Le temps des assassins.
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Le temps des assassins.
L'Algérie assassinée.
Partout où l’on regarde, le pays offre le spectacle
d’un inexorable mouvement de
régression nationale. Sous prétexte d’assainissement,
l’espace national est nettoyé de tout ce
qui ressemble à un coin de liberté, de convivialité,
de raison, de science ou de culture.
Méthodiquement. Dans cette oeuvre de désertification
intellectuelle, morale et esthétique, il y a
des étapes à marquer d’une pierre blanche.
Noire, plutôt.
Il doit en être ainsi de la fermeture prochaine
de la librairie des Beaux-Arts. La dérive, soutenue par une
étrange ambiance de régression, s’attaque, depuis longtemps, à
tout ce qui exprime l’intelligence ou le goût. De la dégradation du
bâti à la détérioration des jardins publics, en passant par l’abandon
des lieux de culture, un long processus national d’enlaidissement
a fini par bidonvilliser notre cadre de vie.
Ce travail d’anéantissement ne concerne pas que le patrimoine
matériel. Une arabisation d’exclusion a progressivement marginalisé
le capital intellectuel de la génération d’après-guerre avant de
former des enfants et des jeunes qui ne peuvent accéder qu’à l’indigent
fonds de connaissances et de méthodes que véhicule une
langue arabe, aujourd’hui prioritairement consacrée à l’incantation
et au fanatisme. Le programme scolaire achève de parfaire l’effet
objectif de la langue.
On l’observe, on apprend à nos enfants à ne pas lire. La lecture,
phénomène résiduel, est ainsi plus facilement combattue. La
“pédagogie” du sevrage littéraire des élèves et des étudiants peut
être bien efficace plus que la censure du ministère de la “Culture”.
Ce travail d’assèchement culturel se fait au nom du recouvrement
identitaire et de l’assainissement moral de la société. Ici, il
faut nous conformer linguistiquement à notre personnalité arabe, à
l’exclusion de toute souillure étrangère ; là, il s’agit de fermer les
parcs qui accueillent les faux couples et les vrais alcoolisants, làbas,
il est question d’abattre les statuettes sacrilèges qui ornent les
cages d’escalier. Musique, cinéma, restauration, boisson… librairie.
Par pans successifs, l’espace public est purgé de tout ce qui
n’est pas agréé par l’idéologie de la pensée totale.
Bientôt viendra donc le tour de la libraire des Beaux-Arts. Celleci
n’a pas cédé au mouvement d’éradication général et graduel.
Mais le propriétaire immobilier a eu l’idée, paraît-il, de demander
un loyer prohibitif. Et comme on connaît au libraire quelques défavorables
précédents, notamment l’édition et la diffusion des livres
de Benchicou, le litige commercial semble bien tomber.
Le GIA a assassiné Vincent, son gérant historique en 1994. On
allait oublier qu’il pouvait arriver pire : tuer des librairies.
L’effondrement national semble vouloir aller jusqu’à son parachèvement.
Dans une étrange indifférence.
Le personnage du Dernier été de la raison, dernier roman de
Djaout publié à titre posthume, est un petit libraire qui finit seul
parce que tout le monde, sa femme et ses enfants compris, a
rejoint le monde nouveau et absurde de ceux qu’il appelle les F. V.
(pour “frères vigiles”) ; il n’a plus que les livres comme fenêtre sur
le monde. “(…) Le cours des temps s’est comme affolé, et il est difficile
de jurer du visage du lendemain”, dit-il.
M. H.
CONTRECHAMP La mort d’une (autre) librairie
PAR M. HAMMOUCHE
musthammouche@yahoo.fr
Partout où l’on regarde, le pays offre le spectacle
d’un inexorable mouvement de
régression nationale. Sous prétexte d’assainissement,
l’espace national est nettoyé de tout ce
qui ressemble à un coin de liberté, de convivialité,
de raison, de science ou de culture.
Méthodiquement. Dans cette oeuvre de désertification
intellectuelle, morale et esthétique, il y a
des étapes à marquer d’une pierre blanche.
Noire, plutôt.
Il doit en être ainsi de la fermeture prochaine
de la librairie des Beaux-Arts. La dérive, soutenue par une
étrange ambiance de régression, s’attaque, depuis longtemps, à
tout ce qui exprime l’intelligence ou le goût. De la dégradation du
bâti à la détérioration des jardins publics, en passant par l’abandon
des lieux de culture, un long processus national d’enlaidissement
a fini par bidonvilliser notre cadre de vie.
Ce travail d’anéantissement ne concerne pas que le patrimoine
matériel. Une arabisation d’exclusion a progressivement marginalisé
le capital intellectuel de la génération d’après-guerre avant de
former des enfants et des jeunes qui ne peuvent accéder qu’à l’indigent
fonds de connaissances et de méthodes que véhicule une
langue arabe, aujourd’hui prioritairement consacrée à l’incantation
et au fanatisme. Le programme scolaire achève de parfaire l’effet
objectif de la langue.
On l’observe, on apprend à nos enfants à ne pas lire. La lecture,
phénomène résiduel, est ainsi plus facilement combattue. La
“pédagogie” du sevrage littéraire des élèves et des étudiants peut
être bien efficace plus que la censure du ministère de la “Culture”.
Ce travail d’assèchement culturel se fait au nom du recouvrement
identitaire et de l’assainissement moral de la société. Ici, il
faut nous conformer linguistiquement à notre personnalité arabe, à
l’exclusion de toute souillure étrangère ; là, il s’agit de fermer les
parcs qui accueillent les faux couples et les vrais alcoolisants, làbas,
il est question d’abattre les statuettes sacrilèges qui ornent les
cages d’escalier. Musique, cinéma, restauration, boisson… librairie.
Par pans successifs, l’espace public est purgé de tout ce qui
n’est pas agréé par l’idéologie de la pensée totale.
Bientôt viendra donc le tour de la libraire des Beaux-Arts. Celleci
n’a pas cédé au mouvement d’éradication général et graduel.
Mais le propriétaire immobilier a eu l’idée, paraît-il, de demander
un loyer prohibitif. Et comme on connaît au libraire quelques défavorables
précédents, notamment l’édition et la diffusion des livres
de Benchicou, le litige commercial semble bien tomber.
Le GIA a assassiné Vincent, son gérant historique en 1994. On
allait oublier qu’il pouvait arriver pire : tuer des librairies.
L’effondrement national semble vouloir aller jusqu’à son parachèvement.
Dans une étrange indifférence.
Le personnage du Dernier été de la raison, dernier roman de
Djaout publié à titre posthume, est un petit libraire qui finit seul
parce que tout le monde, sa femme et ses enfants compris, a
rejoint le monde nouveau et absurde de ceux qu’il appelle les F. V.
(pour “frères vigiles”) ; il n’a plus que les livres comme fenêtre sur
le monde. “(…) Le cours des temps s’est comme affolé, et il est difficile
de jurer du visage du lendemain”, dit-il.
M. H.
CONTRECHAMP La mort d’une (autre) librairie
PAR M. HAMMOUCHE
musthammouche@yahoo.fr
Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: Le temps des assassins.
je cite" un long processus national d’enlaidissement a fini par bidonvilliser notre cadre de vie."
il a aussi bidonvilliser les mentalités
il a aussi bidonvilliser les mentalités
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