Smail Zizi, sculpteur : « Les projets réalisés à la sauvette pour gagner de gros sous seront toujours médiocres »

Après plusieurs erreurs faites dans le passé, l’expérience m’a enseigné cette règle : chaque projet qu’on me commissionne, surtout quand il s’agit de portraits, avant le rendu final, comme garantie, le client peut refuser l’œuvre et ne pas me payer s’il juge le travail insatisfaisant. Je peux vous confier ceci aussi : dans ma longue carrière de sculpteur (40 ans environ), j’ai moi-même détruit, sans regrets, plus d’une vingtaine de statues dont je n’étais pas satisfait. Il m’est difficile, donc, de commenter ces fâcheux événements, telles que les démolitions, ni de donner mon opinion, n’ayant pas vu les œuvres en question.

À qui en incombe la faute ? À l’artiste d’abord, mais pas uniquement. Les commanditaires ont aussi leur responsabilité. À mon modeste avis, tout projet pour la réalisation d’œuvres publiques doit être sérieusement sélectionné par une commission adéquate. Où trouver, alors, les personnes capables de choisir pour le mieux, sachant qu’en Algérie, l’art statuaire peine à s’accoutumer ? L’École nationale des beaux-arts peut certainement être la plus indiquée.

Cette question m’embarrasse particulièrement, elle m’oblige de dire une vérité qui pourrait déplaire à ceux qui ont protesté contre la destruction et que je remercie tout de même. Je suis soulagé de savoir qu’elle n’existe plus… Que dire de cet amas de béton ? Très sincèrement, ce rendu ne m’a jamais plu. Ce fut une énorme fatigue pour un médiocre résultat. La figure était trop grande et disproportionnée et encombrante pour la place. Je dois avouer que j’avais travaillé comme un esclave, avec un temps limité et un espace exigu. Néanmoins, j’en assume mon entière responsabilité.

En Algérie, l’art statuaire n’a pas eu son histoire propre, on peut même dire que la sculpture, à quelques exceptions près, n’a jamais existé ni comme tradition, ni comme aspiration. Ceci est dû, sans aucun doute, à notre culture musulmane, laquelle interdisait toutes représentations figuratives artistiques (statues et bas-reliefs). Depuis, cette forme d’expression peine énormément à trouver sa place et évoluer comme l’a fait la peinture, par exemple.

Trop d’années sont passées loin du pays natal et la nostalgie est, à chaque jour qui passe, plus insupportable. Toutes les fois que je décide de rentrer, des obstacles se présentent et m’obligent à un report. À la fin, je rentrerai bien un jour. J’imagine que vous me parlez de projets en Algérie concernant ma profession, non pour le moment.

Je vous ai parlé de nostalgie du pays natal, mais je pense à Aokas, en vérité. Je sais que ce n’est plus le village d’antan, mais il me manque tout de même.