Retour à la case prison pour des salafistes à Tunis
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Retour à la case prison pour des salafistes à Tunis
Expulsé de Turquie, Ali Harzi a été placé sous mandat de dépôt, mercredi 24 octobre, par un juge d'instruction de Tunis après son retour dans son pays natal, rejoignant ainsi la cohorte de quelque 300 salafistes tunisiens aujourd'hui en détention. Un an et demi après l'amnistie générale dont a bénéficié une partie d'entre eux, le rythme des arrestations des extrémistes religieux s'accélère en Tunisie.
Soumis à une forte pression américaine, après la violente attaque dont a été la cible l'ambassade des Etats-Unis le 14 septembre, à Tunis, le gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahda, a réagi mais répugne à communiquer sur le sujet, quasi tabou. Malgré nos demandes répétées, le ministère de l'intérieur n'a pas souhaité répondre à nos questions. Tout juste le ministre de la justice, Nourreddine Bhiri, a-t-il récemment consenti, devant l'Assemblée constituante, à évoquer le chiffre de "122 suspects" interpellés depuis l'affaire de l'ambassade.
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Arrêté le 3 octobre à l'aéroport d'Istanbul en possession d'un faux passeport, Ali Harzi, 28 ans, est soupçonné, sur la base de documents et de photos fournis par le FBI, d'avoir participé à un autre assaut, mené contre le consulat américain à Benghazi en Libye, qui a coûté la vie, le 11 septembre, à l'ambassadeur des Etats-Unis et à trois de ses agents. Comme tous les salafistes tunisiens, Ali Harzi est défendu par le même collectif d'avocats qui s'occupe de l'ensemble leurs dossiers - y compris celui d'Imen et Fatouma, deux étudiantes en niqab qui ont porté plainte contre le doyen de l'université de la Manouba accusé d'avoir giflé l'une d'elles.
Dernier dossier en main, Anouar Ouled Ali, coordinateur de ce collectif, s'insurge : "Ali Harzi, avance-t-il, est victime de son nom". Son frère, Tahar Harzi, fait partie des détenus qui se sont évadés fin septembre de la prison de Tikrit, en Irak, où il purgeait une peine de quinze ans après avoir rejoint les rangs djihadistes. Ali Harzi, lui, était bien à Benghazi, le 11 septembre, où il travaillait "dans le bâtiment", avant de s'envoler pour la Turquie, attiré, selon l'avocat, par "la promesse de faire du commerce de vêtements". "Il nie toute relation avec les événements du consulat", soutient Me Ouled Ali.
Dans son bureau du Bardo, un quartier de Tunis, courte barbe et visage impénétrable, l'avocat désigne une pile de chemises de couleur : il y a le dossier de Bir Ali Ben Khlifa, quatorze personnes interpellées après l'accrochage meurtrier survenu en février dans la région de Sfax entre l'armée et un groupe présenté comme une cellule d'Al-Qaida par le ministère de l'intérieur tunisien ; le dossier dit "des filières syriennes", une trentaine d'hommes suspectés d'organiser le transfert de jeunes pour rejoindre les rangs des combattants djihadistes contre le régime de Bachar Al-Assad ; le dossier du palais d'Abdellia, lorsqu'au mois de juin, des jeunes et des salafistes s'en sont pris à une exposition d'art à Tunis ; le dossier de l'ambassade américaine enfin, pour lequel 86 Tunisiens, dont 9 mineurs, sont aujourd'hui incarcérés, en attente de leur jugement.
Le premier, Abou Ayoub, de son vrai nom Slim Ghantri, 31 ans, a été condamné le 25 octobre à un an de prison ferme par le tribunal de grande instance de Tunis, pour "incitation à la haine et à la violence". Arrêté le 29 septembre dans la rue, l'homme, considéré comme l'un des responsables salafistes en Tunisie, avait proféré des menaces sur le réseau social Facebook, dans l'affaire du palais Abdellia, puis du film islamophobe L'Innocence des musulmans, à l'origine de la vague de violence anti-américaine.
"UN DISCOURS NORMAL DANS LE MONDE ARABE"
"Il appelait à lutter et à entrer en guerre contre les Etats-Unis mais ceci est un discours normal dans le monde arabe, affirme son avocat Rafik Ghaki. Mais on a exclu une troisième vidéo dans laquelle, il demandait aux gens de ne pas sortir vers l'ambassade en disant que c'était un piège". Depuis, poursuit l'avocat qui compte faire appel, "le climat a changé, les salafistes sont aujourd'hui cent fois plus nombreux que les autres catégories de personnes dans les arrestations et nous sommes pris entre deux feux, entre l'opposition qui dit que le gouvernement ne fait rien et le gouvernement qui fait mais ne dit rien".
Parmi les personnes arrêtées dans l'affaire de l'ambassade, beaucoup ont moins de vingt-cinq ans, et, selon l'avocat Anouar Ouled Ali, seulement "vingt-cinq barbus" en font partie. Y figure cependant Mohamed Bahkti, 26 ans, chef de file des étudiants salafistes de la faculté de la Manouba. Membre du groupe Les soldats d'Assad Ibn Fourat, qui, en 2007, à Slimane, dans le Sud tunisien, avait affronté l'armée, il avait été condamné à douze ans de prison, avant de faire partie de l'amnistie générale de mars 2011. Porte-parole du groupe salafiste Ansar Al-Charia (partisans de la charia), Hassen Brik, 34 ans a été interpellé sur la base d'écoutes téléphoniques, après avoir promis de "brûler les postes de police" si Abou Ayad, le chef du groupe, actuellement recherché par la police, était arrêté.
Sous le coup des articles 70 et 72 du code pénal tunisien, Hassen Brik, accusé "d'atteinte à la sûreté nationale" encourt jusqu'à vingt ans de prison, voire la peine de mort. Mais seuls, les salafistes impliqués dans les "filières syriennes", où cinq jeunes Tunisiens ont péri, sont visés par les lois antiterroristes adoptées en 2003 sous l'ancien régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Le 16 octobre, une centaine de personnes, salafistes et représentants des familles, sont venues manifester devant le tribunal de Tunis, pour dénoncer "le double jeu d'Ennahda" et l'influence américaine.
Deux jours auparavant, dans une tribune publiée dans le quotidien francophone La Presse, l'ambassadeur américain, Jacob Walles, a fermement fait passer le message : "J'appelle le gouvernement à mener son enquête et à traduire les auteurs et les commanditaires de cet attentat en justice", écrit-il, après avoir rappelé que l'attaque de l'ambassade, un mois plus tôt, avait "mis en danger la vie des employés américains et tunisiens qui étaient à l'intérieur", et provoqué des "millions de dollars" de dégâts. Depuis, le personnel diplomatique américain a été réduit au strict minimum à Tunis.
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/29/retour-a-la-case-prison-pour-des-salafistes-a-tunis_1782595_3210.html
Soumis à une forte pression américaine, après la violente attaque dont a été la cible l'ambassade des Etats-Unis le 14 septembre, à Tunis, le gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahda, a réagi mais répugne à communiquer sur le sujet, quasi tabou. Malgré nos demandes répétées, le ministère de l'intérieur n'a pas souhaité répondre à nos questions. Tout juste le ministre de la justice, Nourreddine Bhiri, a-t-il récemment consenti, devant l'Assemblée constituante, à évoquer le chiffre de "122 suspects" interpellés depuis l'affaire de l'ambassade.
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Arrêté le 3 octobre à l'aéroport d'Istanbul en possession d'un faux passeport, Ali Harzi, 28 ans, est soupçonné, sur la base de documents et de photos fournis par le FBI, d'avoir participé à un autre assaut, mené contre le consulat américain à Benghazi en Libye, qui a coûté la vie, le 11 septembre, à l'ambassadeur des Etats-Unis et à trois de ses agents. Comme tous les salafistes tunisiens, Ali Harzi est défendu par le même collectif d'avocats qui s'occupe de l'ensemble leurs dossiers - y compris celui d'Imen et Fatouma, deux étudiantes en niqab qui ont porté plainte contre le doyen de l'université de la Manouba accusé d'avoir giflé l'une d'elles.
Dernier dossier en main, Anouar Ouled Ali, coordinateur de ce collectif, s'insurge : "Ali Harzi, avance-t-il, est victime de son nom". Son frère, Tahar Harzi, fait partie des détenus qui se sont évadés fin septembre de la prison de Tikrit, en Irak, où il purgeait une peine de quinze ans après avoir rejoint les rangs djihadistes. Ali Harzi, lui, était bien à Benghazi, le 11 septembre, où il travaillait "dans le bâtiment", avant de s'envoler pour la Turquie, attiré, selon l'avocat, par "la promesse de faire du commerce de vêtements". "Il nie toute relation avec les événements du consulat", soutient Me Ouled Ali.
Dans son bureau du Bardo, un quartier de Tunis, courte barbe et visage impénétrable, l'avocat désigne une pile de chemises de couleur : il y a le dossier de Bir Ali Ben Khlifa, quatorze personnes interpellées après l'accrochage meurtrier survenu en février dans la région de Sfax entre l'armée et un groupe présenté comme une cellule d'Al-Qaida par le ministère de l'intérieur tunisien ; le dossier dit "des filières syriennes", une trentaine d'hommes suspectés d'organiser le transfert de jeunes pour rejoindre les rangs des combattants djihadistes contre le régime de Bachar Al-Assad ; le dossier du palais d'Abdellia, lorsqu'au mois de juin, des jeunes et des salafistes s'en sont pris à une exposition d'art à Tunis ; le dossier de l'ambassade américaine enfin, pour lequel 86 Tunisiens, dont 9 mineurs, sont aujourd'hui incarcérés, en attente de leur jugement.
Le premier, Abou Ayoub, de son vrai nom Slim Ghantri, 31 ans, a été condamné le 25 octobre à un an de prison ferme par le tribunal de grande instance de Tunis, pour "incitation à la haine et à la violence". Arrêté le 29 septembre dans la rue, l'homme, considéré comme l'un des responsables salafistes en Tunisie, avait proféré des menaces sur le réseau social Facebook, dans l'affaire du palais Abdellia, puis du film islamophobe L'Innocence des musulmans, à l'origine de la vague de violence anti-américaine.
"UN DISCOURS NORMAL DANS LE MONDE ARABE"
"Il appelait à lutter et à entrer en guerre contre les Etats-Unis mais ceci est un discours normal dans le monde arabe, affirme son avocat Rafik Ghaki. Mais on a exclu une troisième vidéo dans laquelle, il demandait aux gens de ne pas sortir vers l'ambassade en disant que c'était un piège". Depuis, poursuit l'avocat qui compte faire appel, "le climat a changé, les salafistes sont aujourd'hui cent fois plus nombreux que les autres catégories de personnes dans les arrestations et nous sommes pris entre deux feux, entre l'opposition qui dit que le gouvernement ne fait rien et le gouvernement qui fait mais ne dit rien".
Parmi les personnes arrêtées dans l'affaire de l'ambassade, beaucoup ont moins de vingt-cinq ans, et, selon l'avocat Anouar Ouled Ali, seulement "vingt-cinq barbus" en font partie. Y figure cependant Mohamed Bahkti, 26 ans, chef de file des étudiants salafistes de la faculté de la Manouba. Membre du groupe Les soldats d'Assad Ibn Fourat, qui, en 2007, à Slimane, dans le Sud tunisien, avait affronté l'armée, il avait été condamné à douze ans de prison, avant de faire partie de l'amnistie générale de mars 2011. Porte-parole du groupe salafiste Ansar Al-Charia (partisans de la charia), Hassen Brik, 34 ans a été interpellé sur la base d'écoutes téléphoniques, après avoir promis de "brûler les postes de police" si Abou Ayad, le chef du groupe, actuellement recherché par la police, était arrêté.
Sous le coup des articles 70 et 72 du code pénal tunisien, Hassen Brik, accusé "d'atteinte à la sûreté nationale" encourt jusqu'à vingt ans de prison, voire la peine de mort. Mais seuls, les salafistes impliqués dans les "filières syriennes", où cinq jeunes Tunisiens ont péri, sont visés par les lois antiterroristes adoptées en 2003 sous l'ancien régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Le 16 octobre, une centaine de personnes, salafistes et représentants des familles, sont venues manifester devant le tribunal de Tunis, pour dénoncer "le double jeu d'Ennahda" et l'influence américaine.
Deux jours auparavant, dans une tribune publiée dans le quotidien francophone La Presse, l'ambassadeur américain, Jacob Walles, a fermement fait passer le message : "J'appelle le gouvernement à mener son enquête et à traduire les auteurs et les commanditaires de cet attentat en justice", écrit-il, après avoir rappelé que l'attaque de l'ambassade, un mois plus tôt, avait "mis en danger la vie des employés américains et tunisiens qui étaient à l'intérieur", et provoqué des "millions de dollars" de dégâts. Depuis, le personnel diplomatique américain a été réduit au strict minimum à Tunis.
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/29/retour-a-la-case-prison-pour-des-salafistes-a-tunis_1782595_3210.html
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Date d'inscription : 30/06/2009
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