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EVOCATION MALEK HADDAD, UNE ÂME TOURMENTÉE

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Message  rebai_s Lun 20 Oct - 21:59

L'exil est rond Un cercle, un anneau : Tes pieds en font le tour, Tu traverses la terre Et ce n'est pas ta terre Le jour s'éveille et Ce n'est pas le tien La nuit arrive : Il manque tes étoiles. Pablo Neruda (1965) Malek Haddad est né le 5 juillet 1927 à Constantine, d’un père instituteur francisé et d’une mère, sa Hmama qui berça toute son enfance par son amour et qu’il adore en déclarant ‘’j’ai toujours écrit pour mériter ma mère’. Ma mère est toujours belle Je l'accompagne tous les jours On l'appelle colombe Mais en arabe est son prénom ... En 1946, au lycée d’Aumale, aujourd’hui Rédha-Houhou, Malek Haddad décrocha son baccalauréat, filière philosophie et lettres. Il enseigna pendant deux années dans le sud algérien d’où il revient fasciné, par le désert. Le roman “Je t’offrirai une gazelle” (1959) qui naîtra plus tard a été aussi inspiré par la beauté du grand désert. Abdellali Merdaci écrit : ‘’Le jeune Malek, encore élève au lycée d'Aumale, à la lisière de la médina constantinoise, ne cache pas ses sympathies pour le communisme ; il ne tarde pas, avec son condisciple Roland Doukhan à demander la carte du parti. Ce premier engagement, s'il se situe frontalement contre les héritages familiaux, marque aussi une rupture essentielle au plan des valeurs politiques’’. Haddad s’inscrivit à la faculté de droit d’Aix-en-Provence sans accomplir les études. II rencontrera Kateb Yacine, avec lequel il travailla pendant quelque temps comme ouvrier agricole dans le nord de la Camargue. Il est, avec Kateb et le peintre Issiakhem, rattrapé par les dramatiques réalités de la Guerre de libération. Il se met alors au service du FLN pour le compte duquel il accomplit diverses missions en Inde, en Egypte ou en URSS, tout en écrivant. En 1956, il travaille à la radiodiffusion française et publie son premier texte “Le Malheur en danger”. Malek Haddad commença à écrire dans les années 1948-1950, comme Kateb Yacine, Mohammed Dib et bien d'autres auteurs algériens dont les oeuvres, poèmes et romans, ont directement pour thème la Guerre de Libération nationale. Malek Haddad avait collaboré à plusieurs revues parmi lesquelles «Entretiens», «Progrès», «Confluents» et «Lettres françaises ». De 1958 à 1961, il publie un roman chaque année. “Je t’offrirai une gazelle”, 1959, “L'élève et la leçon”, 1960, et “Le quai aux fleurs ne répond plus”, 1961. Après l’indépendance, Pour rompre avec le français, il met fin à ses ambitions littéraires, ‘’ Le silence n’est pas un suicide… J’ai décidé de me taire. Je n’éprouve aucun regret, ni aucune amertume à poser mon stylo’’, cette langue qui a été son arme et sa voix mais surtout sa douleur, son exil. Les critiques ont relevé, dans l'oeuvre littéraire de Malek Haddad, l'omniprésence de ce que l'auteur lui-même appelle "le drame du langage". Comme chez d’autres écrivains africains, cette aspiration identitaire semble fonder sa légitimité sur une situation d’oppression coloniale qui lui inspire un sentiment de frustration. Dans “L'élève et la leçon”, le troisième roman de Malek Haddad, l'auteur fait une déclaration déchirante par la voix de son personnage Salah Idir "L'histoire a voulu que j'ai toujours été à cheval sur deux époques, sur deux civilisations". Voilà ce qu’il déclarait, entre autres écrits et dires, sur sa relation avec la langue française. "Je suis incapable de raconter en arabe ce que je sens en arabe" et ajoute "J'ai songé à ce lecteur idéal, à ce fellah aujourd'hui occupé à d'autres besognes, à ce fellah qui ne me lit pas et pour lequel j'écris, ce fellah d'amour, de colère et de démesure que la nuit coloniale frappe de la plus atroce des cécités: l'analphabétisme". Pour Malek Haddad le "Drame de la langue" est essentiellement celui de ne pouvoir communiquer avec son peuple. (Approche titrologique de l’oeuvre romanesque de Malek Haddad - Halima Benmerikhi) ‘’ L’école coloniale colonise l’âme. C’est insidieux, c’est profond…chaque fois qu’on fait un bachelier, on a fait un français’’ "Nous écrivons le Français, nous n’écrivons pas en français" et "Je parle avec des mots qui sortent d'autres bouches" disait-il même s’il reconnaissait ‘’la beauté de langue française et son attirance’’. Mais peut-on jamais échapper à sa vocation, au besoin d’écrire? Selon Nadjet Khadda cette culpabilité relève de l'ordre, du pouvoir. "On a mis en demeure les gens de langue française de s'expliquer. Les écrivains ont été acculés à une position défensive. Aujourd'hui la culpabilisation vient du pouvoir au nom de l'unicité, de l'unité de pensée, d'une certaine conception de la pensée". L’exil lui pesa douloureusement. Dans “Le quai aux fleurs ne répond pas”, le personnage central Khaled, écrivain exilé pour ses opinions politiques, tout comme lui, est hanté par la guerre qui se déroule dans son pays. Même s’il écrit, à Paris, des poèmes qui sont lus dans les prisons et dans le maquis, ce n’est pas, pour lui, la même chose avec le combat armé. ‘’ Je me promène pendant que les autres…, pendant qu’un tel est arrêté, un tel torturé, un tel a disparu…’’ se torturaitil. Même s’il pensait que la littérature ne pouvait changer l’histoire, Malek Haddad était persuadé de sa capacité à faire prendre conscience aux hommes des injustices de la colonisation. Malek Haddad connaîtra un autre exil, écarté par l'idéologie de l'époque (1962- 1965). Contraint au chômage, il vécut dans le dénuement, et pour survivre, il travailla pour la R.T.A, et la générosité de ses amis l'aida à supporter cette dure étape de sa vie. Une défunte figure politique et intellectuelle de l’Algérie, intolérante et méconnaissant la personne et l’écrivain, l’harponna gratuitement en des termes très durs, au même titre que Assia Djebbar : ‘’il faut démystifier Malek Haddad, Assia Djebbar des écrivains qui n'ont jamais saisi nos problèmes,même les plus généraux. Ils ont tout ignoré, sinon de leur classe petite-bourgeoise…ayant comme public et comme juges que des critiques français qui, eux-mêmes, ignoraient tout de l'Algérie, ont été artificiellement portés sur le pavois.’’ “(Les Temps modernes, octobre 1963)”. Pourtant, à travers ses sujets même, le choix de Malek Haddad pour l’Algérie indépendante est clair et ‘’ sous sa plume on ressent un besoin urgent de faire passer un message, à ceux qui hésitent justement’’. Haddad accusa le coup et restera en France, tournant, à son corps défendant, dans un premier temps, le dos à l'Algérie indépendante. Puis Malek Haddad, s'installa à Constantine, après l’avènement de Boumediene, et dirigea la page culturelle d'An-Nasr qui parait en français de 1965 à 1968. De 1968 à 1972, il fut directeur de la culture au ministère de l’Iinformation et de la Culture et s’occupa du 1er colloque culturel national en 1968 ainsi que du 1er festival culturel panafricain en 1969. En 1972, il fut nommé conseiller technique chargé des études et recherches dans le domaine de la production culturelle en langue française. En 1967, il fut nommé secrétaire général de l’Union des écrivains algériens. L’écrivain sera la cible de ces mêmes détracteurs, pourfendeurs des Kateb Yacine, Mohammed Dib etc… D’aucuns lui reprocheront sa réussite professionnelle, son soutien à Boumediene ou sa position vis-à-vis du français. Des poux, il fallait lui en trouver même s’ils n’existaient pas. Concernant son oeuvre, traduite en plusieurs langues : arabe, italien, chinois, espagnol, russe, elle demeure, par une espèce d’ostracisme inexpliquée, méconnue du grand public de son pays. Enseignée partout dans le monde, à l’université de Princeton dans le New Jersey aux Etats-Unis, par exemple, elle est absente des programmes de l’enseignement en Algérie. A croire que c’est le sort réservé à nos plus grands écrivains. L’adage ‘’Nul n’est prophète en son pays’’ n’a jamais été aussi vrai que pour nos grands écrivains reconnus dans le monde entier et ignorés dans leur pays. Même peu médiatisé, Malek Haddad demeure incontestablement parmi les plus grands écrivains algériens, et maghrébins, d'expression française. Poète, romancier et journaliste de talent, il laisse une grande oeuvre, bien qu’inachevée, qui évoque la guerre, les amours déçues, le mal du pays et la solitude. D’autres oeuvres de Malek Haddad restent inédites. Il s’agit de “Les Premiers Froids” (poèmes), “La Fin des Majuscules” (essai), “La Légende de Salah Bey” (roman) et “Un Wagon sur une île” (roman inachevé). Pour ce qui est de l’homme, ‘’Malek Haddad était un homme d'une extrême sensibilité, gentil, fidèle, humain par ses positions et de surcroît modeste’’, témoigne le poète Es-Saïhi. Sa malheureuse expérience familiale marquée par deux divorces, l’exil, la perte d’un frère et de beaucoup de ses amis, l’Algérie colonisée, meurtrie au quotidien, et l’affrontement en lui - avec déjà à sa naissance l’accolement d’un second prénom chrétien, Aimé - de deux cultures antagoniques, l’ont profondément déchiré, tourmenté. L’écriture sera pour lui, durant ces moments, ‘’une forme de solidarité humaine ou de participation à un combat’’ et ses écrits reflètent plus ou moins son histoire. ‘’…l’âme algérienne, tourmentée, résistante et difficilement déchiffrable. Et il n’y a pas mieux que Malek Haddad pour dire, en même temps, les errances infernales et la douce chaleur, harmonieuse et humaniste de l’âme algérienne.’’ (Y. Zirem - Algérie News Juin 2008) Il meurt à Alger le 2 juin 1978. Suis-je né dans l’exil et dans mon habitude A chercher au métro le couloir étranger Suis-je le prisonnier de cette servitude Qui nous fait dire blanc dès lors qu’il a neigé Mon coeur est un touriste aux étapes d’ennui Je ne visite rien qu’un souvenir qui râle Hôtel tout n’est qu’hôtel pour allonger la nuit Ah ! la fiche à remplir testament des escales
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EVOCATION   MALEK HADDAD, UNE ÂME TOURMENTÉE Empty BIBLIOGRAPHIE

Message  rebai_s Lun 20 Oct - 22:00

- Le malheur en danger (poèmes) La Nef de Paris (1956)
- La dernière impression (roman) Julliard, 1958
- Je t’offrirai une gazelle (roman) Julliard 1959
- L’élève et la leçon (roman) Julliard, 1960
- Le Quai aux Fleurs ne répond plus (roman) Julliard 1961
- Les zéros tournent en rond (essai), Maspéro 1961
- Écoute et je t’appelle (poèmes) Maspéro 1961
- Algériennes, (album de photographies), ministère de l’Information , 1967. Malek Haddad laissera également des inédits et des manuscrits inachevés :
- Les premiers froids (poèmes)
- La Fin des Majuscules (essai)
- Un Wagon sur une île (roman inachevé)
- Les Propos de la quarantaine (chronique).

Mohamed Benrebia
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