Sur le mur de Wassila Tamzali

Ettakatol coupe les ponts avec Ennahda. Une très bonne nouvelle. Mais demeure la question de fond : comment ce parti a-t-il pu être «sur le pont» avec un parti islamiste ? Comment, dans ce moment fondateur de la nouvelle République tunisienne, ce parti, une des garanties pour la réalisation du projet démocratique et républicain, avait-il pu envisager une alliance avec un parti religieux ? Croyait-il en l’islam politique modéré, cette fausse bonne idée européenne ou n’était-il préoccupé que par la conquête du pouvoir ? Alors pensait-il utiliser cet allié contre nature à son avantage ? S’il s’agissait d’une stratégie, qu’a-t-il fait pour assurer à ses idées leur inscription dans le débat politique et convoquer le peuple à ce débat ? Ettakatol et aucun autre parti de gauche n’a mis au centre de ses propositions la question ouverte par la révolution à la Tunisie et à tous nos pays, inscrits ou non sur la liste des révolutions arabes : la question de la laïcité. Invitée à un meeting de Ettakatol à Paris pendant la campagne électorale, je me suis faite rabrouer : «Nous ne sommes pas des laïcs, nous oeuvrons pour la séparation de la religion et de la politique, mais nous sommes une société musulmane.» Comme si je ne le savais pas. Je tombais de haut. Réponse : si vous ne mettez pas à votre agenda la laïcité qui représente un ensemble de valeurs sans quoi l’on vide de son sens ce principe et ceux de la démocratie et en premier lieu la liberté de conscience, personne ne le fera pour vous. La majorité islamiste aura beau jeu de dire, quand elle aura conquis démocratiquement le droit de parler au nom de nous tous, qu’en Tunisie personne ne veut de la laïcité. C’est exactement ce qu’a dit Ghannouchi. Depuis que j’ai vu le film allemand En cas de grand danger le chemin du milieu mène directement à la mort, je n’ai pas oublié ce titre. Il me sert de guide. Il m’a beaucoup servi, il me sert encore et me servira longtemps. Aussi longtemps qu’il y aura des politiques timorés ou magouilleurs ou inconscients pour prendre le chemin du milieu qui, pensent-ils à tort, les conduira au pouvoir.



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