Lhouarri Addi : l’intellect piégé par la tribu.
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Lhouarri Addi : l’intellect piégé par la tribu.
Lhouarri Addi : l’intellect piégé par la tribu.
Cette modeste réponse est destinée à monsieur Lhouarri Adi qui proposait, ou presque exigeait, dans certaines manchettes, francophones du reste, que l’on doit transcrire tamazight non pas en caractères latins, ou même en Tifinagh mais en caractères arabes.
Lhouarri Addi. Une frimousse sympathique, un début de calvitie ou la tentation d’un regard intellectuel que le statut de sociologue, de surcroit dans une université française (excusez du peu), suffit à hisser au rang d’intellectuel légitimé. Je m’explique : le bonhomme nous dit que le retour à la philosophie nous est inéluctable, à Kant surtout, car, les Spinoza, Nietzche, Descartes, Derrida et consorts ne doivent pas faire partie du lot. Pourquoi Kant spécifiquement? C’est simple, le sociologue ne peut se délester de tout le capital culturel et symbolique, dirait Bourdieu, qui en a fait le Addi tenté par la métaphysique que l’on connaît. Savez-vous, Kant est la référence philosophique de toutes les politiques qui puisent dans la religion une façon de regarder le monde. Du reste, d’aucuns plaident pour l’idée que le nazisme a puisé un tantinet dans le Kantisme.
Notre sociologue ne cesse jamais de brandir ses opinions, de se situer dans une théorie d’engagement, à la Sartre ou à la Bourdieu, de nous donner l’impression qu’il n’a cure des torrents qui charrient les convictions des hommes. Il nous parle d’un système algérien vermoulu qu’il faudrait vite refonder, d’un système éducatif qu’il faudrait remodeler, de généraux qui bradent les richesses du pays; bref, tout ce que l’on connaît et qui du reste ne dérange aucunement les gens du sérail. Un BHL que l’on dit philosophe des causes faciles, un BHL algérien… Et encore! BHL dérange de son engagement humaniste.
La preuve me diriez-vous! Eh bien, qu’est-ce que nous dit monsieur Lhouarri Addi sur la transcription de Tamazight? Où en est-il de cette clairvoyance propre aux intellectuels qui savent se distinguer du lot quand il s’agit de ne pas moutonner derrière les ouailles, le troupeau, le politiquement correct, le communément admis. En quoi une telle position est-elle singulière? Est-ce de ces raisonnements, que l’on a à la pelle d’ailleurs, que l’on a besoin? La quasi-majorité des arabophones algériens ne veulent rien savoir d’une autre transcription qui ne soit pas arabe. C’est la position du feu Tahar Ouettar qui considérait un Djaout, l’un des rares intellectuels algériens qui n’ont pas la langue dans la poche quand il s’agit de commettre une pensée, une perte pour la France. C’est pareillement la position d’un Athmane Saadi, chantre intrépide d’une arabisation totale et totalitaire, suis-je tenté de dire, qui, parait-il, a accueilli la révélation divine qu’il faille démonter la statut de la Kahina (Dihia), la femme païenne qui combattit les lumières de l’islam, plantée à Khenchla à la barbe d’un pays qui mange et respire goulûment le dogme. C’est la même position qu’un journal comme El Chourouk qui n’a jamais considéré les vrais fondateurs de la littérature algérienne, parce que francophones (Feraoun, Dib, Kateb, Mammeri, Amirouche…), comme algériens à part entière. C’est la même position qu’un Abou Djerra Soltani avec ses théories à deux neurones propres à atteindre tout ce qui survit de pire en l’homme, c’est enfin la même position qu’un état voyou engagé dans un processus d’idéologisation de tout ce qui bouge en Algérie. Un partage équitable de l’espace public, à moi le denier, dit-il aux islamistes, à toi l’espace pour flanquer la populace des ces œillères qui ne font voir aux baudets que la carotte.
Oui, faut-il s’en leurrer, que se cache-t-il en vrai derrière l’insistance Addienne et acolytes? Élaguer le tantinet de diversité qui brave l’unicité et les constantes érigées dogmes irréfragables, indépassables, intouchables, comme l’idée qu’Okba est venu brandissant œillets et arborant sourires. Ou comme cette autre idée saugrenue que notre révolution, aussi grande était-elle, était immaculée et a tout bonnement opposé les bons aux méchants. Ou encore cette dernière trouvaille qui nous dit qu’Amirouche était islamiste et que les Oulémas, bien qu’impassibles assimilationnistes, ont constitué le premier fil de liberté à oser pénétrer dans le chas de la révolution.
Une question : avez-vous réfléchi à votre trouvaille qui, dites-vous, est évidence, car allant de l’unité du pays (J’ai bien aimé la réplique d’Arezki Metref, l’un des rares intellectuels algériens qui osent encore brandir l’index de l’interrogation et qui ne végète pas dans les pâturages grillagés par le pouvoir en place). Croyez-vous sérieusement que, moi en tant que berbère, Kabyle de surcroit (car, faut-il le rappeler, sans la Kabylie je ne pense pas qu’on en parlerait aujourd’hui, en tout cas pas autant), j’ai le droit d’émettre une opinion aussi intransigeante sur le choix de la transcription du breton en France ou d’une langue autochtone en Amazonie, ou même de la transcription de la langue arabe en Algérie ? Je ne serais pas honnête intellectuellement. Je ne suis ni un breton ni un autochtone d’Amazonie ni un arabe d’Algérie. ça va de soi, j’aurais été fier si je n’étais pas ce que je suis, à savoir berbère qui se revendique pleinement et qui ne pense pas que l’histoire d’Algérie commence avec Okba. Vous pouvez me dire que justement la question chez eux ne se pose pas ou ne se pose plus. Je vous dirai je n’en ai cure, le problème est leur. Je vous dirai que la langue est un bien précieux, un sentiment qui fortifie, solidifie, rehausse mon appartenance, un olivier qui bruît à mon oreille, une amphore qui me renvoie jusque dans la fontaine de mon moi, une maisonnée qu’arpente une singulière histoire, une moisson qui édifie une harmonie, une mélodie qui respire une mémoire, un héritage qui me sied de transmettre à mes enfants comme il me semble. C’est dire qu’il n’appartient point à un quelconque prédicateur ou idéologue, à fortiori quand il ne parle pas ma langue ni n’en connaît les tenants et aboutissants ni, encore moins, n’en a jamais versé ni une larme ni n’en a émis une opinion osée, ou a tout le moins compatissante, quand les miens tombaient sous les balles assassines des caudataires de la négation.
Dites-moi qu’est-ce que vous avez épandu comme papiers de par les tribunes quand Mammeri, rare intellectuel algérien qui a choisi l’histoire au lieu d’une factice et conditionnée gloire, commettait son poème de Si Mohand Ou Mhand dans une université algérienne? le poème qui allait donner prétexte à une hécatombe sans précédent pour le simple fait que des hommes et des femmes avaient osé dire qu’il est une Algérie qui peut être autre chose qu’exclusivement arabe. Racontez-moi votre position quand 170 jeunes algériens kabyles (2001), un printemps durant, se faisaient canarder de par les venelles comme des lapereaux qui ravagent l’immense plantation de l’asservissement, sans que ça daigne fomenter n’était-ce qu’une discussion dans le parlement du viol qui aujourd’hui presse le président à intervenir dans l’affaire d’Aghrib et s’empresse lui-même à constituer une délégation parlementaire pour, nous ressasse-t-on, éteindre le feu de la fitna avant qu’il ne prenne, alors qu’il n’en est rien, puisque le but est d’asséner le coup fatal à ces rares velléités qui bravent le salafisme rompant à qui ne manque dans l’échiquier que la pièce kabyle. Tout le monde s’ingénie aujourd’hui à nous prodiguer la leçon du que faire de notre langue, alors que juste hier, même des enseignants universitaires, d’impavides défenseurs d’idées universelles, universalistes et universalisantes, juraient saints et dieu sait quoi qu’il n’a jamais été question d’une langue, bien mieux, ou pire (c’est selon) que nous n’avons jamais été des amazighs ni n’avons-nous eu une quelque histoire digne de noircir un quelque blanc dans un manuel pour mioches. Je me trompe! Il nous est encore interdit dans quelques patelins d’appeler nos enfants de quelques noms qui respirent trop une certaine idée de l’Afrique du nord. Vous me direz, mais quelle arrogance, bien des gens, du reste aussi berbères que nous, consentent à transcrire en arabe ma langue. Je vous rétorquerai que si vous étiez, vous, sociologue enseignant dans une université de prestige, pour la transcription en arabe, je ne crois pas que c’est à une appartenance lointaine totalement émergé dans la culture uniciste et uniformisante qui n’arrive même pas à désacraliser la langue pour en faire juste un outil de communication de décider du sort d’une langue pour laquelle des milliers de mamans ont souffert la perte d’un fils tombé dans un champ où tombent d’honneur ceux qui osent rêver et penser un horizon meilleur.
Je vous rassure, un argument de cette engeance ne vaut pas un rond. Car, je crains que vous ne puissiez pas puiser dans votre sociologie pour nous convaincre, la chose étant pour vous ce que l’hébreu pour moi. Du reste, Bouteflika en a eu l’idée bien avant : un référendum. Voyez-vous la connerie! Décider à je ne sais quelle wilaya si ma mère est berbère ou pas. Comme si l’on demandait aux islamistes ce qu’ils pensaient de l’égalité hommes femmes ou à moi sur la transcription idoine pour l’Arabie Saoudite! Quel lien y en a-t-il? Nul n’a le droit de penser le pays d’un autre, si vous voyez où je veux en venir. Car, le berbère est mon pays, ma patrie linguistique, dois-je le spécifier avant d’offenser les Constantistes. Un turc dirait sans doute la même chose s’il venait à discuter avec un perse. Dieu est pour tous, mais pour chacun son pays, pour chacun son pays linguistique. Tu as choisi l’arabe pour transcrire ta langue (le perse), j’ai choisi le latin pour la mienne. D’ailleurs, bizarre, je me demande si la latinisation linguistique turque ainsi que sa laïcisation pour l’espace public n’est pas pour quelque chose dans cette quasi-sanctification de la Turquie d’Erdogan d’aujourd’hui par les islamistes. Je ne crois pas que les islamistes rêvent de fouler le pas en Iran. En tout cas pas autant qu’à Ankara ou à Istanbul. Les crinières aux vents, les froufrous, les chevelures qui ondoient… Et si l’on émettait l’hypothèse, juste l’hypothèse, que le choix de la transcription dans les deux pays est pour l’enfoncement civilisationnel de l’un et l’émergence de l’autre. Une autre hypothèse : si Erdogan réussissait à rendre caduque l’influence de l’armée dans la protection de la laïcité turque, pour sûr, qu’il arabiserait, uniformiserait au nom de dieu et, apothéose, réinstaurerait le califat. Une question en découle pour les islamistes : croyez-vous que la Turquie est belle à cause d’Erdogan ou bien qu’Erdogan vous parait beau grâce à la Turquie? Dois-je m’expliquer sur le lien encore. Je vais tenter.
Primo, nos imminents linguistes, ceux qui avaient milité, enduré, avaient payé cher de leur personne, et non pas ceux qui sont venus cueillir le fruit mûr, accourir pour réserver les salons où ils craneront une histoire épique digne des contes de fées et ensuite caqueter à tout va que Thamazight est presque une branche de l’arabe, ont décidé de la transcription. Ou même s’ils tergiversent encore, je ne crois pas qu’il appartient à quiconque de psalmodier ses sourates quant à ce qui nous regarde. Secundo, quel est cet écervelé qui n’a pas encore compris que cette propagande est nourri par un islamisme rétrograde et anachronique qui veut dicter sa loi linguistique sacro-sainte exactement comme il a dicté ses merveilles lyriques (!) sur l’ultime servilité qui nous rehausse : la théocratie.
Lhouarri Addi, n’est pas un islamiste, loin s’en faut, du reste, avec un peu de recul, je lui reconnais quelques positions dignes, mais, la transcription de Tamazight en arabe, est-elle dénuée de tout penchant idéologique? À savoir qu’il est un arabophone qui a opté pour une position facile. Une position puisée dans son référent culturel initiatique qui empêche d’objectiver un regard. À croire que si l’on transcrivait tamazight en latin, on se situerait ipso facto dans une position qui légitime que l’autre décoche ses flèches pour nous designer suprême ennemi. Parce que la question, la vraie, la vérité, celle, disait Hugo, qui fait tout voir mais ne se laisse pas regarder, c’est cette incapacité endémique à considérer les lettres latines en dehors de cette langue d’ennemi colonisatrice et aliénatrice. Pour beaucoup, transcrire en latin c’est transcrire en français. La peur de se dissoudre, la peur d’avoir une langue concurrente au lieu de s’en réjouir, la peur d’arrêter de sortir des schèmes que les idéologues tracent au cordeau, la peur d’un jour qui respirerait un autre air. Quelle situation anecdotique! Hier, ils étaient tous contre Tamazight langue, aujourd’hui non seulement ils sont pour, mais, mieux, ils s’empressent à nous en dessiner les contours institutionnels et constitutionnels. Même les partis au pouvoir, les islamistes, les négateurs de tout acabit en font désormais leur cheval de Troie…
Et si l’on émettait une dernière hypothèse : on veut arabiser parce que c’est le chemin le plus facile pour islamiser. Non, je ne dis aucunement qu’arabe égal islamisme, car, si cette magnifique langue est jadis la langue de Abou El Alla El Maari, d’Averroès, d’Avicenne, d’Ibn Khaldoun, d’Ibn Arabi, d’El Jahiz, de Omar Khayyâm ou même d’Adonis aujourd’hui ou de Ahlam Moustaghanemi, eh bien, en Algérie, aujourd’hui, elle est celle d’Abou Jerra, de Chibane et de tous ces salafistes qui ont juré d’annihiler toute brise qui ne conflue pas dans l’océan empuanti de leur déraison.
Je conclus enfin : écrire le Tamazight dans l’alphabet arabe c’est le pousser à se suicider à petit feu. J’ai lu quelque part que le Kabyle est appelé à disparaître dans une cinquantaine d’années, dans un siècle tout au plus. Tragique comme est la tragédie de la civilisation touarègue que la citadinisation pousse aux derniers retranchements. L’école, l’hôpital, le marché, c’est ceux-là les rets tendus aux coureurs du vent. L’alphabet arabe multiplierait par cent le processus d’effacement. Autant dire que cinquante ans de plus seraient un rêve. Un rêve irréalisable.
Onelas
Cette modeste réponse est destinée à monsieur Lhouarri Adi qui proposait, ou presque exigeait, dans certaines manchettes, francophones du reste, que l’on doit transcrire tamazight non pas en caractères latins, ou même en Tifinagh mais en caractères arabes.
Lhouarri Addi. Une frimousse sympathique, un début de calvitie ou la tentation d’un regard intellectuel que le statut de sociologue, de surcroit dans une université française (excusez du peu), suffit à hisser au rang d’intellectuel légitimé. Je m’explique : le bonhomme nous dit que le retour à la philosophie nous est inéluctable, à Kant surtout, car, les Spinoza, Nietzche, Descartes, Derrida et consorts ne doivent pas faire partie du lot. Pourquoi Kant spécifiquement? C’est simple, le sociologue ne peut se délester de tout le capital culturel et symbolique, dirait Bourdieu, qui en a fait le Addi tenté par la métaphysique que l’on connaît. Savez-vous, Kant est la référence philosophique de toutes les politiques qui puisent dans la religion une façon de regarder le monde. Du reste, d’aucuns plaident pour l’idée que le nazisme a puisé un tantinet dans le Kantisme.
Notre sociologue ne cesse jamais de brandir ses opinions, de se situer dans une théorie d’engagement, à la Sartre ou à la Bourdieu, de nous donner l’impression qu’il n’a cure des torrents qui charrient les convictions des hommes. Il nous parle d’un système algérien vermoulu qu’il faudrait vite refonder, d’un système éducatif qu’il faudrait remodeler, de généraux qui bradent les richesses du pays; bref, tout ce que l’on connaît et qui du reste ne dérange aucunement les gens du sérail. Un BHL que l’on dit philosophe des causes faciles, un BHL algérien… Et encore! BHL dérange de son engagement humaniste.
La preuve me diriez-vous! Eh bien, qu’est-ce que nous dit monsieur Lhouarri Addi sur la transcription de Tamazight? Où en est-il de cette clairvoyance propre aux intellectuels qui savent se distinguer du lot quand il s’agit de ne pas moutonner derrière les ouailles, le troupeau, le politiquement correct, le communément admis. En quoi une telle position est-elle singulière? Est-ce de ces raisonnements, que l’on a à la pelle d’ailleurs, que l’on a besoin? La quasi-majorité des arabophones algériens ne veulent rien savoir d’une autre transcription qui ne soit pas arabe. C’est la position du feu Tahar Ouettar qui considérait un Djaout, l’un des rares intellectuels algériens qui n’ont pas la langue dans la poche quand il s’agit de commettre une pensée, une perte pour la France. C’est pareillement la position d’un Athmane Saadi, chantre intrépide d’une arabisation totale et totalitaire, suis-je tenté de dire, qui, parait-il, a accueilli la révélation divine qu’il faille démonter la statut de la Kahina (Dihia), la femme païenne qui combattit les lumières de l’islam, plantée à Khenchla à la barbe d’un pays qui mange et respire goulûment le dogme. C’est la même position qu’un journal comme El Chourouk qui n’a jamais considéré les vrais fondateurs de la littérature algérienne, parce que francophones (Feraoun, Dib, Kateb, Mammeri, Amirouche…), comme algériens à part entière. C’est la même position qu’un Abou Djerra Soltani avec ses théories à deux neurones propres à atteindre tout ce qui survit de pire en l’homme, c’est enfin la même position qu’un état voyou engagé dans un processus d’idéologisation de tout ce qui bouge en Algérie. Un partage équitable de l’espace public, à moi le denier, dit-il aux islamistes, à toi l’espace pour flanquer la populace des ces œillères qui ne font voir aux baudets que la carotte.
Oui, faut-il s’en leurrer, que se cache-t-il en vrai derrière l’insistance Addienne et acolytes? Élaguer le tantinet de diversité qui brave l’unicité et les constantes érigées dogmes irréfragables, indépassables, intouchables, comme l’idée qu’Okba est venu brandissant œillets et arborant sourires. Ou comme cette autre idée saugrenue que notre révolution, aussi grande était-elle, était immaculée et a tout bonnement opposé les bons aux méchants. Ou encore cette dernière trouvaille qui nous dit qu’Amirouche était islamiste et que les Oulémas, bien qu’impassibles assimilationnistes, ont constitué le premier fil de liberté à oser pénétrer dans le chas de la révolution.
Une question : avez-vous réfléchi à votre trouvaille qui, dites-vous, est évidence, car allant de l’unité du pays (J’ai bien aimé la réplique d’Arezki Metref, l’un des rares intellectuels algériens qui osent encore brandir l’index de l’interrogation et qui ne végète pas dans les pâturages grillagés par le pouvoir en place). Croyez-vous sérieusement que, moi en tant que berbère, Kabyle de surcroit (car, faut-il le rappeler, sans la Kabylie je ne pense pas qu’on en parlerait aujourd’hui, en tout cas pas autant), j’ai le droit d’émettre une opinion aussi intransigeante sur le choix de la transcription du breton en France ou d’une langue autochtone en Amazonie, ou même de la transcription de la langue arabe en Algérie ? Je ne serais pas honnête intellectuellement. Je ne suis ni un breton ni un autochtone d’Amazonie ni un arabe d’Algérie. ça va de soi, j’aurais été fier si je n’étais pas ce que je suis, à savoir berbère qui se revendique pleinement et qui ne pense pas que l’histoire d’Algérie commence avec Okba. Vous pouvez me dire que justement la question chez eux ne se pose pas ou ne se pose plus. Je vous dirai je n’en ai cure, le problème est leur. Je vous dirai que la langue est un bien précieux, un sentiment qui fortifie, solidifie, rehausse mon appartenance, un olivier qui bruît à mon oreille, une amphore qui me renvoie jusque dans la fontaine de mon moi, une maisonnée qu’arpente une singulière histoire, une moisson qui édifie une harmonie, une mélodie qui respire une mémoire, un héritage qui me sied de transmettre à mes enfants comme il me semble. C’est dire qu’il n’appartient point à un quelconque prédicateur ou idéologue, à fortiori quand il ne parle pas ma langue ni n’en connaît les tenants et aboutissants ni, encore moins, n’en a jamais versé ni une larme ni n’en a émis une opinion osée, ou a tout le moins compatissante, quand les miens tombaient sous les balles assassines des caudataires de la négation.
Dites-moi qu’est-ce que vous avez épandu comme papiers de par les tribunes quand Mammeri, rare intellectuel algérien qui a choisi l’histoire au lieu d’une factice et conditionnée gloire, commettait son poème de Si Mohand Ou Mhand dans une université algérienne? le poème qui allait donner prétexte à une hécatombe sans précédent pour le simple fait que des hommes et des femmes avaient osé dire qu’il est une Algérie qui peut être autre chose qu’exclusivement arabe. Racontez-moi votre position quand 170 jeunes algériens kabyles (2001), un printemps durant, se faisaient canarder de par les venelles comme des lapereaux qui ravagent l’immense plantation de l’asservissement, sans que ça daigne fomenter n’était-ce qu’une discussion dans le parlement du viol qui aujourd’hui presse le président à intervenir dans l’affaire d’Aghrib et s’empresse lui-même à constituer une délégation parlementaire pour, nous ressasse-t-on, éteindre le feu de la fitna avant qu’il ne prenne, alors qu’il n’en est rien, puisque le but est d’asséner le coup fatal à ces rares velléités qui bravent le salafisme rompant à qui ne manque dans l’échiquier que la pièce kabyle. Tout le monde s’ingénie aujourd’hui à nous prodiguer la leçon du que faire de notre langue, alors que juste hier, même des enseignants universitaires, d’impavides défenseurs d’idées universelles, universalistes et universalisantes, juraient saints et dieu sait quoi qu’il n’a jamais été question d’une langue, bien mieux, ou pire (c’est selon) que nous n’avons jamais été des amazighs ni n’avons-nous eu une quelque histoire digne de noircir un quelque blanc dans un manuel pour mioches. Je me trompe! Il nous est encore interdit dans quelques patelins d’appeler nos enfants de quelques noms qui respirent trop une certaine idée de l’Afrique du nord. Vous me direz, mais quelle arrogance, bien des gens, du reste aussi berbères que nous, consentent à transcrire en arabe ma langue. Je vous rétorquerai que si vous étiez, vous, sociologue enseignant dans une université de prestige, pour la transcription en arabe, je ne crois pas que c’est à une appartenance lointaine totalement émergé dans la culture uniciste et uniformisante qui n’arrive même pas à désacraliser la langue pour en faire juste un outil de communication de décider du sort d’une langue pour laquelle des milliers de mamans ont souffert la perte d’un fils tombé dans un champ où tombent d’honneur ceux qui osent rêver et penser un horizon meilleur.
Je vous rassure, un argument de cette engeance ne vaut pas un rond. Car, je crains que vous ne puissiez pas puiser dans votre sociologie pour nous convaincre, la chose étant pour vous ce que l’hébreu pour moi. Du reste, Bouteflika en a eu l’idée bien avant : un référendum. Voyez-vous la connerie! Décider à je ne sais quelle wilaya si ma mère est berbère ou pas. Comme si l’on demandait aux islamistes ce qu’ils pensaient de l’égalité hommes femmes ou à moi sur la transcription idoine pour l’Arabie Saoudite! Quel lien y en a-t-il? Nul n’a le droit de penser le pays d’un autre, si vous voyez où je veux en venir. Car, le berbère est mon pays, ma patrie linguistique, dois-je le spécifier avant d’offenser les Constantistes. Un turc dirait sans doute la même chose s’il venait à discuter avec un perse. Dieu est pour tous, mais pour chacun son pays, pour chacun son pays linguistique. Tu as choisi l’arabe pour transcrire ta langue (le perse), j’ai choisi le latin pour la mienne. D’ailleurs, bizarre, je me demande si la latinisation linguistique turque ainsi que sa laïcisation pour l’espace public n’est pas pour quelque chose dans cette quasi-sanctification de la Turquie d’Erdogan d’aujourd’hui par les islamistes. Je ne crois pas que les islamistes rêvent de fouler le pas en Iran. En tout cas pas autant qu’à Ankara ou à Istanbul. Les crinières aux vents, les froufrous, les chevelures qui ondoient… Et si l’on émettait l’hypothèse, juste l’hypothèse, que le choix de la transcription dans les deux pays est pour l’enfoncement civilisationnel de l’un et l’émergence de l’autre. Une autre hypothèse : si Erdogan réussissait à rendre caduque l’influence de l’armée dans la protection de la laïcité turque, pour sûr, qu’il arabiserait, uniformiserait au nom de dieu et, apothéose, réinstaurerait le califat. Une question en découle pour les islamistes : croyez-vous que la Turquie est belle à cause d’Erdogan ou bien qu’Erdogan vous parait beau grâce à la Turquie? Dois-je m’expliquer sur le lien encore. Je vais tenter.
Primo, nos imminents linguistes, ceux qui avaient milité, enduré, avaient payé cher de leur personne, et non pas ceux qui sont venus cueillir le fruit mûr, accourir pour réserver les salons où ils craneront une histoire épique digne des contes de fées et ensuite caqueter à tout va que Thamazight est presque une branche de l’arabe, ont décidé de la transcription. Ou même s’ils tergiversent encore, je ne crois pas qu’il appartient à quiconque de psalmodier ses sourates quant à ce qui nous regarde. Secundo, quel est cet écervelé qui n’a pas encore compris que cette propagande est nourri par un islamisme rétrograde et anachronique qui veut dicter sa loi linguistique sacro-sainte exactement comme il a dicté ses merveilles lyriques (!) sur l’ultime servilité qui nous rehausse : la théocratie.
Lhouarri Addi, n’est pas un islamiste, loin s’en faut, du reste, avec un peu de recul, je lui reconnais quelques positions dignes, mais, la transcription de Tamazight en arabe, est-elle dénuée de tout penchant idéologique? À savoir qu’il est un arabophone qui a opté pour une position facile. Une position puisée dans son référent culturel initiatique qui empêche d’objectiver un regard. À croire que si l’on transcrivait tamazight en latin, on se situerait ipso facto dans une position qui légitime que l’autre décoche ses flèches pour nous designer suprême ennemi. Parce que la question, la vraie, la vérité, celle, disait Hugo, qui fait tout voir mais ne se laisse pas regarder, c’est cette incapacité endémique à considérer les lettres latines en dehors de cette langue d’ennemi colonisatrice et aliénatrice. Pour beaucoup, transcrire en latin c’est transcrire en français. La peur de se dissoudre, la peur d’avoir une langue concurrente au lieu de s’en réjouir, la peur d’arrêter de sortir des schèmes que les idéologues tracent au cordeau, la peur d’un jour qui respirerait un autre air. Quelle situation anecdotique! Hier, ils étaient tous contre Tamazight langue, aujourd’hui non seulement ils sont pour, mais, mieux, ils s’empressent à nous en dessiner les contours institutionnels et constitutionnels. Même les partis au pouvoir, les islamistes, les négateurs de tout acabit en font désormais leur cheval de Troie…
Et si l’on émettait une dernière hypothèse : on veut arabiser parce que c’est le chemin le plus facile pour islamiser. Non, je ne dis aucunement qu’arabe égal islamisme, car, si cette magnifique langue est jadis la langue de Abou El Alla El Maari, d’Averroès, d’Avicenne, d’Ibn Khaldoun, d’Ibn Arabi, d’El Jahiz, de Omar Khayyâm ou même d’Adonis aujourd’hui ou de Ahlam Moustaghanemi, eh bien, en Algérie, aujourd’hui, elle est celle d’Abou Jerra, de Chibane et de tous ces salafistes qui ont juré d’annihiler toute brise qui ne conflue pas dans l’océan empuanti de leur déraison.
Je conclus enfin : écrire le Tamazight dans l’alphabet arabe c’est le pousser à se suicider à petit feu. J’ai lu quelque part que le Kabyle est appelé à disparaître dans une cinquantaine d’années, dans un siècle tout au plus. Tragique comme est la tragédie de la civilisation touarègue que la citadinisation pousse aux derniers retranchements. L’école, l’hôpital, le marché, c’est ceux-là les rets tendus aux coureurs du vent. L’alphabet arabe multiplierait par cent le processus d’effacement. Autant dire que cinquante ans de plus seraient un rêve. Un rêve irréalisable.
Onelas
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: Lhouarri Addi : l’intellect piégé par la tribu.
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laic-aokas- Nombre de messages : 14024
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