La Kabylie nous appartient !

Le processus de réappropriation de l'identité kabyle par les kabyles de la Diaspora est en cours. Il fait écho au travail des autonomistes en Kabylie pour retrouver la souveraineté sur leur région.
Plus on avance, plus les cris d'orfraie, les insultes et les propos mensongers fleurissent. La visibilité des kabyles en gêne plus d'un.

Elle gêne tout d'abord l'algérien lambda, pas trop politisé et à qui on a appris à aimer son pays comme on aime ses parents : sans réfléchir. Celui-ci ne peut être que dérouté lorsque des individus font irruption pour affirmer qu'ils sont autre chose que ce qu'on leur a demandé d'être. L'algérien lambda est ainsi renvoyé à sa propre incapacité à surmonter cette servitude volontaire, ce conformisme identitaire, cette espèce d'obéissance patriotique. Il me fait penser à ceux que vise notamment Georges Brassens dans sa chanson "mauvaise réputation" : "Les braves gens n'aiment pas que, l'on suive une autre route qu'eux..."

Elle gêne les "islamistes". Ceux qui ont fait de la religion leur arme de destruction massive. Destruction de la conscience des individus. De leur capacité de prendre du recul sur eux mêmes et leur façon d'appréhender leur environnement et leur place dans ce même environnement.

Dieu est le créateur, nous lui devons tout, nous devons nous soumettre à lui et à sa volonté. Mais quelle est sa volonté ? Est-elle incarnée par Al-Qaida ? par le MSP ? par le Hamas ? par le FLN ? par Boutef ? par le mec qui me traite de harki et d'opportuniste ? Ont-ils eu une réunion secrète avec Dieu qui leur a donné une mission précise ? ou est le compte-rendu de cette réunion ? autant de questions que le cancre que je suis se pose...

Pour eux, l'affranchissement de la Kabylie, c'est la perte de parts de marché dans ce secteur juteux qu'est la religion. Car l'islam kabyle ne sera en aucun cas affilié à ces organisations de voyous. Il sera au contraire sécularisé et vivra en bonne harmonie avec les autres religions ainsi que la communauté des "non-croyants".

Elle gêne enfin les tenants de l'arabo-bathisme. Les efforts d'arabisation menés en Algérie depuis l'indépendance ne visent qu'à une chose : faire de la Kabylie une région sans histoire et sans avenir. Normaliser la région. Et mettre fin à son irrédentisme. L'éducation nationale algérienne continue inlassablement d'arabiser les Kabyles mais cela ne semble pas gêner le FFS et le RCD. Par contre l'autonomie de la Kabylie, avec la possibilité pour les Kabyles d'apprendre leur véritable histoire et leur langue... quelle horreur !

Ces obstacles sont évidemment à combattre et à surmonter. Pour cela, il faut s'armer de courage et de pérsévérance. Je serais véritablement un harki le jour ou je ferais allégeance à ces murs qui se dressent devant l'irrésistible cheminement de la Kabylie vers sa propre liberté. L'appartenance à telle ou telle religion ne doit pas détourner un kabyle de cette trajectoire. Et je cesserais d'être un homme si je me laissais impressionner par une armada de crétins plus enclins à dégainer le "gros mot" qu'à proposer des solutions pour sortir leur pays d'origine de l'impasse dans laquelle il se trouve à cause du MAK sans doute...

La société algérienne est une société ou l'on ne s'appartient pas. On appartient à une famille, un clan. L'individu n'existe pas. Et il n'existera jamais tant que le rouleau compresseur de la religion continuera son travail de lobotomisation. Etre musulman oui, ne pas être laïque non. La religion est une croyance subjective et personnelle et le restera. Bien-sûr, le mec qui a la foi est persuadé d'être dans le vrai et est convaincu qu'il serait coupable de ne pas tenter d'entrainer les autres dans son sillage. Mais cette considération ne résiste pas à la nécessaire liberté de conscience de l'individu. L'islam comme religion d'état, comme c'est le cas en Algérie, c'est un hold up mental.

Ce qui gêne l'algérien qui m'insulte, ce n'est pas ma participation aux assises contre l'islamisation. C'est avant tout le fait que j'ai refusé d'obéir à ceux qui veulent m'interdire ce qu'ils s'interdisent eux-mêmes. C'est le fait que je considère tout être humain doté de raison et sans considération de couleur, de sexe, de religion ou d'ethnie comme un interlocuteur potentiel. C'est le fait de me balader librement sur l'échiquier politique français, sans être tenu en laisse par le MRAP, SOS Racisme ou je ne sais quels "indigènes" d'une République qu'ils peuvent au moins insulter librement, pas de balles réelles de gendarmes algériens en vue...

Libérer la Kabylie, c'est se libérer soi-même. C'est prendre le risque de subir la réprobation et la haine des uns mais également le soutien et les encouragements des autres. Le FFS et le RCD ont voulu plaire à tous les algériens. Ils sont aujourd'hui délaissés par tous. A vouloir plaire à tout le monde, on finit par ne plaire à personne. Ce sont les kabyles libres qui libéreront la Kabylie et, par la même, les kabyles eux-mêmes. Les insultes que les Kabyles aliénés profèrent à ceux qui tentent de leur ouvrir les yeux n'est que la matérialisation de leur mal-être.

La Kabylie appartient à ceux qui affirment leur kabylité. Je ne parle pas du territoire, qui est un morceau de terre qui appartient à toutes les espèces du monde. Je parle de la culture, des valeurs, de l'état d'esprit. Ces concepts recouvrent les frontières de notre région mais transcendent le seul territoire kabyle. C'est la raison pour laquelle les Kabyles de la Diaspora doivent jouer un rôle moteur dans ce processus.

Arezki BAKIR
Président du Haut Conseil des Kabyles de la Diaspora