A propos de l'autonomie de la Kabylie
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A propos de l'autonomie de la Kabylie
A propos de l'autonomie de la Kabylie
Ramdane Achab, publié par algeria-watch, novembre 2001
C'est au mois de mars 1979 qu'apparaît, pour la première fois dans la littérature politique algérienne et plus précisément dans le programme du FFS clandestin, le concept d'autonomie régionale. En rendant public son avant-projet de plateforme politique sous un titre on ne peut plus actuel : " Pour une alternative démocratique révolutionnaire à la catastrophe nationale ", le FFS proposait alors le triptyque " autonomie personnelle - autonomie locale - autonomie régionale " comme cadre global devant régir l'exercice des droits et des devoirs, et en particulier la participation, à tous les niveaux, des citoyennes et des citoyens à la gestion démocratique des affaires du pays. Ce faisant, le FFS redéfinissait la totalité des rapports que le pouvoir politique devait entretenir avec la société, en donnant la primauté aux droits individuels et collectifs des algériennes et des algériens, et en appelait à une auto-mobilisation pacifique et responsable de toutes et de tous. Mais, il convient de le préciser, le projet du FFS concernait non pas une région particulière mais l'Algérie toute entière, voire un ou des ensembles encore plus grands qui pourraient inclure, avec leur aval, d'autres pays voisins du Maghreb ou du Sahel. Ajoutons que le triptyque avancé par le FFS ne représentait en aucune façon une singularité ou une curiosité à l'intérieur de l'avant-projet de plateforme politique. Il était au contraire au cœur du concept de " démocratie décentralisatrice ", et s'inscrivait donc pleinement dans la philosophie et les objectifs majeurs que le parti s'est donné depuis sa fondation en 1963 : mettre fin à la dictature et instaurer un régime démocratique.
Le projet d'autonomie que certains agitent en Kabylie depuis plusieurs mois ne procède nullement de la même démarche. Il en constitue au contraire l'exacte négation, dans la forme comme dans le fond. Le MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) ne semble être en effet qu'une des pièces du dispositif que le régime met progressivement en place pour domestiquer la Kabylie, voire provoquer son effondrement social et politique.
Le MAK et " son " projet apparaissent en effet dans la tourmente des événements dramatiques que la Kabylie a connus au printemps 2001. Ces événements, manifestement provoqués par le pouvoir, avaient comme objectif principal de créer les conditions d'une reconfiguration du paysage politique régional. Il s'agissait pour le pouvoir de tenter d'une part de disqualifier non seulement les partis politiques de l'opposition démocratique (et notamment le FFS) mais la politique en général, et, d'autre part, de faire émerger de nouveaux acteurs et de les imposer sur le terrain de l'action et de la représentation. Plus profondément encore et au-delà des scénarios qui seront mis en place, l'objectif ultime de cette stratégie du pouvoir est d'en finir avec la Kabylie en tant que bastion historique de la résistance à la dictature.
Le caractère sauvage et ouvert de la répression du printemps dernier était destiné à provoquer des déchirures et des ruptures irréversibles au sein de la population, afin de susciter et d'encourager toutes les radicalisations possibles, toutes les dérives possibles, et de rendre ainsi le terrain propice au " nettoyage " politique et à l'implantation, par le pouvoir, de sa propre stratégie, de ses propres relais régionaux et de ses propres scénarios sur le terrain.
Le principal animateur du MAK, Ferhat Mehenni, n'a-t-il pas rencontré à plusieurs reprises tel conseiller du président, le même conseiller qui a été à l'origine de la création de l'ACT, un des relais du pouvoir destiné à occuper le terrain politique en Kabylie ? Quelles garanties sérieuses Ferhat Mehenni et ses compagnons peuvent-ils apporter quant à leur propre liberté d'action, quant à leur propre autonomie vis à vis de telle ou telle officine du pouvoir ?
Comment par ailleurs aller vers l'autonomie sans une consultation préalable de la population, des partis politiques, des élus, des intellectuels, des acteurs économiques, des syndicats, du milieu associatif, etc., tant au niveau régional qu'au niveau national ? Comment aller vers l'autonomie sans des études préalables de faisabilité et de viabilité, sans un large mouvement d'adhésion, de communion, de soutien et d'accompagnement, sans la comparaison et la confrontation avec d'autres scénarios tout aussi envisageables à l'échelle nationale ou même africaine ?
Comment débattre sérieusement d'autonomie ou de quoi que ce soit en Algérie alors que la population est soumise à une intolérable pression sociale, que le pays est toujours dans l'impasse sur le plan politique, alors que la couverture médiatique est quasiment monopolisée par le pouvoir et ses relais, alors que la violence continue ?
On impose, une fois de plus, de faux débats et de fausses perspectives à la population pour la détourner des vrais problèmes et des vraies solutions.
La démarche de Ferhat Mehenni ne s'explique que par la mégalomanie d'un acteur désarçonné qui veut attirer sur lui les feux de la rampe en occupant le créneau libre et spectaculaire du projet autonomiste, avec la bénédiction et le soutien d'une certaine presse devenue experte en matière de surmédiatisation et de manipulation.
A l'échelle régionale comme sur le plan national, le pouvoir a toujours eu intérêt à encourager les courants extrémistes et les intégrismes de toutes sortes afin de les opposer les uns aux autres, de les neutraliser les uns par les autres, et d'empêcher ainsi l'émergence et l'organisation d'une véritable force populaire capable d'imposer le changement. Dans cette gestion de la société par les extrêmes, le MAK n'est rien d'autre qu'un des leviers régionaux de la politique du régime.
Dans le contexte actuel, la multiplication artificielle et voulue des acteurs politiques en Kabylie fait craindre les pires scénarios pour les mois et les années à venir. Ce qui nous semble être recherché à terme par le pouvoir, c'est un effondrement intégral de la Kabylie en tant qu'entité culturelle et politique, un effondrement de l'être individuel et collectif comparable, au regard de l'histoire, à celui que cette même région a connu à la fin du 19ème siècle.
Tous les ingrédients d'une guerre civile régionale sont aujourd'hui réunis, et il n'est pas exclu que les provocations des services du pouvoir aillent jusqu'à prendre la forme extrême de coups tordus et de liquidations ciblées et entrecroisées entre les différents partenaires, liquidations que le même pouvoir aura par la suite beau jeu de faire passer pour des " conflits internes " et des règlements de comptes entre " frères ennemis ".
Il est d'ailleurs significatif qu'un tract du MKL daté du 26 avril 2001 réserve la totalité de ses attaques et de son fiel aux seuls acteurs politiques présents en Kabylie (MCB, RCD, FFS), alors qu'il ne contient pas un traître mot sur la situation socio-politique du pays et la responsabilité du pouvoir dans la catastrophe nationale. Cette violence verbale serait-elle le prélude à la violence tout court ? Ce sont toutes les dérives maffieuses et violentes des mouvements autonomistes ultra-minoritaires qui frappent aujourd'hui à nos portes, comme celles que l'on peut observer en d'autres contrées comme la Corse ou le pays basque.
Il faut par conséquent en appeler à une vigilance extrême des citoyennes et des citoyens pour déjouer un projet qui, sous couvert d'angélisme, est porteur des plus grands dangers et des plus grands périls, pour la Kabylie comme pour l'Algérie toute entière.
Ramdane Achab
novembre 2001
source:
http://www.algeria-watch.org/farticle/revolte/achab_autonomie.htm
Ramdane Achab, publié par algeria-watch, novembre 2001
C'est au mois de mars 1979 qu'apparaît, pour la première fois dans la littérature politique algérienne et plus précisément dans le programme du FFS clandestin, le concept d'autonomie régionale. En rendant public son avant-projet de plateforme politique sous un titre on ne peut plus actuel : " Pour une alternative démocratique révolutionnaire à la catastrophe nationale ", le FFS proposait alors le triptyque " autonomie personnelle - autonomie locale - autonomie régionale " comme cadre global devant régir l'exercice des droits et des devoirs, et en particulier la participation, à tous les niveaux, des citoyennes et des citoyens à la gestion démocratique des affaires du pays. Ce faisant, le FFS redéfinissait la totalité des rapports que le pouvoir politique devait entretenir avec la société, en donnant la primauté aux droits individuels et collectifs des algériennes et des algériens, et en appelait à une auto-mobilisation pacifique et responsable de toutes et de tous. Mais, il convient de le préciser, le projet du FFS concernait non pas une région particulière mais l'Algérie toute entière, voire un ou des ensembles encore plus grands qui pourraient inclure, avec leur aval, d'autres pays voisins du Maghreb ou du Sahel. Ajoutons que le triptyque avancé par le FFS ne représentait en aucune façon une singularité ou une curiosité à l'intérieur de l'avant-projet de plateforme politique. Il était au contraire au cœur du concept de " démocratie décentralisatrice ", et s'inscrivait donc pleinement dans la philosophie et les objectifs majeurs que le parti s'est donné depuis sa fondation en 1963 : mettre fin à la dictature et instaurer un régime démocratique.
Le projet d'autonomie que certains agitent en Kabylie depuis plusieurs mois ne procède nullement de la même démarche. Il en constitue au contraire l'exacte négation, dans la forme comme dans le fond. Le MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) ne semble être en effet qu'une des pièces du dispositif que le régime met progressivement en place pour domestiquer la Kabylie, voire provoquer son effondrement social et politique.
Le MAK et " son " projet apparaissent en effet dans la tourmente des événements dramatiques que la Kabylie a connus au printemps 2001. Ces événements, manifestement provoqués par le pouvoir, avaient comme objectif principal de créer les conditions d'une reconfiguration du paysage politique régional. Il s'agissait pour le pouvoir de tenter d'une part de disqualifier non seulement les partis politiques de l'opposition démocratique (et notamment le FFS) mais la politique en général, et, d'autre part, de faire émerger de nouveaux acteurs et de les imposer sur le terrain de l'action et de la représentation. Plus profondément encore et au-delà des scénarios qui seront mis en place, l'objectif ultime de cette stratégie du pouvoir est d'en finir avec la Kabylie en tant que bastion historique de la résistance à la dictature.
Le caractère sauvage et ouvert de la répression du printemps dernier était destiné à provoquer des déchirures et des ruptures irréversibles au sein de la population, afin de susciter et d'encourager toutes les radicalisations possibles, toutes les dérives possibles, et de rendre ainsi le terrain propice au " nettoyage " politique et à l'implantation, par le pouvoir, de sa propre stratégie, de ses propres relais régionaux et de ses propres scénarios sur le terrain.
Le principal animateur du MAK, Ferhat Mehenni, n'a-t-il pas rencontré à plusieurs reprises tel conseiller du président, le même conseiller qui a été à l'origine de la création de l'ACT, un des relais du pouvoir destiné à occuper le terrain politique en Kabylie ? Quelles garanties sérieuses Ferhat Mehenni et ses compagnons peuvent-ils apporter quant à leur propre liberté d'action, quant à leur propre autonomie vis à vis de telle ou telle officine du pouvoir ?
Comment par ailleurs aller vers l'autonomie sans une consultation préalable de la population, des partis politiques, des élus, des intellectuels, des acteurs économiques, des syndicats, du milieu associatif, etc., tant au niveau régional qu'au niveau national ? Comment aller vers l'autonomie sans des études préalables de faisabilité et de viabilité, sans un large mouvement d'adhésion, de communion, de soutien et d'accompagnement, sans la comparaison et la confrontation avec d'autres scénarios tout aussi envisageables à l'échelle nationale ou même africaine ?
Comment débattre sérieusement d'autonomie ou de quoi que ce soit en Algérie alors que la population est soumise à une intolérable pression sociale, que le pays est toujours dans l'impasse sur le plan politique, alors que la couverture médiatique est quasiment monopolisée par le pouvoir et ses relais, alors que la violence continue ?
On impose, une fois de plus, de faux débats et de fausses perspectives à la population pour la détourner des vrais problèmes et des vraies solutions.
La démarche de Ferhat Mehenni ne s'explique que par la mégalomanie d'un acteur désarçonné qui veut attirer sur lui les feux de la rampe en occupant le créneau libre et spectaculaire du projet autonomiste, avec la bénédiction et le soutien d'une certaine presse devenue experte en matière de surmédiatisation et de manipulation.
A l'échelle régionale comme sur le plan national, le pouvoir a toujours eu intérêt à encourager les courants extrémistes et les intégrismes de toutes sortes afin de les opposer les uns aux autres, de les neutraliser les uns par les autres, et d'empêcher ainsi l'émergence et l'organisation d'une véritable force populaire capable d'imposer le changement. Dans cette gestion de la société par les extrêmes, le MAK n'est rien d'autre qu'un des leviers régionaux de la politique du régime.
Dans le contexte actuel, la multiplication artificielle et voulue des acteurs politiques en Kabylie fait craindre les pires scénarios pour les mois et les années à venir. Ce qui nous semble être recherché à terme par le pouvoir, c'est un effondrement intégral de la Kabylie en tant qu'entité culturelle et politique, un effondrement de l'être individuel et collectif comparable, au regard de l'histoire, à celui que cette même région a connu à la fin du 19ème siècle.
Tous les ingrédients d'une guerre civile régionale sont aujourd'hui réunis, et il n'est pas exclu que les provocations des services du pouvoir aillent jusqu'à prendre la forme extrême de coups tordus et de liquidations ciblées et entrecroisées entre les différents partenaires, liquidations que le même pouvoir aura par la suite beau jeu de faire passer pour des " conflits internes " et des règlements de comptes entre " frères ennemis ".
Il est d'ailleurs significatif qu'un tract du MKL daté du 26 avril 2001 réserve la totalité de ses attaques et de son fiel aux seuls acteurs politiques présents en Kabylie (MCB, RCD, FFS), alors qu'il ne contient pas un traître mot sur la situation socio-politique du pays et la responsabilité du pouvoir dans la catastrophe nationale. Cette violence verbale serait-elle le prélude à la violence tout court ? Ce sont toutes les dérives maffieuses et violentes des mouvements autonomistes ultra-minoritaires qui frappent aujourd'hui à nos portes, comme celles que l'on peut observer en d'autres contrées comme la Corse ou le pays basque.
Il faut par conséquent en appeler à une vigilance extrême des citoyennes et des citoyens pour déjouer un projet qui, sous couvert d'angélisme, est porteur des plus grands dangers et des plus grands périls, pour la Kabylie comme pour l'Algérie toute entière.
Ramdane Achab
novembre 2001
source:
http://www.algeria-watch.org/farticle/revolte/achab_autonomie.htm
aokas-aitsmail- Nombre de messages : 1819
Date d'inscription : 01/03/2010
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