Un monde de rêve A Gouchène Aokas Béjaïa

Un monde de rêve

A Gouchène Aokas Béjaïa
Le Soir d'Algérie : 23 - 07 - 2008


Avec la flambée du prix du pétrole, je vais commencer les recherches à partir de cette nuit : chercher un moyen de transformer du sable en énergie. C'est une idée géniale si jamais elle aboutit. A la première lecture, tout le monde me dira que c'est impossible, mais, justement, il faut partir de cette hypothèse pour arriver quelque part. S'il y a moins de gaz et de pétrole dans le sol du Sahara, il y a, par contre, beaucoup de sable en surface à la portée de la main.
Il ne demande ni sonde de forage, ni la séismique, ni des ingénieurs sortis d'Harvard, hautement qualifiés et compétents. Il suffit de quelques pelleteuses et des camions pour le convoyer dans des usines. Il y a mieux, il suffit de modifier ma machine et de faire des milliers d'exemplaires qui vont directement sur la dune, bouffer du sable et le transformer en carburant qui va directement dans des camions et sera utilisé dans tous les moteurs ; il suffit de rajouter un peu d'eau pour l'obtenir sous la forme liquide directement utilisable. Il n'aura pas besoin d'être à nouveau raffiné. Cette nouvelle énergie n'aura pas d'effet de pollution sur l'environnement, elle ne coûtera pas très cher, elle sera à la portée de chacun : ma machine sera si simple que chacun peut en fabriquer une lui-même et je mettrai mon brevet dans le domaine public pour que quiconque puisse l'utiliser sans me payer un sou. Il y a des pays qui n'ont pas de sable mais avec le réchauffement actuel, aucun pays ne sera épargné par la désertification et, du sable, il y en aura pour tout le monde. Enfin, il n'y aura plus de pays agressés pour des raisons d'énergie car chaque pays aura l'autosuffisance chez lui et fera la paix avec ses voisins. On n'entendra plus de hausse des prix du pétrole ni celui des autres denrées qui suivent comme des toutous les prix de ce premier. Moi-même, malgré mon invention géniale, je ne serai pas plus riche que vous et les autres. J'essayerai de trouver d'autres idées qui vont rendre les habitants de cette Terre égaux, sur tous les plans. Je vais inventer le vaccin de la démocratie qui sera obligatoire pour les adultes et pour tous les nouveaux-nés, ce sera comme le BCG. Je trouverai un moyen de transformer tous les arbres sauvages en arbres fruitiers, toutes les mauvaises herbes en céréales et autres graines comestibles que chacun pourra manger à sa fin sans se soucier du prix ni de la disponibilité. J'inventerai un liquide qui, une fois déversé sur une plage, verra le poisson sortir tout seul et il suffira de baisser la main et de le ramasser, on n'aurait plus besoin d'aller au large avec des chalutiers pour traquer les quelques poissons qui ont échappé à la pollution. Je trouverai aussi un moyen, des pilules pour éradiquer l'égoïsme et rendre les gens satisfaits ; mais cette satisfaction doit répondre à leurs besoins réels pour vivre sans chercher à amasser des fortunes, des villas, des appartements, des lots de terrains, etc. Je rendrai le sourire sur toutes les lèvres ; omniprésent, il sera distribué aux amis, aux passants, à n'importe qui. Chacun de nous sera président, roi et ne demandera même pas le premier mandat, il n'y aurait plus de loi ni de langue de bois. Il n'y aurait plus de justice, ni de prison et non plus de corruption. Chacun chez soi suivra la bonne voie, il choisira la bonne foi et il ne se souciera jamais de son voisin, s'il est bouddhiste ou chrétien. Toutes les activités qui se feront dans le pays n'auront plus besoin d'être sous le haut patronat de qui que ce soit, simplement chacun fera son travail et aura la satisfaction personnelle de l'avoir accompli. Je veillerai à ce que notre télévision soit la fenêtre de ce bled et de ses habitants, tous sans distinction. Elle ne sera plus au service de l'oligarchie. Sur un des vieux téléviseurs laissés par mon défunt père, les images seront figées sur l'écran. Sans l'allumer, vous pouvez voir nettement l'empreinte de ceux qui sont passés, une sorte d'hologramme indélébile. Je rendrai le service public au service public, j'autoriserai tous ceux qui veulent lancer une télévision à le faire, qu'ils parlent avec la langue qu'ils comprennent et que le message passe. Que ces chaînes concurrencent les bouquets satellitaires existants. J'inventerai de nouveaux relais hertziens qui vont diffuser des ondes électromagnétiques et dès qu'ils seront en contact avec la tête des «tangos» dans le maquis et les montagnes, ces terroristes n'auront plus envie de vivre et n'auront qu'une seule idée en tête, organiser des suicides collectifs comme ceux de la secte du Temple solaire. J'installerai une sorte de justice sociale par une distribution simple des revenus du pays. Par exemple, si le revenu est de 35 milliards de dollars par an et que ma population est de 35 millions d'habitants, la division par 35 est très simple et il n'y aurait pas de virgules, donc si mon calcul est juste, chaque habitant aurait 1 000 dollars et une famille de douze, mon ami, ce serait une aubaine de vivre avec douze, ce ne sera plus comme dans le film, du même titre, qui montre les difficulté d'avoir une famille nombreuse, mais le contraire. L'argent dont je parle ne viendra pas du pétrole, car après mon invention ce pétrole n'existera plus, enfin, il ne servira plus à rien. Dans le cas où un jour mon invention cesse de marcher et qu'il ne reste plus de pétrole, d'où est-ce que je vais ramener de l'argent pour assurer au moins le pain quotidien de mes 35 millions d'habitants ? Vivre sans pétrole ? Là est la question. Toutes ces idées me sont venues un jour de semaine durant la nuit où j'ai perdu le sommeil. C'était un rêve éveillé mais, le lendemain, la réalité m'avait encore fouetté et toutes mes pensées n'ont rien changé.