Ait Ahmed : le droit d’avoir des droits en dehors de la loi
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Ait Ahmed : le droit d’avoir des droits en dehors de la loi
Ait Ahmed : le droit d’avoir des droits en dehors de la loi
Les Algériens sont outrés d’apprendre qu’Ait Ahmed est rentré clandestinement en mai 2011 en Algérie pour négocier son quota et monnayer son coup de main de janvier. Ceux qui l’ont côtoyé ne sont ni surpris ni choqués : voici le vrai visage de cet homme.
Les dernières missives envoyées, depuis Lausanne, par Hocine Aït Ahmed à son frère Mehri et, accessoirement, aux militants du FFS, éclairent la place singulière qu’il a toujours occupée dans le système politique algérien.
Au début du mois de janvier, la répression des émeutes, qui éclatent un peu partout dans le pays, fait 5 morts et des dizaines de blessés. Afin de discréditer et d’enrayer la révolte, le pouvoir procède à des centaines d’arrestations et à l’envoi de contingents de baltaguia pour brûler et piller édifices publics et biens privés. La technique testée avec « succès » par Zerhouni, lors de la marche du 14 juin 2001, est à présent bien rodée et généralisée.
Le climat d’incertitude qui prévaut en Algérie dans une conjoncture régionale marquée par un vent de liberté est porteur de menaces contre un régime d’oppression, déjà aux prises avec les déchirements internes caractérisant toutes les guerres de successions ; celle de Bouteflika ne faisant pas exception. Présenter les jeunes émeutiers comme « des voyous et des revanchards », comme l’a fait Ould Kablia, le ministre de l’intérieur, n’empêche pas que le mécontentement se propage et se structure en contestation pacifique, lui donnant sens et souffle politiques.
Pour éviter d’aggraver le mécontentement populaire, des personnages tels que Belkhadem et Ouyahia, sont interdits de parole publique pendant des semaines. C’est d’abord Louisa Hanoune qui est sommée de tirer sur le secteur privé. Plus zélée que ses mentors, la représentante de la 4ème internationale en Algérie ne voit que l’augmentation des prix de l’huile et du sucre dans les causes de la révolte de janvier. Niant toute crise politique dans le pays, elle s’acharne contre le RCD, coupable, à ses yeux, de vouloir récupérer cette passe difficile (entendre pour le régime) et la main de l’étranger, à sa tête les Etats-Unis, qui mèneraient une croisade contre les « nouvelles orientations anti-impérialistes » de Bouteflika.
Devant l’accélération des événements avec l’extension de la révolte à l’Egypte et dans les pays du Golfe puis au Yémen et en Syrie, des opérations plus sérieuses voient le jour en Algérie pour prévenir et circonscrire tout soulèvement.
C’est d’abord Mehri qui adresse une lettre publique à son « frère Bouteflika », le conjurant de prendre une initiative de réforme qui ouvrirait un tant soit peu le jeu politique. Jusque-là, il n’y a rien d’anormal à ce que des serviteurs du système, nouveaux ou anciens, soient mobilisés pour parasiter l’opposition au régime.
Mais voilà que Hocine Aït Ahmed, du haut de sa posture d’opposant entre en scène, une fois de plus, pour appuyer son ami Mehri sollicitant l’arbitrage de Bouteflika pour prémunir l’Algérie des dangers « de la contagion démocratique ».
Ceux qui suivent les positions politiques du leader du FFS peuvent être, tour à tour, intrigués, choqués, et indignés par de tels irruptions. Ni les militants du FFS qui veulent en découdre avec un régime honni par les populations ni l’opposition politique démocratique qui se bat quotidiennement sur le terrain ne trouvent grâce ses yeux. En d’autres temps, le défaitisme inoculé dans le corps social tout au long de ses adresses épisodiques aurait été passible d’accusation de trahison.
Pourquoi cet homme aux mille visages maintient-il ce discours chaotique ?
Avant de revenir aux enjeux algériens dans la conjoncture régionale présente, il est d’abord utile de briser les tabous qui ont couvert des déclarations et des positions politiquement toxiques et moralement scandaleuses et de s’appesantir sur quelques faits dans cet étrange parcours. Continuer à taire ou ignorer l’arrogance criminelle d’un homme qui a fui le pays relèverait d’une aliénation ou d’une complicité que seuls les adeptes de sectes acceptent de subir.
Aujourd’hui âgé de 86 ans, le fondateur du FFS n’a connu la vie algérienne, après son premier départ en Egypte à l’âge de 26 ans, que pendant quatre petites années, de 1962 à 1966.
Installé au Caire en tant que membre de la délégation extérieure du FLN, il rentre à l’indépendance pour devenir député de l’Assemblée où il présida la première commission parlementaire chargée de l’arabisation! On ne sait pourquoi personne n’ose parler de ce choix. Il retrouve aussitôt l’exil en Europe après avoir opéré une véritable purge dans les rangs de la wilaya III embarquée dans un conflit armé sans issue; l’exclusion de Krim Belkacem ayant provoqué un désarroi chez les maquisards de Kabylie envoyés à la boucherie.
Plus tard l’heure étant au pacifisme, il déclare à un journal français : « je n’ai jamais pris les armes !! ». Assumer un combat sanglant nuirait à la nouvelle image qu’Aït Ahmed avait mis tant de peine à se construire. Les 442 martyrs de 1963, tombés sous les balles ou liquidés dans les geôles du clan d’Oujda ne sont pas de nature à hanter les nuits mondaines d’un homme devenu depuis un vrai flambeur.
Sa « fuite » de la prison d’El Harrach est une imposture. C’est Boumediene qui l’organisa avec en prime un chèque de 300 millions d’anciens francs français. Dans son livre « FFS espoir et trahison», feu Bessaoud Mohand Arab revient sur cette période et bien d’autres turpitudes du Zaïm.
Les manifestations d’Avril 1980 qui ont vu l’émergence sur la scène politique de militants décidés à assumer publiquement leur combat change fondamentalement la donne dans la mesure où le pouvoir n’a plus à faire à des opposants de l’ombre. Comme en 1949, quand il se démarqua du groupe berbéro-matérialiste de Benaknoun, Aït Ahmed refuse de voir le sigle de son parti associé au printemps berbère. En 1981, malgré la levée de toutes les condamnations politiques et l’insistance de nombreux militants démocratiques, il refuse de rentrer au pays, préférant assumer l’exil volontaire.
Pour pouvoir s’installer à Lausanne avec un train de vie de pacha, Aït Ahmed adopte une stratégie immuable: monnayer toutes les situations de détresse du peuple algérien. Une bonne partie des décisions incompréhensibles d’Aït Ahmed trouve son explication dans ce choix de vie : tenir un rôle d’opposant avec une capacité de nuisance verbale qui lui permet de négocier son soutien ou sa composition contre monnaie sonante et trébuchante à chaque fois que les luttes populaires fragilisent le pouvoir. Pour qui veut comprendre Aït Ahmed, il faudra toujours revenir à ce rapport complexe avec l’argent.
Une première ponction dans le trésor du FLN sera publiquement dénoncée par le célèbre écrivain français Pierre Péan. L’attaque en diffamation lancée à cette occasion par Hocine Aït Ahmed sera vaine et les tribunaux français confirmeront l’accusation de l’auteur à succès.
En 1985, alors que des militants politiques étaient emprisonnés pour avoir fondé la première ligue algérienne des droits de l’homme, une alliance passée avec Ben Bella à Londres sur le dos de ces détenus lui rapporte 525 millions de centimes français.
Aujourd’hui, son manque d’empressement pour dénoncer la répression en Tunisie, en Egypte et surtout en Libye n’a rien de surprenant. Dans ce dernier pays, il a fallu que la communauté internationale se positionne sans nuance contre Kadhafi pour entendre une furtive condamnation du FFS contre Tripoli. En 1991, une visite chez le guide libyen s’était soldée par un autre chèque de plus de 11 millions de dollars.
Comment alors cet « aristocrate » peut-il voir les souffrances endurées ou les risques que prennent des hommes qui ont commis le crime de le rappeler à son devoir de solidarité avec les siens ? Le statut de notable à qui tout est dû sera assumé avec une insolence qui ne connait aucune retenue.
D’où cette tactique usée jusqu’à la corde. Pour ne pas avoir à se justifier de son exil volontaire, de son mercantilisme politique ou de ses reniements, Aït Ahmed se moule dans une démarche qui ne se démentira jamais : attaquer et diffamer tous ceux qui peuvent lui parler d’égal à égal. Cela est vrai pour tous les militants issus de Kabylie qu’il revendique comme sa « chose ».
Aucun Kabyle ne trouvera grâce à ses yeux. Il composera avec Ben Bella qui l’a condamné à mort, se félicitera des convergences avec Mehri, conférera le statut d’opposant à Hamrouche mais pour Aït Ahmed les Kabyles sont ses sujets.
Le militant de terrain, Ali Yahia Abdenour, âgé de 91 ans, brutalisé chaque samedi à la place du 1er mai, est, lui aussi, relégué au rang de provocateur qui fait ses « séances de footing hebdomadaire » ; sachant que lui affronte tous les périls sur le front du Lac Léman !
Oui, cette suffisance a quelque chose de choquant.
Oui, ce rapport trouble avec l’argent, ce narcissisme maladif, cette propension à envoyer au charbon les fils du peuple pendant que l’on met les siens propres à l’abri des risques et des besoins sont indignes.
Il y a du messalisme chez Ait Ahmed ; un ptit Messali comme le dit si bien Si El Hafidh, autre militant voué aux gémonies par son Altesse, à cette nuance près, le dirigeant du MNA n’ayant, lui, jamais choisi l’exil. Il y a toujours été contraint.
Il est vrai qu’Aït Ahmed n’est pas le seul ancien dirigeant du FLN à vivre dans le stupre. Ben Bella, pour ne citer que lui, en a fait autant. La différence est que ce dernier ou d’autres ne donnent ni des leçons de morale ni des leçons de démocratie à ceux qui se battent sur le terrain et qu’ils se gardent d’entraver, aussi ouvertement, les initiatives de l’opposition démocratique en Algérie, sous couvert, tantôt de « sagesse politique » tantôt de radicalisme populiste.
Cette posture spécifique, qui renvoie d’abord à ses premiers engagements sur la scène politique, Aït Ahmed la cultive comme un leitmotiv. Des hommes politiques ont et peuvent avoir des itinéraires parfois forts singuliers mais ils ne peuvent pas se dérober continuellement de la responsabilité. Le personnage a de tout temps refusé de franchir ce pas, il ne cesse de convoquer la seule nécessité originelle de laver un vécu « de compromission familiale » que la France aurait fait subir à dessein à une lignée de nobles: la sienne. (Mémoires d’un combattant)
Cette éternelle posture de rachat est antinomique avec le combat et le sacrifice pour un autre ordre politique et social.
L’une des dernières transactions vénales dont a bénéficié Aït Ahmed et qui a eu l’aval du général Toufik est la vente d’un bien de l’Etat, « le palais de la reine du Madagascar ». Ce patrimoine mis à sa disposition par le pouvoir lui a rapporté 6 millions d’euros. Cela signifie en fait le droit d’avoir des droits en dehors de la loi.
Ce bref aperçu du parcours de ce monnayeur du drame algérien permet de mieux comprendre la dernière intervention « lausannière » qui déplore, ironise et condamne l’ardeur des Algériens qui osent combattre le système sans avoir demandé la bénédiction du gourou.
Après avoir exprimé son identité de vue avec l’ancien secrétaire général du FLN, le dernier courrier de l’homme du Lac Léman dont les biens et la famille sont définitivement et copieusement protégés, ordonne aux indigènes de soutenir Bouteflika et leur désigne ce qu’ils ne devront pas faire. Cette fois ci, l’infraction commise par les militants démocrates est sévèrement réprimandée. La société n’est pas encore mûre pour un changement et le bouillonnement politique et social du premier trimestre de cette année avec son lot de morts et de blessés par balles ou immolations ne serait « qu’une substitution de l’agenda politique de quelques cercles médiatiques à celui de la société ». Cette sortie sans appel arrive après un silence public de trois ans.
Les interventions d’Aït Ahmed doivent toujours avoir un retour sur investissement garanti et immédiat et, pour tirer bénéfice, l’objet n’est d’attaquer ni le pouvoir ni les islamistes; il suffit de tendre des embuscades à l’opposition et d’ouvrir le feu au moment opportun. Du coup il met en garde contre la tentation de la contagion démocratique des pays voisins, suggérant que seul un deal avec le pouvoir peut sauver l’Algérie.
Ptit Messali ne peut pas se suffire d’exprimer des opinions ou des désaccords. La direction de son parti est réduite à deux neveux ; le gendre de l’un d’entre eux ayant pour mission d’aboyer contre l’opposition en général et le RCD en particulier. En vieux routier de la manœuvre et de la duplicité, Aït Ahmed sait que tout appel à la manifestation dans cette situation peut se transformer en une dynamique contre le régime. Celui qui appellera les Algériens à sortir dans la rue, en 1991, pour maintenir ses 25 sièges à une Assemblée squattée par le FIS et qui voit les manifestants scander des slogans en faveur de l’arrêt du processus électoral se garde bien, cette fois ci, de jouer la rue.
Après un tour de fanfare avec la bénédiction de Mehri à la salle Atlas, il décide de brouiller les cartes, découvrant que les Algériens ne sont plus à l’heure des compromis et des deals, lui qui venait de donner le meilleur coup de main au chef de l’Etat. L’occasion est trop belle, les médias amplifieront l’événement et la salle Atlas d’une capacité de 1000 places aurait accueilli, ce jour là, 4000 personnes ! Cette complaisance avec le pouvoir se vérifiera toujours. Nul ne la signalera car quand Aït Ahmed se commet avec le régime, c’est de la négociation. Les autres acteurs politiques, suspects par définition, sont coupables de compromission s’ils n’ont pas la bénédiction de Lausanne.
Un peu comme l’Aga Khan, monsieur Aït Ahmed s’autorise, à la fois, la douceur de vivre ailleurs et le droit d’invectiver ses ouailles contre la prétention d’oser rêver, sans son accord, à la contagion démocratique.
Pour lui, la vie politique est divisée en deux camps. Il doit y avoir ceux qui attendent ses déclarations pour les suivre aveuglément quelles que soient leurs incohérences; il y a les autres, ceux qui lui parlent d’égal à égal: ceux là sont suspects, dangereux ou manipulés…
Au final, depuis 1962 le combat d’Aït Ahmed se réduit à une logique perpétuelle: casser l’opposition pour rester seul dans la contestation et s’assurer une vie de nabab.
L’argent, à l’origine de toutes ses initiatives, trahi les luttes du peuple algérien. Abusant de la sacralisation de la guerre de libération, Aït Ahmed est celui qui aura le plus scandaleusement exploité le filon. Aucun autre responsable n’a été à l’origine d’autant de reniements et d’arrogance.
Monsieur Aït Ahmed
Vous avez le droit de vivre ailleurs, nous avons le devoir de vous empêcher de nous perturber ici. Il était temps que cette imposture cesse, elle a coûté trop cher au passé, au présent et pour l’avenir de l’Algérie.
Les Algériens sont outrés d’apprendre qu’Ait Ahmed est rentré clandestinement en mai 2011 en Algérie pour négocier son quota et monnayer son coup de main de janvier. Ceux qui l’ont côtoyé ne sont ni surpris ni choqués : voici le vrai visage de cet homme.
Les dernières missives envoyées, depuis Lausanne, par Hocine Aït Ahmed à son frère Mehri et, accessoirement, aux militants du FFS, éclairent la place singulière qu’il a toujours occupée dans le système politique algérien.
Au début du mois de janvier, la répression des émeutes, qui éclatent un peu partout dans le pays, fait 5 morts et des dizaines de blessés. Afin de discréditer et d’enrayer la révolte, le pouvoir procède à des centaines d’arrestations et à l’envoi de contingents de baltaguia pour brûler et piller édifices publics et biens privés. La technique testée avec « succès » par Zerhouni, lors de la marche du 14 juin 2001, est à présent bien rodée et généralisée.
Le climat d’incertitude qui prévaut en Algérie dans une conjoncture régionale marquée par un vent de liberté est porteur de menaces contre un régime d’oppression, déjà aux prises avec les déchirements internes caractérisant toutes les guerres de successions ; celle de Bouteflika ne faisant pas exception. Présenter les jeunes émeutiers comme « des voyous et des revanchards », comme l’a fait Ould Kablia, le ministre de l’intérieur, n’empêche pas que le mécontentement se propage et se structure en contestation pacifique, lui donnant sens et souffle politiques.
Pour éviter d’aggraver le mécontentement populaire, des personnages tels que Belkhadem et Ouyahia, sont interdits de parole publique pendant des semaines. C’est d’abord Louisa Hanoune qui est sommée de tirer sur le secteur privé. Plus zélée que ses mentors, la représentante de la 4ème internationale en Algérie ne voit que l’augmentation des prix de l’huile et du sucre dans les causes de la révolte de janvier. Niant toute crise politique dans le pays, elle s’acharne contre le RCD, coupable, à ses yeux, de vouloir récupérer cette passe difficile (entendre pour le régime) et la main de l’étranger, à sa tête les Etats-Unis, qui mèneraient une croisade contre les « nouvelles orientations anti-impérialistes » de Bouteflika.
Devant l’accélération des événements avec l’extension de la révolte à l’Egypte et dans les pays du Golfe puis au Yémen et en Syrie, des opérations plus sérieuses voient le jour en Algérie pour prévenir et circonscrire tout soulèvement.
C’est d’abord Mehri qui adresse une lettre publique à son « frère Bouteflika », le conjurant de prendre une initiative de réforme qui ouvrirait un tant soit peu le jeu politique. Jusque-là, il n’y a rien d’anormal à ce que des serviteurs du système, nouveaux ou anciens, soient mobilisés pour parasiter l’opposition au régime.
Mais voilà que Hocine Aït Ahmed, du haut de sa posture d’opposant entre en scène, une fois de plus, pour appuyer son ami Mehri sollicitant l’arbitrage de Bouteflika pour prémunir l’Algérie des dangers « de la contagion démocratique ».
Ceux qui suivent les positions politiques du leader du FFS peuvent être, tour à tour, intrigués, choqués, et indignés par de tels irruptions. Ni les militants du FFS qui veulent en découdre avec un régime honni par les populations ni l’opposition politique démocratique qui se bat quotidiennement sur le terrain ne trouvent grâce ses yeux. En d’autres temps, le défaitisme inoculé dans le corps social tout au long de ses adresses épisodiques aurait été passible d’accusation de trahison.
Pourquoi cet homme aux mille visages maintient-il ce discours chaotique ?
Avant de revenir aux enjeux algériens dans la conjoncture régionale présente, il est d’abord utile de briser les tabous qui ont couvert des déclarations et des positions politiquement toxiques et moralement scandaleuses et de s’appesantir sur quelques faits dans cet étrange parcours. Continuer à taire ou ignorer l’arrogance criminelle d’un homme qui a fui le pays relèverait d’une aliénation ou d’une complicité que seuls les adeptes de sectes acceptent de subir.
Aujourd’hui âgé de 86 ans, le fondateur du FFS n’a connu la vie algérienne, après son premier départ en Egypte à l’âge de 26 ans, que pendant quatre petites années, de 1962 à 1966.
Installé au Caire en tant que membre de la délégation extérieure du FLN, il rentre à l’indépendance pour devenir député de l’Assemblée où il présida la première commission parlementaire chargée de l’arabisation! On ne sait pourquoi personne n’ose parler de ce choix. Il retrouve aussitôt l’exil en Europe après avoir opéré une véritable purge dans les rangs de la wilaya III embarquée dans un conflit armé sans issue; l’exclusion de Krim Belkacem ayant provoqué un désarroi chez les maquisards de Kabylie envoyés à la boucherie.
Plus tard l’heure étant au pacifisme, il déclare à un journal français : « je n’ai jamais pris les armes !! ». Assumer un combat sanglant nuirait à la nouvelle image qu’Aït Ahmed avait mis tant de peine à se construire. Les 442 martyrs de 1963, tombés sous les balles ou liquidés dans les geôles du clan d’Oujda ne sont pas de nature à hanter les nuits mondaines d’un homme devenu depuis un vrai flambeur.
Sa « fuite » de la prison d’El Harrach est une imposture. C’est Boumediene qui l’organisa avec en prime un chèque de 300 millions d’anciens francs français. Dans son livre « FFS espoir et trahison», feu Bessaoud Mohand Arab revient sur cette période et bien d’autres turpitudes du Zaïm.
Les manifestations d’Avril 1980 qui ont vu l’émergence sur la scène politique de militants décidés à assumer publiquement leur combat change fondamentalement la donne dans la mesure où le pouvoir n’a plus à faire à des opposants de l’ombre. Comme en 1949, quand il se démarqua du groupe berbéro-matérialiste de Benaknoun, Aït Ahmed refuse de voir le sigle de son parti associé au printemps berbère. En 1981, malgré la levée de toutes les condamnations politiques et l’insistance de nombreux militants démocratiques, il refuse de rentrer au pays, préférant assumer l’exil volontaire.
Pour pouvoir s’installer à Lausanne avec un train de vie de pacha, Aït Ahmed adopte une stratégie immuable: monnayer toutes les situations de détresse du peuple algérien. Une bonne partie des décisions incompréhensibles d’Aït Ahmed trouve son explication dans ce choix de vie : tenir un rôle d’opposant avec une capacité de nuisance verbale qui lui permet de négocier son soutien ou sa composition contre monnaie sonante et trébuchante à chaque fois que les luttes populaires fragilisent le pouvoir. Pour qui veut comprendre Aït Ahmed, il faudra toujours revenir à ce rapport complexe avec l’argent.
Une première ponction dans le trésor du FLN sera publiquement dénoncée par le célèbre écrivain français Pierre Péan. L’attaque en diffamation lancée à cette occasion par Hocine Aït Ahmed sera vaine et les tribunaux français confirmeront l’accusation de l’auteur à succès.
En 1985, alors que des militants politiques étaient emprisonnés pour avoir fondé la première ligue algérienne des droits de l’homme, une alliance passée avec Ben Bella à Londres sur le dos de ces détenus lui rapporte 525 millions de centimes français.
Aujourd’hui, son manque d’empressement pour dénoncer la répression en Tunisie, en Egypte et surtout en Libye n’a rien de surprenant. Dans ce dernier pays, il a fallu que la communauté internationale se positionne sans nuance contre Kadhafi pour entendre une furtive condamnation du FFS contre Tripoli. En 1991, une visite chez le guide libyen s’était soldée par un autre chèque de plus de 11 millions de dollars.
Comment alors cet « aristocrate » peut-il voir les souffrances endurées ou les risques que prennent des hommes qui ont commis le crime de le rappeler à son devoir de solidarité avec les siens ? Le statut de notable à qui tout est dû sera assumé avec une insolence qui ne connait aucune retenue.
D’où cette tactique usée jusqu’à la corde. Pour ne pas avoir à se justifier de son exil volontaire, de son mercantilisme politique ou de ses reniements, Aït Ahmed se moule dans une démarche qui ne se démentira jamais : attaquer et diffamer tous ceux qui peuvent lui parler d’égal à égal. Cela est vrai pour tous les militants issus de Kabylie qu’il revendique comme sa « chose ».
Aucun Kabyle ne trouvera grâce à ses yeux. Il composera avec Ben Bella qui l’a condamné à mort, se félicitera des convergences avec Mehri, conférera le statut d’opposant à Hamrouche mais pour Aït Ahmed les Kabyles sont ses sujets.
Le militant de terrain, Ali Yahia Abdenour, âgé de 91 ans, brutalisé chaque samedi à la place du 1er mai, est, lui aussi, relégué au rang de provocateur qui fait ses « séances de footing hebdomadaire » ; sachant que lui affronte tous les périls sur le front du Lac Léman !
Oui, cette suffisance a quelque chose de choquant.
Oui, ce rapport trouble avec l’argent, ce narcissisme maladif, cette propension à envoyer au charbon les fils du peuple pendant que l’on met les siens propres à l’abri des risques et des besoins sont indignes.
Il y a du messalisme chez Ait Ahmed ; un ptit Messali comme le dit si bien Si El Hafidh, autre militant voué aux gémonies par son Altesse, à cette nuance près, le dirigeant du MNA n’ayant, lui, jamais choisi l’exil. Il y a toujours été contraint.
Il est vrai qu’Aït Ahmed n’est pas le seul ancien dirigeant du FLN à vivre dans le stupre. Ben Bella, pour ne citer que lui, en a fait autant. La différence est que ce dernier ou d’autres ne donnent ni des leçons de morale ni des leçons de démocratie à ceux qui se battent sur le terrain et qu’ils se gardent d’entraver, aussi ouvertement, les initiatives de l’opposition démocratique en Algérie, sous couvert, tantôt de « sagesse politique » tantôt de radicalisme populiste.
Cette posture spécifique, qui renvoie d’abord à ses premiers engagements sur la scène politique, Aït Ahmed la cultive comme un leitmotiv. Des hommes politiques ont et peuvent avoir des itinéraires parfois forts singuliers mais ils ne peuvent pas se dérober continuellement de la responsabilité. Le personnage a de tout temps refusé de franchir ce pas, il ne cesse de convoquer la seule nécessité originelle de laver un vécu « de compromission familiale » que la France aurait fait subir à dessein à une lignée de nobles: la sienne. (Mémoires d’un combattant)
Cette éternelle posture de rachat est antinomique avec le combat et le sacrifice pour un autre ordre politique et social.
L’une des dernières transactions vénales dont a bénéficié Aït Ahmed et qui a eu l’aval du général Toufik est la vente d’un bien de l’Etat, « le palais de la reine du Madagascar ». Ce patrimoine mis à sa disposition par le pouvoir lui a rapporté 6 millions d’euros. Cela signifie en fait le droit d’avoir des droits en dehors de la loi.
Ce bref aperçu du parcours de ce monnayeur du drame algérien permet de mieux comprendre la dernière intervention « lausannière » qui déplore, ironise et condamne l’ardeur des Algériens qui osent combattre le système sans avoir demandé la bénédiction du gourou.
Après avoir exprimé son identité de vue avec l’ancien secrétaire général du FLN, le dernier courrier de l’homme du Lac Léman dont les biens et la famille sont définitivement et copieusement protégés, ordonne aux indigènes de soutenir Bouteflika et leur désigne ce qu’ils ne devront pas faire. Cette fois ci, l’infraction commise par les militants démocrates est sévèrement réprimandée. La société n’est pas encore mûre pour un changement et le bouillonnement politique et social du premier trimestre de cette année avec son lot de morts et de blessés par balles ou immolations ne serait « qu’une substitution de l’agenda politique de quelques cercles médiatiques à celui de la société ». Cette sortie sans appel arrive après un silence public de trois ans.
Les interventions d’Aït Ahmed doivent toujours avoir un retour sur investissement garanti et immédiat et, pour tirer bénéfice, l’objet n’est d’attaquer ni le pouvoir ni les islamistes; il suffit de tendre des embuscades à l’opposition et d’ouvrir le feu au moment opportun. Du coup il met en garde contre la tentation de la contagion démocratique des pays voisins, suggérant que seul un deal avec le pouvoir peut sauver l’Algérie.
Ptit Messali ne peut pas se suffire d’exprimer des opinions ou des désaccords. La direction de son parti est réduite à deux neveux ; le gendre de l’un d’entre eux ayant pour mission d’aboyer contre l’opposition en général et le RCD en particulier. En vieux routier de la manœuvre et de la duplicité, Aït Ahmed sait que tout appel à la manifestation dans cette situation peut se transformer en une dynamique contre le régime. Celui qui appellera les Algériens à sortir dans la rue, en 1991, pour maintenir ses 25 sièges à une Assemblée squattée par le FIS et qui voit les manifestants scander des slogans en faveur de l’arrêt du processus électoral se garde bien, cette fois ci, de jouer la rue.
Après un tour de fanfare avec la bénédiction de Mehri à la salle Atlas, il décide de brouiller les cartes, découvrant que les Algériens ne sont plus à l’heure des compromis et des deals, lui qui venait de donner le meilleur coup de main au chef de l’Etat. L’occasion est trop belle, les médias amplifieront l’événement et la salle Atlas d’une capacité de 1000 places aurait accueilli, ce jour là, 4000 personnes ! Cette complaisance avec le pouvoir se vérifiera toujours. Nul ne la signalera car quand Aït Ahmed se commet avec le régime, c’est de la négociation. Les autres acteurs politiques, suspects par définition, sont coupables de compromission s’ils n’ont pas la bénédiction de Lausanne.
Un peu comme l’Aga Khan, monsieur Aït Ahmed s’autorise, à la fois, la douceur de vivre ailleurs et le droit d’invectiver ses ouailles contre la prétention d’oser rêver, sans son accord, à la contagion démocratique.
Pour lui, la vie politique est divisée en deux camps. Il doit y avoir ceux qui attendent ses déclarations pour les suivre aveuglément quelles que soient leurs incohérences; il y a les autres, ceux qui lui parlent d’égal à égal: ceux là sont suspects, dangereux ou manipulés…
Au final, depuis 1962 le combat d’Aït Ahmed se réduit à une logique perpétuelle: casser l’opposition pour rester seul dans la contestation et s’assurer une vie de nabab.
L’argent, à l’origine de toutes ses initiatives, trahi les luttes du peuple algérien. Abusant de la sacralisation de la guerre de libération, Aït Ahmed est celui qui aura le plus scandaleusement exploité le filon. Aucun autre responsable n’a été à l’origine d’autant de reniements et d’arrogance.
Monsieur Aït Ahmed
Vous avez le droit de vivre ailleurs, nous avons le devoir de vous empêcher de nous perturber ici. Il était temps que cette imposture cesse, elle a coûté trop cher au passé, au présent et pour l’avenir de l’Algérie.
Azul- Nombre de messages : 29959
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Re: Ait Ahmed : le droit d’avoir des droits en dehors de la loi
http://kabylieinfos.unblog.fr/2012/01/23/ait-ahmed-le-droit-davoir-des-droits-en-dehors-de-la-loi/
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