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FFS et RCD : partis nationaux ou partis kabyles ?

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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:16

FFS et RCD : partis nationaux ou partis kabyles ?
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:16

Après octobre 1988 et la mise en place d’une « nouvelle formule politique » qui consacre le pluripartisme, l’identité berbère devient en Algérie, un enjeu majeur des stratégies partisanes de deux partis : le Front des forces socialistes et le Rassemblement pour la culture et la démocratie. Le premier est ancien et a participé à l’émergence dans les années 1980 du Mouvement culturel berbère. Le second est issu de ce mouvement et s’institutionnalise en parti à la faveur de l’instauration du multipartisme en 1989. L’analyse porte donc sur les stra­tégies identitaires déployées par ces deux formations rivales. Concurrentes auprès des autorités publiques et en termes d’ancrage territorial, elles déploient un discours culturaliste et localiste bien qu’elles se situent dans le champ politique national. Réalisée à la fin des années 1990, elle questionne en dernier ressort les diverses attitudes adoptées par ces entrepreneurs politiques berbéristes aux buttes aux pièges de l’enfermement régional et ethnique : dans quelle mesure peuvent-elles dépasser ce cadre régional et constituer une alternative démocratique viable en Algérie ?
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:17

http://remmm.revues.org/2870
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:17

Plan
Aux origines du Front des forces socialistes et du Rassemblement pour la culture et la démocratie
Le Front des Forces Socialistes (1963-1999)
L’échec de l’insurrection et la régionalisation du FFS
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (1989-1999)
Stratégies identitaires du FFS et du RCD (1989-1999)
Boycott scolaire (septembre 1994-avril 1995) et luttes partisanes
Élections et ancrage régional des partis RCD/FFS
Conclusion
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:18

Après octobre 1988 et la mise en place d’une nouvelle "formule politique" (Leca, 1988) qui consacre le multipartisme, l’identité berbère devient un enjeu majeur dans les stratégies partisanes du FFS et du RCD1. L’instrumentalisation de l’identité, ou ce qu’il est convenu d’appeler l’ethnicité, constitue une ressource politique pour ces entreprises politiques concurrentes en lutte pour imposer la "problématique légitime".

2En effet, les élites politiques de ces partis mettent en œuvre des stratégies identitaires dans le champ politique tout en se livrant une guerre partisane. Comment et pourquoi ces deux partis rivalisent-ils alors qu’ils sont ancrés essentiellement en Kabylie ?

3Dans quelle mesure ces partis pourraient-ils dépasser le cadre régional et constituer une alternative démocratique viable en Algérie ?
Aux origines du Front des forces socialistes et du Rassemblement pour la culture et la démocratie

4Le FFS est né, en 1963 d’une opposition armée dirigée par Hocine Aït Ahmed contre le pouvoir de Ben Bella. Si le mouvement avait au départ un caractère national, il devient durant le conflit frontalier avec le Maroc un parti kabyle autour de H. Aït Ahmed et de son aile culturaliste. L’échec de l’insurrection, en 1965, a radicalisé le courant culturaliste du parti qui joue un rôle important dans l’émergence du Mouvement culturel berbère (MCB) au début des années 80. Après l’instauration du multipartisme en 1989, le MCB se transforme en parti politique, le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie) que dirige le Dr Saïd Sadi.
Le Front des Forces Socialistes (1963-1999)

5Le FFS est né d’une insurrection armée déclenchée par des entrepreneurs poli­tiques en vue de changer les "règles du jeu politique" (Bailey, 1971) et renverser les rapports de force dans le champ politique en formation. Il est le produit à la fois de l’autoritarisme du pouvoir de Ben Bella et des prolongements de la crise de Pété en 1962. Certes, la crise était latente, puisque les acteurs étaient en compétition pour s’assurer le contrôle (voire le monopole) des appareils (ALN/ FLN) durant la guerre, mais elle a pris une tournure grave après l’indépendance autour d’un enjeu majeur : le contrôle de l’État, lieu du pouvoir, technologie de gouvernement et distributeur des biens matériels et symboliques.

2 Sur la crise de l’été 1962, voir Douence, 1964.

6L’éclatement du FLN, en juillet 1962, en plusieurs pôles de décision a provoqué une compétition effrénée pour la prise du pouvoir. La rivalité entre les différentes factions du FLN se transforme rapidement en véritables affrontements armés en raison de l’absence de « mécanisme effectif de solution des crises » (Leca, Vatin, 1975 : 331). Le recours à la violence pour résoudre les conflits ne pouvait que favoriser le groupe qui possédait la force militaire, ou ce qui va devenir par la suite "l’appareil de la violence légitime". Ainsi, le groupe militaro-bureaucratique en formation, va s’imposer et imposer sa force dans le champ politique algérien. En réalité, le groupe de Tlemcen, sous la direction Ben Bella, a su efficacement prendre le pouvoir en opérant un rapprochement tactique avec des personnalités politiques charismatiques comme Ferhat Abbas afin de régler le problème de la légitimité. Mais ce regroupement hétéroclite a trouvé face à lui une résistance, non pas de la part du GPRA (Gouvernement Provisoire de la Révolution Algérienne) contesté par l’ensemble des forces politiques, mais celle de personnalités fortes tel­les que Mohamed Boudiaf et Krim Belkacem qui ont créé une alliance le 26 juillet 1962 à Tizi-Ouzou, le CLDR (Comité de liaison pour la défense de la révolution). Malgré cette opposition, le groupe de Tlemcen se lance dans l’épreuve de force. Après quelques accrochages avec les troupes de la Wilaya IV (algérois), l’armée des frontières fait son entrée à Alger le 9 septembre 1962 et met Ben Bella à la tête de l’État. Ce processus peu démocratique de solution des conflits est générateur de crises2. Car, si l’accession de Ben Bella à la haute magistrature de l’État règle le problème de la légitimité, elle ouvre, cependant, le problème du pouvoir.

3 Il ne doit lui-même sa place qu’à M. Khider, un des vainqueurs de la crise et beau-frère de Aït Ahm (...)
4 Présidée par le libéral Ferhat Abbas qui démissionnera en 1964.

7Dans ce contexte, proche du GPRA au début de la crise, H. Aït Ahmed va très vite sortir de ce jeu politique où s’affrontent différentes factions. Le 27 juillet 1962, il annonce sa démission de tous les organismes directeurs de la révolution. Il garde ainsi sa neutralité face au conflit qui oppose la coalition de Tlemcen et l’alliance Krim-Boudiaf. Mais lorsque Boudiaf lance le 20 septembre, le premier parti d’opposition algérien, le parti de la révolution socialiste (PRS), Aït Ahmed semble quant à lui rentrer dans les rangs en acceptant de siéger à la première assemblée nationale constituante composée de candidats désignés arbitrairement par le bureau politique3. C’est au sein de cette assemblée constituante4, que M. Aït Ahmed va tenter de susciter un débat démocratique sur les vrais pro­blèmes de l’Algérie. Il cristallise ainsi autour de lui un groupe de députés qui se veut à la fois force de proposition et de critique. Mais, il se défend de constituer une opposition tout en admettant l’existence de points de divergence dans un discours à l’Assemblée nationale le 1er octobre 1962 :

« Il serait certes maladroit voire dangereux, de parler d’opposition au sein de cette Assemblée, lorsqu’il y a divergences de vue ; lorsqu’il y a différences d’opinions. L’Assemblée nationale constituante, je l’ai dit, est composée de militants qui veu­lent servir la cause nationale à son deuxième stade, celui de l’édification et de la construction. Il est donc normal comme dans toutes les Assemblées de patriotes, qu’il y ait des points de vue divergents, ne serait ce que dans la méthode ; cela est normal. Mais parler d’opposition pourrait contribuer à faire naître celle-ci. Si j’avais le sentiment que mon action au sein de l’Assemblée pourrait cristalliser, en dehors d’elle-même, une opposition quelconque, je cesserais d’en faire partie » (Aït Ahmed, 1964 : 117-118).

8En réalité, Aït Ahmed trouve des points de convergence avec Ahmed Ben Bella. Favorable à l’option socialiste et à l’unicité du parti, il a également pu soutenir l’autogestion dans l’une de ses déclarations à l’Assemblée nationale :

« Il faut épurer et alléger les administrations et faire une politique audacieuse d’autogestion ouvrière et paysanne » (Aït Ahmed, 1964 : 126).

9Cependant, malgré ces points de rencontre avec l’orientation officielle, M. Aït Ahmed critique les méthodes employées et la façon de gouverner. S’il est d’accord avec le principe de la prééminence du parti-FLN, il pense que cela ne devrait pas entraîner nécessairement l’unicité. C’est ainsi qu’il a dénoncé l’interdiction du parti communiste algérien, en déclarant :

« Un parti fort et organisé qui jouit de la confiance du peuple n’a nul besoin de dissoudre un autre parti » (Aït Ahmed, 1964 : 147).

10Sans être franchement pour le multipartisme, Aït Ahmed a une vision dyna­mique de la structuration du champ politique algérien. Il ne soutient l’idée du parti unique qu’à la seule condition qu’il ne soit pas au service de l’autoritarisme, mais au service de la souveraineté populaire comme il le déclare lors de son intervention à l’assemblée nationale :

« La prééminence du parti, c’est la prééminence de la pensée du peuple, de la volonté populaire, des aspirations et des besoins du peuple. La prééminence du parti, c’est la transposition, sur le plan de l’activité militante, de la volonté populaire que le parti doit incarner. Seule la souveraineté populaire justifie l’autorité et la prééminence du parti. Il en résulte que les fondements de cette prééminence ne doi­vent être ni la contrainte, ni l’intimidation, ni l’autoritarisme. Si la prééminence et l’autorité du parti sont imposées, elles n’incarnent plus que la volonté d’un homme ou d’un groupe d’hommes. La prééminence du parti ne peut se construire que sur la confiance et sur la conscience populaires [...] Si la méthode démocratique et la confiance font défaut eh bien, monsieur le président, mes chers collègues, le parti devient un frein, il agit implicitement contre la révolution. La vraie démocratie, telle que je viens de la décrire, supprime la contradiction qui existe entre le peuple et le gouvernement, et fait en sorte que le gouvernement devienne l’instrument du peuple » (Aït Ahmed, 1964 : 156-157).

5 H. Aït Ahmed a expliqué, dans une interview à Paris-Match, que le pouvoir a tenté de contrôler la p (...)

11Malgré cette action politique énergique, Aït Ahmed se rend compte de la limite de son action parlementaire. Les initiatives de son groupe sont systémati­quement combattues par une assemblée croupion ou récupérées par le gouverne­ment. Son champ d’action se trouve ainsi progressivement réduit par le pouvoir de Ben Bella5. Ne pouvant s’exprimer comme il le souhaite, Aït Ahmed pense alors à une opposition hors système. Il démissionne de l’Assemblée nationale et se réfugie à Michelet sa ville natale. C’est là qu’il rencontre d’autres opposants proches de l’UDRS (l’Union pour la défense de la révolution socialiste) qui ras­semble les personnalités qui, en juillet 1962, avaient constitué le groupe de Tizi Ouzou (à l’exception de M. Boudiaf) : B. Krim, le colonel Mohand Oul Hadj, Abdenour Ali Yahia, la plupart des dirigeants de l’ex-fédération de France du FLN, ainsi que des officiers des ex-wilaya III et IV. Le commandant Si Lakhdar, ex-officier de la wilaya IV (algérois), membre fondateur du FFS, relate dans ses mémoires comment le FFS est né :

« Suite aux arrestations de Boudiaf, Salah Boubnider (saout el arab), Boualem Oussedik etc., j’ai décidé de prendre contact avec Aït Ahmed, en septembre 1963, qui m’avait alors reçu à Michelet dans un café public en compagnie du Docteur Hermouche Ramdane, Ali Yahia Abdenour, Aboubakr Belkaïd (PRS). Nous lui avons suggéré des noms que nous croyons être encore irréprochables et donc aptes à une action organisée. Et dès que nous avions cité le nom de Krim, il s’est levé en refusant de donner son accord. Nous avions alors essayé de le convaincre que Krim avait de l’expérience et des soutiens importants, qu’il pouvait par conséquent servir notre mouvement et que la fédération de France s’est chargée de le convaincre à rejoindre notre mouvement. Aït Ahmed avait alors accepté notre suggestion, soumise toutefois à la condition que les membres du PRS de Boudiaf rejoignent le mouvement. Après cet accord, le FFS est né » (Bouregaa, 1990 : 120).

6 Selon Ali Zamoum, ancien préfet de Tizi-Ouzou en 1963 : « L’insurrection de 1963 n’était pas un con (...)

12On constate que le FFS est clairement un rassemblement de tous les adversaires au pouvoir de Ben Bella, plutôt qu’un mouvement strictement berbériste6. Il n’est donc pas un mouvement régionaliste puisque les insurgés ne s’opposent pas alors à un groupe ethnique ou religieux particulier, mais à l’État. Ils ne cherchent pas non plus à provoquer une sécession sur une base ethnique ou à transformer l’État-naissant en État-ethnique, bien au contraire, ils revendiquent une plus grande intégration à l’État et une participation réelle à la gestion des affaires politiques (Hobsbawm, 1993). Certes, la prédominance est kabyle, mais ceci s’explique essentiellement par la présence massive des élites kabyles urbaines surtout algéroises : commerçants, dont les biens ont été nationalisés ; propriétaires terriens craignant une réforme agraire, fonctionnaires mécontents de l’insécurité de leur statut et de l’austérité financière, culturellement frustrés par la défrancisation des méthodes administratives ; intellectuels mal à l’aise dans le parti unique ; leaders syndicaux peu satisfaits de la mise au pas de leur organisation par le parti, etc. À cette polarisation élitiste s’ajoute une grande mobilisation de la paysannerie kabyle dont la jonction avec l’élite est réalisée durant la période nationaliste. Le mécontentement de la paysannerie kabyle, suite à la dégradation de ses conditions de vie après la guerre de libération, sera canalisé par les élites urbaines qui possèdent une grande influence dans le champ politique national. Ce n’est pas le cas des autres régions du pays où le poids des élites n’est pas aussi important.

13L’insurrection du FFS n’est pas circonscrite à l’espace kabyle. Elle s’est étendue à d’autres régions d’Algérie, notamment Orléansville (Chlef) et Médéa où plusieurs officiers de la wilaya IV, qui ne sont pas forcément kabyles, se sont prononcés en faveur du mouvement. Ainsi, deux jours après sa proclamation le 3 septembre 1963, le FFS se lance dans le combat politique pour faire échec au référendum du 8 septembre sur la Constitution. Un tract anonyme est diffusé à Alger dans lequel les partisans du FFS dénoncent la dictature et prétendent vouloir instaurer une démocratie révolutionnaire en réorganisant l’État sur les bases de la démocratie décentralisatrice, de l’autogestion politique, économique et sociale et d’un pouvoir fort de la confiance et de la participation des masses laborieuses (Le Monde, du 5 septembre 1963). Le 8 septembre une action d’éclat est programmée à l’occasion du référendum sur la Constitution, mais avorte aussitôt. L’échec de l’opposition pacifique est patent. Le mouvement entre ainsi dans une phase insurrectionnelle en Kabylie avant de s’étendre à l’Algérois où de nombreux acteurs militarisés ont entamé une action violente contre le pouvoir autoritaire de Ben Bella. Il a fallu attendre "la guerre des sables" (1963) pour arrêter les affrontements. En réalité, le conflit frontalier avec le Maroc offre à Ben Bella une excellente occasion de pouvoir amalgamer "l’agression extérieure" avec les événements de Kabylie. Conscient du risque d’être accusé de collusion avec l’ennemi extérieur, un registre auquel la culture politique algérienne est particulièrement sensible, Aït Ahmed tente un rapprochement réel avec Ben Bella. Ainsi, un accord est conclu entre le pouvoir et le FFS, à la Villa Joly à Alger. Lakhdar Bouregaa qui y était présent témoigne :

« H. Aït Ahmed a accepté de renoncer à la lutte année, mais à certaines conditions telles que : la libération de tous les détenus politiques, la révision de l’effectif de l’état-major de l’ANP auquel seront joints les membres des six Wilaya, la désignation d’une personne compétente à la tête de l’ANP, l’éloignement du colonel Houari Boumédienne et ses acolytes, la distribution des terres aux anciens maquisards » (Bouregaa, 1994 : 130-131).

14Face à ces conditions contraignantes, Ben Bella passe un accord directement avec Mohand Oul Hadj qui s’est rallié sans condition, coupant ainsi l’herbe à M. Aït Ahmed. « Il n’en faut pas plus pour que la fraction militaire du FFS, déjà chancelante au départ abandonne la partie et vole au secours de la partie en danger » note R. Rédjala (1992 : 150). Fort de l’accord qu’il a décroché avec les militaires du FFS le 12 novembre, Ben Bella n’est plus obligé de tenir ses engagements antérieurs. Ainsi le 13 novembre, dans son discours devant l’Assemblée nationale, Ben Bella, sous les pressions de Boumédienne, laissait entrevoir qu’aucune concession ne sera faite au FFS :

« Notre unité ne peut se concrétiser que dans le cadre du parti. Lors du prochain congrès pourront s’exprimer librement toutes les idées des militants socialistes révolutionnaires. Je dis bien socialistes révolutionnaires, car il n’est pas question de remettre en cause les acquis révolutionnaires, car il n’est pas question de remettre en cause les acquis de la révolution. Le but de ce congrès est de cimenter notre unité ». (Le Monde du 13 novembre 1963).

7 Il a respecté la trêve au moment de la guerre des frontières avec le Maroc, de la mi-novembre 1963 (...)
8 L’intervention de l’armée pour liquider « la dissidence kabyle » va renforcer le poids des militair (...)

15Suite à cette déclaration, H. Aït Ahmed est renvoyé au maquis7 : après la défection de Mohand Oui Hadj et l’impasse des négociations, il est acculé à reprendre le combat dans un contexte difficile d’une part parce que la population est trop épuisée pour un effort de guerre, et d’autre part parce que la relance de la lutte armée va se circonscrire au seul réduit kabyle, les autres régions ne suivant pas cette fois-ci. Or, la relance de la lutte en Kabylie ne pouvait que provoquer l’intervention de l’armée qui voulait en finir avec la "rébellion kabyle"8.
L’échec de l’insurrection et la régionalisation du FFS

16Si au début l’insurrection a eu un caractère national, elle est dans un second temps devenue une "affaire kabyle". Le FFS s’est transformé en parti kabyle autour d’Aït Ahmed et de son aile culturaliste incarnée par M’barek Rédjala et surtout Mohand Arab Bessaoud dont les écrits illustrent bien cette sensibilité :

« Ce n’était pas seulement la liberté qu’il fallait défendre ou rétablir. Il fallait égale­ment assurer la défense de la race, la pérennité de riches traditions et la survivance d’une large culture qui ont été de tous temps le solide butoir où vinrent échouer toutes les tentatives d’assimilation de nos divers occupants [...]. Les faits établissent qu’à travers la lutte contre le maquis-FFS, c’était l’annihilation systématique de la personnalité kabyle qui était recherchée et qui le sera toujours si les Kabyles ne prennent pas conscience du danger qui les menace » (Bessaoud, 1966 : 23).

9 Ce sont des acteurs comme Saïd Sadi, Ferhat Mehenni, Mokrane Aït Larbi, etc.

17Cette régionalisation du conflit politique est un signe annonciateur de la pro­jection de l’ethnicité dans le champ politique post-indépendance. La répression engagée par l’ANP devait susciter un profond traumatisme et une forte crispation identitaire en Kabylie. Le pouvoir algérien, devenu militaire, après le coup d’État de Boumédienne le 19 juin 1965, verrouille le champ politique et radicalise du coup la mouvance culturaliste qui s’activait dans les milieux universitaires autour de Mouloud Mammeri et à travers l’émigration autour de l’Académie berbère créée par Mohand Arab Bessaoud. C’est dans ce contexte que le mouvement culturel berbère intervient sur la scène politique en avril 1980 en revendiquant le pluralisme culturel et linguistique et contestant la politique d’arabisation. Cette mouvance participe activement à la réactivation du parti FFS à la fin des années 1970, malgré la surveillance policière imposée par le régime de Boume-dienne. Mais, cette jonction entre le FFS et la mouvance culturaliste sera sans lendemain puisque les entrepreneurs identitaires9 s’engagent résolument dans la politisation de l’identité et de la culture et capitaliseront, dix ans plus tard, le mouvement culturaliste berbère (MCB) en le reconvertissant en entreprise politique : le parti RCD.
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:18

Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (1989-1999)

18Le RCD est le prolongement naturel du Mouvement culturel berbère. Ce dernier est animé par de jeunes "entrepreneurs identitaires" qui cherchent alors une structure politique pour "totaliser le champ politique" (Bayart, Mbembe, Toulabor, 1992), monopolisé par le parti-État FLN. Pour des raisons d’affinités géographiques mais aussi culturelles, ils rejoignent ensemble le FFS de H. Aït Ahmed, alors en exil. En fait, les jeunes culturalistes ont la ferme conviction que leur mouvement a besoin d’un cadre organique et d’un chef "charismatique", comme le déclare explicitement Hassène Hirèche, ancien membre du parti :

10 Hassène Hirèche est un militant actif de la mouvance culturaliste en émigration. Il a été membre fo (...)

« Cette volonté de collaborer avec les politiques répondait à une stratégie de légiti­mation. On était convaincu que le fait d’inclure H. Aït Ahmed, l’un des précurseurs de l’action libératrice, allait renforcer la revendication culturelle »10.

19Ferhat Mehenni, lui aussi membre de la mouvance, va dans le même sens :

11 Ferhat Mehenni est chanteur et militant actif du MCB. Il est membre et fondateur du RCD en 1989, av (...)

« Le recours à Aït Ahmed était une façon pour nous, qui étions jeunes, de con­vaincre nos aînés de la justesse de notre revendication »11.

20Cette intégration "stratégique" des militants culturalistes dans le FFS a entraîné sa réactivation et sa renaissance après plusieurs années d’inaction. Mais, cette jonction entre "le leader historique" et la "jeune garde culturaliste" fut factice, puisque les entrepreneurs identitaires quittèrent le parti quelques années plus tard. Ainsi, dans son ouvrage L’Heure de vérité Saïd Sadi explique son départ en 1982 :

« En juin 1978, à mon initiative, eut lieu une réunion regroupant à Paris une douzaine de militants de notre mouvement pour négocier avec Aït Ahmed, Ali Mécili, Si-L’hafid. Le contrat était simple, je devais relancer le parti en Algérie, en retour Aït Ahmed acceptait de défendre les thèmes qui étaient les nôtres depuis une quinzaine d’années [.]. Pour nous, la prise en charge de la revendication berbère était l’un des voyants essentiels du tableau de bord de la scène politique algérienne. Après une semaine de débats, nous parvenions à un compromis. Sitôt rentré au pays, je me rendis compte de la difficulté de reprendre possession d’un parti comme le FFS [...]. L’année suivante, une mesure d’amnistie annule toutes les condamnations liées au politique. En accord avec les quelques militants encore actifs, je lui fis savoir que sa place était désormais en Algérie. Il fallait élargir les brèches et établir une pluralité de fait. Il me répondit que, sa sécurité ne pouvant être garantie, il préférait rester en exil. La sécurité était un problème général et concernait l’ensemble des militants de l’opposition, Devant son refus de rejoindre le pays nous décidâmes de quitter le FFS » (Sadi, 1996 : 124-126).

21Cette explication ne montre que la partie visible de l’iceberg. Elle occulte en effet de réelles divergences politique de fond entre le "leader historique" (H. Aït Ahmed) et le jeune culturaliste (S. Sadi), renvoyant à la stratégie du combat politique à mener à l’encontre du pouvoir. En fait, H. Aït Ahmed reste fidèle à l’orientation initiale du FFS, qui est indiscutablement une formation d’opposition en rupture depuis 1963 avec le système. Or, Saïd Sadi est plus enclin à une stratégie d’entrisme consistant à adopter une attitude de "soutien critique" ou de "critique constructive". Si les premiers signes de divergence sont apparus au lendemain des événements de Tizi-Ouzou d’avril 1980, la rupture est consommée en 1985, après l’alliance "historique" entre Aït Ahmed et l’ancien président Ahmed Ben Bella. Cette alliance entre les deux chefs historiques du FLN visait à proposer une alternative démocratique au pouvoir algérien, comme le note Aït Ahmed :

« Nous avions compris pour notre part, qu’une union entre deux leaders "histo­riques", l’un de Kabylie, l’autre de l’Oranie, permettrait d’accélérer l’émergence d’une opposition nationale » (Aït Ahmed, 1989 : 196).

12 Elle a eu lieu à Londres le 16 décembre 1985.
13 Le chanteur Lounès Matoub, proche de ces milieux, dénonçait alors cette alliance dans une chanson i (...)
14 Sur ce sujet voir Chaker, 1985 : 489-503.

22Cette "alliance de Londres"12 a été dénoncée par le pouvoir algérien comme une « grande manœuvre d’un duo de revenants septuagénaires » (Algérie-Actualité, 2/01/1985). Elle l’a également été dans les milieux culturalistes comme « une alliance contre nature »13. Dès le milieu des années 1980, les entrepreneurs iden­titaires tentent d’élargir leur champ d’action en instrumentalisant simultanément et stratégiquement la thématique identitaire et celle des droits de l’homme14. L’objectif recherché est la participation à la gestion des affaires publiques et donc l’accès à l’État. Ainsi, à la veille même de la mise en place du "marché politique" et/ou de l’espace de la compétition politique en 1988, les acteurs de la mouvance culturaliste anticipent la promulgation de la nouvelle constitution en créant un parti politique : le RCD (le Rassemblement pour la culture et la démocratie). La naissance de ce parti pré-constitutionnel fut en réalité précédée par des tractations secrètes. Ferhat Mehenni, membre fondateur du parti, confirme l’existence de cet arrangement secret :

« À la suite des émeutes d’octobre 1988, il y avait une réunion au cours de laquelle une décision a été prise pour prendre langue avec le pouvoir et d’autres forces politiques du pays. Et à ce moment là, le Dr Sadi avait dit qu’il avait des contacts avec le pouvoir. Et ce contact s’est fait grâce à un Kabyle qui connaissait Aboubakr Belkaïd, qui a réglé l’opération avec le groupe de Tizi-Ouzou, composé alors de trois personnes : Mokrane Aït Ahmed Larbi, Hachemi Naït Djoudi et Saïd Sadi [...] le groupe a été reçu par le général Belkheir qui avait donné des assurances que le président Chadli allait dans le sens de la démocratisation » (Entretien avec Ferhat Mehenni, mai 1998).

15 Cf. Algérie-Actualités, n° 1218, semaine du 16 au 22 février 1989.
16 Un membre du parti naissant, Méziane Babouche, déclarait lors des assises constitutives du RCD tenu (...)

23Au lendemain des émeutes d’octobre les "entrepreneurs identitaires" laissaient entendre publiquement leur intention de transformer le mouvement culturel berbère en parti politique. Ainsi, le Dr Sadi, futur président du RCD, déclare lors d’un meeting organisé le 25 novembre 1988 à Tizi-Ouzou : « Le mouvement culturel berbère doit désormais devenir une force de proposition après avoir été durant des années une force de revendications »15. Le chanteur Ferhat Mehenni devait confirmer cette position : « Le MCB a été une force de contestation et de revendication jusqu’à un certain moment. Maintenant si le champ d’expression permet de défendre nos idées démocratiquement, il faut que le MCB sache se faire force de proposition et c’est dans ce sens que les assises du mouvement vont avoir lieu »16.

17 Le régime nourrit une crainte fantasmagorique à l’égard de tous les chefs historiques du FLN comme (...)

24En réalité, la création du RCD visait à supplanter le FFS de Hocine Aït Ahmed pour le contrôle de la Kabylie. Le pouvoir voyait d’un bon œil l’émergence d’un parti rival du FFS dans cette région17. Cette rivalité entre le parti naissant (RCD et le FFS) s’est accentuée après l’instauration du multipartisme en 1989. L’enjeu étant l’instrumentalisation de l’identité berbère.
Stratégies identitaires du FFS et du RCD (1989-1999)

25Selon Chaker,

18 L’auteur critique en fait la position de ces partis qui doivent, selon lui, assumer pleinement cett (...)

« les partis politiques berbères sont encore à naître [...], il y a des partis à ancrage sociologique berbère mais pas de parti qui développe un projet spécifiquement berbère. Tous s’inscrivent dans une perspective nationale »18.

19 Cf. Premier congrès du FFS, Alger, 13-16 mars 1991, p. l.

26En effet les partis, RCD et FFS, se présentent avant tout comme des partis politiques nationaux et non kabyles. Ils se réfèrent tous les deux à la révolution de 1954. Ainsi, le FFS, proclame « sa fidélité aux idéaux de liberté d’égalité et de solidarité de la révolution algérienne »19. De même, pour le RCD qui se réfère explicitement à la proclamation de novembre 1954 dans son préambule électoral de 1995 :

20 Préambule du programme électoral de Caïd Sadi, Liberté, 3-4 novembre 1995.

« La proclamation de novembre 1954, comme la plate-forme de la Soummam qui en prolonge le message, montre que dans des situations difficiles, les Algériens savent en appeler aux ressources les plus profondes pour mobiliser leurs ultimes énergies quand il faut forcer le destin »20.

27Les deux partis s’inscrivent donc clairement dans le champ politique national mais, en tant que "entreprises politiques" en lutte avec d’autres concurrents, ils instrumentalisent l’identité berbère en produisant ainsi un bien spécifique qui rencontre des consommateurs réceptifs aux produits qui leur sont offerts. La politisation de l’identité par les partis politiques remonte à la fin des années 1970 lorsque le FFS a intégré la revendication identitaire dans sa plate-forme. Cette nouvelle orientation du parti s’explique, comme nous l’avons montré précédem­ment, par la jonction qu’il a opérée avec la mouvance culturaliste.

21 Cf. M.S. Aït Ahmed, 1995 : 81-91.
22 Lors de ce séminaire, le second du genre après celui de l’été 1981 à Yakouren, le MCB avait invité (...)
23 Cette loi sur la généralisation de la langue arabe a été votée par l’Assemblée Nationale à dominant (...)
24 La Nation (hebdomadaire algérien), n° 129, semaine du 9 au 15 janvier 1996.
25 C’était le slogan lancé par Aït Ahmed pour contester la loi sur l’arabisation. Cf. Le Monde, 28/01/ (...)
26 Parmi ces intellectuels on retrouve, Saïd Khélil, Hamid Louanouci, Tarik Mira, et bien d’autres. Ce (...)

28Après l’instauration du multipartisme en 1989 et l’émergence de partis politiques avec la création du RCD et le retour du FFS de Hocine Aït Ahmed, le mouvement culturel se divise en deux pôles : le premier est le MCB -Commissions nationales, le second pôle est le MCB-Coordination nationale lié directement au RCD21. Cette bipolarisation du mouvement culturel berbère est le résultat de l’instrumentalisation systématique de la question identitaire par les deux partis concurrents en Kabylie. Dès l’ouverture de l’espace de la compétition politique en 1989, la lutte pour le contrôle du mouvement culturel va apparaître au grand jour entre les élites du RCD et celles du FFS. C’est dans ce contexte que le MCB tente de se détacher du RCD. Ses velléités d’autonomie vis-à-vis de la formation de S. Sadi apparaissent nettement lors du séminaire organisé à Tabalbalt près de Larbaa Nath Irathèn en Kabylie22. La rupture est consommée cependant lorsque le MCB (commissions nationales) organise une imposante marche dans les rues d’Alger, le 25 janvier 1990 pour protester contre la loi sur l’arabisation23. Le RCD, tente en vain de briser la manifestation avant de lancer un appel à la population en traitant le mouvement d’anonyme24. Aït Ahmed cherche alors à récupérer le mouvement "dissident" en soutenant la marche contre "l’arabisation au rabais"25. Cette jonction entre l’axe identitaire kabyle et l’action politique fondée de Aït Ahmed, marque le point de départ de la stratégie de mobilisation identitaire et les tactiques de projection de l’ethnicité dans le champ politique depuis la mise en place de la nouvelle formule politique. Ce croisement entre l’entrepreneur "charismatique" et l’intelligentsia "culturiste" va permettre au FFS de consolider sa position dans l’espace politique et de devenir une force politique réelle dans l’échiquier politique algérien. Sans minimiser en rien l’action du leader "charis­matique", dont la popularité est indéniable en Kabylie, nous pouvons dire que le transfert de ces intellectuels "culturalistes" a donné une nouvelle jeunesse au plus ancien parti de l’opposition algérienne. L’investissement politique de ces acteurs dans le parti insuffle un effet multiplicateur à l’action initiée par Aït Ahmed26. Ferhat Mehenni commente le départ de ses anciens amis en déclarant :

« Tous ces éléments de valeur qui sont allés au FFS, ce sont eux qui ont préparé les conditions de retour de H. Aït Ahmed en septembre 1989. Ce sont ces "exclus" du RCD qui ont recréé le FFS. Aït Ahmed aurait pu recréer le FFS sans ceux-là. Mais il n’aurait jamais eu la puissance qu’il avait obtenue avec ces gens-là » (Entretien cité).

27 Après 1989, à la faveur de la libéralisation initiée par le pouvoir, de nombreuses associations cul (...)
28 Elle sera dirigée par Ferhat Mehenni jusqu’à son départ du RCD en janvier 1994. Il sera remplacé pa (...)
29 Cf. La Nation, n° 109, du 22 août 1995.

29Cependant, le rapprochement opéré par le MCB, dès le début des années 1990, avec le FFS a aiguisé la rivalité partisane pour le contrôle du MCB qui connaissait alors un essor considérable27. La défaite électorale du RCD en décembre 1991 incite son dirigeant S. Sadi à recentrer son action politique sur le terrain iden­titaire en créant un deuxième pôle du mouvement culturel : le MCB-Coordina-tion nationale28, l’objectif étant de déloger les militants du FFS soupçonnés de "squatter" le MCB pour des "objectifs partisans"29. C’est dans ce contexte de lutte partisane et de verrouillage du champ politique par le pouvoir que l’entreprise de boycott scolaire a été engagée par les élites partisanes en Kabylie.
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FFS et RCD : partis nationaux ou partis kabyles ? Empty Re: FFS et RCD : partis nationaux ou partis kabyles ?

Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:19

Boycott scolaire (septembre 1994-avril 1995) et luttes partisanes

30En septembre 1994, les culturalistes du MCB lançaient un mot d’ordre de boy­cott scolaire30. L’initiative appartenait au MCB-Commissions nationales (proche du FFS), puis fut mise en application par le second pôle, le MCB-Coordination nationale (proche du RCD) à partir de l’automne 1994. Le MCB retrouve certes là son unité d’action, mais il ne peut se détacher de la tutelle partisane dont les manipulations et les intrigues ne font qu’envenimer les rapports à l’intérieur de la mouvance31. La mobilisation identitaire initiée par les élites partisanes trouve un écho favorable au sein de la population kabyle qui subit alors, comme toute la population algérienne, les contrecoups de la crise politique32. Cette interac­tion entre les élites et les masses donne une force considérable au mouvement de contestation et de revendication culturelle et linguistique. La presse se fait l’écho du soutien de la population au MCB en parlant d’un « soutien populaire au MCB » (Liberté, 12/09/94), ou en affirmant : « la Kabylie profonde se mobilise » (Liberté, 13/09/94). Ce soutien de la masse, sensible à ce mode d’action politi­que, incite les entrepreneurs identitaires à étendre la grève à d’autres domaines d’activités (Liberté, 22/09/94). La mobilisation atteint ainsi son paroxysme et débouche sur des premières négociations avec le pouvoir sans toutefois parvenir à conclure un accord. Selon Ferhat Mehenni cet échec est dû à la "rigidité" du pouvoir33 :

30 Au même moment, le GIA (Groupe islamique armé) lance des menaces de mort contre toute personne qui (...)
31 Pour plus de détails sur la chronologie du boycott scolaire voir Ould Ali L’Radi, « Chronologie du (...)
32 Nous avons constaté, en septembre 1994, ce sentiment d’angoisse collective qui s’est emparé de la p (...)
33 Ce qui aurait pu éviter l’année blanche aux 700 000 élèves et étudiants universitaires.

« Les propositions du pouvoir ont toujours essayé de diluer la revendication dans une commission nationale où toutes les régions d’Algérie seraient impliquées. C’était une façon de noyer le poisson. M. Sifi, Premier ministre, était trop rigide de ce côté là. Je ne sais pas s’il avait plus de pouvoir ou si c’était sa position personnelle. En tous les cas, ses propositions étaient tombées à l’eau » (Entretien cité).

34 Déclaration de M. Ferhat à la presse, voir Cf. Liberté du 14 décembre 1994.

31En réalité, la divergence entre le MCB et le pouvoir réside au niveau politique. Car si celui-ci a accepté d’introduire la langue berbère dans le système d’enseigne­ment il est resté intransigeant sur la reconnaissance politique de la langue berbère. Le Premier ministre, M. Mokdad Sifi a déclaré publiquement être favorable à l’enseignement du berbère sans aucune référence à sa reconnaissance politique (Liberté, 30/10/94), ce que les "culturalistes" considèrent comme une "question de principe"34. A la suite de cet échec, le MCB s’enlise dans une crise interne et dans des luttes de chapelles. Elles s’exacerbent cependant lorsque l’organisateur du MCB-coordination Ferhat Mehenni entre en conflit direct avec la direction de son parti, le RCD. La divergence entre l’état-major du parti (Sadi) et son aile "culturaliste" (Ferhat) est d’ordre stratégique. En fait, Ferhat, soucieux de l’unité du MCB, défend une stratégie maximaliste prenant en compte les exigences de l’autre pôle, le MCB-Commissions nationales, alors que Sadi, adopte une stratégie "minimaliste" en accord avec son option politique, de type "participationniste". Le leader du RCD est en effet favorable à la "normalisation autoritaire" amorcée par le pouvoir et donc se prononce pour l’organisation d’élections présidentielles. Il devait donc œuvrer pour l’arrêt du boycott et "nettoyer" ainsi la Kabylie de toutes les scories gênantes qui risquaient de perturber l’échafaudage électoral. C’est ce qu’a affirmé Ferhat Mehenni :

« Le FFS et le RCD avaient manœuvré pour que le boycott ne réussisse pas, ou du moins pour S. Sadi qui devait aller aux élections présidentielles qu’il connaissait un an auparavant, il fallait arrêter le boycott même si on n’obtenait rien » (Entretien cité).

32C’est dans ce contexte de division et d’éclatement du mouvement de boycott que les entrepreneurs "culturalistes" vont tenter de négocier de façon disparate avec le pouvoir. Ferhat infléchit ses positions et tente de négocier au moment où le Dr. Sadi décide de reprendre le mouvement en main, comme le confirme Ferhat :

« En voyant le mouvement s’enliser dans des insultes, des dénigrements et autres, plutôt que de me laisser aller dans le même sens, je me suis dit qu’il faut quand même sortir de l’impasse. Et j’ai pris contact avec le président, L. Zeroual, pour trouver une solution intermédiaire. C’est moi qui ai proposé la création d’une institution supérieure nationale de l’amazighité (berbérité) qui aurait pour tâche de réhabiliter l’amazigh (le berbère), de donner les moyens à la promotion de la langue berbère dans les institutions, les médias et l’enseignement. Ce qui a été repris dans le HCA. Tout le monde m’est tombé dessus, tous de mauvaise foi. Ils connaissaient tous la proposition que j’avais faite. A aucun moment je n’ai appelé à la reprise des cours sans créer quoi que ce soit. Et le pouvoir a joué avec S. Sadi qui s’est déplacé à Alger avec d’autres pour revoir ma déclaration après ma conférence de presse. Ils ont coupé toutes les conditions qui étaient posées à la reprise des cours et n’ont laissé passer que "la reprise". C’est ce moment-là qui a été choisi par S. Sadi pour négocier lui-même. Je pense qu’il négociait déjà auparavant » (Entretien cité).

35 Le second pôle du MCB, les commissions nationales (proche du FFS), s’est retiré de la négociation. (...)
36 Le HCA est constitué de 25 membres dont Idir Aït Amrane (président), Mouloud Ga’id, Slimane Hachi, (...)
37 Idir Aït Amrane, Entretien au Pays (proche du RCD), 15/08/1995.

33Après la mise à l’écart de Ferhat, le processus de négociation mis en place entre le pouvoir et le mouvement culturel, débouche, non sans difficultés35, sur un accord, le 22 avril 1995, qui consacre la création du Haut Comité pour l’Amazighité : le HCA36. Cette nouvelle institution, liée directement à la pré­sidence, a pour charge et pour programme d’action de réhabiliter l’identité et la langue berbère dans les espaces de communication, de l’enseignement et de l’environnement37. Cette entreprise ambitieuse de réhabilitation et d’introduc­tion de la langue berbère dans le système de l’enseignement s’est néanmoins heurtée à des problèmes pratiques (absence de manuels, enseignants, etc.) et à des manipulations politiques entre les différents acteurs engagés dans la compé­tition politique. En effet, l’institution nouvelle (HCA) est devenue un enjeu de lutte entre les appareils partisans (La Nation, 9/01/96). Elle ne pouvait produire dans ces conditions que des résultats mitigés comme le remarque son président Idir Aït Amrane au journal El Watan : « Des avancées certaines mais beaucoup d’insuffisances » (El Watan, 24/06/97).

38 Sur l’itinéraire de Lounès Matoub, voir son ouvrage autobiographique (Matoub, 1995).

34En réalité, la gestion de l’identité par des appareils partisans ne peut aboutir qu’à des compromis boiteux qui peuvent engendrer des dérives communauta-ristes et compromettre l’avenir de la nation. Ces injections culturalistes dans le champ politique ne peuvent ni résoudre la problématique identitaire, ni mettre fin à l’instrumentalisation stratégique de l’identité par les partis comme l’a révélé, encore une fois, l’assassinat du chanteur Kabyle Lounès Matoub le 25 juin 1998 par un groupe terroriste en Kabylie. Les deux partis rivaux ont essayé d’exploiter l’événement en s’identifiant au chanteur assassiné qui jouissait d’une grande popularité en Kabylie38 et ils se sont affrontés de façon virulente par biais de presse. Ainsi Saïd Sadi accuse le FFS de vouloir réhabiliter le contrat de Rome en exploitant la mort de Matoub (La Tribune, du 3/6/1998). Le FFS réclame pour sa part la commission d’enquête et refusait la thèse du GIA (Groupe islamique armée) mise en avant par les médias et reprise par la direction du RCD (Le Matin, du 30/06/l998).

35L’instrumentalisation de la question identitaire par les partis (RCD, FFS) leur permet, certes, d’avoir une base électorale essentiellement en Kabylie. Mais, cette exploitation politique de solidarités primaires et primordiales par ces "entreprises politiques", entraîne inéluctablement leur ghettoïsation régionale.
Élections et ancrage régional des partis RCD/FFS

36L’implantation régionale des partis, FFS et RCD, est attestée par la distribution territoriale des votes qui reflète la mobilisation identitaire et/ou communautaire. Les élections constituent en effet un cadre d’analyse idéal pour mesurer l’inte­raction entre les deux partis politiques et la communauté ethno-régionale. Le choix des électeurs ne repose pas sur les programmes politiques mais souvent sur la base d’affinités ethniques et régionales qu’ils partagent avec les leaders de ces partis.

39 Pour une analyse plus poussée de ces élections municipales de juin 1990 cf. Fontaine, 1990.
40 Le FFS avait obtenu 25 sièges lors du premier tour, alors que le RCD n’avait aucun siège. Suite à c (...)

37Les différentes consultations électorales organisées depuis 1990 illustrent bien l’ancrage régional des deux partis. Ainsi, lors des élections communales de juin 1990, le succès du boycott en Kabylie démontre le contrôle d’une communauté ethno-régionale par un parti politique, le FFS. L’abstention prônée par le parti de Hocine Aït Ahmed a atteint dans les deux wilaya (département) kabyles de Tizi-Ouzou et Bejaïa respectivement 77 % et 73 %. Quand la Kabylie a voté, elle l’a fait au profit du second parti "kabyle", le RCD de S. Sadi, qui a réussi à remporter 87 communes dans les seuls départements de Kabylie Tizi-Ouzou et Bejaïa et une seule commune hors de Kabylie à Khenchela dans les Aurès39. Mais, l’implantation régionale des deux partis "kabyles" s’est clairement confirmé lors du scrutin législatif pluraliste de décembre 1991, le premier du genre depuis l’in­dépendance. En effet, les deux partis ne sont pas parvenus à faire une percée hors de leur fief traditionnel, c’est-à-dire la Kabylie. Ainsi, le FFS recueille 510 661 voix dont 308 389 (soit 60 % ) dans la région de langue Kabyle (Tizi-Ouzou, Bejaïa et les régions berbérophones des wilaya (département) de Bouira, Sétif et Bordj Bou Arraredj). Le RCD n’a recueilli que 200 267 voix dont 123 096 (61,5 %) exprimés dans la seule région Kabyle, c’est-à-dire Tizi-Ouzou, Bejaïa et les régions berbérophones attachées administrativement aux wilaya de Bouira, de Sétif et Bordj Bou Arraredj40.

41 Ces slogans reviennent comme un leitmotiv dans la stratégie discursive de H. Aït Ahmed, Cf. Algérie (...)

38Ces chiffres montrent d’abord la suprématie du FFS en Kabylie, malgré la concurrence du RCD, et en second lieu, la ghettoïsation régionale de ces deux partis politiques qui se réclament d’une alternative démocratique face au projet "théocratique" des islamistes et à "l’autoritarisme militaro-policier" du pouvoir. Cette thématique démocratique apparaît de façon permanente dans les produc­tions discursives des "deux entreprises politiques". Ainsi, durant la campagne électorale de 1991, le FFS avait pour seul slogan « ni République intégriste, ni État policier », démontrant par là son attachement à l’idéal démocratique puis­qu’il se veut « le parti de l’espoir », de « la mise en mouvement des citoyennes et des citoyens qui sont aujourd’hui la majorité silencieuse, celle qui doit clamer son droit d’avoir des droits »41. De son côté, le RCD se présente comme un parti démocratique, résolument laïc et moderniste comme on peut le remarquer à travers cette déclaration de son leader, S. Sadi :

« Si la démocratie pose quelques problèmes dans certains pays pauvres du Tiers­Monde, en Algérie il y a un potentiel humain capable de faire le jeu démocratique. Il faut donc impérativement se doter d’institutions démocratiques, parce que c’est la seule manière, vu le passif qui a engendré la perte de confiance et de crédit du citoyen, de remettre l’Algérien au travail, parce qu’il s’agit d’abord de cela » (S. Sadi, Interview, Algérie-Actualité, 3/8/1989).

42 Suite à la victoire du FIS (Front Islamique du salut), l’armée intervient et dépose le président Ch (...)

39En dépit de ces proclamations en faveur de la démocratie, les tendances communautaristes restent cependant fortement prégnantes à l’intérieur de ces forma­tions. Elles vont même connaître un mouvement ascendant après l’interruption du processus électoral de décembre 1991 et « la création d’une institution de fait à la marge de la constitution » (Lavenue, 1994)42. En réalité, le coup d’État militaire de janvier 1992 s’inscrit dans la logique même des choses, car il n’y a jamais eu de volonté réelle de démocratiser le système politique comme le note Mohamed Harbi :

« Le monopole politique du FLN s’avérant incapable de donner une réponse aux problèmes des algériens, le multipartisme est apparu comme une compensation indispensable pour faire admettre les réformes économiques et associer les repré­sentants des classes moyennes à leur mise en œuvre » (Harbi, 1990 : 139).

43 Dans une étude consacrée à « la démocratisation » en Afrique, Luc Sindjouri démontre que la libéra­ (...)

40En l’absence de volonté réelle de rupture avec le passé, « la transition démo­cratique algérienne va vers l’impasse » (Baduel, 1992-93 : 7-19)43. En effet l’arrêt brutal du processus électoral a provoqué des dysfonctionnements dangereux dans le système politique algérien qui subit les tendances structurelles macro­sociologiques et conjoncturelles qui reportent la problématique démocratique aux calendes grecques. C’est dans ces conditions qu’émerge « un nouveau type d’autoritarisme » (Tlemçani, 1994),

« visant à imposer une nouvelle forme de pluripartisme exclusionnaire qui expulse du jeu politique légal et spécialement du jeu électoral l’opposition dangereuse à son hégémonie » (Hermet, Rouquié, Linz, 1978 : 13).

44 Selon l’expression de l’hebdomadaire La Nation dont la ligne éditoriale est « réconciliatrice » par (...)
45 Le taux d’abstention a certes diminué par rapport aux élections précédentes (communales de juin 199 (...)
46 Le candidat S. Sadi est classé deuxième derrière L. Zeroual, émigré.
47 Au total, le FFS et le RCD ont obtenu chacun 19 sièges à l’Assemblée nationale.

41Face à cette « normalisation autoritaire »44, les partis RCD et FFS se sont recen­trés sur le terrain culturel tout en adoptant toutefois des approches politiques différentes pour se positionner dans le nouveau paysage politique recomposé. Dès 1992, le RCD développe une thématique "démocratiste" mêlée d’anti-islamisme radical qui le place ainsi dans le camp dit "éradicateur". Quant au FFS, il condamne l’interruption du processus électoral et s’engage résolument dans une opposition frontale avec le pouvoir, tout en se rapprochant du FIS avec lequel il signe le contrat de Rome en novembre 1994. C’est dans cette perspective qu’il faut interpréter le boycott des élections présidentielles du 16 novembre 1995 par H. Aït Ahmed45. Inversement, le leader du RCD choisit d’y participer. Il obtient d’ailleurs un bon score en Kabylie et à l’étranger où réside une forte communauté kabyle46. Mais au niveau national, le candidat S. Sadi se classe en troisième position avec seulement 9 % de voix derrière le candidat de l’armée, Liamine Zeroual, remporte une large victoire avec 61 % des voix et le candidat du mouvement islamiste Hamas, M. Nahnah, qui en obtient 26 % (Fontaine, 1996 : 108-109). Enfin, lors des élections législatives communales de 1997, les deux partis enlèvent la majorité de leurs voix en Kabylie. Dans la wilaya de Tizi Ouzou par exemple, les deux partis FFS/RCD raflent les 14 sièges à pourvoir. Ils y ont obtenu respectivement 109 237 et 104 905 voix, soit 38,75 % et 37,21 % des suffrages exprimés (El Watan, du 8 juin 1997)47. Cette élection dénote encore une fois la prégnance de la logique identitaire dans la stratégie de ces partis mal­gré leur volonté d’étendre leur influence dans les zones où celle-ci est faible.

48 M. Mouloud Hamrouche, Taleb Ibrahim, Mokdad Sifi, Youcef Khatib et l’islamiste Abdellah Dje-
49 Ce dernier a été élu président avec 75 % de voix selon les chiffres donnés par l’administration alg (...)

42L’élection présidentielle du 15 avril 1999 a été cependant boycottée par les deux partis FFS/RCD, comme le reste de l’opposition algérienne. Si le leader du RCD, Saïd Sadi, a opté pour "le boycott actif", le dirigeant du FFS, Hocine Aït Ahmed, s’est retiré, avec cinq autres candidats48, à la veille du scrutin en dénonçant la « fraude massive au profit de A. Bouteflika »49.
Conclusion

43L’ethnicité (berbérisme) fait partie intégrante du paysage politique algérien. Elle est utilisée de façon stratégique par des acteurs politiques en compétition avec d’autres acteurs pour se positionner dans l’échiquier politique global et/ou national. L’instrumentalisation politique de l’identité berbère permet certes aux partis FFS et RCD d’avoir une base électorale en Kabylie mais elle entraîne inévita­blement leur ancrage régional et donc leurs limites au niveau national. Pour éviter ce piège ethnique, ces partis doivent, s’ils veulent constituer une véritable alterna­tive aux courants conservateurs (populistes et islamistes), mobiliser les Algériens en termes trans-ethniques en abandonnant la stratégie identitaire actuelle. Il ne suffit pas d’intégrer les élites arabophones à l’intérieur de l’appareil partisan pour vaincre le RND ou le MSP50 dans les autres régions du pays. Mais il faudrait changer radicalement la production discursive en s’appuyant sur la thématique universelle de classe, qui seule pourrait neutraliser le piège ethnique.

50 Le MSP est le Mouvement pour la Société et la Paix. Ce parti est créé en 1989 par Mahfoud Nahnah qu (...)

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Vatin Jean-Claude, 1976, « À propos de l’Algérie des années 1962-1965 », Cahiers de la Médi­terranée, mai : 193-215.

Zartman William, 1967, « L’armée dans la politique algérienne », Annuaire de l’Afrique du Nord, Paris, CNRS.
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Notes

1 Le FFS (Le Front des forces socialistes) a été crée par H. Aït Ahmed en 1963 pour s’opposer au pouvoir de Ben Bella. Arrêté et condamné à mort en 1965, celui-ci s’évade de la prison (Maison Carrée), en avril 1966. Il rentre en Algérie en septembre 1989 après 23 ans d’exil. Le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie) a été crée en 1989 par les animateurs du Mouvement culturel berbère d’avril 1980. Il est dirigé par S. Sadi.

2 Sur la crise de l’été 1962, voir Douence, 1964.

3 Il ne doit lui-même sa place qu’à M. Khider, un des vainqueurs de la crise et beau-frère de Aït Ahmed qui déclarait à ce propos : « J’ai accepté d’être député pour dire ce que je pensais de la crise, de l’avenir de l’Algérie, pour essayer de susciter des débats, sortir le pays de la crise de guerre larvée dans lequel il était ». Cf. H. Aït Ahmed, Interview, FFS informations, novembre 1989, n° 1.

4 Présidée par le libéral Ferhat Abbas qui démissionnera en 1964.

5 H. Aït Ahmed a expliqué, dans une interview à Paris-Match, que le pouvoir a tenté de contrôler la parole politique et de limiter sa liberté d’expression dans l’hémicycle, en déclarant : « J’ai à peine ouvert la bouche que Ben Bella me coupe la parole avec la dernière violence pour brosser aussitôt le panorama idyllique de notre situation intérieure ». Cf. H. Aït Ahmed, « L’évadé de l’Algérie parle », Paris-Match, juin 1966, n° 895.

6 Selon Ali Zamoum, ancien préfet de Tizi-Ouzou en 1963 : « L’insurrection de 1963 n’était pas un conflit ethnique entre Arabes et Kabyles, puisqu’il n’y avait aucune référence à l’identité berbère ou kabyle dans le programme du FFS. Ce n’est pas parce qu’un parti politique est créé en Kabylie qu’il est forcément berbériste ». Selon ce témoin de l’événement : « Il s’agissait plutôt d’un conflit politique qui opposait les deux historiques du FLN, Aït Ahmed et Ben Bella ». Entretien avec Ali Zamoum, août 1994, à Ighil Imoula en Kabylie.

7 Il a respecté la trêve au moment de la guerre des frontières avec le Maroc, de la mi-novembre 1963 jusqu’au 23 février 1964. Il sera arrêté le 17 octobre 1964, condamné à mort par Ben Bella avant de s’évader de la prison d’El Harrach le ler avril 1966.

8 L’intervention de l’armée pour liquider « la dissidence kabyle » va renforcer le poids des militaires dans le système politique algérien. Sur ce point voir Zartman, 1967.

9 Ce sont des acteurs comme Saïd Sadi, Ferhat Mehenni, Mokrane Aït Larbi, etc.

10 Hassène Hirèche est un militant actif de la mouvance culturaliste en émigration. Il a été membre fondateur du Groupe d’Études Berbères dans les années 1970, puis a rejoint le RCD en 1989, où il a été président de la Section-immigration, avant de le quitter en 1992. Il est enseignant de berbère à l’Université Paris 8. Cf. Entretien avec H. Hirèche, avril 1998, à Paris.

11 Ferhat Mehenni est chanteur et militant actif du MCB. Il est membre et fondateur du RCD en 1989, avant qu’il le quitte en 1994, suite au conflit qui l’a opposé au Dr Saïd Sadi, secrétaire général du parti. Cf. Entretien avec M. Ferhat, mai 1998, à Paris.

12 Elle a eu lieu à Londres le 16 décembre 1985.

13 Le chanteur Lounès Matoub, proche de ces milieux, dénonçait alors cette alliance dans une chanson intitulée : « Ahmed et L’hocine se sont mis d’accord pour ramener la paix aux Algériens ». L’alliance avec Ben Bella sera critiquée plus tard dans les milieux des RCD. Voir la revue Azar-publication de l’Association Culturelle Berbère, avril 1992.

14 Sur ce sujet voir Chaker, 1985 : 489-503.

15 Cf. Algérie-Actualités, n° 1218, semaine du 16 au 22 février 1989.

16 Un membre du parti naissant, Méziane Babouche, déclarait lors des assises constitutives du RCD tenues à la maison de culture de Tizi Ouzou : « Le MCB (Mouvement culturel berbère) est mort, vive le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie) ». Cf. Algérie-Actualité, l6/02/l989.

17 Le régime nourrit une crainte fantasmagorique à l’égard de tous les chefs historiques du FLN comme Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf qui détiennent effectivement la légitimité historique.

18 L’auteur critique en fait la position de ces partis qui doivent, selon lui, assumer pleinement cette revendication en défendant un projet spécifiquement berbère à l’instar des partis islamistes. Cette vision purement culturaliste et ethniciste n’est pas adoptée par les partis FFS et RCD qui utilisent d’autres registres et d’autres stratégies pour se positionner dans le champ politique global. Cf. Chaker, 1990 : 102-103.

19 Cf. Premier congrès du FFS, Alger, 13-16 mars 1991, p. l.

20 Préambule du programme électoral de Caïd Sadi, Liberté, 3-4 novembre 1995.

21 Cf. M.S. Aït Ahmed, 1995 : 81-91.

22 Lors de ce séminaire, le second du genre après celui de l’été 1981 à Yakouren, le MCB avait invité toutes les formations politiques à l’exception du FLN. Tous les partis ont répondu présents sauf le RCD. Ce qui signifie sa non-reconnaissance du mouvement qui s’appellera désormais : MCB-Commissions nationales et qui va se rapprocher du FFS.

23 Cette loi sur la généralisation de la langue arabe a été votée par l’Assemblée Nationale à dominante FLN. Le projet de loi a été gelé par le président "défunt", Mohammed Boudiaf. Elle sera appliquée de nouveau à partir du 5 juillet 1998.

24 La Nation (hebdomadaire algérien), n° 129, semaine du 9 au 15 janvier 1996.

25 C’était le slogan lancé par Aït Ahmed pour contester la loi sur l’arabisation. Cf. Le Monde, 28/01/1991.

26 Parmi ces intellectuels on retrouve, Saïd Khélil, Hamid Louanouci, Tarik Mira, et bien d’autres. Certains ont quitté le FFS pour rejoindre le RCD, après la signature du « contrat national » à Rome en novembre 1994 auquel ont pris part le FIS le FLN ainsi que le MDA de l’ancien président Ben Bella. Cette réunion a été préparée par la communauté catholique de San Egidio afin de trouver une solution pacifique et négociée à la crise algérienne.

27 Après 1989, à la faveur de la libéralisation initiée par le pouvoir, de nombreuses associations culturelles ont été créées en Kabylie. Chaque village s’est vu doté de sa propre association culturelle, parfois avec l’aide de l’État. Sur le mouvement associatif berbère voir Algérie Actualités, n° 1437, semaine 27 avril à mai 1993. Egalement le Journal La Nation, n° 147 du 14 mai 1996.

28 Elle sera dirigée par Ferhat Mehenni jusqu’à son départ du RCD en janvier 1994. Il sera remplacé par Ould Ali-Elhadi, un jeune militant du mouvement culturel berbère.

29 Cf. La Nation, n° 109, du 22 août 1995.

30 Au même moment, le GIA (Groupe islamique armé) lance des menaces de mort contre toute personne qui se rendrait à l’école.

31 Pour plus de détails sur la chronologie du boycott scolaire voir Ould Ali L’Radi, « Chronologie du boycott scolaire et universitaire », Revue Tidukla, loc. cit.

32 Nous avons constaté, en septembre 1994, ce sentiment d’angoisse collective qui s’est emparé de la population kabyle, inquiète pour son avenir et redoutant les risques de marginalisation, au moment où le pouvoir engageait une « normalisation autoritaire », c’est-à-dire, la mise en place des institutions nouvelles. Dans de tels moments l’identité ethnique demeure une valeur sûre.

33 Ce qui aurait pu éviter l’année blanche aux 700 000 élèves et étudiants universitaires.

34 Déclaration de M. Ferhat à la presse, voir Cf. Liberté du 14 décembre 1994.

35 Le second pôle du MCB, les commissions nationales (proche du FFS), s’est retiré de la négociation. Son président, Djamal Zénati dénoncera « l’absence d’unité d’action ». Cf. Liberté du 24 avril 1994.

36 Le HCA est constitué de 25 membres dont Idir Aït Amrane (président), Mouloud Ga’id, Slimane Hachi, etc. Pour une liste complète voir Cf. Liberté, 7/6/1995. On constate cependant l’absence de certaines personnalités intellectuelles comme S. Chaker qui, tout en se réjouissant de cette création première depuis l’indépendance, reconnaît son insuffisance, car selon lui « il s’agit d’une mesure administrative (un décret), non d’une reconnaissance de jure, de nature constitutionnelle ». Cf. Revue Tidukla Magazine (publication de PACB), n° 21, novembre 1996, p. 19.

37 Idir Aït Amrane, Entretien au Pays (proche du RCD), 15/08/1995.

38 Sur l’itinéraire de Lounès Matoub, voir son ouvrage autobiographique (Matoub, 1995).

39 Pour une analyse plus poussée de ces élections municipales de juin 1990 cf. Fontaine, 1990.

40 Le FFS avait obtenu 25 sièges lors du premier tour, alors que le RCD n’avait aucun siège. Suite à ces résultats le FFS se classe en seconde position derrière le FIS avec 188 sièges et devant le FLN qui n’emporte que 15 sièges. Cf. Fontaine, 1992.

41 Ces slogans reviennent comme un leitmotiv dans la stratégie discursive de H. Aït Ahmed, Cf. Algérie-Actualité, n° 1331, 18/4/1991, p. 7.

42 Suite à la victoire du FIS (Front Islamique du salut), l’armée intervient et dépose le président Chadli avant d’annuler les élections législatives. C’est dans ces conditions que M. Boudiaf a été appelé pour présider le HCE (Haut Comité d’État). Sur ce sujet, voir Harbi, 1992.

43 Dans une étude consacrée à « la démocratisation » en Afrique, Luc Sindjouri démontre que la libéra­lisation des systèmes politiques africains a produit quelques changements dans les comportements « auto­ritaires » des dirigeants africains. Il conclut que la libéralisation ou le multipartisme sans être vraiment un réel processus de démocratisation a produit « l’effet sister act », c’est-à-dire que les chefs d’État changent malgré eux sous l’impact de la libéralisation. Cf. Sindjoun, 1994.

44 Selon l’expression de l’hebdomadaire La Nation dont la ligne éditoriale est « réconciliatrice » par opposition à la ligne « éradicatrice » de la presse dite « indépendante », comme Liberté, El Watan, La Tribune. En d’autres termes, La Nation prône une solution négociée et donc le dialogue avec toutes les forces politiques du pays, y compris le FIS (Front Islamique du Salut).

45 Le taux d’abstention a certes diminué par rapport aux élections précédentes (communales de juin 1990). Mais, les consignes de boycott lancées par Aït Ahmed ont été respectées en Kabylie, à Tizi-Ouzou avec 36,26 %, et à Bejaïa 41,86 % (Fontaine, 1996 : 108-109).

46 Le candidat S. Sadi est classé deuxième derrière L. Zeroual, émigré.

47 Au total, le FFS et le RCD ont obtenu chacun 19 sièges à l’Assemblée nationale.

48 M. Mouloud Hamrouche, Taleb Ibrahim, Mokdad Sifi, Youcef Khatib et l’islamiste Abdellah Dje-

ballah.

49 Ce dernier a été élu président avec 75 % de voix selon les chiffres donnés par l’administration algé­rienne. L’opposition parle de 23 % des voix au profit de A. Bouteflika.

50 Le MSP est le Mouvement pour la Société et la Paix. Ce parti est créé en 1989 par Mahfoud Nahnah qui se réclame d’un islamisme modéré. Il est aujourd’hui l’un des plus importants partis islamistes en Algérie. Il est représenté par 7 ministres dans le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia (1994-1998). Le RND est le Rassemblement National pour la Démocratie. Ce parti est créé en 1997, trois mois avant les élections législatives qu’il a du reste gagnées. Il est présenté par la presse algérienne comme le parti du Président Liamine Zeroual.
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Pour citer cet article
Référence électronique

Ouali Ilikoud, « FFS et RCD : partis nationaux ou partis kabyles ? », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 111-112 | mars 2006, mis en ligne le 08 décembre 2011, consulté le 20 mars 2012. URL : http://remmm.revues.org/2870
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Auteur
Ouali Ilikoud

Docteur en sciences politiques. Université de Paris 8.
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Message  laic-aokas Mar 20 Mar - 18:19

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