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Réponse à l’article de Mohamed Kali, paru à El-Watan, le 30 mars 2013

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Message  Red@_Senoune Mer 24 Avr - 21:45

Réponse à l’article de Mohamed Kali, paru à El-Watan, le 30 mars 2013

« CONTRE LA POLITIQUE DE DEPRAVATION DU THEATRE »


Il y a beaucoup de contrevérités dans l’article de Mohamed Kali (voir El-Watan, rubrique Arts et Lettres, du 30 mars 2013) quand il a longuement évoqué sur un ton fielleux ce qu’aurait injustement enduré le metteur en scène Kaddour Naïmi lors de son passage scandaleusement raté au Théâtre Régional de Bejaïa pour monter sa pièce Lahnana ya oueled (La Tendresse, les gars )initialement prévue en ouverture du calamiteux 4ème Festival international du théâtre de Bejaïa (FITB) tenu en octobre-novembre 2012.

D’abord, rétablissons sans tendresse cette vérité. Quelque glorieux que fut l’apport de Naïmi au Théâtre de la mer qu’il a lui-même fondé, cela n’omettra pas le fait que sa pièce ait été d’une affligeante médiocrité, selon le public averti Bedjaoui. Voici ce qu’a écrit en plus la journaliste W.S. dans le quotidien La Tribune du 02 novembre 2012 : « L’histoire (de Lahnana ya ouled ) est d’une platitude désolante, le metteur en scène a carrément raté son coup. La pièce sera achevée par la direction artistique et l’interprétation des comédiens qui ont été lamentables. La réaction des amoureux du 4ème art sera on ne peut plus critique. Certains diront qu’ils étaient carrément sous le choc (...) » Faisant réagir un spectateur, la journaliste poursuivra sur une note désespérante : « Franchement, ils ne pouvaient pas faire pire que ça ! »

Il ne s’agit pas là d’une injure gratuite lancée à la face du metteur en scène dont l’œuvre n’aurait pas su rallier les suffrages. Cela aussi peut faire partie du parcours d’un artiste, fut-il d’une compétence reconnue.

Cette pièce a quand même été programmée sans qu’elle n’ait eu le moindre mérite. Mais pourquoi donc a-t-elle été maintenue ? Sur quels critères artistiques le commissaire du festival s’était-il basés pour choisir à l’avance Lahnana ya ouled comme pièce inagurale du FITB ? Les esprits avertis ne seraient pas étonnés d’apprendre que K.Naïmi aurait été directement parachuté à Bejaïa par le ministère de la Culture pour monter sa pièce en ayant des faveurs et largesses quasiment uniques dans les annales du TRB. Lahnana...aura englouti plus de six cents millions dont une bonne part glissera pesamment comme un lingot d’or dans les poches de Naïmi.

Celui-ci est donc bien mal placé en se posant aujourd’hui en victime d’une fausse censure, car si son texte avait été soumis à une véritable commission de lecture, il n’aurait eu aucune chance d’être sélectionné pour un festival de quelque envergure que ce soit d’ailleurs. A quelques exceptions près, les autres pièces représentées pendant le FITB ont été d’une piètre qualité. On se demande alors pourquoi un tel Festival et pourquoi avoir dépensé plus de douze milliards pour le tenir si c’est uniquement pour dévaluer aussi lamentablement l’art théâtral ?

La revue du Festival, censée privilégier l’esprit critique et d’analyse sur les pièces présentées au public, a été sans égale dans la complaisance. Et ce ne sera pas la télévision d’Etat qui réussira à transformer l’échec en réussite rien qu’en montrant des scènes de liesse d’un jeune public affluant avec enthousiasme vers le Théâtre de Bejaïa. Dommage d’ailleurs que cet engouement et cet espoir de retrouvailles entre le théâtre et son public furent ruinés par la supercherie officielle.

Mohamed Kali, en s’appuyant sur sa longue expérience de journaliste, aurait sans doute beaucoup apporté au débat sur l’effarante baisse du niveau du théâtre algérien dangereusement aggravé par la gestion clientéliste de nos théâtres régionaux. Celui de Bejaïa n’en fera pas exception en dépit du prestige dont voudrait l’auréoler les officiels et une opinion locale platement intéressée. L’échec sidérant du FITB traduit l’incompétence et la légèreté caractérisant l’esprit de ses initiateurs, ayant bigrement pêché par un tel manque de vision sur leur action qu’on croirait que cela aurait été délibérément voulu.

Mais, si l’on doit approfondir quelque peu la réflexion sur l’échec du FITB, il faudra inévitablement évoquer les questions d’ordre politique et idéologique. Dans son projet de politique culturelle, le ministère de la Culture ne se soucie guère de la promotion du théâtre comme d’ailleurs des autres domaines artistiques, pour la simple raison que le théâtre est toujours considéré par l’Etat algérien comme un art subversif pouvant alimenter l’esprit de contestation chez le public. Les responsables du FITB leur préfèreront bien sûr un théâtre inoffensif politiquement et sans originalité esthétique.

L’idéologie officielle étant à l’islamisation de la société, le gouvernement algérien s’est chargé avec beaucoup d’efficacité à l’affaiblissement et la folklorisation de l’art pour réduire la capacité d’influence qu’il peut exercer sur les esprits. C’est l’une des conséquences d’un compromis mortifère passé entre les autorités du pays et l’intégrisme religieux.

Au TRB comme chez beaucoup d’autres théâtres régionaux, il y a de plus en plus de nouvelles œuvres à connotation religieuse. Le qamis blanc immaculé et le djilbab sont les nouveaux costumes étouffant nos comédiens, campant des personnages « historico-religieux ». C’est le théâtre qui se met au diapason de la nouvelle idéologie officielle.





Les dépenses faramineuses consacrées au FITB, comme aux autres festivals culturels, ne servent tout compte fait qu’à entretenir l’illusion que la culture est prétendument prise en charge par les officiels. La persistance de cette illusion réside aussi dans l’attitude complaisante d’un nombre important de personnes animant la scène culturelle et artistique.

Quand on sait qu’au dernier Festival du cinéma amazigh, peut-être le dernier au monde en termes de qualité, on pouvait accepter n’importe quoi, y compris les Mucucu, primer n’importe quel film, il y a de quoi désespérer définitivement d’autant qu’aucun cri d’indignation ne se fût entendre dans nos médias ni auprès de nos cinéastes. Seul le commérage fait office de baromètre d’une opinion circonscrite dans le microcosme culturel de la région.

L’encouragement de la médiocrité dans la création artistique en général reste un objectif stratégique pour les officiels. Et ce sont les festivals culturels, financés à outrance, qui s’arogent l’insigne honneur des récompenses pompeuses célébrées devant des caméras, sous les feux scintillants des projecteurs, au milieu d’une foule joyeuse aux regards allumés, prête à applaudir à tout rompre. Les médias sont toujours là pour immortaliser la forfaiture. L’illusion prend ainsi la forme d’une vérité admise plus par habitude que par conviction et gare aux voix et plumes discordantes !

C’est dans cette ambiance glauque que Kaddour Naïmi, pour revenir une dernière fois à lui, s’illustra par sa nouvelle création théâtrale, attiré, semble-t-il, par le fascinant appât du gain facile. Le trabendo a fait un joli saut sur les tréteaux.

Mais, au-delà de cette réaction succincte aux affirmations pas vraiment fondées d’un journaliste mal informé, il y a aussi urgence à s’insurger contre cette effroyable descente aux enfers de notre théâtre.

D’abord, il semble qu’il serait plus profitable de reverser l’argent inutilement dépensé pour le FITB pour un projet de création d’une annexe de l’Ismas (Institut supérieur des métiers des arts du spectacle) à Bejaïa pour dispenser une formation académique à nos futurs comédiens qui en auront tant besoin.

Il y a lieu aussi de permaniser sans attendre les comédiennes et comédiens du TRB au lieu de continuer à les fragiliser en leur imposant depuis des lustres un statut dégradant de contractuel. Le chantage de la cessation de contrat est constamment brandi comme une épée de Damoclès sur la tête des récalcitrants.

L’institution d’une commission de lecture digne de ce nom, pouvant distinguer, en se basant sur des critères artistiques bien définis, une œuvre valable de celle qui ne l’est pas, doit remplacer celle qui existe aujourd’hui, car elle a toujours été fantoche et a permis complaisamment à des pièces de théâtre sans valeur artistique d’être acceptées et financées, bénéficiant en plus de tournées nationales. Tournée générale pour tous et buvons à la santé du théâtre.

La liberté de création est un principe qu’il faudra consacrer afin de permettre aux comédiens et metteurs en scène d’opter pour des textes de leur choix, exprimant le mieux leurs idées philosophiques et leurs conceptions propres de leur esthétique théâtrale.

La reconquête du public théâtral, perdu, à quelques exceptions près, à cause des pièces médiocres qu’on lui présente, doit être un grand objectif pour le TRB, les comédiens et les metteurs en scène.

L’ouverture du TRB aux troupes et metteurs en scène indépendants est une exigence de l’heure, car cela permettrait une redynamisation de la création théâtrale.

La critique ne joue quasiment aucun rôle dans la vie théâtrale. Elle ne situe pas non plus l’évolution de la nouvelle production théâtrale au double plan thématique et esthétique. Elle ne nous rend pas compte de son analyse rigoureuse sur la décadence du 4ème art, pris en otage depuis des lustres par une caste de dramaturges clientélistes et profiteurs, confortablement assis sur une pyramide d’argent acquis au fil des ans à l’ombre d’une politique de dépravation des mœurs en milieu artistique.

Il y a lieu enfin d’initier un débat public, sérieux, fécond, sur les causes profondes qui minent le théâtre, afin d’en dégager les perspectives de sa redynamisation pour que notre société se réconcilie avec le théâtre qu’elle veut, pas celui qu’on aura choisi pour elle.

Kader Sadji

Citoyen de Bejaïa. Le 16 Avril 2013
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