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Entretien avec l’écrivain Tarik Djerroud

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Message  Azul Dim 15 Sep - 21:31

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Azul
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Message  Azul Dim 15 Sep - 21:32

Le romancier Tarik Djerroud vient de publier un nouvel ouvrage sur sa région. L’ouvrage est tout simplement intitulé «Carnets de Kabylie». Auteur inlassable et prolifique, ce jeune écrivain qui vit à Béjaïa est également un éditeur. C’est donc un vrai connaisseur de tout ce qui est inhérent au livre et à ses méandres qui s’exprime dans cette interview.

Le Courrier d’Algérie : Qui est Tarik Djerroud ?
Tarik Djerroud : Je suis né en 1974 à Semaoune, dans la région d’Ath Weghlis, en Kabylie. Diplômé en électronique à l’université de Tizi Ouzou, passionné de littérature et amoureux de la vie. J’ai apprivoisé les mots depuis mon enfance et je suis toujours sous l’emprise de leur magie. J’aime tant les voyages, à travers les livres sinon à travers l’espace et le temps. Chacun me procure l’évasion utile à l’apprentissage des rudiments de la vie.

Comment êtes-vous venu à la littérature ?
Avant de mordre à l’hameçon de l’écriture, j’ai déjà beaucoup aimé la lecture ; durant mon enfance, je lisais des journaux et autres magazines auxquels je m’attachais chaque jour davantage. Le trait d’union qui m’a conduit à l’écriture est l’ensemble des interrogations qui habitent mon esprit et me boostent à travers des réponses à travers la nature humaine, animale et végétale. J’ai franchi le cap vers l’écriture dès que mon imagination a commencé à me jouer des tours. Aux mots, j’associais des images. Aux images, je faisais dire des mots. De là à écrire des romans, il n’y a qu’un pas.
Ceci dit, l’écriture est une belle expérience qui permet d’approcher l’Homme avec le moyen des mots et d’appréhender ses problèmes avec sagesse, humanité et amour. Mes écrits sont le reflet de mes curiosités. J’écris pour rêver, voyager, m’interroger, partager mes interrogations sur l’homme et son devenir, chercher à comprendre et à apprendre, pourquoi pas ? L’écriture est une activité difficile mais ô combien passionnante, dévorante même, et je pense qu’elle me poursuivra jusqu’à la mort.

à quand remontent vos premiers pas dans l’écriture romanesque ?
En 2004, j’ai entamé la rédaction d’un premier roman « Le sang de mars » qui a fait réunir deux personnages atypiques ; un ancien d’Algérie ami de son fils algérien ; fruit d’un viol commis pendant la guerre dans la région des Aurès. Ce roman, publié en décembre 2008, a connu un succès, primé du premier prix Bougie d’or 2009. Ce qui m’a poussé à suivre le sillon romanesque. Un an plus tard arrive « J’ai oublié de t’aimer » dont le thème est le couple, la famille, l’amitié, le sida et la tolérance.

Qu’en est-il de votre troisième roman qui fait penser à la star du football Zinedine Zidane ?
Le troisième de la fratrie est effectivement : « Au nom de Zizou ». Il s’agit du journal d’un garçon, petit-fils de fasciste, qui croyait que Zizou était Dieu. Une parabole qui fait le tour de l’idolâtrie, et la place de la violence dans la société entre l’inné et l’acquis.

Puis, vint votre roman « Hold-up à la Casbah ». Décidément, vous être très doué pour les titres qui accrochent…
En janvier 2012, j’ai publié « Hold-up à la Casbah » qui est un roman-enquête sur les dessous de la conquête de l’Algérie survenue en 1830, comme projet politique de grande envergure préparé dès les années 1798 par un personnage épais nommé : Charles-Maurice de Talleyrand Périgord, un diplomate patenté, un visionnaire lucide, un manipulateur de la pire espèce. Il est l’auteur d’un ouvrage explicite : « Essai sur les avantages à retirer sur les nouvelles colonies » dans lequel il a exposé ses idées colonialistes.

Vous venez de publier un tout nouveau livre. Ce n’est pas un roman. De quoi s’agit-il au juste ?
Ces jours-ci, je viens de mettre sur les étals : « Carnet de Kabylie », somme d’articles de presse dont les recettes seront reversées à Fatiha Badoud, une jeune fille atteinte d’une maladie rare : l’addiction à la consommation du gaz butane.

Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?
La littérature algérienne est entre le marteau et l’enclume. Bien que l’Algérie a de quoi être fière en matière de talents clochardisés par l’état, des traditions littéraires peinent à s’instaurer, aggravées par une école qui ne stimule ni la curiosité, ni la création, ni la lecture. Dans un pays obnubilé par les kermesses stomacales, écrire est devenu un comportement « déviant ». Un délit salutaire, j’espère. J’assiste avec beaucoup de consternation à la mise à mort de nos écrivains et le métier d’écrire par cette école qui ne valorise pas nos auteurs. D’ailleurs, dans les établissements scolaires, seuls des auteurs étrangers sont enseignés. Voici un exemple de rejet de nos talents qui n’ont, en vérité, rien à envier à ceux du monde entier.
Ceci dit, je m’efforce de militer pour garder vivants les derniers bastions que sont nos librairies en continuant à publier de nombreux auteurs. Qu’est-ce qu’un pays sans écrivains ? Sans librairies ? Est-il raisonnable qu’une nobélisable comme Assia Djebar, mondialement reconnue, ne soit pas étudiée dans nos écoles, lycées et universités ?
Sans la plume, sans imagination, sans art, sans création, la vie sera maussade, nos jours seront ternes. à mon humble avis, « l’eau, la femme et le livre » bien portants, sont les trois pierres angulaires d’une société heureuse et épanouie. L’eau est la base de la vie. La femme est la source de l’éducation. Le livre est l’origine de l’espérance. à ce propos, le désespoir ambiant n’est-il pas le résultat de la mise à mort des artistes et écrivains ? L’exemple d’Assia Djebar, justement, montre la censure morbide qui s’abat sur la pensée et l’ostracisme qui charcute l’écrivain.

Que préconisez-vous pour justement sortir de cette situation ?
La renaissance passe par un investissement volontariste de l’état par l’organisation d’ateliers d’écriture, de résidences d’écriture et multiplier les salons du livre à travers les quatre coins du pays ; rapprocher le livre des lecteurs ne peut être que salvateur. Autre problème majeur qu’il faut prendre en considération c’est la place du savoir dans la réussite professionnelle. En Algérie, la réussite passe souvent par le versement des pots-de-vin, le recours aux passe-droits et à la maîtrise de l’esprit de Cour (chyata !). La compétence, le talent, le savoir-faire sont peu considérés. Cependant, sans le livre, point de savoir et point de compétence…

Nonobstant ce constat peu reluisant, l’espoir est-il permis ?
Oui, l’espoir est permis. La jeunesse saura relever les défis. à ce propos, je préconise la création d’un prix : « le Roman des lycéens » qui va consacrer un auteur (e) algérien(ne) pour une œuvre de fiction et qui, comme son nom l’indique, sera décerné par un collège de lycéens des quatre coins du pays. Ceci se fera avec le concours effectif du Centre national du livre, et du ministère de l’éducation nationale. Ce prix sera un étrier pour l’émulation et un espace d’initiation à l’écriture romanesque. Il est évident aussi que le livre et l’écrivain se retrouveront en tête de gondole d’une tradition pérenne.

Vous êtes écrivain et éditeur. Comment arrivez-vous à faire la part des choses entre ces deux passions ?
Depuis quelques années déjà, je vis dans l’univers de l’écriture. Ceci dit, mon souhait de partager mes « coups de cœur » littéraires, m’a poussé à la création de la maison d’édition Tafat, ex-Belles-Lettres, qui donne la part belle aux ouvrages d’Histoire, de la sagesse et du monde des idées. La culture algérienne est riche et je compte contribuer autant que faire se peut à canaliser ce patrimoine et le mettre entre les mains de mes concitoyens.
Dans la même ligne, j’ouvre les portes à tous les jeunes talents pour exister, s’exprimer et se frayer un chemin dans l’univers de la littérature d’expression amazighe, arabe ou française. C’est une perche qui vaut son pesant d’or qui accompagne les plumes avec un travail de proximité et de longue haleine. Ce travail me prend presque tout mon temps. Il s’agit en fait d’une activité d’une acuité insoupçonnable. Je suis présent à la saisie, aux corrections, à la confection de la couverture, et de l’impression jusqu’à la diffusion. Ce suivi n’est pas sans difficultés : nous nous sommes engagés à démocratiser la lecture, à ne pas décevoir nos lecteurs, par la diversité et la pertinence des thématiques et par l’esthétique et les prix abordables. Nous sommes très à cheval contre la violence, le racisme et la haine, et nous devons à nos lecteurs l’émotion et l’espoir.
Notre maison d’édition se veut une ode aux mots, un espace d’expression des cultures et un trait d’union entre les peuples. Pour ce qui est de ma personne, la rédaction de mes œuvres se fait en parallèle et, pour ainsi dire, je vole du temps en me faisant oublier mes obligations professionnelles.

Contrairement à la majorité des romanciers, vous ne vous inspirez pas de votre vie. Pourquoi cette distanciation ?
Je doute que le mot distanciation soit le plus approprié. à l’origine de mes romans, figurent des personnes que je croise dans ma vie quotidienne, leurs destins hors-pair conjugués à leurs secrets bouleversants me laissent une impression inachevée. Et me donnent l’envie d’écrire. Ma vie personnelle n’est pas suffisamment passionnante pour la figer dans une trame romanesque. D’ailleurs, qui s’intéressera à ma vie ? Personne sinon mes parents tout au plus ! Par ailleurs, je crois que l’écriture est un espace de liberté et d’évasion, l’écriture se doit d’être un acte de générosité où l’auteur du moins quitte sinon oublie son nombril pour projeter son regard vers la société. Maintenant, pour la distanciation, je ne pense pas que je suis distant de mes personnages. Seulement, je m’efforce de m’effacer pour favoriser mes « chargés de mission » ; un procédé littéraire et artistique à travers lequel les personnages sèment l’amour, quêtent la sagesse et incarnent l’humanisme personnifié autant que faire se peut.

Pouvez-vous donc nous parler de votre prochain roman ?
Ce roman est le cinquième de la fratrie et s’intitule « Un cœur à prendre » dont l’action se déroule principalement en Kabylie, dans un village imaginaire : Tizi, où il faisait bon vivre.
Cependant, un mémorable vendredi, jour du mariage de « la fille aux mille et un prétendants «, un double assassinat a été perpétré à l’aube : l’imam et lqabla ont été abattus à l’arme blanche. Rapidement, un détective a été dépêché sur les lieux pour apporter la lumière sur cette affaire et arrêter le(s) criminel(s). Hélas, sur place, les familles des victimes coopèrent timidement et les villageois restent presque muets. Les indices manquent cruellement, et les pistes se brouillent. L’enquête avance timidement et vacille définitivement lorsque le détective répond à l’appel de l’amour. Riche en rebondissements, gavé de poésie sur fond épistolaire, anthropologique et spéculatif, « Un cœur à prendre « est une vertigineuse traversée du miroir qui interroge l’homme sur ses valeurs, ses caprices, son bon plaisir en le mettant face à ses contradictions.

Où en est la numérisation du livre en Algérie ? Et que pensez-vous en tant qu’écrivain et éditeur du passage du support papier au numérique ?
Actuellement, en Algérie, la numérisation n’est qu’une chimère où la lecture sur support papier est le parent pauvre de la culture ! Triste constat ! Toutefois, le passage du papier au numérique est une question de temps, et sous l’effet de la mode, l’Algérien succombera aisément aux sirènes du numérique. Pour ce qui est de ma personne, rien, absolument rien ne pourra me faire changer de papier tant ce dernier renferme du charme, et une odeur qui instille du plaisir à lire !

Vous auriez pu écrire en tamazight comme certains écrivains de votre région ou carrément en langue arabe. Pourquoi donc le choix de la langue française ?
Indéniablement, Tamazight est l’âme de l’Afrique du Nord. Elle est le premier véhicule linguistique de notre sous-continent. Sa vivacité se renforce au rythme des agressions et sa place est dans une officialisation en bonne et due forme qui surviendra sous peu. Tamazight est notre langue maternelle, mais ne pas maîtriser l’art d’écrire en cette langue présente un handicap majeur qu’il me faudra tôt ou tard combler tant nous avons un devoir envers notre mémoire collective et notre devenir au milieu d’autres civilisations.
Dans « Le sang de mars «, j’ai fait dire à Stéphane : Voilà que « l’invention de la langue est l’acte fondateur de la civilisation humaine « tant l’agencement des mots transfère des phrases pour la compréhension, la construction et la civilisation. Les langues font partie de ce patrimoine immatériel de l’humanité mais c’est un patrimoine fragile qu’il faut protéger, et promouvoir. Une langue qui meurt est une perte pour l’humanité. Et c’est justement dans cette optique que je m’efforce de publier des livres en diverses langues, et particulièrement en tamazight.
Par ailleurs, plus tard, je procéderai à la traduction de certains classiques du monde vers notre langue pour l’enrichir d’un apport exotique précieux.

Vous avez un dernier mot ?
Conclure est une chose difficile… les mots sont tellement précieux qu’il fallait les valoriser au maximum, c’est avec les mots qu’on réalise les plus belles choses de la vie et on met fin aux contentieux. La parole est d’or si elle placée à bon escient ; en ce moment, que mon regard se pose sur notre pays au paysage fastueux mais rendu laid par l’outrecuidance et l’inconscience de certains, où les détritus s’amoncellent partout et s’insèrent au décor dans une violence inouïe. Je veux, au terme de mon intervention, insister et faire appel aux âmes vives de notre pays pour être très regardantes sur notre environnement ; la nature est notre source de vie et notre redingote protectrice.
Entretien réalisé par Aomar Mohellebi
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Message  Azul Dim 15 Sep - 21:32

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