MOULOUD MAMMERI
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MOULOUD MAMMERI
Extrait de la revue de poesie de l'association culturelle Adrar n Fad traduit par notre ami Kerrache Hachemi.
rebai_s- Nombre de messages : 1785
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
Un très grand Monsieur amusnaw amkrane Mouloud Maameri tafath lkvayel idenjren avrid iyelmziyen idditheddoun.
wahib2- Nombre de messages : 111
Date d'inscription : 28/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
azul
Voici le texte auquel il ne faudra rien enlever pour ne pas en déformer l’esprit si tu dois le publier.
Ar abrid nniḍen
Gana Mammeri
Bien sûr, on pourra toujours rendre un hommage à Mouloud Mammeri, le renouveler tous les ans et c’est bien.
Disparu il y a 20 années déjà, chaque fois comme une litanie, il sera aisé d’énumérer le nombre de livres qu’il a écrits, les contempler avec satisfaction sur les étagères d’une bibliothèque, dire son itinéraire. On évoquera les épisodes de sa vie, les obstacles qu’il a du surmonter durant la période coloniale, lot de beaucoup d’Algériens en lutte pour leur liberté. On soulignera surtout en ce qui le concerne, « l’après indépendance » où il s’est vu confronté au pouvoir en place par rapport à « la question de la langue et culture berbères » exclues du champ national. Là, il était le plus souvent seul, franc-tireur, ou aidé d’un cercle de quelques gens convaincus.
Si toutes ces manifestations nécessaires et utiles sont un devoir de mémoire, ne devons-nous pas maintenant nous interroger s’il n’y a pas d’autre moyens plus efficaces pour accomplir le vœux de Dda Lmulud, faire avancer Tamaziγt menacée de toutes parts : mondialisation, impérialisme des langues nationales, inertie des pouvoirs plus enclins à favoriser l’arabe, détournement à travers la religion qui, si pour certains elle est une manifestation de la foi, pour d’autres plus nombreux, un simple prolongement des visées « Ummistes » en application des préceptes politiques du parti Baas de Michel Aflak de 1947 lors de son premier congrès :
Résurrection arabe ,
proclamation que la nation arabe a une « mission éternelle »,
qui a « le droit naturel de vivre dans un seul Etat
que la patrie arabe s’étend du Golfe de Basra à l’Atlantique. »
La devise partout dans le monde musulman est :
« un état, une nation, une religion » avec un flou et frontières imprécises savamment entretenus entre ces notions, aboutissant à la négation de l’identité, en somme « s’unir non pour faire revivre notre langue, mais pour la tuer » selon le mot de Kateb Yacine
Ne devons-nous pas envisager autre chose maintenant ?:
Ne pas aller au travail Yennayer ?
Dans une journée, symbole « se présenter demain les mains nues, couvert du burnous ancestral, comme l'un des hommes qui l'ont fait durer jusqu'ici »à l’image du héros de
la Traversée, le livre désillusion de Mouloud Mammeri?
Pourquoi pas aussi des femmes se réappropriant la robe traditionnelle, amendil, timehhremt, cesser de ressembler au moins un jour à travers toute Tamazγa et aussi la diaspora à l’Indonésienne, l’ Afghane, toutes dans le même uniforme ou même l’Européenne, être à l’occasion de cet événement l’Indienne fière de son sari ? .
Fêter pour la joie des enfants Anẓaṛ, Aweğğeb, la fête des labours, Tafsut en allant à la cueillette- « d’Aderyis ,le thapsia du couscous »,nos traditions, être nous !
Arrêter une fois pour toutes le massacre de l’écriture, pourtant codifiée par Mouloud Mammeri il y a longtemps et maintenant l’Inalco avec pour règle sacrée :
Une lettre = Un son
Ne plus écrire
§ Ath Ouacif, mais At- Wasif
§ Ath Yenni, mais,At-Yenni
§ Chikh Mohand, mais Ccix Muḥend
§ Tamazight, mais Tamaziγt
§ Akham………………. mais Axxam
§ Ouliw mais Ul-iw
§ Loufan………………….mais Llufan
Dans le premier cas, on s’adresse en Français, dans le second en Tamaziγt. Notre rôle est de sauver Tamaziγt. Pourtant, il n’ y a que quinze signes à ajouter à l’alphabet dont se servaient pour le latin d’autres Imaziγen :St Augustin, Juba II, Apulée, Térence..notre alphabet aussi avec Tifinaγ.
En faisant de chacune de nos maisons un « lakul », nous aurons occupé le terrain et peut être sauvé avec le monde associatif, notre culture.
C’est là le plus grand hommage qui aura alors été
rendu à Dda Lmulud .
Gana Mammeri
Voici le texte auquel il ne faudra rien enlever pour ne pas en déformer l’esprit si tu dois le publier.
Ar abrid nniḍen
Gana Mammeri
Bien sûr, on pourra toujours rendre un hommage à Mouloud Mammeri, le renouveler tous les ans et c’est bien.
Disparu il y a 20 années déjà, chaque fois comme une litanie, il sera aisé d’énumérer le nombre de livres qu’il a écrits, les contempler avec satisfaction sur les étagères d’une bibliothèque, dire son itinéraire. On évoquera les épisodes de sa vie, les obstacles qu’il a du surmonter durant la période coloniale, lot de beaucoup d’Algériens en lutte pour leur liberté. On soulignera surtout en ce qui le concerne, « l’après indépendance » où il s’est vu confronté au pouvoir en place par rapport à « la question de la langue et culture berbères » exclues du champ national. Là, il était le plus souvent seul, franc-tireur, ou aidé d’un cercle de quelques gens convaincus.
Si toutes ces manifestations nécessaires et utiles sont un devoir de mémoire, ne devons-nous pas maintenant nous interroger s’il n’y a pas d’autre moyens plus efficaces pour accomplir le vœux de Dda Lmulud, faire avancer Tamaziγt menacée de toutes parts : mondialisation, impérialisme des langues nationales, inertie des pouvoirs plus enclins à favoriser l’arabe, détournement à travers la religion qui, si pour certains elle est une manifestation de la foi, pour d’autres plus nombreux, un simple prolongement des visées « Ummistes » en application des préceptes politiques du parti Baas de Michel Aflak de 1947 lors de son premier congrès :
Résurrection arabe ,
proclamation que la nation arabe a une « mission éternelle »,
qui a « le droit naturel de vivre dans un seul Etat
que la patrie arabe s’étend du Golfe de Basra à l’Atlantique. »
La devise partout dans le monde musulman est :
« un état, une nation, une religion » avec un flou et frontières imprécises savamment entretenus entre ces notions, aboutissant à la négation de l’identité, en somme « s’unir non pour faire revivre notre langue, mais pour la tuer » selon le mot de Kateb Yacine
Ne devons-nous pas envisager autre chose maintenant ?:
Ne pas aller au travail Yennayer ?
Dans une journée, symbole « se présenter demain les mains nues, couvert du burnous ancestral, comme l'un des hommes qui l'ont fait durer jusqu'ici »à l’image du héros de
la Traversée, le livre désillusion de Mouloud Mammeri?
Pourquoi pas aussi des femmes se réappropriant la robe traditionnelle, amendil, timehhremt, cesser de ressembler au moins un jour à travers toute Tamazγa et aussi la diaspora à l’Indonésienne, l’ Afghane, toutes dans le même uniforme ou même l’Européenne, être à l’occasion de cet événement l’Indienne fière de son sari ? .
Fêter pour la joie des enfants Anẓaṛ, Aweğğeb, la fête des labours, Tafsut en allant à la cueillette- « d’Aderyis ,le thapsia du couscous »,nos traditions, être nous !
Arrêter une fois pour toutes le massacre de l’écriture, pourtant codifiée par Mouloud Mammeri il y a longtemps et maintenant l’Inalco avec pour règle sacrée :
Une lettre = Un son
Ne plus écrire
§ Ath Ouacif, mais At- Wasif
§ Ath Yenni, mais,At-Yenni
§ Chikh Mohand, mais Ccix Muḥend
§ Tamazight, mais Tamaziγt
§ Akham………………. mais Axxam
§ Ouliw mais Ul-iw
§ Loufan………………….mais Llufan
Dans le premier cas, on s’adresse en Français, dans le second en Tamaziγt. Notre rôle est de sauver Tamaziγt. Pourtant, il n’ y a que quinze signes à ajouter à l’alphabet dont se servaient pour le latin d’autres Imaziγen :St Augustin, Juba II, Apulée, Térence..notre alphabet aussi avec Tifinaγ.
En faisant de chacune de nos maisons un « lakul », nous aurons occupé le terrain et peut être sauvé avec le monde associatif, notre culture.
C’est là le plus grand hommage qui aura alors été
rendu à Dda Lmulud .
Gana Mammeri
Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
Dda Lmulud di gurara (tigurarin) wilaya d'Adrar
rebai_s- Nombre de messages : 1785
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
Timanit i tmurt n iqvayliyen
Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie
m-a-k
LE MAK HONORE LA mémoire DE MOULOUD MAMMERI
Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie
m-a-k
LE MAK HONORE LA mémoire DE MOULOUD MAMMERI
Le samedi 28 février 2009, une forte délégation du MAK s’est rendue à At Yanni pour rendre hommage à la mémoire de Mouloud Mammeri.
Arrivée sur place, elle a fait jonction avec la section locale du MAK pour procéder au recueillement puis au dépôt de 2 couronnes fleuries sur la tombe de Dda Lmulud.
Une prise de parole au nom du Mouvement a été effectuée par M. Bouaziz Aït Chébib, secrétaire national à l’Organique. Ce petit discours de quelques minutes déclamé avec verve et ferveur dans un kabyle limpide a été un concentré de remerciements et de reconnaissance au professeur, au pionnier, au savant, au défenseur de la langue maternelle et au symbole de la résistance de notre culture et de sa promotion.
De son vivant, Mouloud Mammeri a été un guide. Des monts d’At Yanni où il repose pour l’éternité, il est une sentinelle imprenable de l’honneur et de la dignité de tous les Kabyles.
Kabylie, le 01 mars 2009
Pour le MAK
Mohand LOUKAD, secrétaire national à la Culture et au Patrimoine
Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
20 ans plus tard, les orientations berbéristes de Mouloud Mammeri gênent encore
Combien d'outils au service de la mémoire collective ont été aussi performants pour les cultures et la civilisation berbère que ceux employés par l'écrivain et chercheur, Mouloud Mammeri ? Son roman "L’opium et la bâton" est aussi le plus lu sur la guerre de Libération.
Pourtant en 20 ans, rien n’est venu réhabiliter Mouloud MAMMERI en Algérie.
Son oeuvre est le plus souvent abordée dans un registre événementiel de la guerre de Libération, quand elle n'est tronquée de sa genèse identitaire.
Comme son compatriote Albert Camus, l’auteur de la Colline oubliée » s’est tué en voiture dans la nuit du 25 au 26 février 1989 près de Aïn Defla à 200 kilomètres d’Alger. Vingt ans après ce tragique accident, je décide comme à l’accoutumée revisiter l’immense œuvre de cet illustre écrivain, en l’occurrence Mouloud MAMMERI.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais d’emblée par cet article interpeler à la fois les lectrices, les lecteurs, les intellectuels et aussi les différentes associations culturelles berbères.
« S’il est une chose qu’un peuple ne doit pas déformer, ternir ou voler c’est son histoire ». Cette citation d’Amar Imache illustre bien ce qui va suivre.
Il y a environ quinze jours, je suis navré de lire dans le quotidien algérien indépendant « Liberté »un papier où l’on comparait feu Mouloud Mammeri à un chanteur. Tout est à l’honneur de ce dernier qui se trouvait auréolé d’un tel hommage. Cet article relève à mon avis de l’imposture, voire même de l’ineptie car selon les dires de mon ami Ramdhane HAÏFI, mort aussi tragiquement en février 2007, hormis les deux chantres de la langue berbère, Slimane Azem et Marguerite Taous Amrouche, il n’y avait guère d’autre chanteur qui ait soutenu dans l’immigration la prestigieuse Académie Berbère-Agraw Imazighène.
Ceci dit, il est évident que le rôle de ces associations ne doit pas se limiter au silence, encore moins à l’indifférence car personne n’a le droit de s’approprier ce que les autres individus avaient fait.
Il serait quand même important de savoir que vingt ans après sa tragique disparition rien n’est venu réhabiliter cet illustre penseur dont les travaux n’ont cessé d’être mis en exergue par ceux qui ont encore foi en la culture dans ce pays. De même, Mouloud Mammeri n’a pas limité ses écrits au roman : il a été aussi essayiste, grammairien, anthropologue, et dramaturge. Il est en effet, un universel dont l’ouverture sur le monde a dépassé nos frontières, pourtant confinées aujourd’hui par la pérennité d’un nom limité à la région où il fut né. Lui qui a œuvré sa vie durant pour son bien être culturel, seule la Maison de la Culture de Tizi-Ouzou et l’université de la ville ont été baptisées de son nom comme s’il n’appartenait qu’à cette partie du pays.
Né en 1017 à Taourirt- Mimoun, dans cette Haute Kabylie, où il situa la quasi-totalité de ses romans. Il avait fait ses études secondaires à Rabat (1928-1932), au lycée Bugeaud d’Alger (actuel lycée Emir Abdelkader), avant de préparer à Paris, au lycée Louis-Le-Grand, le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure.
Mobilisé en 1939, il avait regagné l’Algérie en octobre 1940 et s’était inscrit à la faculté des lettres d’Alger. De nouveau mobilisé en 1942, il avait combattu le nazisme en Italie, France et Allemagne avant de devenir en 1947, professeur de lettres à Médéa.
Dans cet ordre d’idées, il serait à mon humble avis légitime de considérer feu Mouloud Mammeri, appelé communément dans les milieux berbérophones « Da L’’Mouloud »-Grand Frère Mouloud- comme étant le père fondateur de la littérature algérienne d’expression française et notamment le doyen, voire le précurseur de la culture berbère. Par conséquent, il fut l’homme qui alluma la mèche des évènements qui ébranlèrent l’édifice du parti unique en avril 1980.
Deux évènements majeurs marqueront à jamais cet écrivain célèbre :
Le premier concerne lorsque, tout enfant, il quitte le village natal pour aller vivre chez son oncle à Rabat. Un déracinement que Da L’Mouloud trainera en lui sans jamais pouvoir s’en guérir.
Le deuxième reste sans conteste sa mobilisation durant la Seconde Guerre mondiale, toute comme une bonne partie de la jeunesse. Les stigmates de ce qu’il a enduré lors de cet intermède, de ce qu’il a vu de la barbarie des hommes, l’amènent à relativiser plus tard les idéaux prônés par les chantres de la révolution française et le tryptique « égalité, liberté, fraternité ».
Il est évident que si Mouloud Mammeri, qui fut à la fois romancier, grammairien, anthropologue et dramaturge avait délibérément choisi d’écrire en français parce qu’il considérait sans ambages que cette langue traduit plus qu’elle ne trahit. Ceci dit, en écrivant tour à tour la colline oubliée(1952), le sommeil du juste(1955) et l’opium et le bâton (1965), cet illustre romancier décrypte la vie quotidienne des habitants d’un village de kabylie, en face de leur destin.
A ce sujet, il serait utile de dire que même si les milieux nationalistes algériens lui reprochent à tort son orientation berbériste, en revanche, son ami Tahar djaout disait qu’il n’y a pas d’ambivalence dans l’écriture romanesque de Da l’Mouloud entre la souche kabyle de ses personnages autobiographiques et leur insertion pleine et entière dans le combat pour l’indépendance nationale. Pour étayer mon propos, l’opium et la bâton reste et demeure incontestablement le roman le plus lu sur la guerre de libération, qui n’exclut cependant pas la dimension identitaire. D’ailleurs, je vais dire sans risque de me tromper que le film de Ahmed Rachedi est une adaptation tronquée de l’esprit du roman dont le réalisateur n’a retenu que l’esprit événementiel de la guerre de libération, coupé de sa genèse identitaire.
En outre, l’histoire retiendra désormais que Mouloud Mammeri a fait œuvre d’anthropologue et de linguiste sans jamais revendiquer de statut.
En guise de conclusion, je dirai que l’auteur du sommeil du juste mourut sans jamais goûter aux fruits de la liberté, de la culture et l’identité berbères pour lesquelles il fut persécuté par tous les pouvoirs successifs de l’Algérie arabo-islamiste.
Mohand HAROUZ - Paris le 26 février 2009
Combien d'outils au service de la mémoire collective ont été aussi performants pour les cultures et la civilisation berbère que ceux employés par l'écrivain et chercheur, Mouloud Mammeri ? Son roman "L’opium et la bâton" est aussi le plus lu sur la guerre de Libération.
Pourtant en 20 ans, rien n’est venu réhabiliter Mouloud MAMMERI en Algérie.
Son oeuvre est le plus souvent abordée dans un registre événementiel de la guerre de Libération, quand elle n'est tronquée de sa genèse identitaire.
Comme son compatriote Albert Camus, l’auteur de la Colline oubliée » s’est tué en voiture dans la nuit du 25 au 26 février 1989 près de Aïn Defla à 200 kilomètres d’Alger. Vingt ans après ce tragique accident, je décide comme à l’accoutumée revisiter l’immense œuvre de cet illustre écrivain, en l’occurrence Mouloud MAMMERI.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais d’emblée par cet article interpeler à la fois les lectrices, les lecteurs, les intellectuels et aussi les différentes associations culturelles berbères.
« S’il est une chose qu’un peuple ne doit pas déformer, ternir ou voler c’est son histoire ». Cette citation d’Amar Imache illustre bien ce qui va suivre.
Il y a environ quinze jours, je suis navré de lire dans le quotidien algérien indépendant « Liberté »un papier où l’on comparait feu Mouloud Mammeri à un chanteur. Tout est à l’honneur de ce dernier qui se trouvait auréolé d’un tel hommage. Cet article relève à mon avis de l’imposture, voire même de l’ineptie car selon les dires de mon ami Ramdhane HAÏFI, mort aussi tragiquement en février 2007, hormis les deux chantres de la langue berbère, Slimane Azem et Marguerite Taous Amrouche, il n’y avait guère d’autre chanteur qui ait soutenu dans l’immigration la prestigieuse Académie Berbère-Agraw Imazighène.
Ceci dit, il est évident que le rôle de ces associations ne doit pas se limiter au silence, encore moins à l’indifférence car personne n’a le droit de s’approprier ce que les autres individus avaient fait.
Il serait quand même important de savoir que vingt ans après sa tragique disparition rien n’est venu réhabiliter cet illustre penseur dont les travaux n’ont cessé d’être mis en exergue par ceux qui ont encore foi en la culture dans ce pays. De même, Mouloud Mammeri n’a pas limité ses écrits au roman : il a été aussi essayiste, grammairien, anthropologue, et dramaturge. Il est en effet, un universel dont l’ouverture sur le monde a dépassé nos frontières, pourtant confinées aujourd’hui par la pérennité d’un nom limité à la région où il fut né. Lui qui a œuvré sa vie durant pour son bien être culturel, seule la Maison de la Culture de Tizi-Ouzou et l’université de la ville ont été baptisées de son nom comme s’il n’appartenait qu’à cette partie du pays.
Né en 1017 à Taourirt- Mimoun, dans cette Haute Kabylie, où il situa la quasi-totalité de ses romans. Il avait fait ses études secondaires à Rabat (1928-1932), au lycée Bugeaud d’Alger (actuel lycée Emir Abdelkader), avant de préparer à Paris, au lycée Louis-Le-Grand, le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure.
Mobilisé en 1939, il avait regagné l’Algérie en octobre 1940 et s’était inscrit à la faculté des lettres d’Alger. De nouveau mobilisé en 1942, il avait combattu le nazisme en Italie, France et Allemagne avant de devenir en 1947, professeur de lettres à Médéa.
Dans cet ordre d’idées, il serait à mon humble avis légitime de considérer feu Mouloud Mammeri, appelé communément dans les milieux berbérophones « Da L’’Mouloud »-Grand Frère Mouloud- comme étant le père fondateur de la littérature algérienne d’expression française et notamment le doyen, voire le précurseur de la culture berbère. Par conséquent, il fut l’homme qui alluma la mèche des évènements qui ébranlèrent l’édifice du parti unique en avril 1980.
Deux évènements majeurs marqueront à jamais cet écrivain célèbre :
Le premier concerne lorsque, tout enfant, il quitte le village natal pour aller vivre chez son oncle à Rabat. Un déracinement que Da L’Mouloud trainera en lui sans jamais pouvoir s’en guérir.
Le deuxième reste sans conteste sa mobilisation durant la Seconde Guerre mondiale, toute comme une bonne partie de la jeunesse. Les stigmates de ce qu’il a enduré lors de cet intermède, de ce qu’il a vu de la barbarie des hommes, l’amènent à relativiser plus tard les idéaux prônés par les chantres de la révolution française et le tryptique « égalité, liberté, fraternité ».
Il est évident que si Mouloud Mammeri, qui fut à la fois romancier, grammairien, anthropologue et dramaturge avait délibérément choisi d’écrire en français parce qu’il considérait sans ambages que cette langue traduit plus qu’elle ne trahit. Ceci dit, en écrivant tour à tour la colline oubliée(1952), le sommeil du juste(1955) et l’opium et le bâton (1965), cet illustre romancier décrypte la vie quotidienne des habitants d’un village de kabylie, en face de leur destin.
A ce sujet, il serait utile de dire que même si les milieux nationalistes algériens lui reprochent à tort son orientation berbériste, en revanche, son ami Tahar djaout disait qu’il n’y a pas d’ambivalence dans l’écriture romanesque de Da l’Mouloud entre la souche kabyle de ses personnages autobiographiques et leur insertion pleine et entière dans le combat pour l’indépendance nationale. Pour étayer mon propos, l’opium et la bâton reste et demeure incontestablement le roman le plus lu sur la guerre de libération, qui n’exclut cependant pas la dimension identitaire. D’ailleurs, je vais dire sans risque de me tromper que le film de Ahmed Rachedi est une adaptation tronquée de l’esprit du roman dont le réalisateur n’a retenu que l’esprit événementiel de la guerre de libération, coupé de sa genèse identitaire.
En outre, l’histoire retiendra désormais que Mouloud Mammeri a fait œuvre d’anthropologue et de linguiste sans jamais revendiquer de statut.
En guise de conclusion, je dirai que l’auteur du sommeil du juste mourut sans jamais goûter aux fruits de la liberté, de la culture et l’identité berbères pour lesquelles il fut persécuté par tous les pouvoirs successifs de l’Algérie arabo-islamiste.
Mohand HAROUZ - Paris le 26 février 2009
Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: MOULOUD MAMMERI
Dernière conférence de Mouloud Mammeri : Poésie Berbère de Kabylie
Nous mettons en ligne la dernière conférence de Mouloud MAMMERI intitulée : Poésie Berbère de Kabylie donnée par Mouloud MAMMERI à l'USTHB (Alger, Bab Ezzouar) fin 1988. Cette conférence a été enregistrée par un groupe d'étudiants du Mzab avec les moyens de l'époque. Un document d'archive proposé par Nat Mzab.
Mouloud MAMMERI, figure emblématique de la culture amazighe et kabyle, grand homme de savoir (Amusnaw amuqran) et de clarté, a quitté ce bas monde un 26 février 1989. Le 28 décembre 1917 avait marqué sa naissance et l’arrivée d’un azmul (Symbole) historique pour prendre le flambeau de la renaissance de la langue amazighe moderne.
La mort l’avait emporté juste après sa participation au colloque de Oujda (Maroc) en revenant vers sa terre natale. Son premier terrain d’action a été toujours la culture et la langue amazighes en Algérie. Il a été de toute sa vie le défenseur d’une langue orale (en passage à l’écrit) menacée plus qu’auparavant par une disparition pure et simple. Cette langue à laquelle DDA LMULUD a redonné vie, continue de participer à l’enrichissement de cette œuvre culturelle de l’humanité que tous les peuples doivent contribuer à sauvegarder, à produire et à diffuser avec toute noblesse et fierté.
Bien à ses débuts, DDA Lmouloud avait commencé un jour par son premier article sur la société amazighe, et ce, à l’âge de vingt ans. Peut-on dire à présent que la société amazighe résiste et persiste? Les communautés dialectales amazighes, dans lesquelles DDA Lmouloud demeure pour toujours l’une des figures les plus déterminées-déterminantes, connaissent aujourd’hui un grand travail sur leur langue maternelle.
La revue IZMULEN reproduisait la première partie de la dernière conférence (inédite) donnée par feu Mouloud MAMMERI au village universitaire de l’U.S.T.H.B. (Alger, Bab Ezzouar) vers la fin de 1988. Peut être que certains s'en souviennt. Serait-elle la dernière conférence qu’il eut donné avant sa mort ? Notre souci, c’est de rapporter le plus fidèlement que possible cette conférence pour ne pas trahir les idées de DDA Lmouloud. C’est ce que l’on a consciemment tâché de faire en redoublant de prudence lors de l’écoute de la bande (très mal) enregistrée aussi bien qu’usée. Malheureusement l’enregistrement n’avait pas été effectué dès le commencement de cette conférence qu’on tentera de rapporter dans sa plus vraie forme possible en respectant et les répétitions des mots et les explications qui seront mises entre deux parenthèses.
Avant de commencer, je voudrais évoquer un petit fait, qui est le suivant : il est évident qu’après ce qu’on appelle pudiquement maintenant les événements d’octobre, il est, je crois, difficile de parler de quelque sujet que ce soit, sans au moins faire allusion aux conditions nouvelles qui se sont instaurées depuis, et pour lesquelles naturellement un prix très fort a été payé.
Mais cela je n’ai pas besoin de vous le dire, parce que je pense qu’il est presque indécent qu’après des événements pareils de faire quelque discours que ce soit, parce que quelque discours que ce soit restera toujours en deçà de la réalité. Ceci dit, je vais passer au sujet pour lequel nous sommes aujourd’hui réunis.
Il est exact qu’ainsi que votre camarade vient de l’évoquer que, en même temps, quand j’avais votre âge, j’ai commencé à écrire des romans, un roman à ce moment-là.
Je m’étais intéressé très tôt, très jeune à ce qui est une composante absolument essentielle de la culture de ce pays, à savoir la culture qui était la mienne, la culture dans laquelle j’avais grandi, dans laquelle j’ai passé toute mon enfance...qui m’a informé en grande partie, et dont une partie d’ailleurs est passée dans mes romans ou bien mes pièces de théâtre, mais dont je considère en tout cas qu’elle a été un élément absolument décisif, absolument déterminant de ma formation d’une façon générale.
Plus tard, naturellement, j’ai fait comme vous, c’est-à-dire que j’ai été universitaire, j’ai (été) suivi les cours de l’université d’Alger puis de Paris. (Mais il) il est évident, je crois que c’est assez clair, que le soubassement culturel dans lequel j’avais grandi continue d’être une partie tout à fait essentielle à la fois de mon existence et de ce que je tentais de réaliser. Nous allons donc parler d’un sujet qui peut vous paraître un petit peu secondaire par rapport à des préoccupations plus urgentes, qui est (la poésie) la poésie berbère de Kabylie.
Je pense qu’il est indispensable qu’avant d’arriver au sujet lui-même, or, entre parenthèse, je ferai tout ce que je pourrai de ce sujet-là. Il est beaucoup trop vaste pour qu’on puisse l’épuiser dans l’espace de je ne sais pas... une heure ou bien, au moins, ou même beaucoup plus. Donc j’en traiterai une partie, quitte à ce que je revienne un jour pour traiter autre chose, ou alors je résumerai vraiment de façon très rapide les dernières parties ou la dernière partie. Je pense en effet qu’il est absolument indispensable, avant d’arriver au sujet lui-même de traiter (je parle à des universitaires, donc je préfère « de traiter ») des conditions même de l’oralité. Car il est évident que cette poésie est toute entière orale, et que, par conséquent, son oralité va la déterminer en grande partie (pas dans une) pas exhaustivement, pas tout à fait entièrement, mais nous allons voir que, si on n’a pas réfléchi un petit peu auparavant sur ce que c’est que l’oralité ? Que sont les conditions de l’oralité ? Il est à peu près impossible (de comprendre) de comprendre au plus vrai cette littérature, ou en tout cas on risque de passer à coté. Car il y a un préjugé qu’il faut liquider tout de suite, avant même que je commence. Ce préjugé est le suivant : vous êtes des universitaires, vous avez donc eu accès à une littérature, (disons) à une formation disons universelle, c’est-à-dire quand on vous a appris qu’il y avait une littérature, je ne sais pas... anglaise, française, arabe, allemande, espagnole, italienne, etc..., les grandes littératures du monde..., et (ceci implique une espèce de, en filigrane, si vous voulez entre parenthèses, mais quand même réellement existant) ceci implique un jugement péjoratif sur tout ce qui n’est pas ces grandes littératures. Tout ce qui a été (si vous voulez) créé oralement de par le monde, car il n’y a pas que nous, c’est un phénomène (plus) très répandu et même majoritaire dans le reste de la planète. Tout ce qui n’est pas donc littérature écrite, par ce que aurait dû être secondaire, par ce que aurait dû être de seconde catégorie ; alors que (je ne sais si je vais pouvoir le montrer, mais en tout cas c’est ma conviction profonde, et j’ai essayé dans mes livres de le montrer, alors que) ces choses-là sont aussi valables que n’importe quelle production des littératures écrites, en particulier. C’est un petit détail, mais ça fait rien. J’ai beaucoup regretté que, vous savez, l’UNESCO-là (United Nations Educational, etc., etc. Scientific and Cultural Organization)...
Enfin c’est l’organisme qui s’occupe à la fois de l’éducation et des cultures dans les Nations Unies) a une espèce d’institution qui veut qu’on désigne pour chaque pays un poète (ou), non un écrivain, un homme de culture qui représente de façon emblématique, de façon particulière, de façon symbolique ce pays-là, et qui est proposé au reste du monde.
Moi, j’ai toujours infiniment regretté que un homme de l’envergure, un génie de la grandeur de Si Muhand U Mhand n’ait jamais été proposé dans ce cadre-là, parce que le poète qui a été Si Muíand U Míand, et même le penseur qui a été Si Moíand U Míand et la nature qui a été Si Muíand U Míand est tout à fait au niveau de n’importe quelle grande littérature écrite du monde. Simplement (quand cette réalisa...) quand cette poésie est réalisée que d’abord orale, comme elle est celle de..., en fin elle est orale originellement, elle n’a pas été portée par tout un ensemble (de considéra...) de conditions étatiques, sociales, etc, etc...et même matérielles, d’ailleurs médiatiques par exemple. Il est pratiquement inconnu de la masse (si vous voulez) à l’échelle universelle bien sûr, sauf nous, parce que c’est notre poète. Il reste au moins que un homme que Si Muíand U Míand est de la nature et du niveau de n’importe quels grands hauteurs des grandes littératures que vous connaissez. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas été ? Et bien, c’est justement à cause des conditions matérielles qui ont présidé à ce genre de littératures, en particulier son oralité. L’oralité maghrébine est dans notre pays (quand je dis dans notre pays, ça veut dire le Maghreb), est dans notre pays une très vieille histoire. Le Maghreb tout court ou le grand Maghreb si vous voulez. D’ailleurs j’aurais pas dû dire le Maghreb, j’aurais dû dire l’Afrique du nord, parce que je ne vois pas pourquoi on suit le Maghreb. L’oralité de cette littérature est une très vieille histoire. Elle a commencé pratiquement avec les tous premiers débuts de l’histoire dans notre pays. Comment ça s’est passé ?
Nous mettons en ligne la dernière conférence de Mouloud MAMMERI intitulée : Poésie Berbère de Kabylie donnée par Mouloud MAMMERI à l'USTHB (Alger, Bab Ezzouar) fin 1988. Cette conférence a été enregistrée par un groupe d'étudiants du Mzab avec les moyens de l'époque. Un document d'archive proposé par Nat Mzab.
Mouloud MAMMERI, figure emblématique de la culture amazighe et kabyle, grand homme de savoir (Amusnaw amuqran) et de clarté, a quitté ce bas monde un 26 février 1989. Le 28 décembre 1917 avait marqué sa naissance et l’arrivée d’un azmul (Symbole) historique pour prendre le flambeau de la renaissance de la langue amazighe moderne.
La mort l’avait emporté juste après sa participation au colloque de Oujda (Maroc) en revenant vers sa terre natale. Son premier terrain d’action a été toujours la culture et la langue amazighes en Algérie. Il a été de toute sa vie le défenseur d’une langue orale (en passage à l’écrit) menacée plus qu’auparavant par une disparition pure et simple. Cette langue à laquelle DDA LMULUD a redonné vie, continue de participer à l’enrichissement de cette œuvre culturelle de l’humanité que tous les peuples doivent contribuer à sauvegarder, à produire et à diffuser avec toute noblesse et fierté.
Bien à ses débuts, DDA Lmouloud avait commencé un jour par son premier article sur la société amazighe, et ce, à l’âge de vingt ans. Peut-on dire à présent que la société amazighe résiste et persiste? Les communautés dialectales amazighes, dans lesquelles DDA Lmouloud demeure pour toujours l’une des figures les plus déterminées-déterminantes, connaissent aujourd’hui un grand travail sur leur langue maternelle.
La revue IZMULEN reproduisait la première partie de la dernière conférence (inédite) donnée par feu Mouloud MAMMERI au village universitaire de l’U.S.T.H.B. (Alger, Bab Ezzouar) vers la fin de 1988. Peut être que certains s'en souviennt. Serait-elle la dernière conférence qu’il eut donné avant sa mort ? Notre souci, c’est de rapporter le plus fidèlement que possible cette conférence pour ne pas trahir les idées de DDA Lmouloud. C’est ce que l’on a consciemment tâché de faire en redoublant de prudence lors de l’écoute de la bande (très mal) enregistrée aussi bien qu’usée. Malheureusement l’enregistrement n’avait pas été effectué dès le commencement de cette conférence qu’on tentera de rapporter dans sa plus vraie forme possible en respectant et les répétitions des mots et les explications qui seront mises entre deux parenthèses.
Avant de commencer, je voudrais évoquer un petit fait, qui est le suivant : il est évident qu’après ce qu’on appelle pudiquement maintenant les événements d’octobre, il est, je crois, difficile de parler de quelque sujet que ce soit, sans au moins faire allusion aux conditions nouvelles qui se sont instaurées depuis, et pour lesquelles naturellement un prix très fort a été payé.
Mais cela je n’ai pas besoin de vous le dire, parce que je pense qu’il est presque indécent qu’après des événements pareils de faire quelque discours que ce soit, parce que quelque discours que ce soit restera toujours en deçà de la réalité. Ceci dit, je vais passer au sujet pour lequel nous sommes aujourd’hui réunis.
Il est exact qu’ainsi que votre camarade vient de l’évoquer que, en même temps, quand j’avais votre âge, j’ai commencé à écrire des romans, un roman à ce moment-là.
Je m’étais intéressé très tôt, très jeune à ce qui est une composante absolument essentielle de la culture de ce pays, à savoir la culture qui était la mienne, la culture dans laquelle j’avais grandi, dans laquelle j’ai passé toute mon enfance...qui m’a informé en grande partie, et dont une partie d’ailleurs est passée dans mes romans ou bien mes pièces de théâtre, mais dont je considère en tout cas qu’elle a été un élément absolument décisif, absolument déterminant de ma formation d’une façon générale.
Plus tard, naturellement, j’ai fait comme vous, c’est-à-dire que j’ai été universitaire, j’ai (été) suivi les cours de l’université d’Alger puis de Paris. (Mais il) il est évident, je crois que c’est assez clair, que le soubassement culturel dans lequel j’avais grandi continue d’être une partie tout à fait essentielle à la fois de mon existence et de ce que je tentais de réaliser. Nous allons donc parler d’un sujet qui peut vous paraître un petit peu secondaire par rapport à des préoccupations plus urgentes, qui est (la poésie) la poésie berbère de Kabylie.
Je pense qu’il est indispensable qu’avant d’arriver au sujet lui-même, or, entre parenthèse, je ferai tout ce que je pourrai de ce sujet-là. Il est beaucoup trop vaste pour qu’on puisse l’épuiser dans l’espace de je ne sais pas... une heure ou bien, au moins, ou même beaucoup plus. Donc j’en traiterai une partie, quitte à ce que je revienne un jour pour traiter autre chose, ou alors je résumerai vraiment de façon très rapide les dernières parties ou la dernière partie. Je pense en effet qu’il est absolument indispensable, avant d’arriver au sujet lui-même de traiter (je parle à des universitaires, donc je préfère « de traiter ») des conditions même de l’oralité. Car il est évident que cette poésie est toute entière orale, et que, par conséquent, son oralité va la déterminer en grande partie (pas dans une) pas exhaustivement, pas tout à fait entièrement, mais nous allons voir que, si on n’a pas réfléchi un petit peu auparavant sur ce que c’est que l’oralité ? Que sont les conditions de l’oralité ? Il est à peu près impossible (de comprendre) de comprendre au plus vrai cette littérature, ou en tout cas on risque de passer à coté. Car il y a un préjugé qu’il faut liquider tout de suite, avant même que je commence. Ce préjugé est le suivant : vous êtes des universitaires, vous avez donc eu accès à une littérature, (disons) à une formation disons universelle, c’est-à-dire quand on vous a appris qu’il y avait une littérature, je ne sais pas... anglaise, française, arabe, allemande, espagnole, italienne, etc..., les grandes littératures du monde..., et (ceci implique une espèce de, en filigrane, si vous voulez entre parenthèses, mais quand même réellement existant) ceci implique un jugement péjoratif sur tout ce qui n’est pas ces grandes littératures. Tout ce qui a été (si vous voulez) créé oralement de par le monde, car il n’y a pas que nous, c’est un phénomène (plus) très répandu et même majoritaire dans le reste de la planète. Tout ce qui n’est pas donc littérature écrite, par ce que aurait dû être secondaire, par ce que aurait dû être de seconde catégorie ; alors que (je ne sais si je vais pouvoir le montrer, mais en tout cas c’est ma conviction profonde, et j’ai essayé dans mes livres de le montrer, alors que) ces choses-là sont aussi valables que n’importe quelle production des littératures écrites, en particulier. C’est un petit détail, mais ça fait rien. J’ai beaucoup regretté que, vous savez, l’UNESCO-là (United Nations Educational, etc., etc. Scientific and Cultural Organization)...
Enfin c’est l’organisme qui s’occupe à la fois de l’éducation et des cultures dans les Nations Unies) a une espèce d’institution qui veut qu’on désigne pour chaque pays un poète (ou), non un écrivain, un homme de culture qui représente de façon emblématique, de façon particulière, de façon symbolique ce pays-là, et qui est proposé au reste du monde.
Moi, j’ai toujours infiniment regretté que un homme de l’envergure, un génie de la grandeur de Si Muhand U Mhand n’ait jamais été proposé dans ce cadre-là, parce que le poète qui a été Si Muíand U Míand, et même le penseur qui a été Si Moíand U Míand et la nature qui a été Si Muíand U Míand est tout à fait au niveau de n’importe quelle grande littérature écrite du monde. Simplement (quand cette réalisa...) quand cette poésie est réalisée que d’abord orale, comme elle est celle de..., en fin elle est orale originellement, elle n’a pas été portée par tout un ensemble (de considéra...) de conditions étatiques, sociales, etc, etc...et même matérielles, d’ailleurs médiatiques par exemple. Il est pratiquement inconnu de la masse (si vous voulez) à l’échelle universelle bien sûr, sauf nous, parce que c’est notre poète. Il reste au moins que un homme que Si Muíand U Míand est de la nature et du niveau de n’importe quels grands hauteurs des grandes littératures que vous connaissez. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas été ? Et bien, c’est justement à cause des conditions matérielles qui ont présidé à ce genre de littératures, en particulier son oralité. L’oralité maghrébine est dans notre pays (quand je dis dans notre pays, ça veut dire le Maghreb), est dans notre pays une très vieille histoire. Le Maghreb tout court ou le grand Maghreb si vous voulez. D’ailleurs j’aurais pas dû dire le Maghreb, j’aurais dû dire l’Afrique du nord, parce que je ne vois pas pourquoi on suit le Maghreb. L’oralité de cette littérature est une très vieille histoire. Elle a commencé pratiquement avec les tous premiers débuts de l’histoire dans notre pays. Comment ça s’est passé ?
Zhafit- Admin
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Re: MOULOUD MAMMERI
Vous savez que la première, je ne sais si je peux dire la première colonisation, la première occupation étrangère dans notre pays, c’était des Phéniciens qui sont venus en tout petit nombre de la ville de Tyr en Phénicie, dans la Palestine actuelle, dans l’Israël, et qui ont été vers l’ouest, et qui se sont installés sur les cotes tunisiennes où ils ont fondé (d’abord) sur les cotes d’abord algériennes, enfin la frontière (et) où ils ont fondé un grand empire, l’empire carthaginois.
Dès cette époque-là, commence pour notre littérature (un, son caractère, je ne sais comment il faut dire) son caractère de culture et de littérature seconde, en partie illégitime, subordonnée à une littérature légitime (qui est presque toujours, ou bien qu’elle est toujours) qui a toujours été étrangère. (C’est donc) l’oralité est donc dans notre pays (un très vieux) un très vieux caractère. (Il a été renforcé) cette oralité a été renforcée historiquement vers le 13ème siècle, vers plus tôt le 14ème siècle. Pourquoi ?
Vous savez que le moyen âge, la période faste de l’histoire de l’Afrique du nord, c’est le moyen âge. Les empires berbères du moyen âge ont été de grands empires, mais (après le plus grand d’entre eux, le plus grand d’entre eux qui a été les Almohades) après le plus grand d’entre eux, les Almohades, il y a eu une, je n’ose pas dire une décadence, mais en tout cas il y a eu (une stagnation) une stagnation historique qui a fait que il y a eu une espèce de recul de toute l’histoire nord-africaine. Comment cela ? Jusque-là, jusqu’aux Almohades, (l’histoire a été une histoire étatique) l’histoire de l’Afrique du nord a été une histoire étatique, c’est-à-dire (de grands ensembles) de grands ensembles dans lesquels il y avait un Etat constitué avec (je ne sais pas quoi) toute l’organisation administrative, politique, sociale, etc. qui implique (en particulier) vraiment la plus parfaite organisation étatique de ce type-là. Ça a été l’organisation Almohade qui, entre la Tripolitaine et le sud des Pyrénées, avait organisé tout ce pays-là, c’est-à-dire entre l’Espagne et l’Afrique du nord. (Après ce …) après cela, il va y avoir (un) un net recul de l’histoire de l’Afrique du nord, qui est déterminé premièrement parce que l’empire Almohade a éclaté en un certain nombre (de, de, de, de) de royaumes secondaires, en particulier les trois, qu’à partir de ce moment-là à peu près que se sont dessinés les trois pays d’Afrique du nord : Tunisie, Algérie, Maroc qui ont essayé chacun de rétablir l’unité almohadienne, mais ils n’y ont jamais réussi. Et le deuxième phénomène qui a aggravé les conséquences de cette décomposition almohadienne, c’est l’arrivée des Hilaliens.
Les tribus hilaliennes que le sultan, l’émir fatimide du Caire (a lancé contre l’Afrique du nord, l’émir fatimide c’était kabyle d’origine) a lancé contre l’Afrique du nord, ont contribué considérablement au démantèlement, à la décomposition de cet Etat étatique du moyen âge. Et la civilisation a suivi, c’est-à-dire (toutes les) toutes les manifestations de cette civilisation, y compris la littérature bien sûr ont suivi. Comment cela ? Les Hilaliens étaient un ensemble de tribus. Le phénomène tribal existait déjà en Afrique du nord chez les Berbères, en particulier chez les Zénètes, mais il existait partout, même chez les sédentaires.
Mais quand ces tribus hilaliènnes sont entrées en Afrique du nord, elles ont aggravé le phénomène tribal, elles l’ont revitalisé, elles lui ont donné une force nouvelle, c’est-à-dire que les tribus, qui jusque-là avaient tendance à s’intégrer dans l’ensemble étatique que constitue en particulier l’Etat Al-Mouhade, ont au contraire repris, si j’ose dire, le poil de la bête. Le phénomène tribal s’est revitalisé à l’occasion (de la tribu) de l’arrivée des tribus hilaliènnes qui ont permis aux tribus : Zenètes, Senhadja, Masmouda, etc., etc. de (se) se redéfinir triballement au lieu de s’intégrer comme elles avaient fait jusque-là dans un ensemble étatique ; car les Almohades eux-mêmes ont été une création de quoi ? ça a été une création de la confédération des Masmouda qui étaient des Berbères du haut Atlas. Les Al-Morabites, qu’est-ce que c’est ? ça a été (une) la formation étatique des Lamtouna, c’est-à-dire des Sanhadja (du) du désert. C’était donc des tribus qui créaient des empires. Là c’est le contraire qui va se passer. Ces tribus-là restent tribus et le phénomène tribal va prendre une importance beaucoup plus grande que celle qu’il avait jusque-là. Qu’est-ce que cela veut dire ? ça veut dire que la littérature elle-même qui était jusque-là écrite, et, par conséquent (était) si vous voulez, avait des valeurs universelles (quelle que soit la langue dans laquelle elle était exprimée…elle avait été d’abord en Latin, un petit peu en Grec et dernièrement bien sûr en Arabe, cette littérature-là) va reculer, l’importance de cette littérature va reculer. I
l n’y a qu’à penser que pendant la période Almohade, un homme (aussi) aussi grand d’esprit, aussi considérable qu’Averroés a vécu à la cours des princes Almohades à Marrakech, par exemple. Ce phénomène va disparaître complètement, pas complètement bien sûr. Il restera encore quelques écrivains - je ne suis très compétent de cela, mais enfin il restera quelques écrivains - mais qui n’ont pas l’envergure justement de ceux de la grande période. (Il est parallèlement) il va se développer toute une littérature - et juste « développer », c’est-à-dire qu’elle existait bien sûr de tout le temps -. Il n’y a qu’à lire Ibn Khaldoun. Ibn Khaldoun que lui-même dit en faveur des Zénètes qu’ils avaient beaucoup de productions orales, et puis il regrettait qu’elles n’étaient pas écrites. Mais ce phénomène-là va prendre une ampleur beaucoup plus grande à partir de ce moment-là. Donc il va y avoir un développement de la littérature orale, et celle que nous héritons au dix-neuvième siècle. C’est à partir du dix-neuvième siècle qu’on a commencé à enregistrer (les) les documents des littératures orales qui existaient. Elles datent à peu près de cette époque-là, (les plus) les plus anciennes bien sûr. Quels sont les caractères de cette littérature ? Il y en a deux : un négatif et un positif, sur lesquels je voudrai maintenant revenir. (Un positif) un négatif. Nous allons l’étudier vite. C’est le fait qu’une littérature orale ne peut pas traiter des grands genres, c’est-à-dire que si vous voulez écrire un traité de philosophie ou d’astronomie, si vous voulez écrire une grande tragédie, etc., etc… (vous ne pouvez pas le faire avec les moyens, bon vous ne pouvez pas, mais dans des conditions très difficiles), vous ne pouvez pas le faire avec uniquement des moyens oraux. Il y a eu dès cette époque-là une espèce de partage des domaines. Les grands genres, les grandes disciplines, les grandes sciences étant réservés aux langues écrites, aux littératures écrites et, au contraire, la littérature orale étant contenue dans des domaines plus ou moins secondaires, ludiques, sentimentaux, personnels, un petit peu régionaux de temps en temps, etc. (Donc) il y a donc un partage des domaines en faveur des littératures écrites et contre les littératures orales. Ça c’est le caractère négatif. Mais il y a un caractère positif. Le caractère positif, c’est que cette littérature orale est enfoncée dans la vie même du peuple, elle est l’expression de la vie la plus profonde du peuple. La vraie expression populaire, c’est celle qui est exprimée dans ces langues-là. Pourquoi ? Parce que ces langues qui sont parlées normalement, qui sont parlées quotidiennement, sont naturellement l’expression de la vie à la fois quotidienne et profonde du peuple. Il n’y a pas coupure, il n’y a pas cette espèce de mur de Berlin qui existe pour les littératures écrites - en tout cas dans notre pays- entre la littérature savante et écrite et la vie réelle des hommes qui composent le peuple (de) nord-africain. Les poèmes, les contes (je ne sais pas quoi) de cette littérature-là sont vraiment l’expression de la vie réelle. (Il se passe à ce moment-là, il se passe) il va se passer un phénomène un petit peu spécifique à nous, et d’ailleurs regrettable, c’est que, entre les deux domaines, (il y a un véritable) il y a une véritable, je ne sais pas comment dire, il y a un mur quoi, il n’y a pas influence réciproque de l’une sur l’autre. Dans tous les pays du monde, (la) cette espèce d’écart entre les deux n’existe presque pas, ou alors il est presque nul. Je ne sais pas, si vous voulez écrire un poème allemand formidable, une tragédie allemande ou une petite philosophie allemande ; entre la langue allemande qui est parlée tout le temps et d’autres traités, il n’y a pas de grande différence, (le domaine culturel) la langue est à peu près la même, donc ça va très bien. Chez nous il y a toujours une espèce, encore pour une fois, de mur Berlin entre les deux choses. La littérature écrite et savante se développe dans ses propres conditions et la littérature orale (se) se meut dans un domaine tout à fait différent. Ça ne va pas dire qu’il n’y a pas d’influence de l’une sur l’autre de temps en temps. Mais pour un capital à mon sens - cette influence ne s’exerce que dans un sens -, c’est toujours la littérature savante, écrite qui influe sur la littérature orale, et ce n’est à peu près jamais l’inverse. Et ceci est très important, parce que ça veut dire que cette littérature orale est en quelque sorte condamnée à demeurer éternellement dans cette espèce de position mineure par rapport (à la littérature) à la littérature savante. J’ajoute tout de suite que ce problème qui a l’air historique, qui a l’air de se passer en des temps très anciens a en réalité continué en 1988, et bien tôt 1989.
Ainsi que vous le savez très bien, il y a un divorce, un divorce très profond dans ce pays entre ce qui se dit, ce qui se chante, ce qui se meut, ce qui se rêve, ce qui se vit profondément dans la vie réelle du peuple, de tout le monde, et de cette espèce de discours tout à fait particulier que les livres ou bien les autres médias, plus ou moins institutionnels, développent, et qui est un monde à part, qui a ses propres lois. (Mais) Et on se demande à quel moment il rejoint justement la réalité. Donc ce n’est pas simplement un problème historique, il vient de très loin, ce divorce vient de très loin, mais il continue d’exister en ce moment, au moment où nous sommes entrain de parler. La preuve, c’est que je vous parle dans une langue (qui n’est pas la langue de) qui n’est pas la langue (de nos) de nos ancêtres bien sûr, mais je suis contraint de le faire parce que les conditions sont telles qu’il n’est matériellement possible que je dois le faire que dans un instrument comme celui-là. (Il est bon) je crois, avant même que l’on parle de poésie berbère, il est bon de faire remarquer que ce problème se pose, et se pose de façon très urgente (je dirais très), en tout cas inévitable si vous voulez dans la situation que nous sommes entrain de vivre en ce moment même. La solution idéale, il n’y en a pas 46, il n’y en a qu’une seule. Il faut que entre l’expression réelle de l’homme algérien et l’expression apprêtée, savante, écrite de l’homme algérien, du même homme algérien qui simplement a passé dans l’université, qui par conséquent a les moyens matériels de s’exprimer dans un langage sophistiqué ou en tout cas apprêté, il faut que cette distance-là disparaisse, il faut que (le, le, le, les moyens) le mode d’expression arrive à trouver les moyens, ça ne peut pas être…, je ne fais pas du tout du totalitarisme culturel, je veux dire qu’on n’est pas obligé d’imposer un seul type de culture ou un seul type de langue au peuple nord-africain, du peuple en général, il faut en avoir plusieurs.
Mais, à mon sens, c’est ma conviction profonde, il faut qu’il n’y ait pas cette espèce de barrière absolue qu’il y a actuellement entre la vie réelle et le discours soutenu. Donc la solution idéale, c’est dans le mariage en quelque sorte (de ces deux formes) de ces deux formes d’expression, à savoir la forme savante (et la forme) et la forme populaire. Si vous avez l’impression que je vous parle de choses très passées, c’est faux. Mais ça a existé vraiment tel que je vous le dit, parce ce qu’il y avait même toute une théorie où il est clair de (de cette époque-là) distinguer entre el-xassa oua el-âamma. Je m’excuse, les arabisants vont corriger, si je fais des fautes là-dedans. Mais el-xassa, c’est la culture de l’élite, la langue de l’élite, et au contraire el-âamma, c’est le peuple, c’est le commun, etc., etc. Avec tout un discours tout à fait logique, tout à fait cohérent qui distingue l’un de l’autre. Averroés lui-même disait ça. Il y a des vérités que l’on peut dire à l’élite, que l’on peut dire à el-xassa parce qu’ils ont fait des études…ils peuvent accepter un certain nombre d’idées, etc…, mais il ne faut pas dire au peuple. Parce que le peuple, attention si jamais on lui dit des choses comme ça, les catastrophes vont être catastrophiques justement. Bon, et il ne faut pas que ce soit comme cela. Bon, donc cette idée qui peut vous paraître tout à fait personnelle, elle est fondée (sur des) sur des bases historiques sur lesquelles je ne revient pas, mais qui existent. Il faut donc partir pour vraiment comprendre l’expression littéraire de ce pays, qu’elle soit en Berbère, en Arabe vernaculaire, en Arabe nord-africain, il faut donc, je crois, saisir les conditions de cette oralité. Il y en a un certain nombre qui sont à mon avis des rumeurs. Ce sont des conditions (qui) qui empêchent plutôt le développement (plutôt) plutôt qu’elles ne le favorisent.
Premièrement, il y a un horizon fini, il y a un horizon chronologiquement fini pour la littérature orale. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand vous écrivez un livre, vous avez chance (que), c’est pas du tout exclu, que ce livre traverse les siècles et qui soit lu deux mille ans après vous. Homère a écrit huit cents ans avant (a écrit), non a composé huit cents ans avant Jésus Christ. Mais en 1988 si vous voulez lire l’Iliade ou l’Odyssée, vous avez le texte devant vous, il n’y a qu’à ouvrir le livre. On peut prendre des exemples très anciens encore : (la bible) la bible, l’ancien testament… il y a la littérature chinoise, la littérature hindou. Ça n’est jamais le cas pour la littérature orale. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Chaque génération a devant elle un lot de littérature : des poèmes, des contes tout ce que vous voudrez. Elle a un lot devant elle qu’elle utilise, qu’elle manipule, quelques fois qu’elle manie ; mais ce lot n’est intéressant pour elle que dans la mesure où il est fonctionnel, c’est-à-dire où il continue d’avoir dans sa vie réelle un rôle. (C’est un rôle important) c’est un rôle important, symbolique, imaginaire, etc., mais un rôle réel. Mais les générations se suivent, et là (c’est l’histoire) l’histoire marche. Les intérêts si vous voulez d’une génération à l’autre changent, c’est-à-dire que la prochaine génération, celle qui vient après la vôtre par exemple n’aura pas les mêmes préoccupations que vous. Si vous êtes en domaine de littérature orale, la génération qui va vous suivre ne va pas s’intéresser aux mêmes choses, donc elle va laisser tomber les choses qui, pour elle, sont les moins intéressantes, elle va garder les choses qui, pour elle, continuent d’avoir un sens, elle va en même temps créer de nouvelles choses qui correspondent à sa vie réelle. Qu’est-ce que cela veut dire ? ça veut dire qu’il y a une masse presque fixe de littérature orale qui évolue sans cesse ; elle laisse tomber vers l’arrière un certain nombre d’éléments, elle en acquiert vers l’avant un certain nombre d’autres, mais vous voyez très bien où est le désavantage, c’est que les choses qu’elle laisse tomber, elles sont mortes à jamais. Et parmi ces choses mortes à jamais il n’en a que quelques unes qui sont absolument remarquables.
Dès cette époque-là, commence pour notre littérature (un, son caractère, je ne sais comment il faut dire) son caractère de culture et de littérature seconde, en partie illégitime, subordonnée à une littérature légitime (qui est presque toujours, ou bien qu’elle est toujours) qui a toujours été étrangère. (C’est donc) l’oralité est donc dans notre pays (un très vieux) un très vieux caractère. (Il a été renforcé) cette oralité a été renforcée historiquement vers le 13ème siècle, vers plus tôt le 14ème siècle. Pourquoi ?
Vous savez que le moyen âge, la période faste de l’histoire de l’Afrique du nord, c’est le moyen âge. Les empires berbères du moyen âge ont été de grands empires, mais (après le plus grand d’entre eux, le plus grand d’entre eux qui a été les Almohades) après le plus grand d’entre eux, les Almohades, il y a eu une, je n’ose pas dire une décadence, mais en tout cas il y a eu (une stagnation) une stagnation historique qui a fait que il y a eu une espèce de recul de toute l’histoire nord-africaine. Comment cela ? Jusque-là, jusqu’aux Almohades, (l’histoire a été une histoire étatique) l’histoire de l’Afrique du nord a été une histoire étatique, c’est-à-dire (de grands ensembles) de grands ensembles dans lesquels il y avait un Etat constitué avec (je ne sais pas quoi) toute l’organisation administrative, politique, sociale, etc. qui implique (en particulier) vraiment la plus parfaite organisation étatique de ce type-là. Ça a été l’organisation Almohade qui, entre la Tripolitaine et le sud des Pyrénées, avait organisé tout ce pays-là, c’est-à-dire entre l’Espagne et l’Afrique du nord. (Après ce …) après cela, il va y avoir (un) un net recul de l’histoire de l’Afrique du nord, qui est déterminé premièrement parce que l’empire Almohade a éclaté en un certain nombre (de, de, de, de) de royaumes secondaires, en particulier les trois, qu’à partir de ce moment-là à peu près que se sont dessinés les trois pays d’Afrique du nord : Tunisie, Algérie, Maroc qui ont essayé chacun de rétablir l’unité almohadienne, mais ils n’y ont jamais réussi. Et le deuxième phénomène qui a aggravé les conséquences de cette décomposition almohadienne, c’est l’arrivée des Hilaliens.
Les tribus hilaliennes que le sultan, l’émir fatimide du Caire (a lancé contre l’Afrique du nord, l’émir fatimide c’était kabyle d’origine) a lancé contre l’Afrique du nord, ont contribué considérablement au démantèlement, à la décomposition de cet Etat étatique du moyen âge. Et la civilisation a suivi, c’est-à-dire (toutes les) toutes les manifestations de cette civilisation, y compris la littérature bien sûr ont suivi. Comment cela ? Les Hilaliens étaient un ensemble de tribus. Le phénomène tribal existait déjà en Afrique du nord chez les Berbères, en particulier chez les Zénètes, mais il existait partout, même chez les sédentaires.
Mais quand ces tribus hilaliènnes sont entrées en Afrique du nord, elles ont aggravé le phénomène tribal, elles l’ont revitalisé, elles lui ont donné une force nouvelle, c’est-à-dire que les tribus, qui jusque-là avaient tendance à s’intégrer dans l’ensemble étatique que constitue en particulier l’Etat Al-Mouhade, ont au contraire repris, si j’ose dire, le poil de la bête. Le phénomène tribal s’est revitalisé à l’occasion (de la tribu) de l’arrivée des tribus hilaliènnes qui ont permis aux tribus : Zenètes, Senhadja, Masmouda, etc., etc. de (se) se redéfinir triballement au lieu de s’intégrer comme elles avaient fait jusque-là dans un ensemble étatique ; car les Almohades eux-mêmes ont été une création de quoi ? ça a été une création de la confédération des Masmouda qui étaient des Berbères du haut Atlas. Les Al-Morabites, qu’est-ce que c’est ? ça a été (une) la formation étatique des Lamtouna, c’est-à-dire des Sanhadja (du) du désert. C’était donc des tribus qui créaient des empires. Là c’est le contraire qui va se passer. Ces tribus-là restent tribus et le phénomène tribal va prendre une importance beaucoup plus grande que celle qu’il avait jusque-là. Qu’est-ce que cela veut dire ? ça veut dire que la littérature elle-même qui était jusque-là écrite, et, par conséquent (était) si vous voulez, avait des valeurs universelles (quelle que soit la langue dans laquelle elle était exprimée…elle avait été d’abord en Latin, un petit peu en Grec et dernièrement bien sûr en Arabe, cette littérature-là) va reculer, l’importance de cette littérature va reculer. I
l n’y a qu’à penser que pendant la période Almohade, un homme (aussi) aussi grand d’esprit, aussi considérable qu’Averroés a vécu à la cours des princes Almohades à Marrakech, par exemple. Ce phénomène va disparaître complètement, pas complètement bien sûr. Il restera encore quelques écrivains - je ne suis très compétent de cela, mais enfin il restera quelques écrivains - mais qui n’ont pas l’envergure justement de ceux de la grande période. (Il est parallèlement) il va se développer toute une littérature - et juste « développer », c’est-à-dire qu’elle existait bien sûr de tout le temps -. Il n’y a qu’à lire Ibn Khaldoun. Ibn Khaldoun que lui-même dit en faveur des Zénètes qu’ils avaient beaucoup de productions orales, et puis il regrettait qu’elles n’étaient pas écrites. Mais ce phénomène-là va prendre une ampleur beaucoup plus grande à partir de ce moment-là. Donc il va y avoir un développement de la littérature orale, et celle que nous héritons au dix-neuvième siècle. C’est à partir du dix-neuvième siècle qu’on a commencé à enregistrer (les) les documents des littératures orales qui existaient. Elles datent à peu près de cette époque-là, (les plus) les plus anciennes bien sûr. Quels sont les caractères de cette littérature ? Il y en a deux : un négatif et un positif, sur lesquels je voudrai maintenant revenir. (Un positif) un négatif. Nous allons l’étudier vite. C’est le fait qu’une littérature orale ne peut pas traiter des grands genres, c’est-à-dire que si vous voulez écrire un traité de philosophie ou d’astronomie, si vous voulez écrire une grande tragédie, etc., etc… (vous ne pouvez pas le faire avec les moyens, bon vous ne pouvez pas, mais dans des conditions très difficiles), vous ne pouvez pas le faire avec uniquement des moyens oraux. Il y a eu dès cette époque-là une espèce de partage des domaines. Les grands genres, les grandes disciplines, les grandes sciences étant réservés aux langues écrites, aux littératures écrites et, au contraire, la littérature orale étant contenue dans des domaines plus ou moins secondaires, ludiques, sentimentaux, personnels, un petit peu régionaux de temps en temps, etc. (Donc) il y a donc un partage des domaines en faveur des littératures écrites et contre les littératures orales. Ça c’est le caractère négatif. Mais il y a un caractère positif. Le caractère positif, c’est que cette littérature orale est enfoncée dans la vie même du peuple, elle est l’expression de la vie la plus profonde du peuple. La vraie expression populaire, c’est celle qui est exprimée dans ces langues-là. Pourquoi ? Parce que ces langues qui sont parlées normalement, qui sont parlées quotidiennement, sont naturellement l’expression de la vie à la fois quotidienne et profonde du peuple. Il n’y a pas coupure, il n’y a pas cette espèce de mur de Berlin qui existe pour les littératures écrites - en tout cas dans notre pays- entre la littérature savante et écrite et la vie réelle des hommes qui composent le peuple (de) nord-africain. Les poèmes, les contes (je ne sais pas quoi) de cette littérature-là sont vraiment l’expression de la vie réelle. (Il se passe à ce moment-là, il se passe) il va se passer un phénomène un petit peu spécifique à nous, et d’ailleurs regrettable, c’est que, entre les deux domaines, (il y a un véritable) il y a une véritable, je ne sais pas comment dire, il y a un mur quoi, il n’y a pas influence réciproque de l’une sur l’autre. Dans tous les pays du monde, (la) cette espèce d’écart entre les deux n’existe presque pas, ou alors il est presque nul. Je ne sais pas, si vous voulez écrire un poème allemand formidable, une tragédie allemande ou une petite philosophie allemande ; entre la langue allemande qui est parlée tout le temps et d’autres traités, il n’y a pas de grande différence, (le domaine culturel) la langue est à peu près la même, donc ça va très bien. Chez nous il y a toujours une espèce, encore pour une fois, de mur Berlin entre les deux choses. La littérature écrite et savante se développe dans ses propres conditions et la littérature orale (se) se meut dans un domaine tout à fait différent. Ça ne va pas dire qu’il n’y a pas d’influence de l’une sur l’autre de temps en temps. Mais pour un capital à mon sens - cette influence ne s’exerce que dans un sens -, c’est toujours la littérature savante, écrite qui influe sur la littérature orale, et ce n’est à peu près jamais l’inverse. Et ceci est très important, parce que ça veut dire que cette littérature orale est en quelque sorte condamnée à demeurer éternellement dans cette espèce de position mineure par rapport (à la littérature) à la littérature savante. J’ajoute tout de suite que ce problème qui a l’air historique, qui a l’air de se passer en des temps très anciens a en réalité continué en 1988, et bien tôt 1989.
Ainsi que vous le savez très bien, il y a un divorce, un divorce très profond dans ce pays entre ce qui se dit, ce qui se chante, ce qui se meut, ce qui se rêve, ce qui se vit profondément dans la vie réelle du peuple, de tout le monde, et de cette espèce de discours tout à fait particulier que les livres ou bien les autres médias, plus ou moins institutionnels, développent, et qui est un monde à part, qui a ses propres lois. (Mais) Et on se demande à quel moment il rejoint justement la réalité. Donc ce n’est pas simplement un problème historique, il vient de très loin, ce divorce vient de très loin, mais il continue d’exister en ce moment, au moment où nous sommes entrain de parler. La preuve, c’est que je vous parle dans une langue (qui n’est pas la langue de) qui n’est pas la langue (de nos) de nos ancêtres bien sûr, mais je suis contraint de le faire parce que les conditions sont telles qu’il n’est matériellement possible que je dois le faire que dans un instrument comme celui-là. (Il est bon) je crois, avant même que l’on parle de poésie berbère, il est bon de faire remarquer que ce problème se pose, et se pose de façon très urgente (je dirais très), en tout cas inévitable si vous voulez dans la situation que nous sommes entrain de vivre en ce moment même. La solution idéale, il n’y en a pas 46, il n’y en a qu’une seule. Il faut que entre l’expression réelle de l’homme algérien et l’expression apprêtée, savante, écrite de l’homme algérien, du même homme algérien qui simplement a passé dans l’université, qui par conséquent a les moyens matériels de s’exprimer dans un langage sophistiqué ou en tout cas apprêté, il faut que cette distance-là disparaisse, il faut que (le, le, le, les moyens) le mode d’expression arrive à trouver les moyens, ça ne peut pas être…, je ne fais pas du tout du totalitarisme culturel, je veux dire qu’on n’est pas obligé d’imposer un seul type de culture ou un seul type de langue au peuple nord-africain, du peuple en général, il faut en avoir plusieurs.
Mais, à mon sens, c’est ma conviction profonde, il faut qu’il n’y ait pas cette espèce de barrière absolue qu’il y a actuellement entre la vie réelle et le discours soutenu. Donc la solution idéale, c’est dans le mariage en quelque sorte (de ces deux formes) de ces deux formes d’expression, à savoir la forme savante (et la forme) et la forme populaire. Si vous avez l’impression que je vous parle de choses très passées, c’est faux. Mais ça a existé vraiment tel que je vous le dit, parce ce qu’il y avait même toute une théorie où il est clair de (de cette époque-là) distinguer entre el-xassa oua el-âamma. Je m’excuse, les arabisants vont corriger, si je fais des fautes là-dedans. Mais el-xassa, c’est la culture de l’élite, la langue de l’élite, et au contraire el-âamma, c’est le peuple, c’est le commun, etc., etc. Avec tout un discours tout à fait logique, tout à fait cohérent qui distingue l’un de l’autre. Averroés lui-même disait ça. Il y a des vérités que l’on peut dire à l’élite, que l’on peut dire à el-xassa parce qu’ils ont fait des études…ils peuvent accepter un certain nombre d’idées, etc…, mais il ne faut pas dire au peuple. Parce que le peuple, attention si jamais on lui dit des choses comme ça, les catastrophes vont être catastrophiques justement. Bon, et il ne faut pas que ce soit comme cela. Bon, donc cette idée qui peut vous paraître tout à fait personnelle, elle est fondée (sur des) sur des bases historiques sur lesquelles je ne revient pas, mais qui existent. Il faut donc partir pour vraiment comprendre l’expression littéraire de ce pays, qu’elle soit en Berbère, en Arabe vernaculaire, en Arabe nord-africain, il faut donc, je crois, saisir les conditions de cette oralité. Il y en a un certain nombre qui sont à mon avis des rumeurs. Ce sont des conditions (qui) qui empêchent plutôt le développement (plutôt) plutôt qu’elles ne le favorisent.
Premièrement, il y a un horizon fini, il y a un horizon chronologiquement fini pour la littérature orale. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand vous écrivez un livre, vous avez chance (que), c’est pas du tout exclu, que ce livre traverse les siècles et qui soit lu deux mille ans après vous. Homère a écrit huit cents ans avant (a écrit), non a composé huit cents ans avant Jésus Christ. Mais en 1988 si vous voulez lire l’Iliade ou l’Odyssée, vous avez le texte devant vous, il n’y a qu’à ouvrir le livre. On peut prendre des exemples très anciens encore : (la bible) la bible, l’ancien testament… il y a la littérature chinoise, la littérature hindou. Ça n’est jamais le cas pour la littérature orale. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Chaque génération a devant elle un lot de littérature : des poèmes, des contes tout ce que vous voudrez. Elle a un lot devant elle qu’elle utilise, qu’elle manipule, quelques fois qu’elle manie ; mais ce lot n’est intéressant pour elle que dans la mesure où il est fonctionnel, c’est-à-dire où il continue d’avoir dans sa vie réelle un rôle. (C’est un rôle important) c’est un rôle important, symbolique, imaginaire, etc., mais un rôle réel. Mais les générations se suivent, et là (c’est l’histoire) l’histoire marche. Les intérêts si vous voulez d’une génération à l’autre changent, c’est-à-dire que la prochaine génération, celle qui vient après la vôtre par exemple n’aura pas les mêmes préoccupations que vous. Si vous êtes en domaine de littérature orale, la génération qui va vous suivre ne va pas s’intéresser aux mêmes choses, donc elle va laisser tomber les choses qui, pour elle, sont les moins intéressantes, elle va garder les choses qui, pour elle, continuent d’avoir un sens, elle va en même temps créer de nouvelles choses qui correspondent à sa vie réelle. Qu’est-ce que cela veut dire ? ça veut dire qu’il y a une masse presque fixe de littérature orale qui évolue sans cesse ; elle laisse tomber vers l’arrière un certain nombre d’éléments, elle en acquiert vers l’avant un certain nombre d’autres, mais vous voyez très bien où est le désavantage, c’est que les choses qu’elle laisse tomber, elles sont mortes à jamais. Et parmi ces choses mortes à jamais il n’en a que quelques unes qui sont absolument remarquables.
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Re: MOULOUD MAMMERI
Dans le livre que je fouille tout à l’heure, où on nous a parlé de littérature ancienne, de poèmes kabyles anciens, ça pourrait être comme ça ; dans ces poèmes kabyles anciens, j’ai pu recueillir des poèmes qui sont effectivement anciens, mais qui sont arrivés dans un état très délabré, il y a à peine quelques strophes. Il y en a qui est très beau et dont je regrette infiniment qu’il ne me soit parvenu à moi personnellement que cinq petites strophes. Et celui qu’il me l’a dit, m’a dit c’est beaucoup plus long, mais c’est tout ce que je connais, et visiblement le Berbère est un Berbère ancien, est un Berbère difficile. Par conséquent, c’est un document (d’une époque beaucoup) d’une époque très ancienne. Bon, ce qui compte, par conséquent, ça n’est pas toujours le plus mauvais, quelques fois ce qui compte, c’est le meilleur, c’est le plus significatif. Et cela vous l’avez perdu pour tous les jours, (vous n’avez pas) vous ne pouvez pas le récupérer. (Il y a donc) il y a donc si vous voulez un horizon chronologique fini pour la littérature orale. Vous allez me dire mais il y a quand même des exemples dans le monde de littérature orale très ancienne. C’est vrai, mais ils sont connus ces exemples à partir du moment où quelqu’un les a écrits, c’est-à-dire à partir du moment (où ils cessent d’être) où ils cessent d’être oraux. Homère dont je vous parle tout à l’heure, qu’est-ce que c’était ? Au départ c’était- (il tousse et il dit) : « je m’excuse car je ne peux rien là, c’est un peu froid dans votre salle » - Qu’est-ce que c’était Homère ? c’était un nombre de poèmes, des copies copiées les unes des autres (copiées les unes des autres), et que des Meddaḥ grecs récitaient à leur public. Ensuite, à l’époque historique, dans la Grèce, quand les Grecs ont commencé à écrire, les gens se sont dits mais ces poèmes sont très bons. On va les écrire. Ils les ont écrits. Et c’est 2000 ans après eux, 2800 ans après eux nous continuons les pouvoir lire l’Iliade et l’Odyssée, c’est parce qu’à un même moment donné ces poèmes oraux ont été écrits. Sans ça, ils seraient morts… (coupure). Ça, c’est (au 14ème) au 14ème, 15ème siècle, au moment d’Ibn Khaldoun. Ce qui était vrai au 15ème siècle était évidement vrai auparavant. Par conséquent, les pertes que nous avons faites de ce coté-là sont des pertes immenses et malheureusement des pertes irréparables. Ce qui s’est passé ailleurs. Je ne sais pas, quand vous lisez les contes européens, admettons les contes de PERRAULT si vous voulez, ou bien Grimm, Hoffmann, etc. Bien sûr, vous pouvez les lire : Grass, « Le petit chaperon rouge ». Tout le monde connaît « le petit chaperon rouge» maintenant, pas seulement en Europe, même en dehors d’Europe, on connaît «le petit chaperon rouge»… je ne sais pas quoi « Cendrillon », « Peau d’Âne » et tous les autres. Mais pourquoi ? On les connaît parce que à un moment donné au 17ème siècle quelqu’un qui s’est appelé PERRAULT, a pris sa plume et a commencé à écrire des choses que les vieilles bonnes femmes et les vieux bons hommes racontaient autour de lui. Sans ça, ces contes-là seraient morts à jamais comme s’est arrivé pour nous (…).
Deuxième inconvénient de cette oralité, c’est le caractère fini de la mémoire, puisque ça s’écrit pas .(Les) la littérature orale n’est gardée que dans la mémoire des gens. Mais la mémoire, elle, est limitée. Quelles que soient (les) les possibilités extraordinaires de l’individu, de toute façon il ne peut retenir qu’un nombre fini de vers. Alors que dans un livre vous pouvez garder tout ce que vous voulez.
Troisième inconvénient, le support est un support fini, c’est-à-dire cette littérature, elle est où ? Elle est dans des individus, et quand ces individus meurent et bien c’est fini. Si vous connaissez la formule : « un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » C’est pas seulement une formule, c’est aussi la vérité. Ça veut dire que cette littérature (qui est uniquement) qui est contenue dans des individus, elle est accrochée à quelque chose de très fragile. L’individu meurt au bout de je ne sais pas combien de temps, mais il meurt. Quand c’est un livre, évidemment il peut être immortel. Et enfin, (dernier) dernier inconvénient sur lequel je ne veux insister parce qu’il est un peu difficile à expliquer. Cette littérature est linéaire, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas avoir devant vous (plusieurs) plusieurs documents dans leurs simultanéités, il faut qu’on vous récite un poème ; et quand on vous a récité le vingtième vers, vous avez oublié le premier, etc. Alors l’écrit, c’est pas vrai. Vous l’aurez devant vous. Bon, je n’insiste pas sur ce caractère, parce qu’il est un peu délicat. Bon. (Donc) donc voilà les inconvénients (des) de cette oralité.
(Si vous permettez) si vous me permettez une toute petite parenthèse. J’ai dit tout à l’heure que l’influence entre les deux-là : (culture) littérature savante et littérature populaire, se fait dans un seul sens, de la savante vers la populaire. Il se trouve que je connais au moins un exemple qui est contraire à celui-là. Je suis obligé et conscient de vous le donner. Dans la littérature latine, il existe un très grand écrivain qui s’appelle Apulée. Apulée est un Berbère (de) d’Awrouche, de Madaure, qui a laissé un certain nombre d’œuvres dont une qui s’appelle « Les Métamorphoses ». C’est écrit en Latin. Apulée savait à la fois le Latin et le Grec. Mais dans « Les Métamorphoses », Apulée raconte un mythe, un mythe qui est devenu mondial, qui, maintenant, est connu dans le monde entier, justement parce qu’Apulée lui a donné (cette forme) cette forme littéraire dans « Les Métamorphoses », c’est le mythe de Psyché. Psyché (est un poète) est un mot grec bien sûr. Mais quand on lit Psyché dans le texte ou dans une traduction si vous voulez (on s’aperçoit avec étonnement - en tout cas quand on connaît la littérature orale chez nous ici -) on s’aperçoit avec étonnement que le mythe de Psyché a été décalqué par Apulée et de façon (très) très détaillée, très précise, a été décalqué (sur un conte qui existe toujours jusque maintenant. j’espère du moins qu’on continue de le raconter. Mois en tout cas je l’ai entendu pendant ma jeunesse sur un conte Maghrébin. Il n’existe pas seulement en Algérie, il existe au Maroc aussi. (C’est tout à fait la même) C’est le même scénario, les mêmes thèmes, la même histoire.
Ce qu’Apulée a changé, ce sont les noms, ce qu’Apulée a introduit, ce sont les déesses et les dieux (de la, de la) de la Grèce. Pourquoi ? Parce que Apulée écrivait en Latin pour un public classique, pour un public qui était formé à la littérature grecque et à la littérature latine, donc il ne pouvait leurs parler que la langue (qu’ils) qu’ils connaissaient ; et Uranie, Adès, Vénus, le Dieu Eros, etc., etc. Mais l’histoire elle-même, l’histoire elle-même, c’est un produit de chez nous.
Et quand on lit « Les Métamorphoses » (en d’autres) dans d’autres parties de « Les Métamorphoses », on retrouve d’autres thèmes qui sont encore vivants jusque maintenant dans les contes que l’on raconte chez nous. Que est-ce que cela veut dire ? ça veut dire que Apulée qui homme d’Awrouche, écoutait (ces, ces) ces histoires qu’on les racontait et qu’il trouvait intéressantes (il a été initié à des ordres mystiques, etc. Bon. qu’il trouvait intéressantes), leur a données une forme littéraire qui passait par la langue littéraire de l’époque qui était le Latin, mais il a gardé l’essentiel, il a gardé l’esprit de ces légendes et de ces contes et de ces mythes qu’on les racontait au point où que le mythe de Psyché maintenant est devenu tout à fait universel, il est devenu international parce qu’après Freud et la psychanalyse, on a trouvé derrière ce mythe de Psyché (tout une) tout un soubassement psychologique tout à fait important pour les homme d’une façon générale, et particulièrement pour nous bien sûr. Donc, si vous voulez, à part cet exemple, je n’en connais pas d’autres où l’influence se soit fait de la littérature orale vers la littérature écrite. Je m’aperçois malheureusement que j’ai consacré trop de temps aux préliminaires, et je ne sais si vous appréciez. Bon, donc ça fait rien.
Vous m’excuserez si je ne vais pas tout à fait au fond des choses, dans (maintenant) la littérature berbère (telle que) ; je crois une partie de cette littérature, une toute petite partie de cette littérature, telle que je vais essayer maintenant de la présenter.
Deuxième inconvénient de cette oralité, c’est le caractère fini de la mémoire, puisque ça s’écrit pas .(Les) la littérature orale n’est gardée que dans la mémoire des gens. Mais la mémoire, elle, est limitée. Quelles que soient (les) les possibilités extraordinaires de l’individu, de toute façon il ne peut retenir qu’un nombre fini de vers. Alors que dans un livre vous pouvez garder tout ce que vous voulez.
Troisième inconvénient, le support est un support fini, c’est-à-dire cette littérature, elle est où ? Elle est dans des individus, et quand ces individus meurent et bien c’est fini. Si vous connaissez la formule : « un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » C’est pas seulement une formule, c’est aussi la vérité. Ça veut dire que cette littérature (qui est uniquement) qui est contenue dans des individus, elle est accrochée à quelque chose de très fragile. L’individu meurt au bout de je ne sais pas combien de temps, mais il meurt. Quand c’est un livre, évidemment il peut être immortel. Et enfin, (dernier) dernier inconvénient sur lequel je ne veux insister parce qu’il est un peu difficile à expliquer. Cette littérature est linéaire, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas avoir devant vous (plusieurs) plusieurs documents dans leurs simultanéités, il faut qu’on vous récite un poème ; et quand on vous a récité le vingtième vers, vous avez oublié le premier, etc. Alors l’écrit, c’est pas vrai. Vous l’aurez devant vous. Bon, je n’insiste pas sur ce caractère, parce qu’il est un peu délicat. Bon. (Donc) donc voilà les inconvénients (des) de cette oralité.
(Si vous permettez) si vous me permettez une toute petite parenthèse. J’ai dit tout à l’heure que l’influence entre les deux-là : (culture) littérature savante et littérature populaire, se fait dans un seul sens, de la savante vers la populaire. Il se trouve que je connais au moins un exemple qui est contraire à celui-là. Je suis obligé et conscient de vous le donner. Dans la littérature latine, il existe un très grand écrivain qui s’appelle Apulée. Apulée est un Berbère (de) d’Awrouche, de Madaure, qui a laissé un certain nombre d’œuvres dont une qui s’appelle « Les Métamorphoses ». C’est écrit en Latin. Apulée savait à la fois le Latin et le Grec. Mais dans « Les Métamorphoses », Apulée raconte un mythe, un mythe qui est devenu mondial, qui, maintenant, est connu dans le monde entier, justement parce qu’Apulée lui a donné (cette forme) cette forme littéraire dans « Les Métamorphoses », c’est le mythe de Psyché. Psyché (est un poète) est un mot grec bien sûr. Mais quand on lit Psyché dans le texte ou dans une traduction si vous voulez (on s’aperçoit avec étonnement - en tout cas quand on connaît la littérature orale chez nous ici -) on s’aperçoit avec étonnement que le mythe de Psyché a été décalqué par Apulée et de façon (très) très détaillée, très précise, a été décalqué (sur un conte qui existe toujours jusque maintenant. j’espère du moins qu’on continue de le raconter. Mois en tout cas je l’ai entendu pendant ma jeunesse sur un conte Maghrébin. Il n’existe pas seulement en Algérie, il existe au Maroc aussi. (C’est tout à fait la même) C’est le même scénario, les mêmes thèmes, la même histoire.
Ce qu’Apulée a changé, ce sont les noms, ce qu’Apulée a introduit, ce sont les déesses et les dieux (de la, de la) de la Grèce. Pourquoi ? Parce que Apulée écrivait en Latin pour un public classique, pour un public qui était formé à la littérature grecque et à la littérature latine, donc il ne pouvait leurs parler que la langue (qu’ils) qu’ils connaissaient ; et Uranie, Adès, Vénus, le Dieu Eros, etc., etc. Mais l’histoire elle-même, l’histoire elle-même, c’est un produit de chez nous.
Et quand on lit « Les Métamorphoses » (en d’autres) dans d’autres parties de « Les Métamorphoses », on retrouve d’autres thèmes qui sont encore vivants jusque maintenant dans les contes que l’on raconte chez nous. Que est-ce que cela veut dire ? ça veut dire que Apulée qui homme d’Awrouche, écoutait (ces, ces) ces histoires qu’on les racontait et qu’il trouvait intéressantes (il a été initié à des ordres mystiques, etc. Bon. qu’il trouvait intéressantes), leur a données une forme littéraire qui passait par la langue littéraire de l’époque qui était le Latin, mais il a gardé l’essentiel, il a gardé l’esprit de ces légendes et de ces contes et de ces mythes qu’on les racontait au point où que le mythe de Psyché maintenant est devenu tout à fait universel, il est devenu international parce qu’après Freud et la psychanalyse, on a trouvé derrière ce mythe de Psyché (tout une) tout un soubassement psychologique tout à fait important pour les homme d’une façon générale, et particulièrement pour nous bien sûr. Donc, si vous voulez, à part cet exemple, je n’en connais pas d’autres où l’influence se soit fait de la littérature orale vers la littérature écrite. Je m’aperçois malheureusement que j’ai consacré trop de temps aux préliminaires, et je ne sais si vous appréciez. Bon, donc ça fait rien.
Vous m’excuserez si je ne vais pas tout à fait au fond des choses, dans (maintenant) la littérature berbère (telle que) ; je crois une partie de cette littérature, une toute petite partie de cette littérature, telle que je vais essayer maintenant de la présenter.
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Re: MOULOUD MAMMERI
Tanemmirt nnewen
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