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Entretien avec le romancier Slimane Aït Sidhoum

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Entretien avec le romancier Slimane Aït Sidhoum Empty Entretien avec le romancier Slimane Aït Sidhoum

Message  Aokas Revolution Mer 20 Mar - 11:54

« La littérature, c’est un art et une esthétique »
Slimane Aït Sidhoum est un écrivain originaire de la wilaya de Tizi Ouzou. Il est né et a grandi à Sidi Aïssa, dans la wilaya de Msila. C’est dans cette localité qu’il a eu à « avaler » des tas de livres lui ayant permis d’aiguiser sa plume. Depuis une quinzaine d’années, il a écrit et publié trois romans aux Editions Chihab d’Alger. Son premier roman, « Les trois doigts de la main », il l’a écrit après avoir été victime d’un attentat à la bombe à Alger. Un roman émouvant.

Le Courrier d’Algérie : On a constaté que depuis que vous vivez en France (donc depuis 2005), vous n’avez plus publié de roman. Est-ce à dire que votre source d’inspiration est l’Algérie, ou bien avez-vous écrit mais pas encore publié ?

Slimane Aït Sidhoum : Je ne peux pas dire que l’Algérie est ma source unique d’inspiration. On peut parler de localisation de l’action dans un espace donné qui est l’Algérie. Avec des personnages algériens mais pas que ça. Vous savez, le roman est le produit de beaucoup de facteurs qui s’imbriquent ; par conséquent avec un peu de savoir-faire littéraire, les lieux et les personnages peuvent devenir interchangeables. Enfin, un écrivain pour moi peut écrire sous toutes les latitudes, il suffit qu’il ait l’envie et de la disponibilité.

Vous présentez un roman chaque semaine dans un journal algérien. Cet exercice vous permet d’être au fait de ce qui s’écrit et se publie en France. Comment s’effectuent vos choix de livres sur lesquels écrire ?
D’abord, comme vous le dites, il y a le support. J’écris dans un journal algérien en l’occurrence El Watan et les lecteurs s’intéressent à ce qui se publie sur l’Algérie. A partir de là, c’est clair que la priorité est donnée à tout ce qui concerne l’Algérie, le Maghreb, le Monde arabe et la Méditerranée. Mais cela n’exclut pas d’avoir des coups de cœur pour les autres littératures. J’accorde aussi un intérêt particulier pour les essais. Et, beaucoup de lecteurs me disent que ma chronique est utile car elle leur permet de suivre l’actualité éditoriale et qu’à l’occasion, ma présentation les aide des fois dans leurs recherches. Après, rien ne remplace la disponibilité en Algérie d’un large choix de livres et la renaissance de l’activité libraire.

Votre premier roman est né dans la douleur. Vous avez vécu un événement certes tragique mais en même temps, il vous a permis de naître en tant qu’écrivain. Sans cette étape pénible dont on aimerait bien que vous nous parleriez, auriez-vous écrit vos trois romans ?
Peut-être que le fait d’avoir vécu un évènement douloureux a été un accélérateur ou un déclic pour passer le cap des hésitations et de se jeter dans l’arène de l’écriture. Dans « Les trois doigts de la main » je raconte l’attentat à la bombe dont a été victime le personnage principal et comment grâce à ses lectures, il a pu surmonter ce traumatisme. Ensuite, les choses s’enchaînent et on prend goût à l’écriture, parce que c’est un geste que je consolide chaque jour depuis plus d’une quarantaine d’années. Depuis toujours, j’ai une plume qui ne cesse de noircir des pages blanches, des bouts de papiers et même les papiers d’emballage. Toutes les surfaces deviennent éligibles à ma passion.

Votre premier roman « Les trois doigts de la main » a été pratiquement autobiographique. Cela ne semble pas être le cas de « la faille » et « Les révoltes feutrées ». Si dans le cas de votre premier roman, le thème s’est imposé de lui-même, qu’en est-il des deux autres livres ?
Les thèmes sont dans la nature. Il suffit d’une rencontre, d’une scène pour que la plume s’épanche. Pour « La Faille », c’est une histoire d’amour et d’adultère qui a mal tourné. Mais pour être franc, tout est parti d’une scène dont j’ai été le témoin à l’aéroport d’Alger. Donc, on était dans la salle d’embarquement et tout d’un coup, il y a une dame d’une grande taille qui déboule, captant tous les regards. Cette scène m’a vraiment marqué et dès que j’ai eu l’occasion, j’ai imaginé une histoire autour de cette femme. Et, je voulais aussi explorer dans ce roman le thème de l’éthique en me posant la question : est-ce que l’on pourrait vivre sans éthique individuelle ?Pour « Les révoltes feutrées », c’est une tentative de romancer la vie de mon père et tout ce qu’il a vécu pendant la Guerre de libération. C’était important pour moi d’écrire sur cette période coloniale sans l’avoir vécue. J’ai l’impression qu’à travers le parcours de mon père, de m’être réapproprié une partie de l’histoire de l’Algérie. Dans ce roman, j’ai soulevé un certain nombre de faits pour susciter le débat, mais personne n’a fait attention au roman. Comme d’habitude, les écrits ne pèsent pas beaucoup dans le débat public, il y a une paresse à aller creuser dans les textes qui est effarante en Algérie.

Dans une chronique hebdomadaire signée par Yasmina Khadra, ce dernier n’a pas lésiné sur les mots élogieux pour encenser vos romans. En lisant cette chronique et en voyant que Yasmina Khadra avait dit autant de bien sur vos écrits, quelle sensation cela vous a-t-il procuré ?
Oui, bien sûr, j’ai été sensible à ses mots. C’est encourageant, mais après il faut persévérer. Et peut-être que le meilleur service à rendre aux jeunes auteurs algériens c’est de les faire connaître et de leur ouvrir certaines portes, leur mettre le pied à l’étrier. Regardez ce que fait Djamel Debbouz avec les humoristes maghrébins, vous allez dire que ce n’est pas pareil mais c’est un bon exemple à copier. C’est ça qui manque le plus.

Pour ne pas être ingrat, parlons un peu de Sidi Aïssa, c’est à partir de cette localité de l’intérieur du pays que vous avez pu, des années durant, découvrir l’univers incommensurable de la littérature. Vous passiez des heures à lire dans cette bourgade. Pouvez-vous nous parler de cette époque ?
Bien sûr que j’aime bien ma ville natale « Sidi-Aïssa » et toute la région des Hauts-Plateaux. Pour revenir à la découverte de l’univers littéraire, je vous avoue que je serais né ailleurs, ça n’aurait pas changé grand-chose à ma destinée, tout simplement parce que je suis né dans une famille où dans chaque chambre de la maison il y avait une petite bibliothèque. On avait des livres partout et feu mon père, son premier geste quotidien c’est d’acheter le journal avant d’aller ouvrir son épicerie. Donc, familier des livres, je me suis moulé dans cet univers naturellement et avec le temps, l’appétit n’a cessé de s’aiguiser. C’est sûr que les longues journées caniculaires ou les nuits d’hiver de Sidi Aïssa étaient très propices pour se plonger dans les livres. Donc, je garde cette passion intacte sous toutes les latitudes.

Vous avez beaucoup lu avant d’écrire. Mais même en lisant énormément, on ne peut être marqué que par quelques auteurs exceptionnels. Qui sont-ils en ce qui vous concerne ; je me souviens qu’il y a Milan Kundera, n’est-ce pas ?
Il y a comme ça dans mon parcours des auteurs phares qui m’ont permis de comprendre beaucoup de choses. Kundera est l’un des auteurs importants que j’ai lu et relu. Mais avec le temps d’autres écrits sont venus se rajouter et se greffer pour me permettre de passer certains caps. Comme je vous le disais au préambule, je suis le produit de tout ça. Beaucoup d’auteurs algériens ont été importants pour moi et sans hésitation je dirais tous les auteurs algériens que j’ai lus.

Pensez-vous que croire que l’écriture peut constituer une thérapie ne semble pas être illusoire, étant donné que c’est juste en écrivant qu’on est un tant soit peu soulagé des démons qui nous habitent. Une fois ayant terminé l’écriture d’un livre, il faut encore chercher d’autres exutoires ?
Peut-être qu’à des moments de la vie d’un individu, l’écriture peut servir de thérapie. Après, comme vous le dites, ça ne peut être qu’illusoire, sinon ça devient l’expression de nos états d’âme. La littérature, c’est un art et une esthétique. Les exutoires sont multiples, on peut lire, faire du sport, aller voir un film ou une pièce de théâtre.

Nous savons que vous êtes très au fait de ce qui se publie en Algérie par des romanciers de notre pays. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Au risque de vous contredire, je ne vois pas beaucoup de choses se publier en Algérie dans le domaine romanesque, à part les témoignages historiques, les éditeurs n’investissent plus dans la littérature. Sinon, ils font comme en France, ils misent sur certaines têtes médiatiques. Pour l’instant, comme je vis en France, je ne peux pas avoir accès à cette littérature, sauf pendant mes vacances ; mais beaucoup de librairies où j’avais mes habitudes ont fermé. Et, je compte toujours sur la presse pour m’informer. Je crois qu’il est temps qu’on fasse quelque chose pour sortir ce secteur de sa léthargie. Souvenez-vous pendant les années 2000, il y avait une activité éditoriale très dynamique et je deviens nostalgique de cette période.

Vous avez eu des contacts avec le romancier franco-libanais Amin Maalouf. Parlez-nous de lui…
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, je l’ai rencontré peut-être quatre ou cinq fois. C’est un grand écrivain, un personnage sympathique et très agréable, modeste et très à l’écoute de ses interlocuteurs. Voilà ce que je peux en dire.

Depuis que vous êtes en France, avez- vous côtoyé des romanciers français ? Pouvez-vous nous en parler ?
J’habite dans une ville française, « Montpellier » où il y a la deuxième librairie la plus importante de l’Hexagone. Et cette structure invite chaque semaine deux à trois écrivains. Donc, il m’arrive de les rencontrer pour des échanges sur ce qu’ils écrivent, pas plus que ça. Les gens en Europe ont des impératifs qui les rendent moins disponibles. Enfin, moi sincèrement je préfère lire les écrivains que de les côtoyer. Après, j’ai quelques amis dans la profession. Je les vois de temps en temps sans plus.


Entretien réalisé par Aomar Mohellebi


Aokas Revolution

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Message  Aokas Revolution Mer 20 Mar - 11:55

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