1980 – 2017 : de Mouloud Mammeri à Ramdane Achab
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1980 – 2017 : de Mouloud Mammeri à Ramdane Achab
1980 – 2017 : de Mouloud Mammeri à Ramdane Achab
L'immense Mouloud Mammeri.
Le 10 mars 1980, Mouloud Mammeri avait été empêché de tenir une conférence sur la poésie kabyle ancienne (1) à l'université de Tizi Ouzou.
Ce jour-là, la direction de la sûreté de Tizi Ouzou avait intercepté Mouloud Mammeri à l'entrée de la ville pour lui signifier l'interdiction de cette conférence… ''pour prévenir toute atteinte à l'ordre public''.
Les services de l’État algérien venaient de reconnaître implicitement l'effet subversif de la poésie de Yusef U Qasi du XVIIe siècle qui déclenchera le ''Printemps Amazigh de 1980''.
Le 22 juillet 2017, Ramdane Achab (2) avait été empêché de tenir une conférence sur l'édition amazigh dans le cadre du café littéraire de la ville d'Aokas, au centre culturel Slimane Rahmani.
Ce n'était pas un fait isolé, pour ''prévenir toute atteinte à l'ordre public'', mais c'était la 8ème conférence qui venait d'être interdite dans cette ville par les autorités de l’État algérien.`C'est dire que ce dernier n'entend pas laisser le peuple se réapproprier sa culture; il entend garder sa chape de plomb bien fermée sur l'expression et tout ce qui est en rapport à la question identitaire.
Contrairement à 1980 avec Mouloud Mammeri, à Aokas les forces de police ont investi violemment la salle où devait se tenir la conférence et qui avait commencé, expulsé manu militari les centaines d'auditeurs présents et saccagé la salle du centre culturel.
Ces deux événements, qui se sont déroulés à 37 ans d'intervalle, nous permettent aujourd'hui de tirer quelques enseignements :
1. L’État algérien, né dans la violence de la guerre de libération nationale et de la violence de la prise du pouvoir en 1962 par les forces de l'extérieur, est opposé à toute culture nationale. Dans ses fondements, non assumés, c'est un État du type colonial, car basé sur la jacobinisme français et l'archaïsme du nationalisme arabe, tous deux extérieurs à la société algérienne.
2. L’État algérien, depuis 1962, monte progressivement dans le niveau d'utilisation de la violence contre son peuple. Après les massacres de la guerre des wilayas en 1962, et ceux de 1963, la répression était devenue sélective jusqu'aux massacres de 1988. La banalisation de la violence lors de la lutte contre l'islamo-terrorisme est venue légitimer l'usage systématique de la force par les services de l’État. C'est comme cela qu'un simple chef de daïra ordonne aux policiers, sans état d'âme, le saccage d'un centre culturel… construit par l’Etat !
Si en 1980 Mouloud Mammeri n'a pas été bousculé par la police et les jeunes étudiants et manifestants en Kabylie n'ont pas été abattus à la kalachnikov, lors de l'assaut du 20 avril, c'était dû à la seule lucidité d'un homme, qui avait alors ordonné de désarmer les militaires habillés en policiers avant l'assaut du campus universitaire…
L’État s'est "diablement" rattrapé en 2001 en Kabylie en abattant plus de 120 jeunes manifestants !
En 2017, le professeur Achab a échappé à la violence dans la salle de conférences, de la part des ''brigades anti-émeutes'', car il avait été protégé par les jeunes d'Aokas qui s'étaient interposés et avaient certainement pris des coups.
3. Les quelques concessions faites à la libre expression de la culture algérienne ne sont opérées et tolérées qu'à des fins de folklorisation et de domestication, car jugées sans conséquence sur la ''longue marche'' dans l'arabo-islamisme. La reconnaissance bancale de tamazight comme langue nationale et officielle n'est en définitive que de la poudre aux yeux pour démobiliser et gagner du temps.
Certes, notre société résiste tant bien que mal, mais les dégâts sont importants et il n'y a aucune visibilité. C'était ainsi à la veille de 1954...
Aumer U Lamara, écrivain
Notes :
(1) Poèmes kabyles anciens, Mouloud Mammeri, Éditions François Maspero, Paris 1980.
(2) Achab Ramdane, Docteur en mathématiques, professeur d'université, docteur en linguistique berbère, écrivain, éditeur. Site des éditions Achab :
https://leseditionsachab.wordpress.com/
L'immense Mouloud Mammeri.
Le 10 mars 1980, Mouloud Mammeri avait été empêché de tenir une conférence sur la poésie kabyle ancienne (1) à l'université de Tizi Ouzou.
Ce jour-là, la direction de la sûreté de Tizi Ouzou avait intercepté Mouloud Mammeri à l'entrée de la ville pour lui signifier l'interdiction de cette conférence… ''pour prévenir toute atteinte à l'ordre public''.
Les services de l’État algérien venaient de reconnaître implicitement l'effet subversif de la poésie de Yusef U Qasi du XVIIe siècle qui déclenchera le ''Printemps Amazigh de 1980''.
Le 22 juillet 2017, Ramdane Achab (2) avait été empêché de tenir une conférence sur l'édition amazigh dans le cadre du café littéraire de la ville d'Aokas, au centre culturel Slimane Rahmani.
Ce n'était pas un fait isolé, pour ''prévenir toute atteinte à l'ordre public'', mais c'était la 8ème conférence qui venait d'être interdite dans cette ville par les autorités de l’État algérien.`C'est dire que ce dernier n'entend pas laisser le peuple se réapproprier sa culture; il entend garder sa chape de plomb bien fermée sur l'expression et tout ce qui est en rapport à la question identitaire.
Contrairement à 1980 avec Mouloud Mammeri, à Aokas les forces de police ont investi violemment la salle où devait se tenir la conférence et qui avait commencé, expulsé manu militari les centaines d'auditeurs présents et saccagé la salle du centre culturel.
Ces deux événements, qui se sont déroulés à 37 ans d'intervalle, nous permettent aujourd'hui de tirer quelques enseignements :
1. L’État algérien, né dans la violence de la guerre de libération nationale et de la violence de la prise du pouvoir en 1962 par les forces de l'extérieur, est opposé à toute culture nationale. Dans ses fondements, non assumés, c'est un État du type colonial, car basé sur la jacobinisme français et l'archaïsme du nationalisme arabe, tous deux extérieurs à la société algérienne.
2. L’État algérien, depuis 1962, monte progressivement dans le niveau d'utilisation de la violence contre son peuple. Après les massacres de la guerre des wilayas en 1962, et ceux de 1963, la répression était devenue sélective jusqu'aux massacres de 1988. La banalisation de la violence lors de la lutte contre l'islamo-terrorisme est venue légitimer l'usage systématique de la force par les services de l’État. C'est comme cela qu'un simple chef de daïra ordonne aux policiers, sans état d'âme, le saccage d'un centre culturel… construit par l’Etat !
Si en 1980 Mouloud Mammeri n'a pas été bousculé par la police et les jeunes étudiants et manifestants en Kabylie n'ont pas été abattus à la kalachnikov, lors de l'assaut du 20 avril, c'était dû à la seule lucidité d'un homme, qui avait alors ordonné de désarmer les militaires habillés en policiers avant l'assaut du campus universitaire…
L’État s'est "diablement" rattrapé en 2001 en Kabylie en abattant plus de 120 jeunes manifestants !
En 2017, le professeur Achab a échappé à la violence dans la salle de conférences, de la part des ''brigades anti-émeutes'', car il avait été protégé par les jeunes d'Aokas qui s'étaient interposés et avaient certainement pris des coups.
3. Les quelques concessions faites à la libre expression de la culture algérienne ne sont opérées et tolérées qu'à des fins de folklorisation et de domestication, car jugées sans conséquence sur la ''longue marche'' dans l'arabo-islamisme. La reconnaissance bancale de tamazight comme langue nationale et officielle n'est en définitive que de la poudre aux yeux pour démobiliser et gagner du temps.
Certes, notre société résiste tant bien que mal, mais les dégâts sont importants et il n'y a aucune visibilité. C'était ainsi à la veille de 1954...
Aumer U Lamara, écrivain
Notes :
(1) Poèmes kabyles anciens, Mouloud Mammeri, Éditions François Maspero, Paris 1980.
(2) Achab Ramdane, Docteur en mathématiques, professeur d'université, docteur en linguistique berbère, écrivain, éditeur. Site des éditions Achab :
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rebelle kabyle- Nombre de messages : 6838
Date d'inscription : 12/02/2011
Re: 1980 – 2017 : de Mouloud Mammeri à Ramdane Achab
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