Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
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Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
By onelas
C’est Oscar Wilde qui disait que tout comme la poésie, la sculpture ou la peinture, la vie a ses chefs-d’œuvre précieux.
Il a plus que raison, il suffit de poser l’œil dans une des sculptures
de Zizi Smail pour s’apercevoir de la relation phobique qu’ont toujours
entretenu les religions monothéistes avec les arts reproducteurs de la
création : la photographie, la peinture ou encore la sculpture. Car,
l’art magnifie à tel point la copie que l’on est vite à douter de la
véracité de l’original. Le re-créateur qui rivalise avec le créateur.
Johann Joachim Winckelmann dit qu’une copie offre souvent plus de charme que la nature elle-même. Mais qu’en aurait-il dit si la création n’était pas sculptée dans la copie? La Joconde de Léonard de Vinci était-elle vraiment humaine
ou était-elle juste le sourire qui traversa le peintre pendant que la
palette s’ingéniait à reproduire le portrait? Entre nous, elle n’est pas
belle la nana. La preuve, on en est encore à interpréter le sourire.
C’est dire la dame asexuée. De Vinci a égaré de soi l’espace de la
création. Le sourire, c’est lui. On ne pense pas au sourire après la
plusieurs rencontres. Après cela on pense à mieux, à autre chose, à
déchiffrer le reste du corps. Les courbures par exemple, les jambes,
l’onctuosité d’une bouche, la fermeté d’un sein. Bref, le sourire
encense toute une sociologie. De Vinci a rivalisé dans la création.
Mieux, il a créé…
Michel Ange, raconte la légende, lorsqu’il a fignolé la plus célèbre
sculpture de l’histoire, Moïse en l’occurrence avec sa table des dix
commandements, s’était statufié à l’orée de son œuvre et lui dit
railleur: « Tu peux parler maintenant! ». Moïse ne parla pas
pour autant, mais les spécialistes ont en dit que jamais personne
n’avait réussi à mettre une âme dans du marbre comme le célèbre Toscan.
Michel Ange a réussi à imager dans notre subconscient le prophète qui
défia le Pharaon. Un être aussi baraqué avec un regard chargé
d’intelligence et de conviction afin que l’on puisse imaginer qu’il
était effectivement capable de faire atteindre à son peuple La terre promise.
Les vénitiens, eux, artistiquement, s’étaient hissés dans les cimes
en faisant de la nudité un sujet décomplexé, dé-tabouisé; un art, en
peinture surtout, qui honore la féminité. Mieux, plonge plus que jamais
la femme dans le mystère et le secret qui affole notre Libido… Le grecs
aussi, depuis des millénaires que les Venus peuplent les consciences
collectives et que les hommes en font des référents forts enracinés : la
sacralité du rapport qu’ont les hommes envers la femme, au nu, à la
femme qui n’est pas que féconde. Un rapport au corps qui décentre
totalement notre définition réductrice, nihiliste,surannée. Le corps
espace interdit qui couve des envies païennes. Corps rets indéfectible
pour les hommes pécheurs…
Je ne suis pas spécialiste des arts, loin s’en faut. Mais, j’avais
l’envie irrépressible de parler sur notre rapport au corps. Votre
rapport, le sien, le mien, car tout aussi jonché de complexes, d’îles
d’interdits et de miradors de mœurs.
C’est Tahar Ben Jelloun, le célèbre écrivain marocain et le seul maghrébin à avoir obtenu le Goncourt pour son roman La nuit sacrée
qui a dit qu’il préférait écrire dans la langue française, parce que la
langue arabe n’outrepassait pas sa condition. Je ne crois pas que c’est
en ces mots mais le sens est à peu près le même. Selon lui, le problème
par ailleurs ne se posa pas pour Mammeri et Kateb, l’arabe est d’abord
la langue du Coran et donc une langue littéraire qui craint d’offenser
et qui est guettée par la culpabilité. Voila, grosso modo pourquoi son
Français dans l’écriture ou pourquoi le choix de la langue de
l’altérité. Je résume en fait, car, le propos est autre, en tout cas
certainement plus étayé. On peut extrapoler comme il nous sied, mais ce
qu’il dit définit tant bien que mal le rapport qu’a le musulman en
général, surtout celui trempé dans un arabe à charge idéologique, avec
le corps, avec la féminité, avec la nudité, avec le vêtement
conséquemment. Puisqu’on a beau défendre le voile, son origine est
sexuelle. Voiler une femme parce qu’il y a la peur que la culture ne
suffise pas à épargner le viol, le déshonneur, le reproche. Et si on
approfondissait encore, on aboutirait à un homme, celui qui voile sa
femme, qui refuse de passer de la nature à la culture, pour reprendre
l’expression de Claude Levis Strauss je crois. Puisque la culture
suppose que le regard posé sur une femme n’est pas automatiquement
sexuel… enfin, c’est toute une histoire.
Si je veux en parler, c’est parce que il y a à peine quelque temps, je tombai sur un article intitulé Le Bouddha de Jade de Wat Dhammamongkok, Bangkok, Thaïlande.
Il parle de cette sculpture merveilleuse réalisée par Ismail Zizi et
Paolo Viaggi et qui fait la fierté de tout un peuple. Je n’en revenais
pas, l’article parlait de deux sculpteurs de renommée mondiale. Bien
entendu, ça va de soi le sculpteur italien, P. Viaggi, est très connu
chez lui, en Italie, mais, en Algérie, hormis dans un cercle restreint
du côté de la Basse Kabylie, le Sahel surtout, combien de gens
connaissent-ils le sculpteur Zizi Smail? Pas grand monde à ce que je
sache. On n’a cure de l’art. Du reste, c’est illicite disent les
islamistes qui ont pignon sur rue de plus en plus même en Kabylie.
Le Boudha de Jade réalisé par Smail Zizi et Paolo Viaggi en 1994 à Bangkok
«Il fallut alors trouver des sculpteurs capables de travailler
l’énorme bloc de jade. De retour à Bangkok, Phra Viriyang contacta son
ami le Professeur Amnuay, membre de l’Université Silpakorn à Bangkok,
afin qu’il l’assistât pour chercher un sculpteur. Son ami lui suggéra de
voyager jusqu’en Italie, les chances de trouver la personne
suffisamment qualifiée pour cette tâche étant plus que minimes en
Thaïlande. Phra Viriyang partit alors pour l’Italie, à Carrare plus
précisément (Carrare est connue mondialement pour ses sculpteurs de
marbre, et le marbre qui porte son nom). Il était accompagné du
Professeur Amnuay, de Madame Raana et de Monsieur Ronachai Sombuntham.
Ce n’est que la veille de leur retour vers la Thaïlande – à Carrare,
l’université était fermée pour les vacances et les sculpteurs qu’on leur
avait recommandés étaient introuvables - que par une coïncidence
heureuse, alors qu’il se promenait sur le marché avec ses collègues,
Phra Viriyang rencontra un vieil ami, Monsieur Troufix, qui l’emmena
voir deux sculpteurs célèbres de Carrare, Ismail Zizi et Paolo Viaggi.
Le jour suivant les deux sculpteurs étaient engagés pour façonner le
futur bouddha de jade.» http://www.eurojade.fr/fr/jade-bouddhas/bouddha-jade-wat-dammamongkol-bangkok-thailande.html
Tous les visiteurs de Bejaia connaissent quelques unes de ses
anciennes œuvres mais pas l’ouvrier, le sculpteur. Les sculptures de la
ville sont de lui. Celles qui ont survécu au moins. Au printemps noir de
Kabylie de 2001 entre autres. Puisque Les deux combattants prisonniers
n’ont pas résisté à notre amour irraisonné pour la sculpture! Il y
trône désormais un buisson rugueux au lieu du paysage de naguère qui,
quoiqu’en dise, était déjà un paysage. De ces sculptures, je crois qu’il
n’en reste que deux : celle où un combattant lève une main et indique
de son index le chemin et celle, je pense, avant le faubourg qui mène
vers la place Gueydon.
La question s’imposerait à n’importe qui d’entre nous. Suffit de
comparer les sculptures antérieures à l’exil du sculpteur à celles
depuis l’exil. La différence est criante et la question qui en découle
est évidente : comment a-t-il cheminé ainsi sans coup férir du masculin,
de l’ample vêtement, évasé et unicolore vers le féminin et la nudité?
La réponse, au-delà du fait qu’il ne pouvait le faire en Algérie, est
aussi complexe qu’intéressante. Il ne s’agit pas de trouver une réponse
simpliste, ni du reste une réponse tout court. La réponse appartient à
l’artiste, au sculpteur. Ce qui m’intéresse moi, enfin nous, est de dire
que le rapport au corps définit deux façons de regarder le monde : le
corps libre et le corps coupable.
Zizi Smail est parti ailleurs, y a exploré des outils sans doute
inédits dans l’expression sculpturale, la liberté d’aller aux tréfonds
de son être entre autres. Eh bien, il y a creusé, il en a sorti des
chefs d’œuvre. Le comble, toutes ses sculptures paraissent agir dans un
espace, exprimer une culture, la notre, aussi complexe que millénaire;
fouinent dans le nu mais hésitent à l’annoncer. Je me permets
d’interpréter l’une de ses sculptures comme une œuvre qui raconte le
vêtement comme un rempart qui empêche d’atteindre le corps, le profond
de l’être. La femme en est belle, hésitante, voire timide; le tissu lui
est un voile qui ne l’envoile pas cependant… mais qui la
féminise davantage. Je crois encore que comme dans le sourire de la
Joconde, Zizi Smail a égaré un peu de soi. Un peu d’enfance est tombé de
son marbre et a sculpté sa palette si puis m’exprimer ainsi. Même
l’autre sculpture, celle où le voile dissimule la tête, ne dit-elle pas
la féminité anonyme ou forcée à l’anonymat dans une société qui enfuit
la femme dans le vêtement du tabou? Une dualité féroce où le corps veut
dire mais le subconscient historique, culturel et cultuel lui refuse
l’expression? Le vêtement qui n’en fait pas une amazone, mais une
raseuse de murs, une amnésie dans le paysage.
Je crois que ce devait être compliqué pour notre sculpteur. À
chacune de ses tentatives pour outrepasser notre condition faite au
corps, il est interpellé par l’estuaire où confluent tous ses souvenirs.
Passer outre n’est pas chose aisée. À croire qu’il décide à chaque fois
d’aller jusqu’au bout de la nudité, et puis paf… un voile, un objet, un
geste pour cacher, dissimuler, hésiter à annoncer entièrement un corps.
Le résultat : notre sculpteur nous exprime dans notre complexité, dans
notre contradiction. La sculpture au dessous en est un exemple type: le Nous de la société et de l’histoire qui refuse l’entière nudité au Je du corps et de la liberté.
Un ami m’a dit que les sculptures de Zizi Smail avant son départ
vers l’ailleurs étaient belliqueuses : toutes des combattants va-t-on en
guerre. Je lui ai dit que c’était pire, c’étaient plutôt des
sculptures, sur le plan idée, le moins que l’on puisse dire est qu’elles
sont réfléchies dans une Quasma. Regarde un peu la couleur : militaire.
Les sculptés : tous des vieux ridés. Pour la sculpture de la mairie
d’Aokas, elle, il n’en a même pas été payé. Le sculpteur ne devait avoir
aucun choix. Fallait qu’il s’exécutât s’il voulait continuer à gagner
sa pitance. La nudité était une autre histoire et la Quasma en ces temps
pensait encore que nous étions incapables de porter un cerveau, encore
moins de réfléchir une patrie ou une identité artistiquement… Et c’est
là toute l’histoire : notre rapport à l’art. Un art qui ne sert qu’à la
guerre. Mon ami me dit que c’était cela, nous n’étions pas faits pour
l’indépendance, nous sommes faits pour la guerre justement.
Je crois que l’on ne peut comparer aussi simplement entre les œuvres
sculptées à Bejaia et celles en occident. Mais ça dit le grosso modo de
la chose : les sociétés qui se définissent dans le Je, entité et identité individuelle qui participe à l’édifice social, et les sociétés qui se définissent dans un Nous qui castre toute pulsion qui dépasse et qui impose de réfléchir massivement. Freud en a étalé les grands contours : le Surmoi (la société pour résumer) castre, annihile l’expression libre, pousse dans le troupeau, le Ça, et Le moi
donc, est créateur, a envie d’amour et de liberté. Quand on pense,
regarde l’art en ce qui nous concerne, le monde de la masse, on se barde
de défenses et d’interdits, mais quand on le regarde individuellement
on atteint des intériorités plus profondes… On se particularise, se
différencie, se diversifie, transcende les limites… pour s’enrichir
mutuellement.
- Smail Zizi, sculpteur.
- Né à Béjaia, Algérie.
- Diplomé des Beaux-Arts d’Alger et de Carrare.
- En 1973,il s’installa à Carrare pour développer sa recherche
artistique et surtout se perfectionner en taille directe sur marbre et
technique de fusion en bronze.
- Il particpera ensuite à de nombreuse manifestations artistiques: 1°
Biennale de LaSpezia, Cennacolo Buttini Carrara, “Scolpire all’ aperto”
Carrara, “Scolpire su pietra” Fannano ,Festival de sculpture à Aubagne
(France).
- Commissions privées à Boston,Dallas,New-York.
- Exposition personnelle à Alger.
- Réalisation de nombreuses statues monumentales dans de différentes
villes d’Algérie et de trois statues pour le Musée National de
l’Histoire d’Algérie.
- Monument pour l’Aviateur,Lunigiana(Massa-Carrara).
- En 1992, il fut choisi pour tailler la plus grande statue de Bouddah en jade,à Bangkok (Thailande).
- Expositions: Carrara, Pisa, Pontedera, Livorno et en Suisse.
- Premier Prix “Gronchi” de Sculpture Pontedera.
- Premier prix de sculpture “Premio Nazionale d’Arte citta di Livorno”,(Rotonda 2007).
- Prix Spécial à la Biennale Internationale de la Sculpture de Toyamura,Okkaido(Japon).
- Oeuvre choisie par la “Cassa di Risparmio di Carrara” offerte au
journaliste Lorenzo Cremonesi(Corriere della Sera) à l’occasion du
Festival “Con-vivere”.
Le site du sculpteur: http://www.zizismail.com/fra/biographie.html
Lounes. H
By onelas
C’est Oscar Wilde qui disait que tout comme la poésie, la sculpture ou la peinture, la vie a ses chefs-d’œuvre précieux.
Il a plus que raison, il suffit de poser l’œil dans une des sculptures
de Zizi Smail pour s’apercevoir de la relation phobique qu’ont toujours
entretenu les religions monothéistes avec les arts reproducteurs de la
création : la photographie, la peinture ou encore la sculpture. Car,
l’art magnifie à tel point la copie que l’on est vite à douter de la
véracité de l’original. Le re-créateur qui rivalise avec le créateur.
Johann Joachim Winckelmann dit qu’une copie offre souvent plus de charme que la nature elle-même. Mais qu’en aurait-il dit si la création n’était pas sculptée dans la copie? La Joconde de Léonard de Vinci était-elle vraiment humaine
ou était-elle juste le sourire qui traversa le peintre pendant que la
palette s’ingéniait à reproduire le portrait? Entre nous, elle n’est pas
belle la nana. La preuve, on en est encore à interpréter le sourire.
C’est dire la dame asexuée. De Vinci a égaré de soi l’espace de la
création. Le sourire, c’est lui. On ne pense pas au sourire après la
plusieurs rencontres. Après cela on pense à mieux, à autre chose, à
déchiffrer le reste du corps. Les courbures par exemple, les jambes,
l’onctuosité d’une bouche, la fermeté d’un sein. Bref, le sourire
encense toute une sociologie. De Vinci a rivalisé dans la création.
Mieux, il a créé…
Michel Ange, raconte la légende, lorsqu’il a fignolé la plus célèbre
sculpture de l’histoire, Moïse en l’occurrence avec sa table des dix
commandements, s’était statufié à l’orée de son œuvre et lui dit
railleur: « Tu peux parler maintenant! ». Moïse ne parla pas
pour autant, mais les spécialistes ont en dit que jamais personne
n’avait réussi à mettre une âme dans du marbre comme le célèbre Toscan.
Michel Ange a réussi à imager dans notre subconscient le prophète qui
défia le Pharaon. Un être aussi baraqué avec un regard chargé
d’intelligence et de conviction afin que l’on puisse imaginer qu’il
était effectivement capable de faire atteindre à son peuple La terre promise.
Les vénitiens, eux, artistiquement, s’étaient hissés dans les cimes
en faisant de la nudité un sujet décomplexé, dé-tabouisé; un art, en
peinture surtout, qui honore la féminité. Mieux, plonge plus que jamais
la femme dans le mystère et le secret qui affole notre Libido… Le grecs
aussi, depuis des millénaires que les Venus peuplent les consciences
collectives et que les hommes en font des référents forts enracinés : la
sacralité du rapport qu’ont les hommes envers la femme, au nu, à la
femme qui n’est pas que féconde. Un rapport au corps qui décentre
totalement notre définition réductrice, nihiliste,surannée. Le corps
espace interdit qui couve des envies païennes. Corps rets indéfectible
pour les hommes pécheurs…
Je ne suis pas spécialiste des arts, loin s’en faut. Mais, j’avais
l’envie irrépressible de parler sur notre rapport au corps. Votre
rapport, le sien, le mien, car tout aussi jonché de complexes, d’îles
d’interdits et de miradors de mœurs.
C’est Tahar Ben Jelloun, le célèbre écrivain marocain et le seul maghrébin à avoir obtenu le Goncourt pour son roman La nuit sacrée
qui a dit qu’il préférait écrire dans la langue française, parce que la
langue arabe n’outrepassait pas sa condition. Je ne crois pas que c’est
en ces mots mais le sens est à peu près le même. Selon lui, le problème
par ailleurs ne se posa pas pour Mammeri et Kateb, l’arabe est d’abord
la langue du Coran et donc une langue littéraire qui craint d’offenser
et qui est guettée par la culpabilité. Voila, grosso modo pourquoi son
Français dans l’écriture ou pourquoi le choix de la langue de
l’altérité. Je résume en fait, car, le propos est autre, en tout cas
certainement plus étayé. On peut extrapoler comme il nous sied, mais ce
qu’il dit définit tant bien que mal le rapport qu’a le musulman en
général, surtout celui trempé dans un arabe à charge idéologique, avec
le corps, avec la féminité, avec la nudité, avec le vêtement
conséquemment. Puisqu’on a beau défendre le voile, son origine est
sexuelle. Voiler une femme parce qu’il y a la peur que la culture ne
suffise pas à épargner le viol, le déshonneur, le reproche. Et si on
approfondissait encore, on aboutirait à un homme, celui qui voile sa
femme, qui refuse de passer de la nature à la culture, pour reprendre
l’expression de Claude Levis Strauss je crois. Puisque la culture
suppose que le regard posé sur une femme n’est pas automatiquement
sexuel… enfin, c’est toute une histoire.
Si je veux en parler, c’est parce que il y a à peine quelque temps, je tombai sur un article intitulé Le Bouddha de Jade de Wat Dhammamongkok, Bangkok, Thaïlande.
Il parle de cette sculpture merveilleuse réalisée par Ismail Zizi et
Paolo Viaggi et qui fait la fierté de tout un peuple. Je n’en revenais
pas, l’article parlait de deux sculpteurs de renommée mondiale. Bien
entendu, ça va de soi le sculpteur italien, P. Viaggi, est très connu
chez lui, en Italie, mais, en Algérie, hormis dans un cercle restreint
du côté de la Basse Kabylie, le Sahel surtout, combien de gens
connaissent-ils le sculpteur Zizi Smail? Pas grand monde à ce que je
sache. On n’a cure de l’art. Du reste, c’est illicite disent les
islamistes qui ont pignon sur rue de plus en plus même en Kabylie.
Le Boudha de Jade réalisé par Smail Zizi et Paolo Viaggi en 1994 à Bangkok
«Il fallut alors trouver des sculpteurs capables de travailler
l’énorme bloc de jade. De retour à Bangkok, Phra Viriyang contacta son
ami le Professeur Amnuay, membre de l’Université Silpakorn à Bangkok,
afin qu’il l’assistât pour chercher un sculpteur. Son ami lui suggéra de
voyager jusqu’en Italie, les chances de trouver la personne
suffisamment qualifiée pour cette tâche étant plus que minimes en
Thaïlande. Phra Viriyang partit alors pour l’Italie, à Carrare plus
précisément (Carrare est connue mondialement pour ses sculpteurs de
marbre, et le marbre qui porte son nom). Il était accompagné du
Professeur Amnuay, de Madame Raana et de Monsieur Ronachai Sombuntham.
Ce n’est que la veille de leur retour vers la Thaïlande – à Carrare,
l’université était fermée pour les vacances et les sculpteurs qu’on leur
avait recommandés étaient introuvables - que par une coïncidence
heureuse, alors qu’il se promenait sur le marché avec ses collègues,
Phra Viriyang rencontra un vieil ami, Monsieur Troufix, qui l’emmena
voir deux sculpteurs célèbres de Carrare, Ismail Zizi et Paolo Viaggi.
Le jour suivant les deux sculpteurs étaient engagés pour façonner le
futur bouddha de jade.» http://www.eurojade.fr/fr/jade-bouddhas/bouddha-jade-wat-dammamongkol-bangkok-thailande.html
Tous les visiteurs de Bejaia connaissent quelques unes de ses
anciennes œuvres mais pas l’ouvrier, le sculpteur. Les sculptures de la
ville sont de lui. Celles qui ont survécu au moins. Au printemps noir de
Kabylie de 2001 entre autres. Puisque Les deux combattants prisonniers
n’ont pas résisté à notre amour irraisonné pour la sculpture! Il y
trône désormais un buisson rugueux au lieu du paysage de naguère qui,
quoiqu’en dise, était déjà un paysage. De ces sculptures, je crois qu’il
n’en reste que deux : celle où un combattant lève une main et indique
de son index le chemin et celle, je pense, avant le faubourg qui mène
vers la place Gueydon.
La question s’imposerait à n’importe qui d’entre nous. Suffit de
comparer les sculptures antérieures à l’exil du sculpteur à celles
depuis l’exil. La différence est criante et la question qui en découle
est évidente : comment a-t-il cheminé ainsi sans coup férir du masculin,
de l’ample vêtement, évasé et unicolore vers le féminin et la nudité?
La réponse, au-delà du fait qu’il ne pouvait le faire en Algérie, est
aussi complexe qu’intéressante. Il ne s’agit pas de trouver une réponse
simpliste, ni du reste une réponse tout court. La réponse appartient à
l’artiste, au sculpteur. Ce qui m’intéresse moi, enfin nous, est de dire
que le rapport au corps définit deux façons de regarder le monde : le
corps libre et le corps coupable.
Zizi Smail est parti ailleurs, y a exploré des outils sans doute
inédits dans l’expression sculpturale, la liberté d’aller aux tréfonds
de son être entre autres. Eh bien, il y a creusé, il en a sorti des
chefs d’œuvre. Le comble, toutes ses sculptures paraissent agir dans un
espace, exprimer une culture, la notre, aussi complexe que millénaire;
fouinent dans le nu mais hésitent à l’annoncer. Je me permets
d’interpréter l’une de ses sculptures comme une œuvre qui raconte le
vêtement comme un rempart qui empêche d’atteindre le corps, le profond
de l’être. La femme en est belle, hésitante, voire timide; le tissu lui
est un voile qui ne l’envoile pas cependant… mais qui la
féminise davantage. Je crois encore que comme dans le sourire de la
Joconde, Zizi Smail a égaré un peu de soi. Un peu d’enfance est tombé de
son marbre et a sculpté sa palette si puis m’exprimer ainsi. Même
l’autre sculpture, celle où le voile dissimule la tête, ne dit-elle pas
la féminité anonyme ou forcée à l’anonymat dans une société qui enfuit
la femme dans le vêtement du tabou? Une dualité féroce où le corps veut
dire mais le subconscient historique, culturel et cultuel lui refuse
l’expression? Le vêtement qui n’en fait pas une amazone, mais une
raseuse de murs, une amnésie dans le paysage.
Je crois que ce devait être compliqué pour notre sculpteur. À
chacune de ses tentatives pour outrepasser notre condition faite au
corps, il est interpellé par l’estuaire où confluent tous ses souvenirs.
Passer outre n’est pas chose aisée. À croire qu’il décide à chaque fois
d’aller jusqu’au bout de la nudité, et puis paf… un voile, un objet, un
geste pour cacher, dissimuler, hésiter à annoncer entièrement un corps.
Le résultat : notre sculpteur nous exprime dans notre complexité, dans
notre contradiction. La sculpture au dessous en est un exemple type: le Nous de la société et de l’histoire qui refuse l’entière nudité au Je du corps et de la liberté.
Un ami m’a dit que les sculptures de Zizi Smail avant son départ
vers l’ailleurs étaient belliqueuses : toutes des combattants va-t-on en
guerre. Je lui ai dit que c’était pire, c’étaient plutôt des
sculptures, sur le plan idée, le moins que l’on puisse dire est qu’elles
sont réfléchies dans une Quasma. Regarde un peu la couleur : militaire.
Les sculptés : tous des vieux ridés. Pour la sculpture de la mairie
d’Aokas, elle, il n’en a même pas été payé. Le sculpteur ne devait avoir
aucun choix. Fallait qu’il s’exécutât s’il voulait continuer à gagner
sa pitance. La nudité était une autre histoire et la Quasma en ces temps
pensait encore que nous étions incapables de porter un cerveau, encore
moins de réfléchir une patrie ou une identité artistiquement… Et c’est
là toute l’histoire : notre rapport à l’art. Un art qui ne sert qu’à la
guerre. Mon ami me dit que c’était cela, nous n’étions pas faits pour
l’indépendance, nous sommes faits pour la guerre justement.
Je crois que l’on ne peut comparer aussi simplement entre les œuvres
sculptées à Bejaia et celles en occident. Mais ça dit le grosso modo de
la chose : les sociétés qui se définissent dans le Je, entité et identité individuelle qui participe à l’édifice social, et les sociétés qui se définissent dans un Nous qui castre toute pulsion qui dépasse et qui impose de réfléchir massivement. Freud en a étalé les grands contours : le Surmoi (la société pour résumer) castre, annihile l’expression libre, pousse dans le troupeau, le Ça, et Le moi
donc, est créateur, a envie d’amour et de liberté. Quand on pense,
regarde l’art en ce qui nous concerne, le monde de la masse, on se barde
de défenses et d’interdits, mais quand on le regarde individuellement
on atteint des intériorités plus profondes… On se particularise, se
différencie, se diversifie, transcende les limites… pour s’enrichir
mutuellement.
- Smail Zizi, sculpteur.
- Né à Béjaia, Algérie.
- Diplomé des Beaux-Arts d’Alger et de Carrare.
- En 1973,il s’installa à Carrare pour développer sa recherche
artistique et surtout se perfectionner en taille directe sur marbre et
technique de fusion en bronze.
- Il particpera ensuite à de nombreuse manifestations artistiques: 1°
Biennale de LaSpezia, Cennacolo Buttini Carrara, “Scolpire all’ aperto”
Carrara, “Scolpire su pietra” Fannano ,Festival de sculpture à Aubagne
(France).
- Commissions privées à Boston,Dallas,New-York.
- Exposition personnelle à Alger.
- Réalisation de nombreuses statues monumentales dans de différentes
villes d’Algérie et de trois statues pour le Musée National de
l’Histoire d’Algérie.
- Monument pour l’Aviateur,Lunigiana(Massa-Carrara).
- En 1992, il fut choisi pour tailler la plus grande statue de Bouddah en jade,à Bangkok (Thailande).
- Expositions: Carrara, Pisa, Pontedera, Livorno et en Suisse.
- Premier Prix “Gronchi” de Sculpture Pontedera.
- Premier prix de sculpture “Premio Nazionale d’Arte citta di Livorno”,(Rotonda 2007).
- Prix Spécial à la Biennale Internationale de la Sculpture de Toyamura,Okkaido(Japon).
- Oeuvre choisie par la “Cassa di Risparmio di Carrara” offerte au
journaliste Lorenzo Cremonesi(Corriere della Sera) à l’occasion du
Festival “Con-vivere”.
Le site du sculpteur: http://www.zizismail.com/fra/biographie.html
Lounes. H
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
source:
http://www.kabyleuniversel.com/?p=450
http://www.kabyleuniversel.com/?p=450
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
Nasser Meghari
merci , tu m'as fait découvrir un sculpteur de génie...
merci , tu m'as fait découvrir un sculpteur de génie...
Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: Zizi Smail: le sculpteur algérien qui fracasse notre rapport au corps.
je demande à l'administrateur de supprimer ces photos
fatima- Nombre de messages : 1074
Date d'inscription : 28/02/2009
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
moi- Nombre de messages : 8760
Date d'inscription : 30/01/2009
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