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AMARA BENYOUNES, PRÉSIDENT DE L’UDR, AU SOIR D’ALGÉRIE «Nous pouvons construire une démocratie en terre d’islam»

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AMARA BENYOUNES, PRÉSIDENT DE L’UDR, AU SOIR D’ALGÉRIE  «Nous pouvons construire une démocratie en terre d’islam» Empty AMARA BENYOUNES, PRÉSIDENT DE L’UDR, AU SOIR D’ALGÉRIE «Nous pouvons construire une démocratie en terre d’islam»

Message  Zhafit Mer 30 Nov - 11:29

Entretien réalisé par Brahim Taouchichet
Député sur les listes du RCD, deux fois ministre, Amara Benyounès a démissionné de ce parti en 2001 pour de profondes divergences de vues qui avaient fait des vagues, suivies d’une violente polémique qui s’estompera avec le temps. Aujourd’hui à la tête de L’Union pour la démocratie et la république (UDR) qu’il a créée, il attend l’agrément de son parti pour «activer légalement sur le terrain» marqué par «l’absence des partis de la mouvance démocratique alors que tout bouge autour de nous». Violemment opposé aux islamistes qui «ne cherchent tous qu’à s’accaparer du pouvoir», il appelle les démocrates à leur barrer la route en se rassemblant même si «ça sera très difficile».
Dans la foulée des changements en Tunisie, au Maroc, en Libye et en Egypte, l’hypothèse de l’arrivée des islamistes au pouvoir chez nous «n’est pas totalement à exclure » mais, dit-il, «nous pouvons, nous Algériens, construire une démocratie en terre d’islam du fait de notre potentiel de modernité».

Le Soir d’Algérie : Déclarations, réunions des instances de l'UDR, etc. Qu'est-ce qui motive le retour de Amara Benyounès sur le devant de la scène politique ?
Amara Benyounès : Ce sont les nouvelles réformes lancées par le président de la République et la probabilité de l'obtention de l'agrément de l'UDR, les débats sur les partis politiques notamment à l'Assemblée nationale. Nous avons maintenant de fortes chances d'exercer de manière légale notre activité politique. Le Conseil national a décidé d'organiser trois réunions régionales à Oran hier (NDLR : samedi 26 novembre) et la semaine dernière à Alger, et une autre à Skikda le 3 décembre qui va regrouper toutes les wilayas de l'Est en vue de préparer soit notre congrès constitutif, si nous devons changer notre dossier par rapport à la nouvelle loi sur les partis, soit un congrès extraordinaire pour élire une nouvelle direction.
La loi sur les partis politiques est très controversée quant à ses nouvelles dispositions. Il y a une forte opposition au sein de l'APN et du Sénat et certains parlent de la mainmise de l'administration et son ingérence manifeste dans les affaires internes des partis. Quelle est votre position ?
Fondamentalement, cette loi n'apporte rien de nouveau par rapport à l'ancienne sur le plan des principes. Mais il y a une trop forte présence de l'administration quant à l'agrément des partis politiques. Dans toutes les démocraties, il n'existe pas de loi sur les partis politiques mais simplement un système déclaratif. Avec cette nouvelle loi, il va y avoir une trop forte mainmise de l'administration sur les partis dans l'octroi ou pas de l'agrément.
Comment vous déterminez-vous par rapport aux risques qu'induit la nouvelle loi ?
Je vous réaffirme qu’il ne faut pas de loi sur les partis politiques mais qu’il faut opter pour un système déclaratif. Le ministre de l'Intérieur dit que c'est dangereux. Je ne vois pas en quoi car les partis sont tenus de respecter la loi. La Constitution est claire quant à la pratique politique dans le pays, ainsi que la charte pour la réconciliation nationale. Par contre, on a besoin d'une loi sur le financement des partis politiques et de l'utilisation des moyens de l'Etat. Les partis de l'alliance présidentielle disposent de centaines de locaux à travers tout le territoire national tandis que les nouveau partis qui verront le jour ne pourront même pas avoir un local.
Le ministre de l'Intérieur a clairement exprimé son hostilité à la prolifération de partis politiques...
Ce n'est pas à lui de décider quels sont les partis les plus représentatifs, mais au peuple. Ce n'est pas à lui de dicter les programmes des partis politiques. Je lui ai demandé de commencer par appliquer la loi qui existe. Si le peuple algérien veut voter pour 50 partis, en quoi cela le regarde ? Je l'ai dit à Oran, il n'y a jamais trop de démocratie mais toujours trop de dictature dans un pays. Il n'y a pas assez de liberté en Algérie mais plutôt trop d'interdits.
Plusieurs demandes d'agrément de partis politiques dont la vôtre dorment au fond des tiroirs du ministère de l'Intérieur. L'UDR, cependant, ne cache pas son optimisme. Pourquoi êtes-vous aussi sûr ?
Cela fait, en effet, 7 ans et demi que nous patientons. Ça se passe comme ça en Algérie, comme dit une publicité. Nous ne sommes ni interdits ni autorisés. Nous n'avons eu aucun écho du côté du ministère de l'Intérieur. L'UDR est plus ou moins toléré sans plus. Avec la nouvelle approche du pouvoir algérien, nous espérons qu'enfin prenne fin cet état de fait.
Quels sont les signes qui font que vous vous déclarez optimiste quant à l'obtention de l'agrément ? Certains observateurs et autres analystes vous prêtent l'intention de jouer le jeu du pouvoir et que c'est la mission qui est dévolue à l'UDR dans la recomposition du paysage politique...
Si le pouvoir voulait me faciliter l'obtention de l'agrément, je n'aurais pas attendu 7 ans et demi. Les gens sont libres de raconter ce qu'ils veulent mais les faits sont là, têtus. Si nous étions un parti du pouvoir comme ceux de l'alliance, nous l'aurions obtenu depuis longtemps.
Les critiques disent aussi que l'UDR est justement un parti de l'administration et que son opposition au système n'est qu'un leurre, d’autant que vous ne cachez pas votre soutien au Président...
Notre position est très claire. Le conseil national de l'UDR avait décidé de soutenir le candidat Abdelaziz Bouteflika aux élections présidentielles de 2004 et 2009. Nous avons soutenu un programme, un projet et un bilan. Je dis et je le répète, je n'ai aucune relation particulière avec le président Bouteflika. Contrairement aux dires de certains, je ne suis pas son ami et pour ne rien vous cacher je n'ai jamais de ma vie pris un café avec lui.
On vous colle cette étiquette malgré tout...
C'est normal quand l'on me voit moi, secrétaire général de l'UDR, à deux reprises être dans le staff de campagne du candidat Bouteflika. Que l'on nous juge sur ce que nous disons et sur nos actes.
Quelles leçons tirez-vous de l'échec de l'alliance UDR-ANR-MDS lors des dernières élections ?
En 2007, nous avons fait une tentative de rassemblement des démocrates. Nous avons pu avec l'ANR de Rédha Malek établir des listes communes. Malheureusement, nous n'avons pas pu le faire à trois ne nous étant pas entendu avec le MDS. On nous a attribué 4 députés. Bon, on sait comment les élections se sont passées...
Les leçons que vous en tirez pour l'avenir ?
De mon point de vue, il faut que les démocrates et les républicains de ce pays se rassemblent impérativement, nous n'avons pas d'autre choix. Aucun parti démocrate ne peut, seul, prétendre à la gestion du pays et nous ne pourrons arriver au pouvoir qu'en étant rassemblés, et ce, quel que soit ce qu'il y a eu dans le passé, les conflits entre responsables politiques. Je ne vous cache pas que ce sera difficile.
Difficile ? Utopique compte tenu des divisions ?
Utopique non, mais difficile oui. Moi, je n'ai de compte à régler avec aucun responsable politique algérien. Je me détermine en fonction des projets et des idées, jamais en fonction des hommes. Force est de constater que les responsables des partis politiques ne se rencontrent pas, il y a tant de haine entre eux que ce sera extrêmement difficile d'où la nécessité de voir émerger une nouvelle classe politique et de nouveaux dirigeants, et de nouvelles têtes dans la mouvance démocratique qui soient affranchies des querelles du passé, qui parlent de l'Algérie de demain.
Une question de génération ?
Le problème ne se pose pas en ces termes mais en terme de projet et de gestion de ces partis politiques. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas gérés de manière suffisamment démocratique pour faciliter l'émergence de nouveaux dirigeants. Cela fait 20 ans que des tentatives de rassemblement sont tentées sans résultat. Il faut donc dépasser cette classe politique.
L'UDR participera aux législatives de 2012. Avec quels atouts comptez-vous prendre part à cette compétition électorale qui s'annonce rude, le timing aussi n'étant pas en votre faveur ?
C'est vrai, nous n'avons pas l'avantage des partis traditionnels. Notre souci premier est d’ordre organique, c'est-à-dire aller vers un congrès fin janvier 2012. Les élections se tiendront probablement à la fin mai. Nous ne disposerons donc que de 3 mois pour nous préparer à ces élections. Mais nous allons faire passer notre message et convaincue les Algériens de voter pour nous.
Où en est-on aujourd'hui, selon vous, dans les réformes politiques à la lumière des promesses de changement faites par Bouteflika dans son discours du 15 avril dernier ?
Un gros retard a été pris. Nous sommes à la fin de l'année, une seule loi a été votée (NDLR : la loi électorale), ça traîne à l'Assemblée nationale comme sur les partis, les associations, l'ouverture de l'audiovisuel. On ne connaît pas encore les contours de la révision de la Constitution.
Sont-elles toujours crédibles, ces réformes ?
Il ne s'agit pas d'y croire ou pas. Le plus important pour un parti politique est d'obtenir son agrément pour aller se battre sur le terrain pour ses idées et que les élections soient les plus régulières possibles. Pour moi, l'enjeu est dans la transparence et la liberté des élections parce que toutes les lois peuvent être changées après. Demain, si l'UDR est majoritaire à l'Assemblée nationale, il pourra changer les lois et en faire passer d'autres parce qu'il aura la légitimité populaire. Le plus important pour un parti politique c'est de parvenir au pouvoir de façon démocratique. Il faut être extrêmement vigilant lors des élections législatives et veiller à la surveillance des urnes.
A propos d'assemblée nationale, vous vous positionnez contre une Constituante ?
Je suis totalement opposé à la Constituante. C'est très simple : une assemblée constituante veut dire que les Algériens vont élire des députés dont la mission unique serait de rédiger la nouvelle Constitution. Personnellement, je ne veux pas prendre le risque de nous retrouver avec une assemblée islamiste qui va rédiger une Constitution basée sur la charia. Si les islamistes, et c'est une hypothèse qu'il ne faut pas totalement exclure, gagnent les législatives et le pouvoir comme en Tunisie, en Libye, au Maroc et peut-être aussi en Egypte, cela voudra dire que nous allons donner aux islamistes en 2012 ce que le FIS n'a pu avoir en 1991. La question est là, car alors pourquoi tant de morts, de massacres, de terrorisme pour donner, 20 ans après, le pouvoir aux intégristes algériens? Je suis persuadé que nous aurons une Constitution parfaitement républicaine si la proposition de révision de la Constitution vient du président de la République Abdelaziz Bouteflika.
Pour certains analystes, l'islamisme radical fait désormais partie du passé et cède la place aux modérés. Ils sont au pouvoir en Tunisie, au Maroc, en Libye et peut-être bientôt en Egypte. Partagez-vous ce point de vue ?
Personnellement, je ne vois pas de différence entre un islamiste radical et un islamiste modéré, leur objectif étant identique, à savoir la prise du pouvoir. Il y a une différence entre un musulman et un islamiste qui est un militant politique dont l'objectif est l'instauration de la charia. Il y en a qui veulent le faire par la violence comme a tenté de le faire le FIS en Algérie. Il y a ceux qui ont compris que la violence ne mène à rien et tentent de passer par les urnes. N'oublions jamais que Ghannouchi a dit publiquement et officiellement qu'il voulait instaurer le 6e khalifa. Abdeldjalil en Libye veut appliquer la charia avant même les élections. Quant à l'Egypte, les Algériens ne connaissent que trop bien les Frères musulmans de ce pays. La situation est moins grave et quelque peu différente au Maroc où le roi se place au-dessus de la mêlée et peut intervenir à tout moment en cas de dérive.
Nous sommes en 2012, l'expérience turque avec l'AKP de Erdogan semble faire recette dans les pays arabes. Quel destin pour l'Algérie dans cette nouvelle tendance qui semble avoir le vent en poupe et l’aval de l'Europe et des Etats- Unis ?
Parlons-en ! Il faut que les Algériens sachent ce qu'est la Turquie qui est un Etat laïc comme le stipule l'article 2 de sa constitution. Moi j'ai des questions à poser aux islamistes algériens qui parlent du modèle de l'AKP pour diriger le pays. Sont-ils prêts à accepter que l'on inscrive cet article dans la Constitution algérienne ? Par ailleurs, l'armée turque dispose de prérogatives constitutionnelles pour protéger la laïcité de l'Etat. La Turquie demande à adhérer à l'Union européenne et doit donc mettre à jour toute sa législation. La Turquie a des relations privilégiées et stratégiques avec l'Etat d'Israël, elle est membre de l'Otan depuis 1952. Je veux dire que ce n'est pas l'AKP qui est un modèle, mais bien l'Etat turc. Ce monsieur Erdogan qui veut se présenter comme le nouveau khalife de l'islam n'a pas les mains libres pour faire ce qu'il veut. Par exemple, il a tenté de faire introduire le hidjab à l'université, il n'a pas réussi. Je doute très fort que les islamistes algériens acceptent toutes les caractéristiques de l'Etat turc.
Le chef du MSP, Aboudjerra Soltani, clame haut que son parti gagnera les prochaines législatives...
Il prend ses désirs pour la réalité. Il n'aura jamais la majorité dans notre pays. L'Algérie est le pays musulman qui a le plus gros potentiel de modernité, de démocratie et de république. Je suis convaincu qu'avec de la vigilance, en gardant à l'esprit l'essentiel, nous pourrons, nous Algériens, bâtir une véritable démocratie en terre d'islam. C'est le défi que nous devons relever.
C'est connu, l'islamisme modéré ou radical prend pour cheval de bataille l'injustice, la lutte contre la corruption, l'exclusion. Chaque jour, les médias nous révèlent des scandales et l'impunité ambiante. Désespérez-vous de vous faire entendre ? Les jeux ne sont-ils pas déjà faits pour la mouvance démocratique ?
Il est très important de ne pas laisser la moralisation de la vie publique aux islamistes. Dénoncer la corruption doit être le leitmotiv de tous les démocrates. Il faut quand même rappeler que dans les dictatures islamistes comme l'Iran présenté un temps comme modèle, c'est là qu'il y a la plus grande corruption au monde, la prostitution, la drogue. Pareil pour l'Afghanistan, la Somalie, le Soudan, ou l’Arabie saoudite. Toutes ces républiques islamiques sont le bastion de la corruption et des fléaux sociaux. C'est à nous militants démocrates d'être concrets en allant vers le peuple, dénoncer la corruption. Les démocrates algériens doivent prendre à brasle- corps les soucis des Algériens en matière de logement, d'éducation, de sécurité avec des propositions de solution.
Scénario catastrophe : le raz-de-marée des islamistes lors des législatives prochaines?
Non, je ne crois pas. Un raz-de-marée est possible pour les islamistes comme pour les démocrates. Mais si dans les 6 prochains mois les démocrates ne se mobilisent pas, l'hypothèse de l'arrivée des islamistes au pouvoir n'est pas à exclure. Je suis sidéré par l'absence sur le terrain et le silence des démocrates au moment où tout bouge autour de nous. Ils ne s'expriment pas sur la Tunisie, la Libye, le Maroc qui sont pourtant des pays frontaliers avec l'Algérie.
Et vous à l'UDR ? Dès l'obtention de notre agrément, nous serons présents partout pour dire ce que nous pensons.
Partout ? Nous sommes présents dans 48 willayas et nous présenterons des listes dans toutes les circonscriptions électorales aux prochaines législatives.
Rached Ghannouchi reçu avec les honneurs dus à un chef d'Etat et même par Bouteflika. Certains voient là une autre concession à l'islamisme tandis que pour d'autres c'est un signe de pragmatisme politique.
Ni l'un ni l'autre. Ce qui me gêne par contre c'est que Ghannouchi soit reçu à l'aéroport par le numéro 2 du pays avec les honneurs dus à un chef d'Etat.
Permettez une curiosité pour clore cet entretien. 10 ans ont passé depuis votre départ du RCD. Quel est le sentiment dominant chez Amara Benyounès aujourd'hui ?
Je ne regrette rien. Je souhaite bon vent à tous mes amis. J'ai connu des hommes et des femmes extraordinaires dont certains ont été assassinés par les terroristes. Je n'ai aucune animosité. J'ai choisi une nouvelle voie politique. J'assume toutes les positions politiques de ce parti jusqu'en 2001, année où je l'ai quitté.

B. T.

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Message  Zhafit Mer 30 Nov - 11:30

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