DERNIER LIVRE DE BOUALEM SANSAL : quand le talent et le courage scannent l’islamisme
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DERNIER LIVRE DE BOUALEM SANSAL : quand le talent et le courage scannent l’islamisme
Comme pour ne pas céder à l’ivresse de la gloire, comme pour rappeler leur devoir de parole aux élites musulmanes ( ou non ) fatiguées ou phagocytées par une déchéance morale socialisée, Boualem Sansal vient de reprendre place dans la communauté des citoyens avec un livre* sur l’islamisme et le pouvoir.
Un livre de plus ? Non. Le succès fulgurant rencontré par cet opuscule publié par Gallimard se prend comme une gifle : douloureux et vivifiant. L’expérience du fléau intégriste vécue par l’auteur a été reconstruite dans une approche plus générale fine et documentée qui plonge dans l’histoire ancienne et récente avec une rigueur qui ne renie ni l’empathie ni la lucidité. Il faut bien comprendre avant de décider.
Qu’est ce que l’islamisme ? De quels questionnements est-il né et quelles questions soulève-t-il aujourd’hui ? Est-il une affaire de musulmans ou interpelle-t-il l’Homme universel ? Quels sont ses leviers, des plus formels comme la religion, les médias ou les institutions aux plus informels comme la rue ? Quels rapports entretient-il avec une « nation arabe »virtuelle ? L’hétérogénéité et la complexité du phénomène sont appréhendées avec une érudition qui n’altère en rien une vulgarisation de bon aloi.
Tout y est. Ou presque. Car il y a un petit bémol. En considérant qu’à l’inverse de l’occident des pays comme la Chine, l’Afrique du sud ou le Brésil pourront composer sans grand dommage avec l’islamisme, Sansal définit des exceptions culturelles et territoriales qui ne semblent pas résister à une revanche islamiste compulsive qu’il a pourtant bien pressentie. Les paisibles Ouighours viennent de se singulariser par un feu d’artifice meurtrier à Tien An Men, des groupes islamistes radicaux indo-pakistanais ont été appréhendés au Cap et la communauté des négociants latino-américains d’origine syro-libanaise, dont on pensait qu’elle était définitivement intégrée, se laisse de plus enplus tentée par des recompositions communautaristes à connotation islamique. Cette réserve émise, on ne peut que recommander de mettre le dernier livre de Sansal entre les mains de tous les citoyens qui, perdus par les raccourcis, les manipulations, la peur, la colère ou l’angoisse, cherchent à mieux voir d’où vient et où peut mener une déferlante qui bouleverse le monde.
On ressort changé et plus aguerri après avoir lu la dernière page. On saisit mieux comment et pourquoi des pays comme l’Algérie qui firent du socialisme un « engagement irréversible » capitulèrent à la première estocade en s’accommodant des dérives conservatrices aux conséquences dramatiques.
Il a beau être célébré dans les universités du monde entier, il a beau accumuler les distinctions littéraires, Sansal reste le parfait reflet de l’Algérien ordinaire : comme tous ceux qui refusent de démissionner devant l’aveuglement suicidaire des dirigeants ou de désespérer de leur pays, il est honni par le pouvoir et diabolisé par les islamistes ; les deux craignant les hommes libres.
Camus qui fut vilipendé autant par les pieds noirs radicaux que les populistes du FLN n’a jamais renié son humanisme ;dût-il être malmené par les conjonctures politiques. Comme son illustre compatriote, Sansal sera certainement vilipendé par les intellectuels courtisans dont il déplore le silence complice devant les mutations de leur monde. Comme lui, il est en passe de marquer son temps.
Ali Graïchi
*Gouverner au nom d’Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe.
Gallimard sept 2013. 154 pages 12,50 euros
Un livre de plus ? Non. Le succès fulgurant rencontré par cet opuscule publié par Gallimard se prend comme une gifle : douloureux et vivifiant. L’expérience du fléau intégriste vécue par l’auteur a été reconstruite dans une approche plus générale fine et documentée qui plonge dans l’histoire ancienne et récente avec une rigueur qui ne renie ni l’empathie ni la lucidité. Il faut bien comprendre avant de décider.
Qu’est ce que l’islamisme ? De quels questionnements est-il né et quelles questions soulève-t-il aujourd’hui ? Est-il une affaire de musulmans ou interpelle-t-il l’Homme universel ? Quels sont ses leviers, des plus formels comme la religion, les médias ou les institutions aux plus informels comme la rue ? Quels rapports entretient-il avec une « nation arabe »virtuelle ? L’hétérogénéité et la complexité du phénomène sont appréhendées avec une érudition qui n’altère en rien une vulgarisation de bon aloi.
Tout y est. Ou presque. Car il y a un petit bémol. En considérant qu’à l’inverse de l’occident des pays comme la Chine, l’Afrique du sud ou le Brésil pourront composer sans grand dommage avec l’islamisme, Sansal définit des exceptions culturelles et territoriales qui ne semblent pas résister à une revanche islamiste compulsive qu’il a pourtant bien pressentie. Les paisibles Ouighours viennent de se singulariser par un feu d’artifice meurtrier à Tien An Men, des groupes islamistes radicaux indo-pakistanais ont été appréhendés au Cap et la communauté des négociants latino-américains d’origine syro-libanaise, dont on pensait qu’elle était définitivement intégrée, se laisse de plus enplus tentée par des recompositions communautaristes à connotation islamique. Cette réserve émise, on ne peut que recommander de mettre le dernier livre de Sansal entre les mains de tous les citoyens qui, perdus par les raccourcis, les manipulations, la peur, la colère ou l’angoisse, cherchent à mieux voir d’où vient et où peut mener une déferlante qui bouleverse le monde.
On ressort changé et plus aguerri après avoir lu la dernière page. On saisit mieux comment et pourquoi des pays comme l’Algérie qui firent du socialisme un « engagement irréversible » capitulèrent à la première estocade en s’accommodant des dérives conservatrices aux conséquences dramatiques.
Il a beau être célébré dans les universités du monde entier, il a beau accumuler les distinctions littéraires, Sansal reste le parfait reflet de l’Algérien ordinaire : comme tous ceux qui refusent de démissionner devant l’aveuglement suicidaire des dirigeants ou de désespérer de leur pays, il est honni par le pouvoir et diabolisé par les islamistes ; les deux craignant les hommes libres.
Camus qui fut vilipendé autant par les pieds noirs radicaux que les populistes du FLN n’a jamais renié son humanisme ;dût-il être malmené par les conjonctures politiques. Comme son illustre compatriote, Sansal sera certainement vilipendé par les intellectuels courtisans dont il déplore le silence complice devant les mutations de leur monde. Comme lui, il est en passe de marquer son temps.
Ali Graïchi
*Gouverner au nom d’Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe.
Gallimard sept 2013. 154 pages 12,50 euros
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Date d'inscription : 30/01/2009
Re: DERNIER LIVRE DE BOUALEM SANSAL : quand le talent et le courage scannent l’islamisme
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