Entretien avec l’écirvain Tarik Djerroud
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Entretien avec l’écirvain Tarik Djerroud
De son village, Semaoun, dans la wilaya de Béjaïa, où il vit et travaille, Tarik Djerroud, auteur de quatre romans publiés, continue de scruter, d’explorer, d’introspecter pour livrer encore des pages qui disent le vécu de plusieurs catégories de la population. C’est un homme dynamique dont le caractère vif peut contraster avec sa vocation d’écrivain. Mais les apparences sont souvent trompeuses. Tarik Djerroud écrit actuellement son cinquième roman, dont la trame est des plus passionnantes. En avril prochain, il publiera des textes sur la vie en Kabylie.
«L’écriture m’a toujours accompagné»
Le Courrier d’Algérie : Vous publiiez des articles dans la presse algérienne puis, un jour, votre premier roman, «Le sang de mars», est édité à compte d’auteur. Comment est née cette mutation de l’écriture journalistique vers l’écriture romanesque ?
Tarik Djerroud : L’écriture m’a toujours accompagné. Depuis ma prime scolarité, les mots m’ont permis d’affirmer mes choix de vie, ma sensibilité et aidée dans l’exploration du monde alentour. A mon humble avis, les mots sont à l’origine de la civilisation humaine et l’écriture, donc l’échange, a boosté son essor. Dans la solitude qui me tenaille par moment, l’écriture devient vite un exutoire salutaire. Ceci dit, mes articles de presse représentent une information instantanée mais, à la longue, l’information devient un témoignage. Et parfois, un article de presse ne suffit guère à faire le tour d’une thématique. Aussi, le passage à l’écriture, sous forme de roman ou d’essai, permet un traitement plus exhaustif. En somme, l’écriture romanesque est la continuité de la quête journalistique. D’ailleurs, nombre de journalistes se sont essayé au chapitre livresque.
Depuis, vous avez écrit et édité quatre romans en un temps record, il faut le dire. D’où puisez-vous cette inspiration qui semble intarissable ?
Quatre romans en un temps record ? Non ! Je n’ai pas cette capacité. Car, en vérité, mon premier roman « Le sang de mars » était en gestation depuis décembre 2004 pour qu’il soit finalement publié en décembre 2008. J’ai débuté mon deuxième roman « J’ai oublié de t’aimer » dès la fin 2006, par bribes, par esquisses et il est enfin publié en 2010. Cependant, dès 2008 déjà, j’ai griffonné les premiers mots de « Au nom de Zizou » et au courant 2009 « Hold-up à la Casbah » était déjà en chantier. C’est dire que j’écrivais simultanément plusieurs romans ; à la publication du premier, le quatrième était en chantier. Cette diversité de thématiques s’explique par mes goûts pour les voyages. J’adhère pleinement à l’idée de Pablo Neruda qui disait que la vie est synonyme de « Lire et Voyager ». Lire ; c’est voyager tout en restant immobile. Voyager ; c’est lire en se déplaçant. Car le monde et la vie représentent un livre dont nous sommes tous ses personnages. Chacun de mes ouvrages est donc un chapitre de la comédie
humaine.
Vous êtes un écrivain un peu spécial car, tout en publiant coup sur coup vos quatre romans, sur le plan médiatique, on ne vous retrouve pas assez. Est-ce que vous êtes peu sollicité par la presse ou bien c’est vous qui êtes occupé et préoccupé par autre chose ?
Pour tout vous dire, des journalistes à l’âme consciencieuse ont présenté et commenté mes romans. D’autres me l’ont promis puis rien ; ils ne répondent même pas au téléphone. Certains m’ont affirmé que le chef de service préfère donner la priorité à ses « clients ». C’est ainsi, l’Algérie est la « République des copains d’abord ». Les soi-disant promoteurs de la culture et de la lecture privent le lecteur algérien de certaines plumes ! Nonobstant cet ostracisme, je ne me plains guère ; le soutien des lecteurs et libraires, qui se transmettent mes romans, grâce au « bouche à oreille », me permet d’exister et de continuer. Pour votre information, « J’ai oublié de t’aimer » s’est écoulé à plus de 3000 exemplaires. « Hold-up à la Casbah » est à sa deuxième édition. Je suis très honoré par l’accueil qui m’est réservé par des associations culturelles, dans les villages, les quartiers et autres enceintes universitaires lors des conférences ou ateliers d’écritures. Par ailleurs, « Le sang de mars » est choisi par un trio d’étudiants de Lettres françaises à Hasnaoua, Tizi-Ouzou, pour le traiter en thèse de fin d’études ; pour un jeune écrivain ceci est très encourageant. De même, la promotion de la lecture reste à peaufiner à tous les niveaux : presse, librairies et salons de livres. Hélas, les espaces s’amenuisent…et les « gens des livres » ne sont pas ceux que l’on croit !
On a remarqué aussi que, contrairement à beaucoup de romanciers, les thèmes traités par vos quatre romans n’ont pratiquement pas de lien entre eux. Parfois, il s’agit de la guerre d’Algérie, parfois de l’histoire, voire du sport puis il y a l’amour dans « J’ai oublié de t’aimer ». Cette mosaïque de thèmes est un choix sciemment effectué par vous ou bien s’agit-il de thèmes qui vous sont imposés par une multitude de facteurs ?
La Guerre et ses conséquences. L’Amour, l’amitié et le Sida. Le sport et la violence. Les coulisses de la conquête coloniale. Ces quatre thèmes que j’ai traités à ma façon découlent bien d’un choix personnel, conjugué aux circonstances. Rien ne se crée à partir du néant ! J’ai l’intime conviction que tout écrivain rédige ses ouvrages en leur insufflant sa sensibilité, sa culture, ses convictions, ses angoisses et son intelligence. Lorsque l’ouvrage prend corps, il devient vite un « outil » pour quêter le savoir, l’échange et la communion. Je suis le produit de la société ; elle m’inspire et c’est envers elle que je m’adresse. Tout « je » romanesque peut se transformer en « nous » dans la réalité tant, il est vrai, que les thèmes traités ne sont ni personnels, ni isolés. Ainsi, à la lecture de chaque opus, le lecteur s’avoue discrètement sinon se reconnaître entre les phrases, du moins l’intrigue interpelle ses sens et sa conscience. Ne dit-on pas que : tout ce qui est humain ne m’est pas étranger ? -Vous êtes également éditeur et votre maison d’édition a publié pas moins de trente livres, pouvez-vous nous parler de cette expérience dans l’édition, un créneau que d’aucuns qualifient, à juste titre d’ailleurs, de très difficile surtout en ces moments de vaches maigres pour la lecture ?
Les éditions Belles-Lettres sont fondées en 2010. Cette maison a pour ambition la valorisation des mots, publier des livres véritables espaces d’expression des cultures et un trait d’union entre les peuples. Cela a été une opportunité pour que des personnes quittent leurs gangues et clament des soucis, des sensations et des rêves. Des formulations qui se transforment en débats et la recherche des meilleurs ingrédients du savoir-vivre. Depuis 2010, nous avons publié une trentaine de titres où figurent notamment de nouveaux talents : Lounis Nour Eddine (Deux femmes et un homme), Larbi Beddar (Cheikh Aheddad), Malek Souagui (L’arbre de la vie), Selma Mayouf (L’amour quand le diable s’en mêle), Yeddou Foudhil (Rekku n tmetti), Mohand Tayeb Belhaddad (Refdeghd leqlam urigh), Smail Châaf (Ath Maouche ; mémoire et résistance), Abderrahmane Timsi (A yemma), Benyoub Lyès (Eternel pardon), sans oublier votre serviteur. Cette expérience est laborieuse compte tenu des coûts éditoriaux et d’impression. Mais, ma foi, tout ce qui est laborieux est passionnant. Et les bons livres rencontrent toujours leurs lecteurs. Cependant, le manque sidérant de librairies dignes de ce nom à travers le pays empêche les éditeurs de communiquer avec tous les algériens. Heureusement, le Sila permet de réunir la famille du livre en un seul lieu…
Vous écrivez beaucoup et en même temps vous exercez le métier d’éditeur. Comment conciliez-vous ces deux activités ?
L’édition me prend tout mon temps. Il s’agit, en effet, d’une responsabilité d’une acuité insoupçonnable. Je suis présent de la saisie, aux corrections, à la confection de la couverture, et de l’impression jusqu’à la diffusion. Ce suivi n’est pas sans difficultés : nous nous sommes engagés à démocratiser la lecture ; à ne pas décevoir nos lecteurs ; par la diversité et la pertinence des thèmes ; par l’esthétique et les prix abordables. Nous sommes très à cheval contre la violence, la haine et le racisme et nous devons à nos lecteurs l’émotion et l’espoir. Pour ce qui est de ma personne, la rédaction de mes œuvres se fait en parallèle et, pour ainsi dire, je vole du temps en me faisant oublier mes obligations professionnelles.
Revenons un peu en arrière. Comment avez-vous découvert l’univers des Lettres. Est-ce dû à vos lectures ? Avez-vous beaucoup lu ? Quels sont les écrivains qui vous transportaient dans d’autres univers ?
La lecture est une passion d’enfance, passant des hebdos de sport aux numéros de Sciences et Vie. Mes études universitaires achevées, j’ai diversifié mes lectures en abordant les romans et les essais. Je n’ai jamais imaginé être écrivain, c’est à l’improviste que j’ai couché les premiers mots du « Sang de mars » suite à l’élaboration, en France, de la stupide loi glorifiant le colonialisme. Cette déplorable initiative politique a fait de moi ce que je suis actuellement. Depuis, j’ai compris que les livres ont une âme ; l’âme de leurs auteurs. Je lis comme je respire mais cette page est si exigüe pour énumérer tous les livres et les auteurs qui m’ont enchanté mais j’aime citer par-dessus tout « Le Prophète » de Khalil Gibran : un ouvrage pénétrant, un monument de sagesse. Aussi, j’ai beaucoup aimé « Les Vigiles » de Tahar Djaout, « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé, « La nuit de l’Oracle » de Paul Auster, « L’enfant de Noé » d’Eric Emmanuel Schmit et « Michel Strogoff » de Jules Verne entre autres.
Ecrire constitue-t-il pour vous une sorte de thérapie ou est-ce tout simplement un plaisir. Ou bien est-ce carrément autre chose ?
Ecrire est un moyen d’expression ; pour révéler, dénoncer, s’indigner, transmettre et comprendre. Ecrire est une belle fenêtre pour le cœur et l’esprit. Ecrire est l’art de la recherche du beau, du merveilleux, la quête de l’inconnu et du mystérieux. Bien sûr, le côté thérapeutique tient une place de choix car assouvir une faim intellectuelle ou existentielle est fort important dans la mesure où nombre de questions demeurent posées à l’esprit humain et se dressent tels des défis permanents. Toute interrogation est un mal à exorciser. Ainsi, le plaisir est le processus qui mène vers une thérapie réussie, sinon l’écriture se confine dans l’indicible et s’affirme comme souffrance pour des âmes souvent en peine.
Vous auriez pu écrire en Tamazight comme certains écrivains de votre région ou carrément en langue arabe. Le choix de la langue française est dû à quoi ?
Personnellement, écrire en tamazight ou en arabe me demande cent plus d’efforts que d’écrire en langue française. Ainsi, je me suis contenté de la langue de Molière bien que je nourrissais depuis des années l’écriture d’un roman en tamazight qui me tient particulièrement à cœur. J’ose espérer y arriver avant de rendre l’âme ! Instinctivement, la langue française me fournit rapidement des outils d’expression, ce « butin de guerre » s’est greffé dans notre quotidien avec allégresse et est vite devenue d’utilité publique. J’ai un respect profond pour toutes les langues car chacune représente un arbre et une sève à part. Cependant, à chaque arbre ses fruits, ses goûts, qu’il faut utiliser à bon escient.
Des projets d’écriture en perspective ?
Pour le mois de mars qui approche, j’ai prévu de publier « Carnet de Kabylie », un recueil d’articles de presse dont les recettes seront réservées pour une action caritative. Dans la foulée, je peaufine en ce moment un roman intitulé « Un coeur à prendre » dont l’action se déroule dans un village kabyle, Tizi, sur fond de crime, d’amour, d’argent et d’usage de la religion à des fins mercantile… Le jour du mariage de la fille aux mille prétendants, un imam et une sage-femme sont assassinés. Rapidement, un détective a été dépêché sur place… L’enquête mène au bout du vertige et révèle l’archaïsme de nos mœurs et l’obsolescence de nos pratiques ; surtout que les moralistes auront pour leur grade ! Sa sortie est prévue pour la fin de l’année.
Entretien réalisé par Aomar Mohellebi
«L’écriture m’a toujours accompagné»
Le Courrier d’Algérie : Vous publiiez des articles dans la presse algérienne puis, un jour, votre premier roman, «Le sang de mars», est édité à compte d’auteur. Comment est née cette mutation de l’écriture journalistique vers l’écriture romanesque ?
Tarik Djerroud : L’écriture m’a toujours accompagné. Depuis ma prime scolarité, les mots m’ont permis d’affirmer mes choix de vie, ma sensibilité et aidée dans l’exploration du monde alentour. A mon humble avis, les mots sont à l’origine de la civilisation humaine et l’écriture, donc l’échange, a boosté son essor. Dans la solitude qui me tenaille par moment, l’écriture devient vite un exutoire salutaire. Ceci dit, mes articles de presse représentent une information instantanée mais, à la longue, l’information devient un témoignage. Et parfois, un article de presse ne suffit guère à faire le tour d’une thématique. Aussi, le passage à l’écriture, sous forme de roman ou d’essai, permet un traitement plus exhaustif. En somme, l’écriture romanesque est la continuité de la quête journalistique. D’ailleurs, nombre de journalistes se sont essayé au chapitre livresque.
Depuis, vous avez écrit et édité quatre romans en un temps record, il faut le dire. D’où puisez-vous cette inspiration qui semble intarissable ?
Quatre romans en un temps record ? Non ! Je n’ai pas cette capacité. Car, en vérité, mon premier roman « Le sang de mars » était en gestation depuis décembre 2004 pour qu’il soit finalement publié en décembre 2008. J’ai débuté mon deuxième roman « J’ai oublié de t’aimer » dès la fin 2006, par bribes, par esquisses et il est enfin publié en 2010. Cependant, dès 2008 déjà, j’ai griffonné les premiers mots de « Au nom de Zizou » et au courant 2009 « Hold-up à la Casbah » était déjà en chantier. C’est dire que j’écrivais simultanément plusieurs romans ; à la publication du premier, le quatrième était en chantier. Cette diversité de thématiques s’explique par mes goûts pour les voyages. J’adhère pleinement à l’idée de Pablo Neruda qui disait que la vie est synonyme de « Lire et Voyager ». Lire ; c’est voyager tout en restant immobile. Voyager ; c’est lire en se déplaçant. Car le monde et la vie représentent un livre dont nous sommes tous ses personnages. Chacun de mes ouvrages est donc un chapitre de la comédie
humaine.
Vous êtes un écrivain un peu spécial car, tout en publiant coup sur coup vos quatre romans, sur le plan médiatique, on ne vous retrouve pas assez. Est-ce que vous êtes peu sollicité par la presse ou bien c’est vous qui êtes occupé et préoccupé par autre chose ?
Pour tout vous dire, des journalistes à l’âme consciencieuse ont présenté et commenté mes romans. D’autres me l’ont promis puis rien ; ils ne répondent même pas au téléphone. Certains m’ont affirmé que le chef de service préfère donner la priorité à ses « clients ». C’est ainsi, l’Algérie est la « République des copains d’abord ». Les soi-disant promoteurs de la culture et de la lecture privent le lecteur algérien de certaines plumes ! Nonobstant cet ostracisme, je ne me plains guère ; le soutien des lecteurs et libraires, qui se transmettent mes romans, grâce au « bouche à oreille », me permet d’exister et de continuer. Pour votre information, « J’ai oublié de t’aimer » s’est écoulé à plus de 3000 exemplaires. « Hold-up à la Casbah » est à sa deuxième édition. Je suis très honoré par l’accueil qui m’est réservé par des associations culturelles, dans les villages, les quartiers et autres enceintes universitaires lors des conférences ou ateliers d’écritures. Par ailleurs, « Le sang de mars » est choisi par un trio d’étudiants de Lettres françaises à Hasnaoua, Tizi-Ouzou, pour le traiter en thèse de fin d’études ; pour un jeune écrivain ceci est très encourageant. De même, la promotion de la lecture reste à peaufiner à tous les niveaux : presse, librairies et salons de livres. Hélas, les espaces s’amenuisent…et les « gens des livres » ne sont pas ceux que l’on croit !
On a remarqué aussi que, contrairement à beaucoup de romanciers, les thèmes traités par vos quatre romans n’ont pratiquement pas de lien entre eux. Parfois, il s’agit de la guerre d’Algérie, parfois de l’histoire, voire du sport puis il y a l’amour dans « J’ai oublié de t’aimer ». Cette mosaïque de thèmes est un choix sciemment effectué par vous ou bien s’agit-il de thèmes qui vous sont imposés par une multitude de facteurs ?
La Guerre et ses conséquences. L’Amour, l’amitié et le Sida. Le sport et la violence. Les coulisses de la conquête coloniale. Ces quatre thèmes que j’ai traités à ma façon découlent bien d’un choix personnel, conjugué aux circonstances. Rien ne se crée à partir du néant ! J’ai l’intime conviction que tout écrivain rédige ses ouvrages en leur insufflant sa sensibilité, sa culture, ses convictions, ses angoisses et son intelligence. Lorsque l’ouvrage prend corps, il devient vite un « outil » pour quêter le savoir, l’échange et la communion. Je suis le produit de la société ; elle m’inspire et c’est envers elle que je m’adresse. Tout « je » romanesque peut se transformer en « nous » dans la réalité tant, il est vrai, que les thèmes traités ne sont ni personnels, ni isolés. Ainsi, à la lecture de chaque opus, le lecteur s’avoue discrètement sinon se reconnaître entre les phrases, du moins l’intrigue interpelle ses sens et sa conscience. Ne dit-on pas que : tout ce qui est humain ne m’est pas étranger ? -Vous êtes également éditeur et votre maison d’édition a publié pas moins de trente livres, pouvez-vous nous parler de cette expérience dans l’édition, un créneau que d’aucuns qualifient, à juste titre d’ailleurs, de très difficile surtout en ces moments de vaches maigres pour la lecture ?
Les éditions Belles-Lettres sont fondées en 2010. Cette maison a pour ambition la valorisation des mots, publier des livres véritables espaces d’expression des cultures et un trait d’union entre les peuples. Cela a été une opportunité pour que des personnes quittent leurs gangues et clament des soucis, des sensations et des rêves. Des formulations qui se transforment en débats et la recherche des meilleurs ingrédients du savoir-vivre. Depuis 2010, nous avons publié une trentaine de titres où figurent notamment de nouveaux talents : Lounis Nour Eddine (Deux femmes et un homme), Larbi Beddar (Cheikh Aheddad), Malek Souagui (L’arbre de la vie), Selma Mayouf (L’amour quand le diable s’en mêle), Yeddou Foudhil (Rekku n tmetti), Mohand Tayeb Belhaddad (Refdeghd leqlam urigh), Smail Châaf (Ath Maouche ; mémoire et résistance), Abderrahmane Timsi (A yemma), Benyoub Lyès (Eternel pardon), sans oublier votre serviteur. Cette expérience est laborieuse compte tenu des coûts éditoriaux et d’impression. Mais, ma foi, tout ce qui est laborieux est passionnant. Et les bons livres rencontrent toujours leurs lecteurs. Cependant, le manque sidérant de librairies dignes de ce nom à travers le pays empêche les éditeurs de communiquer avec tous les algériens. Heureusement, le Sila permet de réunir la famille du livre en un seul lieu…
Vous écrivez beaucoup et en même temps vous exercez le métier d’éditeur. Comment conciliez-vous ces deux activités ?
L’édition me prend tout mon temps. Il s’agit, en effet, d’une responsabilité d’une acuité insoupçonnable. Je suis présent de la saisie, aux corrections, à la confection de la couverture, et de l’impression jusqu’à la diffusion. Ce suivi n’est pas sans difficultés : nous nous sommes engagés à démocratiser la lecture ; à ne pas décevoir nos lecteurs ; par la diversité et la pertinence des thèmes ; par l’esthétique et les prix abordables. Nous sommes très à cheval contre la violence, la haine et le racisme et nous devons à nos lecteurs l’émotion et l’espoir. Pour ce qui est de ma personne, la rédaction de mes œuvres se fait en parallèle et, pour ainsi dire, je vole du temps en me faisant oublier mes obligations professionnelles.
Revenons un peu en arrière. Comment avez-vous découvert l’univers des Lettres. Est-ce dû à vos lectures ? Avez-vous beaucoup lu ? Quels sont les écrivains qui vous transportaient dans d’autres univers ?
La lecture est une passion d’enfance, passant des hebdos de sport aux numéros de Sciences et Vie. Mes études universitaires achevées, j’ai diversifié mes lectures en abordant les romans et les essais. Je n’ai jamais imaginé être écrivain, c’est à l’improviste que j’ai couché les premiers mots du « Sang de mars » suite à l’élaboration, en France, de la stupide loi glorifiant le colonialisme. Cette déplorable initiative politique a fait de moi ce que je suis actuellement. Depuis, j’ai compris que les livres ont une âme ; l’âme de leurs auteurs. Je lis comme je respire mais cette page est si exigüe pour énumérer tous les livres et les auteurs qui m’ont enchanté mais j’aime citer par-dessus tout « Le Prophète » de Khalil Gibran : un ouvrage pénétrant, un monument de sagesse. Aussi, j’ai beaucoup aimé « Les Vigiles » de Tahar Djaout, « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé, « La nuit de l’Oracle » de Paul Auster, « L’enfant de Noé » d’Eric Emmanuel Schmit et « Michel Strogoff » de Jules Verne entre autres.
Ecrire constitue-t-il pour vous une sorte de thérapie ou est-ce tout simplement un plaisir. Ou bien est-ce carrément autre chose ?
Ecrire est un moyen d’expression ; pour révéler, dénoncer, s’indigner, transmettre et comprendre. Ecrire est une belle fenêtre pour le cœur et l’esprit. Ecrire est l’art de la recherche du beau, du merveilleux, la quête de l’inconnu et du mystérieux. Bien sûr, le côté thérapeutique tient une place de choix car assouvir une faim intellectuelle ou existentielle est fort important dans la mesure où nombre de questions demeurent posées à l’esprit humain et se dressent tels des défis permanents. Toute interrogation est un mal à exorciser. Ainsi, le plaisir est le processus qui mène vers une thérapie réussie, sinon l’écriture se confine dans l’indicible et s’affirme comme souffrance pour des âmes souvent en peine.
Vous auriez pu écrire en Tamazight comme certains écrivains de votre région ou carrément en langue arabe. Le choix de la langue française est dû à quoi ?
Personnellement, écrire en tamazight ou en arabe me demande cent plus d’efforts que d’écrire en langue française. Ainsi, je me suis contenté de la langue de Molière bien que je nourrissais depuis des années l’écriture d’un roman en tamazight qui me tient particulièrement à cœur. J’ose espérer y arriver avant de rendre l’âme ! Instinctivement, la langue française me fournit rapidement des outils d’expression, ce « butin de guerre » s’est greffé dans notre quotidien avec allégresse et est vite devenue d’utilité publique. J’ai un respect profond pour toutes les langues car chacune représente un arbre et une sève à part. Cependant, à chaque arbre ses fruits, ses goûts, qu’il faut utiliser à bon escient.
Des projets d’écriture en perspective ?
Pour le mois de mars qui approche, j’ai prévu de publier « Carnet de Kabylie », un recueil d’articles de presse dont les recettes seront réservées pour une action caritative. Dans la foulée, je peaufine en ce moment un roman intitulé « Un coeur à prendre » dont l’action se déroule dans un village kabyle, Tizi, sur fond de crime, d’amour, d’argent et d’usage de la religion à des fins mercantile… Le jour du mariage de la fille aux mille prétendants, un imam et une sage-femme sont assassinés. Rapidement, un détective a été dépêché sur place… L’enquête mène au bout du vertige et révèle l’archaïsme de nos mœurs et l’obsolescence de nos pratiques ; surtout que les moralistes auront pour leur grade ! Sa sortie est prévue pour la fin de l’année.
Entretien réalisé par Aomar Mohellebi
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Date d'inscription : 30/06/2009
Re: Entretien avec l’écirvain Tarik Djerroud
http://lecourrier-dalgerie.com/entretien-avec-lecirvain-tarik-djerroud/
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