L'Arabie saoudite va réviser les recueils de hadiths et Sahih Al Boukhari
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L'Arabie saoudite va réviser les recueils de hadiths et Sahih Al Boukhari
L'Arabie saoudite va réviser les recueils de hadiths et Sahih Al Boukhari
Par N. E.
Mardi 28 novembre 2017 à 15h18
(Photo AFP)
C’est un événement considérable et peut-être historique. L’Arabie saoudite a annoncé en octobre, sans trop de tapage, la création d’un Centre des hadiths du Prophète. Ce centre devra “expurger les compilations des faux hadiths, de ceux qui sont en contradiction avec le Coran ou de ceux qui sont utilisés pour justifier et alimenter le terrorisme“.
Cette décision a pris la forme d’un décret du Roi Salmane. Pour en saisir la portée, il faut savoir :
-que l’Arabie saoudite est la gardienne de l’Islam sunnite le plus orthodoxe;
-qu’elle est la gardienne des Lieux saints;
-que de nombreux hadiths sont le fondement du wahhabisme;
-que le wahhabisme et le pacte de Najd sont le fondement de l’Etat saoudien actuel, depuis environ trois siècles;
-que les hadiths et ce qu’on appelle plus largement la Tradition, sont la seconde source de législation chez la majorité des musulmans orthodoxes, après le Coran et avant l’analogie et le consensus de “ceux qui lient et délient“.
Pour tout résumer, les recueils des hadiths (paroles ou actes du Prophète, collectés plus de deux siècles après sa mort) sont souvent sacralisés au point que de nombreux critiques ont subi les foudres de leurs contemporains.
Comme le disait Mohamed Arkoune, “la charia est œuvre humaine“, et elle a utilisé pour cela des hadiths dont l’authenticité n’est pas toujours garantie, loin de là, ainsi que le consensus des théologiens (ceux qui lient et délient, اهل الحل و العقد) et l’analogie, de sorte à fermer toute porte à l’Ijtihad (effort d’interprétation).
Le nouveau Centre sera basé à Médine. Sa direction a été confiée à un membre connu de la famille Al Cheikh, descendant de Mohamed Ibn Abdelwahab, fondateur du wahhabisme. Un “conseil scientifique international“ sera constitué pour mener ce travail de purge.
Le décret royal saoudien est daté du 18 octobre. Il a été peu médiatisé. L’objectif assigné au centre est de “contribuer à diffuser la pensée modérée, l’Islam modéré“.
Depuis deux ans et de plus en plus fort, MbS annonce un retour au “vrai Islam“ en Arabie saoudite et une ouverture de la société vers le monde et vers la culture. Il autorise les femmes à conduire.
Des cinémas, festivals, concerts de musique sont organisés publiquement. Un séisme, accueilli favorablement par la jeunesse saoudienne et une grande partie de la société, selon les témoignages concordants rapportés de sources médiatiques crédibles. Un séisme qui referme la parenthèse de la Sahwa (littéralement l’éveil), qui a duré plus de trente ans à partir de 1979, date de la “révolution iranienne“, et qui avait redonné les clés de la société aux théologiens les plus conservateurs.
MbS s’attaque donc frontalement à un fondement de l’Etat saoudien, le wahhabisme et à ce positionnement saoudien qui veut que ce pays soit le plus orthodoxe d’entre tous les pays musulmans.
Le projet de MbS est ambitieux et global: lutte contre les extrémismes au nom de la religion, transformation sociale et culturelle, ouverture de la société, création d’une économie qui s’affranchit de la rentre pétrolière, lutte contre la corruption, davantage de pouvoir aux citoyens… Bref, le début d’un cheminement vers un Etat moderne.
Le futur Roi saoudien, âgé seulement de 32 ans, ouvre toutefois de nombreux fronts en même temps: Yémen, Iran, Syrie, Qatar, Liban, lutte anti-corruption, attaque frontale contre les conservateurs et le wahhabisme. Est-il pressé de faire évoluer son pays? Ou bien ne mesure-t-il pas les dangers de cette démarche? L’avenir le dira.
Les recueils de hadiths dans de nombreux milieux musulmans sont sacralisés. Les travaux et prises de position critiques existent, de la part de penseurs ou parfois des théologiens, à l’instar de Sobhi Mansour, Hassan Farhane Maliki ou Mohamed Abdallah Nasr.
La dernière révision en date, celle-là acceptée par la plus grande partie des milieux conservateurs, est celle d’Al Albani. L’étude critique de la genèse des hadiths montre clairement l’existence de nombreux (voire d’une majorité) de hadiths “posés“ ou faux hadiths, inventés pour servir une ethnie, une confession, un pouvoir politique… Le recueil officiel saoudien de Sahih Al-Bukhari est consultable ici en format numérique.
La décision saoudienne, si elle est exécutée de la manière dont elle a été annoncée, fait tomber un mur, une muraille même et ouvrira une brèche vers un début de rationalité dans l’étude des corpus islamiques.
Une brèche qui ouvre la voie à toutes les éventualités, car les idéologies extrêmes ne résistent que dans la fermeture la plus totale.
Par N. E.
Mardi 28 novembre 2017 à 15h18
9013 511 16Google +4 PDF Imprimer
(Photo AFP)
C’est un événement considérable et peut-être historique. L’Arabie saoudite a annoncé en octobre, sans trop de tapage, la création d’un Centre des hadiths du Prophète. Ce centre devra “expurger les compilations des faux hadiths, de ceux qui sont en contradiction avec le Coran ou de ceux qui sont utilisés pour justifier et alimenter le terrorisme“.
Cette décision a pris la forme d’un décret du Roi Salmane. Pour en saisir la portée, il faut savoir :
-que l’Arabie saoudite est la gardienne de l’Islam sunnite le plus orthodoxe;
-qu’elle est la gardienne des Lieux saints;
-que de nombreux hadiths sont le fondement du wahhabisme;
-que le wahhabisme et le pacte de Najd sont le fondement de l’Etat saoudien actuel, depuis environ trois siècles;
-que les hadiths et ce qu’on appelle plus largement la Tradition, sont la seconde source de législation chez la majorité des musulmans orthodoxes, après le Coran et avant l’analogie et le consensus de “ceux qui lient et délient“.
Pour tout résumer, les recueils des hadiths (paroles ou actes du Prophète, collectés plus de deux siècles après sa mort) sont souvent sacralisés au point que de nombreux critiques ont subi les foudres de leurs contemporains.
Comme le disait Mohamed Arkoune, “la charia est œuvre humaine“, et elle a utilisé pour cela des hadiths dont l’authenticité n’est pas toujours garantie, loin de là, ainsi que le consensus des théologiens (ceux qui lient et délient, اهل الحل و العقد) et l’analogie, de sorte à fermer toute porte à l’Ijtihad (effort d’interprétation).
Le nouveau Centre sera basé à Médine. Sa direction a été confiée à un membre connu de la famille Al Cheikh, descendant de Mohamed Ibn Abdelwahab, fondateur du wahhabisme. Un “conseil scientifique international“ sera constitué pour mener ce travail de purge.
Le décret royal saoudien est daté du 18 octobre. Il a été peu médiatisé. L’objectif assigné au centre est de “contribuer à diffuser la pensée modérée, l’Islam modéré“.
Depuis deux ans et de plus en plus fort, MbS annonce un retour au “vrai Islam“ en Arabie saoudite et une ouverture de la société vers le monde et vers la culture. Il autorise les femmes à conduire.
Des cinémas, festivals, concerts de musique sont organisés publiquement. Un séisme, accueilli favorablement par la jeunesse saoudienne et une grande partie de la société, selon les témoignages concordants rapportés de sources médiatiques crédibles. Un séisme qui referme la parenthèse de la Sahwa (littéralement l’éveil), qui a duré plus de trente ans à partir de 1979, date de la “révolution iranienne“, et qui avait redonné les clés de la société aux théologiens les plus conservateurs.
“Nous allons détruire immédiatement les pensées extrémistes“
Plus récemment, dans des interviews notamment, il a annoncé le retour définitif au “vrai Islam“.MbS s’attaque donc frontalement à un fondement de l’Etat saoudien, le wahhabisme et à ce positionnement saoudien qui veut que ce pays soit le plus orthodoxe d’entre tous les pays musulmans.
Le projet de MbS est ambitieux et global: lutte contre les extrémismes au nom de la religion, transformation sociale et culturelle, ouverture de la société, création d’une économie qui s’affranchit de la rentre pétrolière, lutte contre la corruption, davantage de pouvoir aux citoyens… Bref, le début d’un cheminement vers un Etat moderne.
Le futur Roi saoudien, âgé seulement de 32 ans, ouvre toutefois de nombreux fronts en même temps: Yémen, Iran, Syrie, Qatar, Liban, lutte anti-corruption, attaque frontale contre les conservateurs et le wahhabisme. Est-il pressé de faire évoluer son pays? Ou bien ne mesure-t-il pas les dangers de cette démarche? L’avenir le dira.
Les recueils de hadiths dans de nombreux milieux musulmans sont sacralisés. Les travaux et prises de position critiques existent, de la part de penseurs ou parfois des théologiens, à l’instar de Sobhi Mansour, Hassan Farhane Maliki ou Mohamed Abdallah Nasr.
La dernière révision en date, celle-là acceptée par la plus grande partie des milieux conservateurs, est celle d’Al Albani. L’étude critique de la genèse des hadiths montre clairement l’existence de nombreux (voire d’une majorité) de hadiths “posés“ ou faux hadiths, inventés pour servir une ethnie, une confession, un pouvoir politique… Le recueil officiel saoudien de Sahih Al-Bukhari est consultable ici en format numérique.
La décision saoudienne, si elle est exécutée de la manière dont elle a été annoncée, fait tomber un mur, une muraille même et ouvrira une brèche vers un début de rationalité dans l’étude des corpus islamiques.
Une brèche qui ouvre la voie à toutes les éventualités, car les idéologies extrêmes ne résistent que dans la fermeture la plus totale.
folle- Nombre de messages : 3347
Date d'inscription : 25/01/2009
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