivalent. Donc, à cet égard, pas de problème. Là où ça discute sérieux, pour ne pas dire grave, semble-t-il, c’est dans le fait de désigner nominativement Boussouf et Boumediene comme étant à l’origine du guet-apens tendu par l’armée française à Amirouche et Haouas, en route vers Tunis dans le but de demander des comptes aux fonctionnaires de la Révolution en train de se prélasser dans les palaces. Sans compter la séquestration de la dépouille d’Amirouche dans les soussols de la gendarmerie, placée alors sous le commandement du colonel Bencherif que Noureddine Aït Hamouda dit avoir interpellé sur la question. Il aurait répondu qu’il n’avait fait qu’exécuter un ordre de Boumediene. D’ailleurs, et à raison, Noureddine Aït Hamouda s’étonne qu’aucun journaliste ne soit allé trouver Ahmed Bencherif pour recueillir sa version de cette affaire. On peut s’attendre peut-être à ce que, interpellé de la sorte, haut et fort, Ahmed Bencherif ne sorte de sa retraite pour apporter spontanément ses lumières au débat. Ce n’est donc pas du livre lui-même qu’il s’agit ici mais de fragments du buzz qu’il suscite. Je passe sur les commentaires-bateau qui alignent les mots, et les insultes, sans faire avancer le schmilblick. Il reste quelques grandes catégories de position. 1. Les anti-Kabyles. On retrouve parmi eux les défenseurs acharnés de Boussouf et Boumediene, qui relativisent l’héroïsme d’Amirouche sans le nier. Parmi eux, il y a ceux qui, par mégarde, ou carrément, ouvertement, déclinent leur anti-kabylisme même pas primaire. Ils sont à fond dans le révisionnisme tant leur désir d’éradiquer les Kabyles de la contexture nationale les pousse jusqu’à nier des évidences historiques. Peu parmi eux nient l’importance d’Amirouche, mais ils l’atténuent de beaucoup, et tiennent surtout à placer au sommet de l’échelle du patriotisme, Boussouf et Boumediene, qu’ils défendent bec et ongles. 2. Les boumedieniens. Autre catégorie tout aussi simple. Celle des gens qui reconnaissent la dimension d’Amirouche, justifient sans l’approuver forcément Boussouf mais qui défendent mordicus Boumediene. Les partisans de Boumediene réduisent évidemment à la proportion d’artefact chacun de ses actes négatifs. Reconnu patriote et intègre (on brandit toujours l’argument qu’à sa mort en 1978 après douze ans de régne, son compte bancaire était presque vide), tout ce qu’il a fait, l’a été au profit du pays. D’ailleurs, si l’Algérie d’aujourd’hui possède tant de cadres de valeur, c’est grâce à lui. Bref, un mélange de torchons et de serviettes qui ne rend pas à Boum ce qui appartient à Boum et aux autres ce qui n’est pas à lui. Peut-on s’accorder cinq minutes sur cette tautologie : on peut être un dictateur, assoiffé de pouvoir, sans cesser d’être patriote et honnête. 3. Les malgaches essentialistes. Cette catégorie est déjà plus complexe. Elle découple Boussouf de Boumediene, et accorde au premier les circonstances atténuantes refusées au second. Boussouf, c’est un grand monsieur, disent les locataires de cette catégorie, dont tous les actes ont été commandés par l’intérêt de la nation. Boumediene, par contre, n’était qu’un opportuniste et un putschiste qui a trahi son mentor, Boussouf, par goût du pouvoir absolu. Si l’on s’inscrit dans ce raisonnement, de toute évidence, la mort d’Amirouche est le fait de l’armée française et cette histoire de trahison n’est que de l’intox du capitaine Léger. 4. Les fraternalistes beats. «Tous frères !» qu’ils disent. Le pendu et la corde. Ils constatent, en gros, que tout le monde est beau, gentil et tout et tout. Et qu’il faut laisser reposer les martyrs en paix. Que ce n’est pas la peine de remuer tout ça. Et que ça ne fait qu’ajouter de la fitna. Amine ! 5. Les «Terminators» novices. Cette catégorie est redoutable. On y trouve ceux qui ne croient en rien. Pour eux, tout est fichu et l’était d’ailleurs depuis le début. Tous égaux dans la félonie et la nullité ! Sauf eux, bien entendu! Même ceux-là reconnaissent qu’Amirouche a sa place au panthéon de notre histoire mais ils ne voient pas à quoi ça sert dans un pays bâti sur du sable. 6. Les dubitatifs. Ils opinent du chef devant le portrait machiavélique, autoritaire, tordu, tracé de Boussouf et de Boumediene. Sans verser dans les griefs faits à Amirouche souvent par ses adversaires, ils voudraient cependant qu’on fasse de lui aussi un portrait plus nuancé. Sans toucher à son indiscutable héroïsme. Evidemment, il y a d’autres catégories dans ce débat essentiel, qui a le mérite de porter sur les fondements mêmes de l’histoire de ce pays pris en otage. Et si, comme on croit l’avoir compris, le pouvoir est en train de faire rédiger une «réponse» au livre de Saïd Sadi, c’est qu’il y a panique à bord du Titanic.
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/11/article.php?sid=98418&cid=8
aokas-aitsmail- Nombre de messages : 1819
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Azul- Nombre de messages : 29959
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