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ACCROCHAGE AU LIEUDIT IGHZER OUHAJTAR (ADRAR N'AÏT AÏSSA) AVRIL 1959

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Message  laic-aokas Mar 21 Juin - 12:55

ACCROCHAGE AU LIEUDIT IGHZER OUHAJTAR (ADRAR N'AÏT AÏSSA) AVRIL 1959


Dix-sept avril 1959. En ce vendredi printanier, le soleil qui vient de se lever inonde de ses rayons chauds le refuge des maquisards établi au domicile de Aïdoune Hmana. Dans cette retraite, un groupe de Moussebline prend quelques heures de repos en attendant de répondre à un éventuel commandement pour accomplir une éventuelle mission. Quelques-uns, allongés dans l’herbe, commencent une conversation amusante qui déchaîne leurs gros rires ; certains profitent de ce moment privilégié pour se raser ou faire une bonne toilette ; d’autres choisissent d’entretenir leurs armes : maigre arsenal composé de cinq fusils de chasse, un pistolet et quelques grenades.


Soudain, les guetteurs postés à Ighil Ouazline, une éminence offrant une vue plongeante sur le paysage alentour, donnent l’alerte. Ils viennent d’apercevoir un mouvement de troupes ennemies aux environs de la ferme du colon Tourneux. Rapidement, les vingt-six maquisards se regroupent et effectuent une action de repli vers le sommet de la montagne. Dans leur course, ils perçoivent un vrombissement lointain, puis de plus en plus rapproché. Un avion d’observation[1] tourne au-dessus de leurs têtes sans les attaquer.

Pourtant, d’habitude, ces appareils jettent des grenades fumigènes sur les fugitifs avant de les mitrailler. Peut-être veut-on d’abord évaluer le nombre de Moudjahidine et leur armement avant de lancer l’offensive ? Mais ce manège inhabituel éveille la méfiance des maquisards qui ne tardent pas à flairer le piège : l’avion cherche à orienter leur fuite vers un groupe de soldats cachés derrière un monticule prêts à tirer.
Au moment où les Moussebline effectuent hâtivement une dispersion pour déjouer l’objectif de l’ennemi, des tirs nourris éclatent. Les armes utilisées par les soldats français sont des fusils américains à double détonation. La deuxième qui se produit à l’impact de balle donne l’impression que l’ennemi est tout proche accentuant ainsi l’idée de danger imminent tout en provoquant un certain désarroi au sein du groupe en fuite.

Au milieu de la fusillade, deux avions de type T6 surgissent dans les airs et, aussitôt, ils lancent des roquettes et tirent de longues rafales sur les cibles mouvantes qui s’évanouissent dans les épais halliers sans déplorer aucune victime. Pendant ce temps, dans les deux versants de la montagne, les soldats se disposent en deux formations en ligne pour commencer une opération de ratissage dans les deux sens afin de prendre en étau les maquisards.

Un Moussebel, Hamdi saïd, dissimulé dans une brèche, retire de ses poches sa montre de gousset et 103 000 francs qu’il enfouit précipitamment dans la terre. Les soldats ne tarderont pas à le dénicher et l’exécuteront sur place. Le chahid remplissait les fonctions d’enseignant d’arabe dans le maquis.

Tahir Ali - surnommé Baba Ali – et son compagnon Kerkar Aïssa sont blottis derrière des buissons épineux. A trois cents mètres de leur cachette, ils entendent un harki jurer par ses grands dieux qu’il récupérera aujourd’hui même un pataugas[2] sur l’un des corps des Moussebline.
Baba Ali murmure à son camarade :

« Écoute, à mon signal jette ta grenade loin devant nous et déguerpis en vitesse. »

Baba Ali empoigne fermement son fusil à un coup et, conservant son sang-froid, il attend l’approche du harki. Quand celui-ci est à bonne distance, il fait un signe de la tête à son compagnon ; et au moment où la petite bombe explose, il tire sur le supplétif qui tombe en poussant un cri rauque. Baba Ali recharge rapidement son arme pour tirer une seconde fois mais le rifle s’enraye. Aussitôt, il emboîte le pas à Kerkar Aïssa et tous deux réussissent par miracle à regagner le lointain et inaccessible refuge de Mesbah.

Devant le déferlement des soldats français, les Moussebline Hamadi Hocine et Aïdoune Smaïl se défendent avec l’énergie du désespoir. Le premier tue un soldat et en blesse deux autres en lançant une grenade. Le second abat d’un seul coup de feu un officier. Au même moment, le hurlement d’un soldat met en garde ses camarades :

« Attention, ils sont dans les buissons ! Ils viennent de descendre le capitaine ! »

Les deux maquisards bondissent et se faufilent à travers les broussailles. Le maquis dense n’est plus qu’à une dizaine de mètres. Il faut l’atteindre à tout prix. Là, ils seront hors de danger et pourront regagner leur refuge. Mais à deux ou trois toises du salut, une décharge d’artillerie met fin à leur course. Ils tombent tous les deux, en même temps, sans un cri. L’âme en paix.

Sur le chemin du retour, les soldats découvrent un autre Moussebel, Hiouani Kaci, caché dans une excavation. Après l’avoir interrogé rudement sur ses compagnons sans lui soutirer aucune indication, ils l’abattent sur le champ. Plus loin, l’armée française rencontre un paysan sexagénaire, Djabri Ahmed, auquel elle réserve le même sort qu’au martyr Hiouani Kaci. Peu de temps après, des hélicoptères militaires atterrissent dans la plaine pour transporter les troupes françaises.

Le lendemain, au lever du soleil printanier, on procède à l’enterrement solennel des martyrs. Quelle belle récompense pour ces valeureux hommes que de mourir au champ d’honneur ! Et un vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire. Dans la cachette de Hamdi Saïd, on déterre l’argent et la montre de gousset. Le tic-tac de l’horloge portative continue toujours de battre comme les pulsations d’un cœur. Comme pour dire aux vivants que les maquisards morts renaissent toujours à travers la Révolution jusqu’au recouvrement de la liberté.

N’ayant pas digéré la perte d’un officier et d’un soldat, sans compter les blessés, le commandant de la garnison de Lhota - le capitaine Mathieu - décide de prendre des mesures de représailles pour venger ses hommes. Le dimanche dix-neuf avril, soit deux jours seulement après l’accrochage d’Ighil Ouhajtar, le violent chef militaire fait une intrusion avec ses troupes dans une exploitation forestière où huit ouvriers algériens dont un adolescent de seize ans coupent du bois.

Sans autre explication, les malheureux sont ligotés et conduits à la caserne. Là, ils subissent un interrogatoire musclé avant d’être ramenés au chantier pour y être sommairement exécutés, les mains toujours liés derrière le dos. Puis, les soldats se mettent en embuscade pour attendre les Moudjahidine qui viendront certainement emporter les leurs pour les enterrer. Mais le réseau d’agents de renseignements constitué par les bergers de la région a tôt fait d’avertir le maquis du piège tendu. Quelques jours plus tard, la puanteur pestilentielle dégagée par les cadavres en décomposition contraint les troupes embusquées à quitter leur poste de guet.

D’autres sacrifices seront consentis avant de voir briller le soleil de l’indépendance. Le soleil de la liberté. Le soleil de la mère Patrie...

[1] Un mouchard


[2] Chaussure montante en toile robuste et à semelle épaisse utilisée par les maquisards.
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Message  laic-aokas Mar 21 Juin - 12:56

source:

AOKAS : Histoire et faits d'armes (livre édité par l'association "Aokas mémoires") . un livre très intéressant à lire assurément !

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