Tunisie : l'affaire du niqab à l'Université de la Manouba dans l'impasse
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Tunisie : l'affaire du niqab à l'Université de la Manouba dans l'impasse
L'entrée de l'université de La Manouba (Thierry Brésillon)
La tension s'est brusquement accrue, mercredi, à l'université de
lettres et de sciences humaines de La Manouba, à proximité de Tunis,
après une journée de confrontation et de violence entre partisans et adversaires de l'autorisation du port du niqab.
Cette question entrave le fonctionnement normal de l'Université
depuis le début d'un sit-in, fin novembre, organisé par des militants
salafistes, dont certains ne sont pas étudiants, pour exiger de la
direction qu'elle lève son interdiction du voile intégral durant les
cours et les examens.
L'Uget (l'Union générale des étudiants tunisiens) avait prévu
d'organiser ce mercredi une mobilisation pour exiger du ministère de
l'Enseignement supérieur qu'il mettre fin au conflit qui empoisonne
l'atmosphère politique depuis plus de trois mois.
De leur côté, les militants salafistes voulaient protester contre les sanctions prises lundi par le conseil de discipline contre les étudiants impliqués dans les troubles et deux étudiantes refusant d'ôter leur niqab en cours.
Les membres de l'Uget harranguent les étudiants (Thierry Brésillon)
Après plusieurs heures de joutes verbales où les tribuns rivalisent
de talent oratoire et de puissance vocale, pour se défier à coup de
slogans révolutionnaires et de versets du Coran, et plusieurs
échauffourées, vite calmées par les cadres des deux côtés, la tentative
de marche du l'Uget vers le ministère de l'Enseignement supérieur a
avorté avant même d'avoir franchi le seuil du campus.
Un niveau de violence jamais atteint
Des manifestants (Thierry Brésillon)
Des salafistes, arrivés en renfort suite à un appel lancé sur
Facebook dans la matinée, se sont mêlés aux militants du campus pour se
livrer à une véritable chasse à l'homme contre des étudiants
syndicalistes à travers la circulation du boulevard qui passe devant
l'université.
Les attaques ont été d'une violence jamais atteinte dans ce conflit.
Des groupes s'acharnaient sur des personnes à terre. On dénombre cinq blessés.
Il était particulièrement difficile de savoir qui était précisément
les auteurs des agressions, d'autant que des salafistes empêchaient les
journalistes de photographier et de filmer. Plusieurs équipes ont été
violemment prises à partie et du matériel a été détruit. Si leur
intention était de démontrer que les accusations de violence proférées à
leur encontre sont mensongères, la méthode n'était probablement pas la
plus indiquée.
De son côté, la police, autrefois si active et même présente sur le
campus, se contente de dépêcher quelques agents en civil à proximité.
Ils assistent aux agressions sur la voie publique sans intervenir. L'un
d'eux explique avec franchise :
<blockquote>« C'est ça la révolution ! Nous, nous sommes neutres ! »
</blockquote>
Abcès de fixation
Etudiantes voilées devant l'université (Thierry Brésillon)
Cette escalade est évidemment le résultat du pourrissement de la
situation qu'aucune décision administrative n'est parvenue à régler
depuis le mois de novembre.
Une décision
du tribunal administratif de Sousse, le 2 février, a débouté une
étudiante dans un cas similaire, en raison de « la nécessité de dévoiler
le visage pour des soucis pédagogiques et le devoir de respecter les
règlements au sein de tout établissement universitaire ».
Mais le ministère n'en a pas tiré les conséquences dans le cas de La Manouba.
Le niqab et La Manouba sont les abcès de fixation d'autres tensions.
Notamment celles qui opposent les islamistes et un corps enseignant,
plutôt laïque et progressiste, à l'image du conflit qui oppose les
milieux intellectuels et culturels à la nouvelle majorité islamiste. A
cet égard, le fait qu'il s'agisse d'une faculté de lettres et de science
humaines n'est évidemment pas anodin.
Il est également difficile pour le mouvement Ennahdha d'aller à
l'encontre des militants salafistes et de leur revendication concernant
le port du niqab, sans paraître faire une concession majeure à la gauche
et aux partisans de la laïcité.
Escalade
Un étudiant brandit un Coran à l'université de La Manouba (Thierry Brésillon)
Les étudiantes portant le niqab justifient leur choix par les mêmes
versets coraniques que ceux utilisés habituellement pour justifier le
hijab (qui découvre le visage) et revendiquent la liberté de choix
vestimentaire.
Dhamir Ben Alaya, l'un des militants de l'Uget, et ancien prisonnier politique sous Ben Ali (2009-2011), estime :
<blockquote>« Cette revendication religieuse est un prélude à
l'islamisation de la société à partir de l'université. Ce n'est pas cela
la vraie revendication du peuple tunisien. Il s'agit d'un projet
anti-démocratique et anti-populaire. »
</blockquote>
Si le conflit est microscopique à l'échelle du pays, il met donc en
présence deux projets de société, ce qui rend évidemment difficile une
solution de compromis.
En attendant, la majorité des étudiants ne souhaite pas prendre
partie, se dit disposée à admettre le niqab dans les salles de cours,
mais craint l'activisme et la violence des salafistes. Mais elle souffre
surtout de la perturbation des cours.
« Il n'y pas de solution, c'est une impasse », se désolent la plupart des étudiants, totalement désemparés.
Depuis plus de trois mois, les incidents se multiplient, l'escalade
de la violence ne cesse de monter. Chaque camp exhibe ses vidéos des
bâtons et des barres de fer que les autres utilisent.
Le drapeau tunisien arraché
Un militant islamiste a remplacé le drapeau tunisien par celui d'Al Qaeda (Thierry Brésillon)
Mercredi matin, c'est une violence plus symbolique qui a fait franchir au psychodrame une dimension supplémentaire.
L'un des salafistes présents devant le campus a cru utile d'aller
retirer le drapeau tunisien pour le représenter par le drapeau d'Al
Qaeda, avant de l'arracher carrément du mât.
L'affaire a d'autant plus exacerbé les passions que le drapeau est à peu près le seul totem qui unisse encore les Tunisiens en dépit de leurs divergences.
Les étudiants salafistes ont rapidement compris l'ampleur de la
bourde et ont replacé le drapeau tunisien. Mais le mal était fait et la
Tunisie, déjà enlisée dans ses difficultés, s'est accablée d'un nouvelle
polémique. Au moins l'affaire aura-t-elle suscité des réactions
officielles, de la présidence de la République et du porte-parole du gouvernement.
Reste à savoir combien de temps le ministre de l'Enseignement
supérieur pourra temporiser avant de trancher dans ce conflit qui
contribue à la polarisation de la société tunisienne.
Les étudiants entre salafistes et Uget (Thierry Brésillon)
Zhafit- Admin
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Re: Tunisie : l'affaire du niqab à l'Université de la Manouba dans l'impasse
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Zhafit- Admin
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