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Ahcene Mariche se confie au courrier d'Algerie

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Ahcene Mariche se confie au courrier d'Algerie Empty Ahcene Mariche se confie au courrier d'Algerie

Message  aokas-aitsmail Ven 19 Nov - 16:39

HOMME DE CULTURE ET SURTOUT POETE DE TALENT
Ahcène Mariche : «La poésie kabyle avance à grands pas»

Ahcène Mariche est né le 21 février 1967 à Tala Toulmouts, dans la commune de Tizi Rached, à l'est de la ville de Tizi-Ouzou, région du grand poète Si Mohand u Mhand. C'est un poète de talent qui a eu à semer ses poèmes un peu partout, même au lointain pays de l'oncle Sam dont l'université de Corvalis a publié son poème Sidi Valentin dans la célèbre anthologie «To Topos». Il maîtrise aussi bien tamazight, sa langue maternelle, que le français et l'anglais où il prêche ses bonnes paroles. Sollicité, il a aimablement accepté de nous entretenir de sa passion pour la muse.
Le Courrier d'Algérie: Pour commencer, comment voulez-vous qu'on vous présente? Ahcene Mariche : Je suis un poète kabyle qui touche à tout. Il a plusieurs passions et les entremêle toutes. Professeur de physique et d'informatique au collège de Tizi Rached, cameraman, photographe, animateur…
Pouvez-vous nous parler davantage de vos livres ? De juin 2005 à novembre 2009, j'ai édité huit recueils de poésie: trois en tamazight traduits en français, deux en anglais, deux en tamazight, et un en langue française. Ce dernier a été édité en France chez les éditions Edilivre, les sept autres sont édités en Algérie à compte d'auteur. Chaque recueil est un bouquet de fleurs avec ses épines que j'offre à mes lecteurs et fans. Dans chaque recueil, j'offre un grand choix de textes, des sujets et thèmes. J'aime y aller vers des sujets inédits et de nouvelles approches aussi. Mon deuxième recueil intitulé «Taazzult-iw», je l'ai mis en musique où j'ai utilisé le violon, la flûte, la guitare, le piano, le mandole et le luth et je l'ai édité aussi en CD et k7
Où en est actuellement la poésie kabyle ? La poésie kabyle avance à grands pas et recèle toujours des trésors inestimables. Elle reste le maître mot des Kabyles et lui trouvent toujours tout le charme et la beauté du langage. Quand je découvre des jeunes poètes qui font de l'excellente poésie avec un kabyle des plus rudes tels que Ahmed Khettabi, Hocine Louni, Akli Ait-Boussad et Dali Salima qui sont les lauréats du dernier concours de poésie SI Mohand Ou Mhand et Youcef Oukaci, ça me rassure et m'enchante vraiment. Ces jeunes sont le vrai nouveau souffle de la poésie kabyle. Notons qu'il y a des centaines comme eux dans nos villages qui attendent à être découverts et écoutés. De nos jours, la poésie kabyle s'est trouvée l'espace qui lui sied bien dans le monde grâce à nos compatriotes vivant à l'étranger. Elle est traduite, enseignée et chantée comme les autres poésies. La poésie kabyle a été collectée, répertoriée, écrite, enregistrée et on la trouve sur divers supports et surtout l'Internet.
Étant donné que les kabyles sont issus d'une culture orale, pensezvous que l'écriture puisse faire passer le message ? En Kabylie on s'intéresse beaucoup à la lecture, puis Mouloud Mammeri nous a bien préparé à ce contexte. Il y a déjà plus d'un siècle depuis qu'on a commencé à écrire tamazight en caractères latins y'a beaucoup d'écrits déjà et les gens d'un certain âge ont été initiés. Maintenant que tamazight s'enseigne dans les trois paliers de l'éducation et même à l'université donc le nombre de personnes qui consomme cette littérature est assez considérable et de ce fait le message est passé et même maîtrisé. Rien qu'à voir le nombre de recueils édités, les mémoires de fin d'études, les magisters et doctorats faits sur la poésie kabyle renseigne sur son impact dans la société kabyle. Il y a beaucoup d'analyses, de lectures, de colloques, de journées d'études et festivals sur la poésie kabyle un peu partout dans le monde. Tizi-Ouzou vient d'abriter le premier festival mondial dédié à si Mohand ou Mhand et c'est bien la preuve de l'avancée considérable de la poésie kabyle et de son universalité.
Vous êtes un des poètes qui touchent un peu à tout. Votre poésie parle de la nature et de la culture en passant par l'homme. Pensez-vous que vous apportez une nouvelle touche à la poésie et au style surtout ? Ce qui m'a poussé à éditer c'est bien ma touche personnelle. Avant d'éditer, j'avais lu presque tous les recueils de poésie en tamazight qui existaient sur le marché, et de là, j'ai pris ma décision d'ajouter ma pierre à l'édifice de notre culture. J'aime sortir de l'ordinaire et aller vers de nouveaux horizons et sentiers pour cueillir de nouvelles choses. Notre peuple a besoin d'une nouvelle bouffée d'oxygène à travers de nouveaux textes, de nouvelles approches, angles d'attaque, astuces… L'analyse du scientifique que je suis, le regard artistique, la sensibilité, ma volonté, ma détermination font la recette de mon bon plat pour les amoureux de la lecture et les adeptes du bon verbe et de la poésie. J'ai fait parler l'aiguille, le couteau, la porte, le miroir, j'ai parlé de négligence, de jalousie sans pour autant se vouloir moralisateur. Je parle aussi de santé, des mutations de notre société, du père, « le meilleur des pères », de l'invasion culturelle, de l'argent (mais ce dont il ne peut garantir). Même le «bip» du téléphone portable, qui a engendré une (pré) histoire d'amour, m’a inspiré comme aussi j'ai créé un chiffre énigmatique (27,5) et l'héroïne de mon oeuvre Zivka laissent tout le monde perplexe. Je mêle le bonheur à l'angoisse, le stress à l'empressement, le rêve à la réalité ...
Quels sont les poètes et les auteurs qui vous inspirent souvent ? Je suis quelqu'un qui lit beaucoup et j'aime les littératures étrangères, celles ci me permettent de m'ouvrir sur le monde et me forger de nouvelles visions.
De nos poètes je cite: Ait Menguellet, Ben Mohamed, Mohamed Ben Hanafi, Zedek Mouloud, Farid Ferragui, Ben Guitoune, Dahmane el Harachi, Yacine Ouabed, Kamal Cherchar, Fayçal Kerchouche…
De par le monde, je cite Victor Hugo, Verlaine, jules Antoine, Nizzar Qebbani, Mahmoud Derwich…
Dans mes écrits, j'aime être moi même, dire ce que je pense et à ma manière. J'ai donc mon propre style.
Peut-on citer un de vos poèmes préférés ? Même si je préfère plusieurs pour telle ou telle autre raison, le poème qui m'a fait connaître c'est bien «Sidi Valentin» «Saint Valentin» que j'ai écrit en mars 2001, édité aux USA en 2005, en Algérie en 2006, arrangé en musique en 2008, traduit en 12 langues et qui sera chanté bientôt par le chanteur Idir Bellali. Ce poème est une première dans les annales de la poésie kabyle ; j'ai rendu un vibrant hommage aux couples amoureux du monde entier et j'ai hissé à l'universalité nos couples amoureux tel: El Hasnaoui et Fadhma, Chabane et Dhrifa ujajih, Ahcène et Zivka, Said et Hyziya… C'est même ce poème qui m'a encouragé à éditer mon premier recueil «Idh yukin» (Les nuits volubiles) en juin 2005. Depuis l'édition de ce poème en Kabylie, on nomme la Saint Valentin « Sidi Valentin ». Pensez-vous que la poésie en particulier et la culture en général, subissent un délaissement par le peuple ? Le peuple ne peut jamais délaisser sa culture, elle est au fond de lui, il la vit et c'est ce qui fait sa personnalité mais les problèmes sociaux économiques le poussent à assurer son pain et son lait avant tout avec toutes les peines du monde. C'est bien ce peuple qui travaille sa culture, qui crée, qui la sauvegarde et la transmet dans des conditions très difficiles. A la culture on ne réserve pas assez de place, d'espace et de temps dans notre vie de tous les jours, puis il y a vraiment le problème de la communication et de l'information qui ne parviennent pas aux amoureux de cette culture. Ce problème ne se pose pas chez le peuple. Généralement, on apprend le déroulement de tel ou tel festival ou rencontre et autres très en retard. Voyons le sérieux problème dont souffrent nos écrivains, chanteurs, musiciens … avec le monde de l'édition, c'est ce qui a freiné la productivité ou bien son apparition. Des milliers d'oeuvres littéraires artistiques, théâtrales, musicales croupissent sous des tonnes de poussières. A quand une nouvelle politique dans ce domaine culturel?
On imagine que vous rencontrez des problèmes, comme toute personne qui essaie de lutter à sa manière. Parlez-nous de ces problèmes ? Des embûches sur mon parcours de poète, j'en ai rencontrées plein, surtout dans le domaine du livre qui patauge dans de sérieux problèmes. J'ai édité sept livres en Algérie à compte d'auteur alors que j'ai deux éditeurs en France. Y'a aussi le problème de distribution, à ce jour on n’a pas un réseau de distribution fiable. N'oublions pas le problème de la promotion qui a besoin de sponsors, medias lourds, radios, la presse-écrite et autres supports. On ne voit plus de soirées poétiques, récitals et même si elles existent, elles sont réservées aux…
Parlez-nous un peu de vos projets futurs ? Les projets ce n'est pas ce qui manque, j'en ai même plein, et ni mes pieds, ni ma poche ne peuvent supporter leurs exigences et poids. Je suis sur le point de rééditer mes trois premiers recueils en langue française «Les nuits volubiles», «Confidences et mémoires» et «Contusions» la version arabe de Taazzult-iw» est achevée, je dois aussi l'éditer. Mon dernier recueil «Tibernint d’Ssellum» sera traduit par Idir Bellali et sera sur le marché dans quelques mois. De ma réserve qui contient à présent plus de 500 poèmes inédits, je suis entrain de puiser un nouveau recueil en Tamazight. Je compte aussi rentrer au studio pour enregistrer un nouveau CD de ma poésie contenue dans mon troisième recueil «Tiderray» que j'étofferai de musique, comme il sera aussi traduit en langue anglaise.
Un message pour les gens qui luttent chaque jour pour la prospérité de notre culture… Des 6000 et quelques langues qui existent dans le monde, plus de 1000 ont déjà disparu. Pour que notre langue et culture ne meurent pas, la lutte est un devoir pour tout un chacun comme je dis dans un de mes poèmes. Notre langue et culture sont là, c'est bien la preuve que nos aïeux ont lutté et donné le meilleur d'eux-mêmes pour les pérenniser. A notre tour de les perpétuer en leur donnant les moyens de vie chacun dans son domaine de compétence. Avec les moyens d'aujourd'hui la tâche est beaucoup plus aisée qu'hier, alors donnons le meilleur de nous-mêmes, sinon, les futures générations vont nous en vouloir. C'est notre identité et elle mérite qu'on se sacrifie pour elle. Un jour, la décantation aura lieu et tout sera net et clair.
Votre dernier mot ? Mon dernier mot est un ensemble de souhaits: Que notre poésie annihiles les mauvaises habitudes et nous fasse voir l'insolite. Qu'elle nous restitue la présence, la consistance, la saveur du monde sensible et nous enseigne à le regarder. Qu'elle nous dévoile l'obscurité, l'incohérence du monde, et les limites du langage. Que la poésie soit faite par tous, pour que les paroles soient sacrées et nous n’aurons qu'à fermer les yeux pour voir les merveilles. Merci infiniment de m'avoir ouvert vos colonnes.


Entretien réalisé par Hafit Zaouche

aokas-aitsmail

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