Dé-jeûneurs en paix ! Par Arezki Metref
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Dé-jeûneurs en paix ! Par Arezki Metref
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Au secours, je cale. Je n'arrive pas à cerner les tenants et les aboutissants de ce qui s'est passé le 3 août dernier à Tizi-Ouzou. Tu sais, les dé-jeûneurs du Rond-Point Matoub-Lounès, la dépêche de l'APS digne des morceaux d'anthologie de la manipulation et de la désinformation dans le style Protocole des Sages de Sion(1), un faux fabriqué par l'Okhrana, la police secrète tsariste, la réaction écumeuse des salafistes, les polémiques gigognes qui s'en sont suivies, l'intenable posture des démocrates face à cet événement que d'aucuns d'entre eux ont traité de non-événement pour s'exonérer d'une implication... vieux truc de Ponce Pilate !
Bref, trop de paramètres à intégrer en même temps pour quelqu'un comme moi qui, à l'instar de mon pays, se tasse en attendant que ça se passe(2).
Un coup de poing, un réveil brutal dans la torpeur névrotique du ramadan, faut reconnaître ! Au début pourtant, cela paraissait simple. Je veux dire simple à comprendre, pas forcément à entreprendre. Et sans doute, tout est-il dans cette nuance : comprendre et entreprendre. A défaut d'être capable des deux, on se contenterait bien de l'un ou de l'autre.
Le décor est basique à l'origine. Je ne reviendrai pas sur l'arasement salafiste du pays, il est visible à l'œil nu. Inutile de gloser non plus sur l'infiltration par le moindre interstice de l'Etat boutefliko-réconciliateur par l'islamisme polychrome dopé par ses supporters aux commandes en la personne de Belkhadem et de ses pléthoriques épigones. Pas plus besoin de répéter le processus qui petit à petit, une compromission après l'autre, mena à l'abdication opportuniste de toute critique rationaliste laissant le pays se recouvrir d'un voile salafiste tissé d'un islam radical dans son intolérance et dans sa violence, et superficiel dans sa spiritualité(3), de triche tous azimuts, de magouilles bénies par des pèlerinages à répétition et par l'incantation liturgique, d'affairisme de bas étage, de corruption corrigée par des hadiths apocryphes. Ce cocktail exotique fait d'ingrédients nationalo-islamo-mafieux semble avoir la vertu sédative d'apaiser toute blessure de la conscience nationale, a fortiori quand elle se veut citoyenne. Au contraire, ce cocktail inédit ne laisse aucune place à la conscience nationale et citoyenne troquée contre le panurgisme de la Ouma, la quiétude du troupeau se vouant à la clémence et à la miséricorde du berger. On trouve les clés du paradis où l’on peut !
Achetés(4), corrompus par le système, marginalisés, assassinés, humiliés, poussés au silence ou à l'exil, parfois dressés comme des cerbères à attaquer quiconque s'en prend à la niche, dégoûtés, les opposants républicains et rationalistes ne prodiguent plus cette analyse critique, cette action politique salvatrice qui pouvait empêcher que la marche du pays vers son avenir trouve une autre alternative que la rotation jubilatoire et vaine du derviche tourneur. Tourner en rond ? Si ce n'était que ça ! Il y a toujours les vigiles de service pour dégotter la «main de l'étranger», le complot de l'impérialisme, partout où pulse la revendication populaire ou la protestation. Le pouvoir peut dormir sur ses deux oreilles, les chouf veillent au grain ! Mais ils ne voient pas, ces guetteurs démocrates. Non, ils ne zyeutent que ce qu'ils veulent.
On en arrive à ce stade ubuesque de niveau de corruption morale, de déréliction politique, d'aplatissement religieux, jadis raillés par Malek Bennabi(5), qu'il devient normal d'accepter comme une advenue fatale contre laquelle on ne peut rien, les groupes islamistes, les phalanges salafistes tuant, égorgeant, s'adonnant au rapt et à l'extorsion dans l'impunité, le pardon et même le paiement d'arriérés de salaires, décimant des villages entiers dans des sommets de barbarie inouïs. La décomposition morale et la dépréciation de l'Etat sont illustrées par le niveau du scandale Sonatrach, celui de l'affaire Khalifa et d’autres encore qui, un jour, vont surgir. Dans cet effritement total des valeurs morales et politiques d'un Etat et d'une nation qui fragilisent l'édifice au point où il menace ruine, à quoi s'occupent certains de nos démocrates ? Eh bien, à prendre le temps de décréter que la manifestation des dé-jeûneurs de Tizi Ouzou est non seulement un non-événement mais que ce non-événement est dangereux car il constitue une provocation.
Ils n'ont pas peur du paradoxe : depuis quand un non-événement est-il donc dangereux ? Et si provocation il y a, qui vise-t-elle et surtout est-elle, cette provocation, d'une teneur amorale plus grande que les meurtres et la corruption à grande échelle qui sont devenus le quotidien et la marque de notre pays ? Un bouffeur de sandwich est-il plus dangereux que les mastiqueurs de milliards de dollars de Sonatrach. Faut savoir ce que tu dénonces, démocrate !
Et puis voilà que, par je ne sais quelle erreur d’aiguillage, on en oublie le fait, 500 Algériens bravant le tabou pour clamer leur désir de liberté de conscience, pour en venir au commentaire, voire au procès : celui du MAK.
Personnellement, si ça intéresse quelqu’un, j’avoue que je ne suis prêt ni émotionnellement ni rationnellement aux solutions proposées par le MAK. Cependant, je pense que c’est une façon de voir qui a le droit de s’exprimer et qui, mieux, met peut-être le doigt là où cela fait mal. Il a violé un tabou de première. Au bas mot, cela booste la réflexion. Mais ne faut-il pas déplorer justement que le «normal» qui devient le credo de l’Algérien qui ne voit pas au-delà du bout de son nez, fait tout accepter, sauf le MAK. On n’a rien à redire sur les plus de 120 morts du Printemps noir, mais on s’offusque d’une déclaration du MAK. Des morts, oui, des mots, non ?
Pendant qu’on s’en prend allégrement aux dé-jeûneurs, on oublie cette floraison offensive de groupes islamistes légaux et illégaux, violents verbalement ou réellement. On ne dit rien de ces partis de pouvoir qui se cramponnent à la mamelle, le bâton dans une main et le Coran dans l'autre, absolvant des infamies comme ces grands scandales qui entachent jusqu’à l’idée que l’Algérien intègre se fait de son pays. Non, ces scandales ne sont pas rachetés par la construction de mosquées pharaoniques et l'envoi d'ouailles déguisées en artistes pour l'accession à la dignité de hadj. Pauvre trésor public et pauvre titre de hadj !
On ne souffle mot de la violence et de la corruption que le système pratique et génère, l'inquisition qu'il favorise en acceptant que sa police et sa justice se dévouent à des commandements anticonstitutionnels.
Des citoyens attachés à la défense des droits de l’homme ont décidé d'une action pacifique pour exprimer leur ras-le-bol de l'inquisition. Par une action spectaculaire et transgressive, ils voulaient dénoncer cette étrange collusion entre les forces de l'ordre et des délateurs islamistes, ces derniers repérant les citoyens qui, dans l'espace privé, mettent en pratique leur liberté de conscience en n'observant pas le ramadan, pour que la police ou la gendarmerie les mènent devant la justice. Comme si, dans ce pays gangrené par le terrorisme et la délinquance, ou à-peu-près aucune loi n'est respectée, les forces de l'ordre n'avaient rien d'autre à faire qu'à traquer, au nom d'une règle nulle part écrite, les dé-jeûneurs !
«Insupportable provocation» ont derechef clamé les saintes nitouches de la démocratie(6). «Pas possible que ça vienne d’eux, c’est un coup de l’impérialisme niché derrière les évangélistes et les vendus du MAK», surenchérissent leurs voisins. «Ça sert à quoi, on fait quoi après», tempèrent les réalistes de l’immobilisme comme si un acte politique de rupture devait décliner, en amont déjà, la totalité de ses effets.
Le courage et la détermination des dé-jeûneurs de Tizi-Ouzou a, qu’on le veuille ou non, éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel non pas serein mais anesthésié. Les réactions les plus violentes, en tout cas les moins compréhensibles, ont surgi des démocrates à mi-temps qui tant ostracisent la Kabylie qu’ils se méfient d’instinct de tout ce qui s’y passe. Fiction : si une telle manifestation avait eu lieu dans une autre ville d’Algérie, aurait-elle fait autant de gorges chaudes ? Cela aurait, au contraire, suscité l’enthousiasme combattant et les discours lyriques sur l’éveil de l’Algérie algérienne, le recul de l’obscurantisme et de l’inquisition…Tandis que là ! La manifestation a eu lieu à Tizi-Ouzou. Nous savons tous qu’elle ne pouvait avoir lieu que là, pas ailleurs. Au-delà de la teinture étroitement kabyle que certains courants ont voulu lui imprimer, ce coup de colère contre l’inquisition concerne évidemment tous les citoyens, où qu’ils soient, qui sentent leur conscience violée et leurs libertés fondamentales entravées. Que ceux qui demandent aux militants des libertés qui manifestent en Kabylie de se dépasser commencent par le faire eux-mêmes.
A. M.
(1) Peut-être que la comparaison est fort de café, comme on dit, mais cette dépêche de l’APS censée relater le dé-jeûner du 3 août a sciemment joué sur le faux pour passer un message défavorable à l’initiative. Buveurs de bière, chrétiens, tous les mots porteurs de rejet épidermique et de réaction hystérique favorisée par le ramadan ont été utilisés dans le but évident de salir les manifestants et de dresser l’opinion contre eux. La manifestation n’est pas présentée pour ce qu’elle est, un acte de défense d’une liberté, mais une sorte d’orgie condamnable. De ce point de vue, la dépêche recherchait le même effet que le Protocole de l’Okhrana qui visait à attirer la répression du pouvoir tsariste sur la communauté juive.
(2) Humour «fellagien», autodérision ? Peut-être !
(3) Le hasard faisant bien les choses, je relis Mohamed Arkoun qui a consacré sa vie à étudier les conditions pour l’Islam de réussir l’aggiornamento pour qu’il aborde l’avenir non pas dans la violence et le repli sur soi mais dans la pluralité et la spiritualité. Cette dernière lui fait aujourd’hui cruellement défaut, reconnaissait Arkoun. La religion est caricaturée en vulgate, vidée de sa transcendance, manipulée à outrance.
(4) Ils se reconnaîtront, ou pas.
(5) Au vu de son itinéraire bien décrit dans l’ouvrage de Belaïd Abane sur l’affaire Abane Ramdane, et en regard de certains de ses écrits, je pensais ne jamais devoir citer Bennabi. Comme quoi, il ne faut pas jurer à la fontaine qu’on ne boirait pas de son eau. Dans des chroniques publiées dans Révolution Africaine en 1963-1964, Bennabi fustigeait la régression qui consistait non pas à voler par exemple mais à trouver que le vol n’est pas choquant. Cette idée est l’ancêtre de cette panacée qui s’exprime dans cette appréciation devenue, dans l’Algérie qui marche sur la tête, passe-partout : normal ! Normal ! Tout ce qui arrive est normal ! Les pires crimes, c’est normal !
(6) Effaré par certains commentaires parus dans la presse ou surtout sur Internet, lieu, il est vrai, de toutes les outrances et de toutes les lâchetés.
arezkimetref@free.fr
Au secours, je cale. Je n'arrive pas à cerner les tenants et les aboutissants de ce qui s'est passé le 3 août dernier à Tizi-Ouzou. Tu sais, les dé-jeûneurs du Rond-Point Matoub-Lounès, la dépêche de l'APS digne des morceaux d'anthologie de la manipulation et de la désinformation dans le style Protocole des Sages de Sion(1), un faux fabriqué par l'Okhrana, la police secrète tsariste, la réaction écumeuse des salafistes, les polémiques gigognes qui s'en sont suivies, l'intenable posture des démocrates face à cet événement que d'aucuns d'entre eux ont traité de non-événement pour s'exonérer d'une implication... vieux truc de Ponce Pilate !
Bref, trop de paramètres à intégrer en même temps pour quelqu'un comme moi qui, à l'instar de mon pays, se tasse en attendant que ça se passe(2).
Un coup de poing, un réveil brutal dans la torpeur névrotique du ramadan, faut reconnaître ! Au début pourtant, cela paraissait simple. Je veux dire simple à comprendre, pas forcément à entreprendre. Et sans doute, tout est-il dans cette nuance : comprendre et entreprendre. A défaut d'être capable des deux, on se contenterait bien de l'un ou de l'autre.
Le décor est basique à l'origine. Je ne reviendrai pas sur l'arasement salafiste du pays, il est visible à l'œil nu. Inutile de gloser non plus sur l'infiltration par le moindre interstice de l'Etat boutefliko-réconciliateur par l'islamisme polychrome dopé par ses supporters aux commandes en la personne de Belkhadem et de ses pléthoriques épigones. Pas plus besoin de répéter le processus qui petit à petit, une compromission après l'autre, mena à l'abdication opportuniste de toute critique rationaliste laissant le pays se recouvrir d'un voile salafiste tissé d'un islam radical dans son intolérance et dans sa violence, et superficiel dans sa spiritualité(3), de triche tous azimuts, de magouilles bénies par des pèlerinages à répétition et par l'incantation liturgique, d'affairisme de bas étage, de corruption corrigée par des hadiths apocryphes. Ce cocktail exotique fait d'ingrédients nationalo-islamo-mafieux semble avoir la vertu sédative d'apaiser toute blessure de la conscience nationale, a fortiori quand elle se veut citoyenne. Au contraire, ce cocktail inédit ne laisse aucune place à la conscience nationale et citoyenne troquée contre le panurgisme de la Ouma, la quiétude du troupeau se vouant à la clémence et à la miséricorde du berger. On trouve les clés du paradis où l’on peut !
Achetés(4), corrompus par le système, marginalisés, assassinés, humiliés, poussés au silence ou à l'exil, parfois dressés comme des cerbères à attaquer quiconque s'en prend à la niche, dégoûtés, les opposants républicains et rationalistes ne prodiguent plus cette analyse critique, cette action politique salvatrice qui pouvait empêcher que la marche du pays vers son avenir trouve une autre alternative que la rotation jubilatoire et vaine du derviche tourneur. Tourner en rond ? Si ce n'était que ça ! Il y a toujours les vigiles de service pour dégotter la «main de l'étranger», le complot de l'impérialisme, partout où pulse la revendication populaire ou la protestation. Le pouvoir peut dormir sur ses deux oreilles, les chouf veillent au grain ! Mais ils ne voient pas, ces guetteurs démocrates. Non, ils ne zyeutent que ce qu'ils veulent.
On en arrive à ce stade ubuesque de niveau de corruption morale, de déréliction politique, d'aplatissement religieux, jadis raillés par Malek Bennabi(5), qu'il devient normal d'accepter comme une advenue fatale contre laquelle on ne peut rien, les groupes islamistes, les phalanges salafistes tuant, égorgeant, s'adonnant au rapt et à l'extorsion dans l'impunité, le pardon et même le paiement d'arriérés de salaires, décimant des villages entiers dans des sommets de barbarie inouïs. La décomposition morale et la dépréciation de l'Etat sont illustrées par le niveau du scandale Sonatrach, celui de l'affaire Khalifa et d’autres encore qui, un jour, vont surgir. Dans cet effritement total des valeurs morales et politiques d'un Etat et d'une nation qui fragilisent l'édifice au point où il menace ruine, à quoi s'occupent certains de nos démocrates ? Eh bien, à prendre le temps de décréter que la manifestation des dé-jeûneurs de Tizi Ouzou est non seulement un non-événement mais que ce non-événement est dangereux car il constitue une provocation.
Ils n'ont pas peur du paradoxe : depuis quand un non-événement est-il donc dangereux ? Et si provocation il y a, qui vise-t-elle et surtout est-elle, cette provocation, d'une teneur amorale plus grande que les meurtres et la corruption à grande échelle qui sont devenus le quotidien et la marque de notre pays ? Un bouffeur de sandwich est-il plus dangereux que les mastiqueurs de milliards de dollars de Sonatrach. Faut savoir ce que tu dénonces, démocrate !
Et puis voilà que, par je ne sais quelle erreur d’aiguillage, on en oublie le fait, 500 Algériens bravant le tabou pour clamer leur désir de liberté de conscience, pour en venir au commentaire, voire au procès : celui du MAK.
Personnellement, si ça intéresse quelqu’un, j’avoue que je ne suis prêt ni émotionnellement ni rationnellement aux solutions proposées par le MAK. Cependant, je pense que c’est une façon de voir qui a le droit de s’exprimer et qui, mieux, met peut-être le doigt là où cela fait mal. Il a violé un tabou de première. Au bas mot, cela booste la réflexion. Mais ne faut-il pas déplorer justement que le «normal» qui devient le credo de l’Algérien qui ne voit pas au-delà du bout de son nez, fait tout accepter, sauf le MAK. On n’a rien à redire sur les plus de 120 morts du Printemps noir, mais on s’offusque d’une déclaration du MAK. Des morts, oui, des mots, non ?
Pendant qu’on s’en prend allégrement aux dé-jeûneurs, on oublie cette floraison offensive de groupes islamistes légaux et illégaux, violents verbalement ou réellement. On ne dit rien de ces partis de pouvoir qui se cramponnent à la mamelle, le bâton dans une main et le Coran dans l'autre, absolvant des infamies comme ces grands scandales qui entachent jusqu’à l’idée que l’Algérien intègre se fait de son pays. Non, ces scandales ne sont pas rachetés par la construction de mosquées pharaoniques et l'envoi d'ouailles déguisées en artistes pour l'accession à la dignité de hadj. Pauvre trésor public et pauvre titre de hadj !
On ne souffle mot de la violence et de la corruption que le système pratique et génère, l'inquisition qu'il favorise en acceptant que sa police et sa justice se dévouent à des commandements anticonstitutionnels.
Des citoyens attachés à la défense des droits de l’homme ont décidé d'une action pacifique pour exprimer leur ras-le-bol de l'inquisition. Par une action spectaculaire et transgressive, ils voulaient dénoncer cette étrange collusion entre les forces de l'ordre et des délateurs islamistes, ces derniers repérant les citoyens qui, dans l'espace privé, mettent en pratique leur liberté de conscience en n'observant pas le ramadan, pour que la police ou la gendarmerie les mènent devant la justice. Comme si, dans ce pays gangrené par le terrorisme et la délinquance, ou à-peu-près aucune loi n'est respectée, les forces de l'ordre n'avaient rien d'autre à faire qu'à traquer, au nom d'une règle nulle part écrite, les dé-jeûneurs !
«Insupportable provocation» ont derechef clamé les saintes nitouches de la démocratie(6). «Pas possible que ça vienne d’eux, c’est un coup de l’impérialisme niché derrière les évangélistes et les vendus du MAK», surenchérissent leurs voisins. «Ça sert à quoi, on fait quoi après», tempèrent les réalistes de l’immobilisme comme si un acte politique de rupture devait décliner, en amont déjà, la totalité de ses effets.
Le courage et la détermination des dé-jeûneurs de Tizi-Ouzou a, qu’on le veuille ou non, éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel non pas serein mais anesthésié. Les réactions les plus violentes, en tout cas les moins compréhensibles, ont surgi des démocrates à mi-temps qui tant ostracisent la Kabylie qu’ils se méfient d’instinct de tout ce qui s’y passe. Fiction : si une telle manifestation avait eu lieu dans une autre ville d’Algérie, aurait-elle fait autant de gorges chaudes ? Cela aurait, au contraire, suscité l’enthousiasme combattant et les discours lyriques sur l’éveil de l’Algérie algérienne, le recul de l’obscurantisme et de l’inquisition…Tandis que là ! La manifestation a eu lieu à Tizi-Ouzou. Nous savons tous qu’elle ne pouvait avoir lieu que là, pas ailleurs. Au-delà de la teinture étroitement kabyle que certains courants ont voulu lui imprimer, ce coup de colère contre l’inquisition concerne évidemment tous les citoyens, où qu’ils soient, qui sentent leur conscience violée et leurs libertés fondamentales entravées. Que ceux qui demandent aux militants des libertés qui manifestent en Kabylie de se dépasser commencent par le faire eux-mêmes.
A. M.
(1) Peut-être que la comparaison est fort de café, comme on dit, mais cette dépêche de l’APS censée relater le dé-jeûner du 3 août a sciemment joué sur le faux pour passer un message défavorable à l’initiative. Buveurs de bière, chrétiens, tous les mots porteurs de rejet épidermique et de réaction hystérique favorisée par le ramadan ont été utilisés dans le but évident de salir les manifestants et de dresser l’opinion contre eux. La manifestation n’est pas présentée pour ce qu’elle est, un acte de défense d’une liberté, mais une sorte d’orgie condamnable. De ce point de vue, la dépêche recherchait le même effet que le Protocole de l’Okhrana qui visait à attirer la répression du pouvoir tsariste sur la communauté juive.
(2) Humour «fellagien», autodérision ? Peut-être !
(3) Le hasard faisant bien les choses, je relis Mohamed Arkoun qui a consacré sa vie à étudier les conditions pour l’Islam de réussir l’aggiornamento pour qu’il aborde l’avenir non pas dans la violence et le repli sur soi mais dans la pluralité et la spiritualité. Cette dernière lui fait aujourd’hui cruellement défaut, reconnaissait Arkoun. La religion est caricaturée en vulgate, vidée de sa transcendance, manipulée à outrance.
(4) Ils se reconnaîtront, ou pas.
(5) Au vu de son itinéraire bien décrit dans l’ouvrage de Belaïd Abane sur l’affaire Abane Ramdane, et en regard de certains de ses écrits, je pensais ne jamais devoir citer Bennabi. Comme quoi, il ne faut pas jurer à la fontaine qu’on ne boirait pas de son eau. Dans des chroniques publiées dans Révolution Africaine en 1963-1964, Bennabi fustigeait la régression qui consistait non pas à voler par exemple mais à trouver que le vol n’est pas choquant. Cette idée est l’ancêtre de cette panacée qui s’exprime dans cette appréciation devenue, dans l’Algérie qui marche sur la tête, passe-partout : normal ! Normal ! Tout ce qui arrive est normal ! Les pires crimes, c’est normal !
(6) Effaré par certains commentaires parus dans la presse ou surtout sur Internet, lieu, il est vrai, de toutes les outrances et de toutes les lâchetés.
insoumise- Nombre de messages : 1288
Date d'inscription : 28/02/2009
Re: Dé-jeûneurs en paix ! Par Arezki Metref
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/08/11/print-8-152530.php
insoumise- Nombre de messages : 1288
Date d'inscription : 28/02/2009
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