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Kamel Eddine Fekhar était un militant entier : Jusqu’au bout de l’engagement…

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Message  Azul Jeu 30 Mai - 12:22

Il décède en détention après une longue grève de la faim

[size=32]Kamel Eddine Fekhar était un militant entier : Jusqu’au bout de l’engagement…[/size]
Kamel Eddine Fekhar était un militant entier : Jusqu’au bout de l’engagement… Fekhar
[url=https://www.elwatan.com/a-la-une/Hacen Ouali][/url] [url=https://www.elwatan.com/signature/?auteur=Hacen Ouali]HACEN OUALI[/url]
 
29 MAI 2019 À 10 H 15 MIN
 
4071

La paisible vallée du M’zab est replongée dans la douleur. Propulsée une nouvelle fois dans la tragédie humaine, elle ne cesse de pleurer ses enfants, comme si elle était condamnée aux larmes.
A ses plaies béantes, s’ajoute une autre blessure. Elle vient de perdre cruellement un de ses héros, le vaillant militant politique et infatigable défenseur des droits de l’homme, Kamel Eddine Fekhar.
Et c’est au moment où toute l’Algérie renaît joyeusement et s’efforce de retrouver son printemps, que la cité historique de Ghardaïa, attristée, enterre un de ses meilleurs fils, parti brutalement. Tout le pays est en émoi. L’indignation est générale. Cruel destin d’un homme qui s’est battu avec bravoure pour sa liberté et celle de ses concitoyens.
D’une détermination infaillible, il était prêt à mourir pour ses idées. «Je préfère mourir digne que de vivre lâche et soumis», avait-il confié au lendemain de sa sortie de prison le 16 juillet 2017, après avoir passé deux années derrière les barreaux du sinistre pénitencier de Bouraghia. Une prophétie !
Né une année après l’indépendance à Ksour Ghardaïa, et après avoir fait toute sa scolarité à Sétif où son père exerçait comme commerçant, Kamel Eddine Fekhar revient dans sa vallée diplômé en médecine.
Très jeune, il s’implique dans la vie associative et sociale, notamment dans les structures traditionnelles du M’zab. Connue pour son mode d’organisation sociale spécifique et son rite religieux ibadite, Ghardaïa était une cité quasi autonome. Un modèle intégré en opposition avec le système politique hégémonique.
Ce qui a fait d’elle une région «mal vue» et surtout «malmenée» par le pouvoir central. Cette «méfiance» à son égard s’exprime avec Boumediène, qui traitait les Mozabites de «bourgeois réactionnaires».
Il fait exiler le chantre de la Révolution, Moufdi Zakaria, marquant ainsi le début d’une histoire injuste infligée à Ghardaïa. La propagande du parti unique s’était chargée de réduire les Mozabites à la marge les confinant au registre réducteur du «folklore».
Ce traitement politique pour le moins ségrégationniste a profondément marqué le docteur Kamel Eddine Fekhar et déclencha en lui une prise de conscience sur la nécessité de s’affirmer en tant que citoyen entièrement à part. Il commence à exprimer ouvertement son rejet de cet état de fait et conteste le système des notables «complices et imposés d’en haut».
Son engagement politique s’affirme lors des élections locales de 1997, lorsque le RND fraîchement créé «remporte» l’APC de Ghardaïa à coups de fraude massive. Il décide alors avec un groupe d’amis de rejoindre, une année après, le FFS et fonde la fédération du parti.
Arrestation spectaculaire
Une première mal perçue par les autorités locales. Pas que. Surtout qu’à l’occasion de l’élection présidentielle de 1999, le Dr Fekhar faisait partie de ceux qui accueillirent triomphalement Hocine Aït Ahmed dans la cité historique. Trois ans après, il porte les couleurs du FFS aux locales de 2002, il entre avec un autre camarade à l’Assemblée communale.
Un coup qui va signer le début d’une reconfiguration politique locale au retentissement national. Il se forge un caractère politique en menant la vie dure aux autorités de la wilaya. Il rend la vie infernale aux potentats locaux.
Mais aussi, c’est le début des ennuis pour le rebelle du M’zab. Son ascension politique est accompagnée d’une traque politico-judiciare. En 2004, les commerçants de Ghardaïa harcelés par les brigades de la répression de la fraude se mettent en grève. Il se crée un climat tendu dans la région, et la réponse des autorités fut violente.
L’icône aux 18 chefs d’accusation

Les têtes d’affiche politiques mozabites se trouvent dans le viseur des services de sécurité et de justice. Kamel Eddine Fekhar et ses amis, dont Hamou Mosbah et le très célèbre Mohamed Djelmami, sont jetés en prison. L’arrestation du Dr Fekhar fut spectaculaire. Hollywoodienne. C’était au soir du 1er novembre 2004.
Venu assister au grand meeting du trio Hocine Aït Ahmed, Abdelhamid Mehri et Mouloud Hamrouche, à la salle omnisports de Aïn Benian, à Alger, il est arrêté par la police à la fin du rassemblement, alors qu’il venait de se séparer de Dda El Hocine, qui voyait en lui une figure montante du parti.
L’arrestation a choqué le chef historique du FFS. Il alerte l’opinion internationale. Le nom de Kamel Eddine Fekhar fait le tour de la planète. Mais lui fait un «tour» à la prison de Ghardaïa, où il passe en compagnie de ses camarades six mois de détention pour «atteinte à l’ordre public», entre autres.
L’épreuve carcérale durcit son engagement, renforce ses convictions et fortifie sa pugnacité. Il ressort aguerri et renforce son engagement, s’intéressant aux questions des droits de l’homme. «Les conditions carcérales m’ont fait prendre conscience de la nécessité de s’engager sur le terrain des droits de l’homme qui ne sont pas respectés dans notre pays», racontait-il. Avec son groupe, il rejoint la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme et crée une section à Ghardaïa.
Il s’affirme comme figure militante à la dimension nationale, porte le combat du M’zab au-devant de la scène et recentre son combat, des divergences commencent alors à apparaître avec le FFS, pour aboutir à une rupture. Il s’engage entièrement dans la cause du M’zab, qui subit à intervalles réguliers des assauts violents et tragiques. Il se bat pour la reconnaissance du rite ibadite et réclame l’autonomie de la région.
Bête noire des autorités locales et nationales en médiatisant la question mozabite. Lorsque surviennent les tragiques événements à partir de fin 2013, Kamel Eddine Fekhar joue un rôle important en alertant sur les violences et en lançant des SOS.
Il radicalise sa position mais sans jamais basculer dans la violence. Viscéralement attaché au combat pacifique, il mobilise l’opinion publique nationale et internationale, estimant que «le M’zab est victime d’un apartheid officiel».
Visé par des attaques politiques escortées par des campagnes médiatiques persécutantes, le Dr Fekhar est désigné publiquement par le Premier ministre de l’époque, Abdelmalek Sellal, et par le patron du RND, Ahmed Ouyahia, comme étant «la tête de la discorde».
Sellal avait déclaré à son sujet : «Fekhar est fini.» Certaines chaînes de télévision se chargent de l’achever politiquement. L’homme est voué aux gémonies. Un bouc émissaire. Il ne reste à la justice qu’à le «coffrer». En effet, le 11 juillet 2005 il est emprisonné. Traîné de prison en prison pour finir à Berouaghia. Il pèse sur lui 18 chefs d’inculpation.
Résistant, il poursuit son combat à partir de sa cellule, en entamant une grève de la faim qui a duré plus de 100 jours, rien que pour obtenir la tenue d’un procès pour lui et une vingtaine de détenus. Au bout de 22 mois de détention, il aura enfin son procès.
Un moment d’explication tant attendu pour ce battant. Au terme de deux jours de procès et malgré sa santé chancelante, il a taillé en pièces l’accusation. Il est condamné à deux ans de prison ferme, malgré la faiblesse des accusations.
Inébranlable, il ressort avec la même détermination. A sa sortie de prison, il lance un appel «à toutes les personnalités nationales indépendantes pour la mise en place d’une commission d’enquête sur les événements de Ghardaïa pour dire : plus jamais ça».
Il a également appelé «les Algériens à œuvrer ensemble à l’instauration d’un Etat démocratique d’une façon pacifique, pour le respect des droits de l’homme».
Et c’est à l’heure où l’Algérie s’engage massivement dans cette voie à laquelle le Dr Fekhar a largement contribué, en pleine insurrection citoyenne, qu’il est renvoyé en prison pour la 3e fois. Mais cette fois-ci, il ne reviendra pas.
A ses enfants qui réclamaient sa libération, on le leur envoie dans un cercueil. Triste fin d’un militant entier au parcours plein de batailles, mort dans les geôles du régime.

Réactions

RCD : «Il est temps de rétablir les vérités et de rendre justice»
«Le docteur Kamel Eddine Fekhar est le deuxième détenu d’opinion, après Mohamed Tamalt, à être poussé à la mort en moins de 3 ans. Combien de morts faudra-t-il encore enregistrer avant que les dirigeants de notre pays comprennent que les conflits politiques et les différences d’opinions ne se traitent pas par l’acharnement judiciaire, la répression et/ou la violence armée ?
Combien de femmes faudra-t-il encore rendre veuves pour que les dirigeants civils et militaires comprennent qu’il faudra instaurer la liberté et la démocratie pour tous ? Combien d’enfants faudra-t-il encore rendre orphelins pour que les tenants du système en place comprennent qu’il est temps de restaurer la vraie paix dans ce pays par l’acceptation de tous les Algériens dans ‘‘toutes leurs singularités’’ et l’instauration du vivre-ensemble entre nous tous ? Il est temps de rétablir les vérités et de rendre justice.»
 PT : «ça suffit !»
«Le secrétariat permanent du bureau politique du Parti des travailleurs vient d’apprendre avec tristesse, colère et consternation le décès du militant le Dr Fekhar Kamel Eddine, en détention provisoire depuis le 31 mars 2019. Le décès de ce militant en détention est incompréhensible et inacceptable. Le SPBP fait porter l’entière responsabilité de cette tragique disparition aux pouvoirs publics car ils l’ont laissé mourir en prison alors qu’ils étaient régulièrement alertés par les avocats et la famille du défunt de la détérioration de sa santé, de la situation de danger de mort dans laquelle il se trouvait après une grève de la faim qui a duré 50 jours. Ça suffit ! Plus jamais de mort dans nos prisons !
FFS : «justice et vérité sur les circonstances de ce décès»
«Le FFS vient d’apprendre avec beaucoup de tristesse et de consternation le décès tragique du Dr Kamal Eddine Fekhar, militant des droits de l’homme et de la démocratie. Ce décès survient après plusieurs semaines de détention abusive et arbitraire dans des conditions insoutenables et inhumaines. Le FFS exige justice et vérité et que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce décès. Il réclame la libération immédiate des autres détenus d’opinion qui croupissent d’une manière illégale et despotique dans les geôles de la mort et des pires entraves à la dignité humaine. Le FFS exige des vrais décideurs de ce pays de prendre rapidement des mesures d’apaisement, dont la libération immédiate des détenus d’opinion, afin d’éviter au pays de s’enliser dans des scénarios chaotiques.»
LADDH : «un détenu d’opinion»
La LADDH vient d’apprendre avec regret le décès du militant politique Kamel Fekhar à l’hôpital psychiatrique Frantz Fanon de Blida, suite à son transfert de l’hôpital de Ghardaïa. La LADDH rappelle que le droit à la vie est le premier des droits. La dégradation de son état de santé suite à la grève de la faim entamée depuis plus de 40 jours était avérée et persister à le laisser en détention est un manquement à la protection de sa vie par les autorités. Faut-il préciser que la grève de la faim de plus de 40 jours peut constituer de sérieux risques de santé physique et psychologique. Kamal Fekhar considérait que la grève de la faim était une forme de protestation contre son emprisonnement injuste. Kamal Fekhar était un détenu d’opinion, il n’avait commis ni délit ni crime. La LADDH exige une enquête indépendante et impartiale pour déterminer les causes de son décès et les responsabilités quant aux défaillances relatives à la protection de la vie de Kamel Fekhar.»
Saïd Sadi : «Sa mort nous révolte et nous interpelle»
«Le docteur Kamel Eddine Fekhar vient de décéder à la suite d’une longue grève de la faim déclenchée après une autre arrestation arbitraire. Lui, dont la mission fut de protéger la vie, a été privé de la sienne. Fier de son ibadité, intransigeant sur ses convictions démocratiques, il s’est toujours interdit le confort des demi-mesures. Il était l’un des symboles de l’Algérie plurielle et fraternelle qui se dessine aujourd’hui et qu’il ne connaîtra pas. Au-delà de sa famille et de ses proches auxquels nous devons solidarité et compassion, sa mort nous révolte et nous interpelle tous.
D’abord parce qu’elle met brutalement fin à l’existence d’un citoyen qui ne demandait qu’à s’exprimer librement et pacifiquement dans son pays pour se mettre au service de la collectivité; ensuite parce que cette tragique disparition nous rappelle qu’en Algérie aussi des femmes et des hommes qui ne sont pas les plus démunis socialement acceptent de se mettre en danger pour l’honneur et la justice.»
RAJ : «triste et tragique»
«Triste et tragique la nouvelle du décès de l’activiste et militant Kamel Eddine Fekhar à l’hôpital Frantz Fanon de Blida, où il a été transféré suite à la détérioration de son état de santé. Cette mort tragique, qui s’ajoute à celle de Mohamed Tamalt en prison, a démontré une autre fois à quel point le pouvoir répressif et autoritaire méprise la vie humaine.
Face cette mort tragique, le RAJ présente ses condoléances les plus sincères à sa famille et appelle à l’ouverture d’une d’enquête indépendante et transparente pour déterminer les circonstances de la mort de Kamel Eddine Fekhar.»
 Yasmina Khadra : «il devient normal de mourir  pour ses idées»
«Kamel Eddine Fekhar est mort en détention. Il ne fêtera pas l’Aïd avec ses enfants, ni avec ses proches, ni avec ses amis. Il est mort parce qu’il voulait vivre libre dans un pays libre et digne de ses martyrs. Je ne connaissais pas ce militant du FFS, j’ignore s’il était bon ou pas, je sais seulement qu’il était Algérien et qu’il militait pour ce qu’il estimait être juste. Dans un monde où il devient normal de mourir pour ses idées, finir au bout d’une interminable grève de la faim est un affront pour chaque jeûneur qui rompt l’épreuve du jour à l’heure du ftour. A croire qu’on n’a plus d’empathie, plus de responsabilité. Un homme s’interdit de se nourrir pour que nous puissions jouir pleinement de nos droits ne doit pas disparaître comme une volute de fumée, comme s’il n’avait jamais existé. Ce serait l’achever deux fois.»
Mohamed Benchicou : «un nom gravé dans la chair…»
«Il ne verra pas fleurir le printemps algérien dont il aura été l’un des plus acharnés artisans. Kamel Eddine Fekhar est mort, tué par l’arrogance imbécile de ces hommes sans panache qui se sont donné la triste mission de faire barrage aux bourrasques de la liberté. Fekhar était un croyant, un vrai, il croyait aussi fort en Dieu qu’en les hommes. Chez lui, les droits de l’homme n’étaient pas une formule de circonstance, mais une foi. C’est cette foi que les juges qui l’ont condamné, les responsables qui l’ont désigné, les geôliers de l’ombre qui l’ont arraché à sa vie, c’est cette foi qu’ils ont voulu tuer.»
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Message  Azul Jeu 30 Mai - 12:22

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