Boualem Sansal: par le talent et pour l'honneur
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Boualem Sansal: par le talent et pour l'honneur
Ce n'est pas le prix Nobel de littérature mais cela y ressemble beaucoup. En recevant le 16 octobre 2011 le prix de la paix remis dans le plus grand regroupement littéraire d'Europe, Boualem Sansal a marqué trois points. Il a montré que la volonté et le talent sont plus forts que la censure dont il est victime dans son pays. Il a apporté la preuve que la démission et, hélas pour beaucoup, la compromission intellectuelles qui dévastent les rangs des élites algériennes n'étaient pas définitivement consommées. Enfin, il assume sans tergiverser les bases d'un débat politique sans concession réhabilitant les valeurs de liberté, de laïcité et d'universalité que beaucoup de cadres ont renié pour ne pas " choquer le peuple qui ne comprend rien". Car, en Algérie, le problème est dans cette perversion: non seulement nos élites n'ont pas joué leur rôle dans la cité mais elles se sont défaussées sur le peuple dont elles déplorent complaisamment une inculture qu'il faut savoir ménager.
Célébré dans le monde entier, Boualem Sansal a un statut, partagé avec lui par certains, assez singulier.
Curieusement ce ne sont ni les islamistes ni même les sbires du régime qui les accablent le plus. Les critiques les plus acerbes viennent des acteurs qui, n'ayant pas joué leur mission, s'emploient à disqualifier tous ceux qui ont pris le risque de se battre au moment où, plus par opportunisme que par peur, d'autres ont fait le choix d'accompagner les maîtres du moment. Du coup Sansal et quelques autres apparaissent comme des provocateurs qui traitent de problèmes marginaux pour faire parler d'eux; et s'ils venaient à être réprimés, c'est bien par ce qu'ils se mettent en difficulté par masochisme pour être vus. Renvoyant une image renversée d'eux-mêmes aux déserteurs de l'honneur, ces semeurs d'espoir sont littéralement honnis par ceux-là mêmes avec lesquels ils partagent leurs opinions. Le service minimum médiatique réservé en Algérie à un évènement littéraire majeur primant un auteur venant d'un pays qui, depuis les disparitions de Djaout et Mimouni, a littéralement disparu des annales culturelles mondiales (Yasmina Khadra étant, par ses propos politiques dénonçant son engagement littéraire, un cas à part) est un signe.
Depuis le "serment des barbares" à son dernier ouvrage la "rue Darwin" en passant par "le village de l'Allemand", Boualem Sansal s'est laissé porter par un souffle puissant et original qui devait l'habiter de tout temps. On connaissait la force de certains auteurs engagés; il y avait en face d'eux des plumes valorisées par l'esthétique du verbe mais la réussite des écrivains liant le talent avec le message militant a toujours été rare. Or Sansal n'avance pas avec son drapeau dans sa poche. Il dit avoir fait des choix et les défend publiquement. Il affiche ses convictions, déclare qu'il écrit pour dénoncer le mal et faire avancer ses idées voire faire éclater la vérité. Le pari est risqué. La lassitude, la répétition ou même de l'agacement induit par ce qui pourrait apparaître comme du sectarisme auraient mis à mal toute œuvre portée par autant d'engagements si elle n'était servi par la pertinence d'une alchimie artistique portée par une ferveur confinant à la témérité.
Les récits de Sansal sont un cri de douleur désabusée. Mais de cette lancinante souffrance se dégage étrangement une énergie qui transcende le renoncement. Les méandres de récits animés par des bouleversements qui structurent des destins d'hommes nés pour être destitués de leur âme, nous mettent devant nos faillites individuelles et collectives. Cette mise à nue est l'exact contraire des discours soporifiques officiels qui ont anesthésié deux générations. Et à chaque fois la magie opère. Ce sont nos petitesses, nos hontes, nos reniements, nos lâchetés et nos refoulements qui sont rachetés par ce courage qui nous apprend qu'il n'y pas d'avenir sans honneur et qu'il n'y a pas d'honneur sans vérité. Les héros de Sansal sont souvent ces anonymes misérables et petits qui nous représentent et qui nous ressemblent tant. Ils sont niés par une histoire frelatée dans laquelle, un peu comme l'avait voulu les nazis, seuls les étalons et les slogans ont droit de cité. Mais ces images défroquées de nous-mêmes ont une humanité: ils ne cultivent ni prétention ni illusion, ce qui les rachètent aux yeux du lecteur dans un pays rongé par la cupidité.
Dans la rue Darwin, c'est d'un phalanstère, géré par une matrone devant qui se sont pâmés Ben Bella et Nacer, que renait la vertu des origines; celle à partir de laquelle l'homme, rendu à lui-même, peut enfin regarder les autres.
Sublime.
En attendant, le SILA (salon international du livre d’Alger) s'est tenu sans les livres de l'auteur algérien le plus lu dans le monde. La censure de la pensée unique est passée par là. Mais est-ce bien ce qu'il y a de plus préoccupant quand on sait que cette censure n'a provoqué aucune réaction de la part de littérateurs prêts à pétitionner à chaque fois que la communauté internationale bouscule un dictateur. C'est cet honneur exilé que Boualem Sansal rapatrie avec élégance et entêtement.
http://www.rcd-algerie.org/details_evenement.php?Rid=177&Aid=1082&titre=Boualem+Sansal%3A+par+le+talent+et+pour+l\%27honneur
Célébré dans le monde entier, Boualem Sansal a un statut, partagé avec lui par certains, assez singulier.
Curieusement ce ne sont ni les islamistes ni même les sbires du régime qui les accablent le plus. Les critiques les plus acerbes viennent des acteurs qui, n'ayant pas joué leur mission, s'emploient à disqualifier tous ceux qui ont pris le risque de se battre au moment où, plus par opportunisme que par peur, d'autres ont fait le choix d'accompagner les maîtres du moment. Du coup Sansal et quelques autres apparaissent comme des provocateurs qui traitent de problèmes marginaux pour faire parler d'eux; et s'ils venaient à être réprimés, c'est bien par ce qu'ils se mettent en difficulté par masochisme pour être vus. Renvoyant une image renversée d'eux-mêmes aux déserteurs de l'honneur, ces semeurs d'espoir sont littéralement honnis par ceux-là mêmes avec lesquels ils partagent leurs opinions. Le service minimum médiatique réservé en Algérie à un évènement littéraire majeur primant un auteur venant d'un pays qui, depuis les disparitions de Djaout et Mimouni, a littéralement disparu des annales culturelles mondiales (Yasmina Khadra étant, par ses propos politiques dénonçant son engagement littéraire, un cas à part) est un signe.
Depuis le "serment des barbares" à son dernier ouvrage la "rue Darwin" en passant par "le village de l'Allemand", Boualem Sansal s'est laissé porter par un souffle puissant et original qui devait l'habiter de tout temps. On connaissait la force de certains auteurs engagés; il y avait en face d'eux des plumes valorisées par l'esthétique du verbe mais la réussite des écrivains liant le talent avec le message militant a toujours été rare. Or Sansal n'avance pas avec son drapeau dans sa poche. Il dit avoir fait des choix et les défend publiquement. Il affiche ses convictions, déclare qu'il écrit pour dénoncer le mal et faire avancer ses idées voire faire éclater la vérité. Le pari est risqué. La lassitude, la répétition ou même de l'agacement induit par ce qui pourrait apparaître comme du sectarisme auraient mis à mal toute œuvre portée par autant d'engagements si elle n'était servi par la pertinence d'une alchimie artistique portée par une ferveur confinant à la témérité.
Les récits de Sansal sont un cri de douleur désabusée. Mais de cette lancinante souffrance se dégage étrangement une énergie qui transcende le renoncement. Les méandres de récits animés par des bouleversements qui structurent des destins d'hommes nés pour être destitués de leur âme, nous mettent devant nos faillites individuelles et collectives. Cette mise à nue est l'exact contraire des discours soporifiques officiels qui ont anesthésié deux générations. Et à chaque fois la magie opère. Ce sont nos petitesses, nos hontes, nos reniements, nos lâchetés et nos refoulements qui sont rachetés par ce courage qui nous apprend qu'il n'y pas d'avenir sans honneur et qu'il n'y a pas d'honneur sans vérité. Les héros de Sansal sont souvent ces anonymes misérables et petits qui nous représentent et qui nous ressemblent tant. Ils sont niés par une histoire frelatée dans laquelle, un peu comme l'avait voulu les nazis, seuls les étalons et les slogans ont droit de cité. Mais ces images défroquées de nous-mêmes ont une humanité: ils ne cultivent ni prétention ni illusion, ce qui les rachètent aux yeux du lecteur dans un pays rongé par la cupidité.
Dans la rue Darwin, c'est d'un phalanstère, géré par une matrone devant qui se sont pâmés Ben Bella et Nacer, que renait la vertu des origines; celle à partir de laquelle l'homme, rendu à lui-même, peut enfin regarder les autres.
Sublime.
En attendant, le SILA (salon international du livre d’Alger) s'est tenu sans les livres de l'auteur algérien le plus lu dans le monde. La censure de la pensée unique est passée par là. Mais est-ce bien ce qu'il y a de plus préoccupant quand on sait que cette censure n'a provoqué aucune réaction de la part de littérateurs prêts à pétitionner à chaque fois que la communauté internationale bouscule un dictateur. C'est cet honneur exilé que Boualem Sansal rapatrie avec élégance et entêtement.
http://www.rcd-algerie.org/details_evenement.php?Rid=177&Aid=1082&titre=Boualem+Sansal%3A+par+le+talent+et+pour+l\%27honneur
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