Entretien avec le général à la retraite Mohand-Tahar Yala : « Chaque jour qui passe nous rapproche du chaos »
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Entretien avec le général à la retraite Mohand-Tahar Yala : « Chaque jour qui passe nous rapproche du chaos »
Le 20 mai, dans votre contribution publiée dans El Watan et TSA, vous vous êtes interrogé sur ce qui a pu paralyser les « personnalités patriotiques » de ce pays et la raison de leur mutisme au moment où l’Algérie « était mise à mort ». Qu’est-ce peut motiver un militaire, un général à la retraite, à briser le silence aujourd’hui ?
Ce n’est pas seulement aujourd’hui que j’ai brisé le silence, mais il y a plus de deux ans. Je me permets de vous lire quelques extraits d’une contribution que je n’avais pu faire paraître qu’après plus d’un mois d’efforts et de contacts :
« Il faut absolument que le peuple algérien s’implique et se mobilise comme il a su le faire par le passé pour sauver son pays d’un péril possible et peut-être planifié…
… Le peuple algérien dans toutes ses composantes doit se mobiliser dans un mouvement national de citoyenneté et agir de façon déterminée pour arracher pacifiquement sa souveraineté…
L’Algérie appartient à tous les Algériens ! Tous les Algériens, quelle que soit leur appartenance partisane, quels que soient leurs particularismes. C’est notre unique pays ! Nous n’en avons aucun de rechange ! Nous sommes condamnés à d’abord le sauver des périls qui le menacent et ensuite à le construire pour permettre enfin son émergence et lui donner la place qu’il mérite au plan international. »
J’ai rappelé cette difficulté que j’avais de médiatiser mes positions parce que, déjà à l’époque, elles portaient sur les vrais problèmes. D’ailleurs, jusqu’à présent, j’ai toujours des difficultés à publier mes contributions dans la presse nationale en arabe. L’appel du 17 octobre 2012 devait passer dans un titre en arabe la veille de sa diffusion par El Watan, mais il a été retiré « des rotatives » à la dernière minute, vers 22h.
D’aucuns avancent qu’il existe bel et bien une volonté délibérée de confiner les expressions médiatiques du Mouvement de citoyenneté dans des espaces francophones, pour nous taxer, bien évidemment faussement, de je ne sais quel quolibet. Le Mouvement de citoyenneté est ancré sur toute l’étendue du territoire national. Le moment venu, sa composante humaine sera communiquée et édifiera plus d'un.
Enfin, je me suis interrogé sur ce qui a pu paralyser les personnalités patriotiques, tout en comprenant que chacun a ses raisons : les échecs précédents, la méconnaissance des dossiers, l’ambiance « Titanic » généralisée, etc.
En réalité, tout cela est la conséquence du fait que nous n’avons pas un Etat fort dans le vrai sens du terme, c'est-à-dire « un pouvoir fort et responsable, avec une opposition forte et crédible et une société civile active et participative ».
Vous proposez de mettre un terme au mandat du président Abdelaziz Bouteflika. A qui cette demande est-elle adressée ?
Je n’ai en aucun cas formulé le souhait de destituer le Président au sens « putschiste » du terme. Cependant, j’ai invité les forces patriotiques et nationalistes de mon pays à s’unir avec clairvoyance et courage, à mettre un terme à la saignée économique, à la dérive politique, à la clochardisation des institutions et au démantèlement de ce qui a constitué jusqu’à présent le socle de notre défense nationale, à savoir la sécurité de toutes nos frontières. Jusqu’à quelle situation chaotique devons-nous arriver pour sortir de notre réserve de spectateur désengagé et de mettre fin à la situation de non-Etat ?
Pour ce qui est du 4e mandat, il va de soi que les arguments du Mouvement de citoyenneté, pour justifier le souhait de ne pas voir l’actuel Président le briguer, sont contenus dans son propre bilan répertorié dans les annales négatives de l’Algérie depuis l’accès à son indépendance.
Le Mouvement de citoyenneté prône une Algérie forte et s’oppose fortement à tout ce qui affaiblit notre pays.
Vous accusez le Président de « haute trahison ». Vous le citer comme responsable et complice dans les scandales de corruption qui gangrènent l’économie nationale. Certains ont conclu que nous sommes là devant un pur cas de règlement de compte personnel d’un général mis à la retraite par le président encore en fonction…
Ne pensez surtout pas que j’éprouve une quelconque animosité et qu’il s’agisse d’un règlement de compte personnel suite à ma mise à la retraite.
Toutefois, je vous remercie d’avoir posé cette question et de m’offrir par là une tribune pour couper court à toutes les supputations à caractère subjectif. J’ai effectivement été mis à la retraite en 2005, après avoir passé 37 ans dans les rangs de l’ANP et après avoir accédé à toutes les hautes fonctions et grades du commandement de notre Marine nationale.
Cette période de 37 ans est un temps largement suffisant pour laisser place à la relève. Je ne vais pas aujourd’hui, parce qu’il s’agit de ma personne, me contredire par rapport à l’Appel du 17 octobre 2012, où j’ai écrit qu’il fallait dans notre Etat de Citoyenneté consacrer l’alternance à tous les niveaux et sans exclusive parce qu'aujourd’hui, les pays les plus puissants, les plus dynamiques et les plus prospères sont ceux qui voient périodiquement renouveler leurs dirigeants dans la tranche d’âge située entre 40 et 60 ans.
Les charges et les missions exclusivement militaires qui étaient les miennes jusqu’à 2005, respect de la légalité oblige, m’interdisaient de m’immiscer dans la prospection ou la gestion des dossiers civils. C’est après ma démobilisation et l’écoulement de la période légale de réserve que je me suis attelé à entreprendre ce à quoi j’ai déjà répondu.
En somme, si aujourd’hui j’ai un conflit, c’est avec la situation chaotique dans laquelle se retrouve notre Algérie.
Au chapitre économique, l’Algérie, selon vous, n’a pas su bénéficier de l’importante manne pétrolière depuis l’arrivée du président Bouteflika au pouvoir. Mais pour certains, la crise est antérieure au régime Bouteflika ?
Bien sûr, la crise est antérieure à 1999. J’ai mentionné dans mes interventions antérieures la panne des années 80 lorsque le pays avait découvert que sa sécurité économique dépendait d’une seule ressource exportable, les hydrocarbures, dont les cours ont brutalement chuté. Cette spirale de dépendance a été combattue, certes, mais très mollement, parce que, parfois, il y avait un manque de volonté politique, parfois une mauvaise appréciation de la situation et une absence d’anticipation et souvent un manque de ressources financières.
La crise est antérieure à 1999 parce que nous n’avons fait que remplacer l’économie d’enclave de l’époque coloniale en économie de la rente. Nous avons consommé les richesses du sous-sol qui appartiennent à plusieurs générations futures sans les transformer en richesses du sol qui pourraient leur parvenir.
Cependant, après 2005, l’Algérie avait les moyens financiers pour transformer radicalement son économie, au lieu de cela, c’est ce que j’ai dénoncé et largement développé dans ma dernière contribution qui a prévalu.
Mais pour beaucoup, l’institution militaire a une part de responsabilité dans cette crise multidimensionnelle à laquelle fait face le pays. Quelle est votre lecture ?
L’institution militaire a une part de responsabilité à travers ce qui découle de son sens de responsabilité, sens hérité de notre glorieuse ALN. La clarification conceptuelle que je donne au vocable responsabilité n’induit pas à un quelconque état des lieux comptable.
Si vous vous référez à des situations qu’a connues l’Algérie à des périodes sensibles de son existence, je vous réponds d’emblée que l’ANP en tant qu’institution a assumé ses responsabilités, souvent à son corps défendant.
Quel est le profil du candidat le mieux placé pour diriger le pays en 2014, selon vous ?
Votre question me rappelle les équations à plusieurs inconnues avec des paramètres aléatoires.
S’agissant du référent temporel 2014, je me suis attelé et je persiste à dire que chaque jour qui passe nous rapproche du chaos. Si un élan patriotique incubateur d’un changement immédiat s’impose, pourquoi attendre 2014 ?
S’agissant du profil du candidat, au sens du Mouvement de citoyenneté, il revient tout naturellement au peuple algérien d’en dessiner les contours. Au-delà des limites légales (âge, nationalité…) et ce qui est universellement admis en termes de compétence, d’honnêteté et de patriotisme, seul le peuple est à même de répondre au mieux à ce qu’il considère être son intérêt, et au-delà, l’intérêt suprême de l’Algérie.
Ce n’est pas seulement aujourd’hui que j’ai brisé le silence, mais il y a plus de deux ans. Je me permets de vous lire quelques extraits d’une contribution que je n’avais pu faire paraître qu’après plus d’un mois d’efforts et de contacts :
« Il faut absolument que le peuple algérien s’implique et se mobilise comme il a su le faire par le passé pour sauver son pays d’un péril possible et peut-être planifié…
… Le peuple algérien dans toutes ses composantes doit se mobiliser dans un mouvement national de citoyenneté et agir de façon déterminée pour arracher pacifiquement sa souveraineté…
L’Algérie appartient à tous les Algériens ! Tous les Algériens, quelle que soit leur appartenance partisane, quels que soient leurs particularismes. C’est notre unique pays ! Nous n’en avons aucun de rechange ! Nous sommes condamnés à d’abord le sauver des périls qui le menacent et ensuite à le construire pour permettre enfin son émergence et lui donner la place qu’il mérite au plan international. »
J’ai rappelé cette difficulté que j’avais de médiatiser mes positions parce que, déjà à l’époque, elles portaient sur les vrais problèmes. D’ailleurs, jusqu’à présent, j’ai toujours des difficultés à publier mes contributions dans la presse nationale en arabe. L’appel du 17 octobre 2012 devait passer dans un titre en arabe la veille de sa diffusion par El Watan, mais il a été retiré « des rotatives » à la dernière minute, vers 22h.
D’aucuns avancent qu’il existe bel et bien une volonté délibérée de confiner les expressions médiatiques du Mouvement de citoyenneté dans des espaces francophones, pour nous taxer, bien évidemment faussement, de je ne sais quel quolibet. Le Mouvement de citoyenneté est ancré sur toute l’étendue du territoire national. Le moment venu, sa composante humaine sera communiquée et édifiera plus d'un.
Enfin, je me suis interrogé sur ce qui a pu paralyser les personnalités patriotiques, tout en comprenant que chacun a ses raisons : les échecs précédents, la méconnaissance des dossiers, l’ambiance « Titanic » généralisée, etc.
En réalité, tout cela est la conséquence du fait que nous n’avons pas un Etat fort dans le vrai sens du terme, c'est-à-dire « un pouvoir fort et responsable, avec une opposition forte et crédible et une société civile active et participative ».
Vous proposez de mettre un terme au mandat du président Abdelaziz Bouteflika. A qui cette demande est-elle adressée ?
Je n’ai en aucun cas formulé le souhait de destituer le Président au sens « putschiste » du terme. Cependant, j’ai invité les forces patriotiques et nationalistes de mon pays à s’unir avec clairvoyance et courage, à mettre un terme à la saignée économique, à la dérive politique, à la clochardisation des institutions et au démantèlement de ce qui a constitué jusqu’à présent le socle de notre défense nationale, à savoir la sécurité de toutes nos frontières. Jusqu’à quelle situation chaotique devons-nous arriver pour sortir de notre réserve de spectateur désengagé et de mettre fin à la situation de non-Etat ?
Pour ce qui est du 4e mandat, il va de soi que les arguments du Mouvement de citoyenneté, pour justifier le souhait de ne pas voir l’actuel Président le briguer, sont contenus dans son propre bilan répertorié dans les annales négatives de l’Algérie depuis l’accès à son indépendance.
Le Mouvement de citoyenneté prône une Algérie forte et s’oppose fortement à tout ce qui affaiblit notre pays.
Vous accusez le Président de « haute trahison ». Vous le citer comme responsable et complice dans les scandales de corruption qui gangrènent l’économie nationale. Certains ont conclu que nous sommes là devant un pur cas de règlement de compte personnel d’un général mis à la retraite par le président encore en fonction…
Ne pensez surtout pas que j’éprouve une quelconque animosité et qu’il s’agisse d’un règlement de compte personnel suite à ma mise à la retraite.
Toutefois, je vous remercie d’avoir posé cette question et de m’offrir par là une tribune pour couper court à toutes les supputations à caractère subjectif. J’ai effectivement été mis à la retraite en 2005, après avoir passé 37 ans dans les rangs de l’ANP et après avoir accédé à toutes les hautes fonctions et grades du commandement de notre Marine nationale.
Cette période de 37 ans est un temps largement suffisant pour laisser place à la relève. Je ne vais pas aujourd’hui, parce qu’il s’agit de ma personne, me contredire par rapport à l’Appel du 17 octobre 2012, où j’ai écrit qu’il fallait dans notre Etat de Citoyenneté consacrer l’alternance à tous les niveaux et sans exclusive parce qu'aujourd’hui, les pays les plus puissants, les plus dynamiques et les plus prospères sont ceux qui voient périodiquement renouveler leurs dirigeants dans la tranche d’âge située entre 40 et 60 ans.
Les charges et les missions exclusivement militaires qui étaient les miennes jusqu’à 2005, respect de la légalité oblige, m’interdisaient de m’immiscer dans la prospection ou la gestion des dossiers civils. C’est après ma démobilisation et l’écoulement de la période légale de réserve que je me suis attelé à entreprendre ce à quoi j’ai déjà répondu.
En somme, si aujourd’hui j’ai un conflit, c’est avec la situation chaotique dans laquelle se retrouve notre Algérie.
Au chapitre économique, l’Algérie, selon vous, n’a pas su bénéficier de l’importante manne pétrolière depuis l’arrivée du président Bouteflika au pouvoir. Mais pour certains, la crise est antérieure au régime Bouteflika ?
Bien sûr, la crise est antérieure à 1999. J’ai mentionné dans mes interventions antérieures la panne des années 80 lorsque le pays avait découvert que sa sécurité économique dépendait d’une seule ressource exportable, les hydrocarbures, dont les cours ont brutalement chuté. Cette spirale de dépendance a été combattue, certes, mais très mollement, parce que, parfois, il y avait un manque de volonté politique, parfois une mauvaise appréciation de la situation et une absence d’anticipation et souvent un manque de ressources financières.
La crise est antérieure à 1999 parce que nous n’avons fait que remplacer l’économie d’enclave de l’époque coloniale en économie de la rente. Nous avons consommé les richesses du sous-sol qui appartiennent à plusieurs générations futures sans les transformer en richesses du sol qui pourraient leur parvenir.
Cependant, après 2005, l’Algérie avait les moyens financiers pour transformer radicalement son économie, au lieu de cela, c’est ce que j’ai dénoncé et largement développé dans ma dernière contribution qui a prévalu.
Mais pour beaucoup, l’institution militaire a une part de responsabilité dans cette crise multidimensionnelle à laquelle fait face le pays. Quelle est votre lecture ?
L’institution militaire a une part de responsabilité à travers ce qui découle de son sens de responsabilité, sens hérité de notre glorieuse ALN. La clarification conceptuelle que je donne au vocable responsabilité n’induit pas à un quelconque état des lieux comptable.
Si vous vous référez à des situations qu’a connues l’Algérie à des périodes sensibles de son existence, je vous réponds d’emblée que l’ANP en tant qu’institution a assumé ses responsabilités, souvent à son corps défendant.
Quel est le profil du candidat le mieux placé pour diriger le pays en 2014, selon vous ?
Votre question me rappelle les équations à plusieurs inconnues avec des paramètres aléatoires.
S’agissant du référent temporel 2014, je me suis attelé et je persiste à dire que chaque jour qui passe nous rapproche du chaos. Si un élan patriotique incubateur d’un changement immédiat s’impose, pourquoi attendre 2014 ?
S’agissant du profil du candidat, au sens du Mouvement de citoyenneté, il revient tout naturellement au peuple algérien d’en dessiner les contours. Au-delà des limites légales (âge, nationalité…) et ce qui est universellement admis en termes de compétence, d’honnêteté et de patriotisme, seul le peuple est à même de répondre au mieux à ce qu’il considère être son intérêt, et au-delà, l’intérêt suprême de l’Algérie.
Aokas Ultras- Nombre de messages : 4045
Date d'inscription : 28/02/2009
Re: Entretien avec le général à la retraite Mohand-Tahar Yala : « Chaque jour qui passe nous rapproche du chaos »
http://www.tsa-algerie.com/entretiens/item/690-entretien-avec-le-general-a-la-retraite-mohand-tahar-yala-chaque-jour-qui-passe-nous-rapproche-du-chaos
Aokas Ultras- Nombre de messages : 4045
Date d'inscription : 28/02/2009
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