Le réseau Wassila, un peu de douceur dans un monde de brutes
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Le réseau Wassila, un peu de douceur dans un monde de brutes
Mehdia Belkadi El Watan : 25 - 11 - 2011
Pour la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, vendredi 25 novembre, El Watan Week-end s'est intéressé au réseau Wassila. A l'envers du décor. Dans l'intimité de ce refuge, où les bénévoles présentes depuis dix ans doivent aujourd'hui faire face à un nouveau défi, celui du renouvellement.
«Houria a rappelé. Elle est dans un état critique. Mère de famille, séquestrée, régulièrement battue par son mari, elle a été poignardée à deux reprises. Ses plaintes à la police n'avaient pas été prises au sérieux. La juge lui a refusé le divorce et a opté pour un retour au domicile conjugal. La maîtresse de son mari s'y trouve et son fils menace de tuer son père.» Aïcha Hamza, sage-femme, manifeste ainsi son inquiétude lors de la réunion hebdomadaire des membres du réseau Wassila. Au menu comme tous les dimanche : le suivi des permanences. Chaque mardi et jeudi, des femmes viennent au siège du réseau, à SOS Village d'enfants de Draria, raconter leur détresse.
Les militantes les écoutent, parfois pendant des heures, leur ouvrent un dossier, prennent note à partir des témoignages et enregistrent leurs requêtes. Fiche à la main, elles exposent la situation de la femme reçue pendant la réunion. Ici, on ne parle pas de «cas» mais de femmes. Elles sont appelées par leur prénom. Le suivi et le bilan de la prise en charge sont obligatoires. Les militantes discutent de la situation de la femme reçue, jugent son évolution et soulignent la nature de l'aide qu'il lui faut. Un autre dossier, une autre femme. «Chassée du foyer par ses parents, Nabila erre et n'arrive toujours pas à reprendre sa baraque, expose à son tour une autre bénévole. Elle se bat seule pour faire reconnaître la paternité de ses enfants suite à un faux mariage. L'aîné a 6 ans et n'est toujours pas scolarisé. Elle ne voit pas de médecins et ne prend pas de contraceptifs».
Autonomie
Les femmes du réseau débattent. Aïcha Hamza met l'accent sur l'importance d'un suivi médical et d'une contraception. Aïcha Abed, médecin, souligne l'urgence de l'amener à accepter de faire des tests de dépistage de maladies sexuellement transmissibles (MST) et lui apprendre à se protéger. Très vite, on relève que son enfant doit être scolarisé et on décide d'un accompagnement juridique. «Très souvent, ces femmes ne savent pas qu'elles sont victimes d'injustice et que leurs droits sont garantis par la loi», expliquent les militantes. «On va aider Nabila à prendre conscience de son statut de victime. Elle n'est pas coupable et ne doit pas aller vers l'autodestruction. Elle a droit à une réparation, et c'est cette réparation juridique qui va l'aider à aller de l'avant», explique Fatma Oussedik, sociologue.
Bien qu'il arrive aux membres du réseau d'assister des femmes matériellement (on leur offre de l'argent et/ou des vêtements), leur priorité est de garantir leur autonomie. Il faut trouver un toit et un travail à la jeune femme. Les femmes mobilisées cherchent à savoir si elle peut bénéficier du Programme de renforcement de la famille. Sur le mur de la salle de réunion, une liste d'offres d'emploi est accrochée. Elles y jettent un œil. Ecoute, aide matérielle, assistance médicale et psychologique ou accompagnement juridique, tout y est. C'est de ce souci de prise en charge globale de la victime de violence que l'idée d'un groupe multidisciplinaire, le réseau, est née.
Wassila
Tout le monde connaît le réseau Wassila, mais d'où vient son nom ? Wassila est ce qu'on appelle «une pupille de la nation». Prise en kaffala puis abandonnée, elle se retrouve à la rue et devient mère célibataire. Là n'est que le début de l'enfer qu'elle vivra par la suite. Lors d'un séminaire, l'association SOS femmes en détresse présente Wassila à un parterre de militants pour les droits humains et de spécialistes de différentes formations. «La détresse de la jeune femme a révélé les dysfonctionnements des appareils de l'Etat et montré les limites du travail caritatif», explique Louisa Aït Hamou, membre du réseau. Et d'ajouter : «La victime devait être prise en charge dans son entité globale.
Pour cela, il fallait travailler en collaboration avec différents organes et spécialistes, d'où l'idée d'un groupe d'action et de réflexion, regroupant des individus et des associations. Il est important de venir en aide à ces femmes directement, mais il faut rendre visible cette violence, organiser des journées d'étude et de sensibilisation, rédiger des publications, travailler avec les médias, etc.» Le réseau fait donc appel à ses personnes-ressources : médecins, psychologues, juristes et administrateurs dans des institutions publiques pour soutenir les victimes dans leur «parcours du combattant». Et cela dure depuis 2000, l'année de sa création. Il regroupe désormais 28 associations et institutions. Ces dernières orientent des victimes vers les femmes bénévoles du réseau, ou les reçoivent.
Fenêtre d'évasion
Le réseau vient de publier le Livre Blanc, un recueil de témoignages de violences contre les femmes et les enfants. ses membres continue nt d'œuvrer sur le terrain, en apportant une aide concrète aux femmes violentées et en se battant pour garantir les droits des femmes dans les textes de loi et pour leur application. D'où puisent-elles la force d'assurer leur travail d'épouses, de mères, parfois de grand-mères, et leur carrière professionnelle et de militantes ? Ce sont justement «ces braves femmes» qu'elles reçoivent qui font leur force. Nadia Ouarek Amedjouk se souvient de cette «mère illettrée, qui avait caché son handicap à ses enfants. Elle faisait semblant de corriger leurs devoirs en mettant du rouge sur leurs cahiers. Des femmes pareilles m'apportent beaucoup. On donne, mais on reçoit autant», explique-t-elle. Rekia Nacer, elle, raconte qu'«en pleine période de terrorisme, alors que le couvre-feu était de rigueur, des jeunes discutaient et riaient fort dehors.
On s'interrogeait sur l'absence de peur chez eux. Je répondais qu'ils avaient leur propre système de défense». C'est un peu ce qu'elles font. «On se crée des fenêtres pour s'évader. On sort parfois. Et puis on se parle», explique Aïcha Hamza. Comme pendant la pause de la réunion. L'une des militantes apporte du thé et de la tamina, pour célébrer la naissance de son petit-fils. Prochain rendez-vous autour d'une table, ce sera pour fêter l'anniversaire de l'une d'entre elles. Simple hasard du calendrier mais le hasard fait bien les choses, ce sera ce 25 novembre, Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes ! Ce qui rappelle à ces femmes qu'elles ont du pain sur la planche. Les travaux de la réunion reprennent de plus belle. La fenêtre d'évasion est fermée.
Pour la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, vendredi 25 novembre, El Watan Week-end s'est intéressé au réseau Wassila. A l'envers du décor. Dans l'intimité de ce refuge, où les bénévoles présentes depuis dix ans doivent aujourd'hui faire face à un nouveau défi, celui du renouvellement.
«Houria a rappelé. Elle est dans un état critique. Mère de famille, séquestrée, régulièrement battue par son mari, elle a été poignardée à deux reprises. Ses plaintes à la police n'avaient pas été prises au sérieux. La juge lui a refusé le divorce et a opté pour un retour au domicile conjugal. La maîtresse de son mari s'y trouve et son fils menace de tuer son père.» Aïcha Hamza, sage-femme, manifeste ainsi son inquiétude lors de la réunion hebdomadaire des membres du réseau Wassila. Au menu comme tous les dimanche : le suivi des permanences. Chaque mardi et jeudi, des femmes viennent au siège du réseau, à SOS Village d'enfants de Draria, raconter leur détresse.
Les militantes les écoutent, parfois pendant des heures, leur ouvrent un dossier, prennent note à partir des témoignages et enregistrent leurs requêtes. Fiche à la main, elles exposent la situation de la femme reçue pendant la réunion. Ici, on ne parle pas de «cas» mais de femmes. Elles sont appelées par leur prénom. Le suivi et le bilan de la prise en charge sont obligatoires. Les militantes discutent de la situation de la femme reçue, jugent son évolution et soulignent la nature de l'aide qu'il lui faut. Un autre dossier, une autre femme. «Chassée du foyer par ses parents, Nabila erre et n'arrive toujours pas à reprendre sa baraque, expose à son tour une autre bénévole. Elle se bat seule pour faire reconnaître la paternité de ses enfants suite à un faux mariage. L'aîné a 6 ans et n'est toujours pas scolarisé. Elle ne voit pas de médecins et ne prend pas de contraceptifs».
Autonomie
Les femmes du réseau débattent. Aïcha Hamza met l'accent sur l'importance d'un suivi médical et d'une contraception. Aïcha Abed, médecin, souligne l'urgence de l'amener à accepter de faire des tests de dépistage de maladies sexuellement transmissibles (MST) et lui apprendre à se protéger. Très vite, on relève que son enfant doit être scolarisé et on décide d'un accompagnement juridique. «Très souvent, ces femmes ne savent pas qu'elles sont victimes d'injustice et que leurs droits sont garantis par la loi», expliquent les militantes. «On va aider Nabila à prendre conscience de son statut de victime. Elle n'est pas coupable et ne doit pas aller vers l'autodestruction. Elle a droit à une réparation, et c'est cette réparation juridique qui va l'aider à aller de l'avant», explique Fatma Oussedik, sociologue.
Bien qu'il arrive aux membres du réseau d'assister des femmes matériellement (on leur offre de l'argent et/ou des vêtements), leur priorité est de garantir leur autonomie. Il faut trouver un toit et un travail à la jeune femme. Les femmes mobilisées cherchent à savoir si elle peut bénéficier du Programme de renforcement de la famille. Sur le mur de la salle de réunion, une liste d'offres d'emploi est accrochée. Elles y jettent un œil. Ecoute, aide matérielle, assistance médicale et psychologique ou accompagnement juridique, tout y est. C'est de ce souci de prise en charge globale de la victime de violence que l'idée d'un groupe multidisciplinaire, le réseau, est née.
Wassila
Tout le monde connaît le réseau Wassila, mais d'où vient son nom ? Wassila est ce qu'on appelle «une pupille de la nation». Prise en kaffala puis abandonnée, elle se retrouve à la rue et devient mère célibataire. Là n'est que le début de l'enfer qu'elle vivra par la suite. Lors d'un séminaire, l'association SOS femmes en détresse présente Wassila à un parterre de militants pour les droits humains et de spécialistes de différentes formations. «La détresse de la jeune femme a révélé les dysfonctionnements des appareils de l'Etat et montré les limites du travail caritatif», explique Louisa Aït Hamou, membre du réseau. Et d'ajouter : «La victime devait être prise en charge dans son entité globale.
Pour cela, il fallait travailler en collaboration avec différents organes et spécialistes, d'où l'idée d'un groupe d'action et de réflexion, regroupant des individus et des associations. Il est important de venir en aide à ces femmes directement, mais il faut rendre visible cette violence, organiser des journées d'étude et de sensibilisation, rédiger des publications, travailler avec les médias, etc.» Le réseau fait donc appel à ses personnes-ressources : médecins, psychologues, juristes et administrateurs dans des institutions publiques pour soutenir les victimes dans leur «parcours du combattant». Et cela dure depuis 2000, l'année de sa création. Il regroupe désormais 28 associations et institutions. Ces dernières orientent des victimes vers les femmes bénévoles du réseau, ou les reçoivent.
Fenêtre d'évasion
Le réseau vient de publier le Livre Blanc, un recueil de témoignages de violences contre les femmes et les enfants. ses membres continue nt d'œuvrer sur le terrain, en apportant une aide concrète aux femmes violentées et en se battant pour garantir les droits des femmes dans les textes de loi et pour leur application. D'où puisent-elles la force d'assurer leur travail d'épouses, de mères, parfois de grand-mères, et leur carrière professionnelle et de militantes ? Ce sont justement «ces braves femmes» qu'elles reçoivent qui font leur force. Nadia Ouarek Amedjouk se souvient de cette «mère illettrée, qui avait caché son handicap à ses enfants. Elle faisait semblant de corriger leurs devoirs en mettant du rouge sur leurs cahiers. Des femmes pareilles m'apportent beaucoup. On donne, mais on reçoit autant», explique-t-elle. Rekia Nacer, elle, raconte qu'«en pleine période de terrorisme, alors que le couvre-feu était de rigueur, des jeunes discutaient et riaient fort dehors.
On s'interrogeait sur l'absence de peur chez eux. Je répondais qu'ils avaient leur propre système de défense». C'est un peu ce qu'elles font. «On se crée des fenêtres pour s'évader. On sort parfois. Et puis on se parle», explique Aïcha Hamza. Comme pendant la pause de la réunion. L'une des militantes apporte du thé et de la tamina, pour célébrer la naissance de son petit-fils. Prochain rendez-vous autour d'une table, ce sera pour fêter l'anniversaire de l'une d'entre elles. Simple hasard du calendrier mais le hasard fait bien les choses, ce sera ce 25 novembre, Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes ! Ce qui rappelle à ces femmes qu'elles ont du pain sur la planche. Les travaux de la réunion reprennent de plus belle. La fenêtre d'évasion est fermée.
femme libre- Nombre de messages : 651
Date d'inscription : 22/02/2009
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