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Hommage à Mohia!

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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 0:37

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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 0:48

Hommage à Mohia! Mohia10

Abdallah Mohya dit Muḥend u Yeḥya, est né le 1er novembre 1950 à Iɛeẓẓugen (Azazga) en Algérie. Il est dramaturge et poète kabyle peu connu du public national et international. Décédé en 2004, il a enregistré ses productions sur un support audio (une quinzaine k7).
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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 1:15

Entretien avec Muhend U Yahia

Hommage à Mohia! Mohya110


Mohand-ou-Yahia est surtout connu pour les adaptations qu’il nous a données d’un grand nombre de poésies et textes de chansons tirés notamment des œuvres de Brecht, Prévert, Clément, Potier, Vian, Béranger, etc. Il a aussi adapté des contes et nouvelles de Voltaire, Lou Sin, dont "La véritable histoire de Ah Q" (l983), Singer, Maupassant... Ainsi que les pièces de théâtre suivantes : "L’exception et la règle" de Brecht (1974), "Le ressuscité" de Lou Sin (1980), "La jarre" de Pirandello (1982), le "’Tartuffe" de Molière (1984), "Ubu Roi" de Jarry (1984), "Le médecin malgré lui" de Molière (1984), "En attendant Godot" de Beckett (l985).

Tafsut : Commençons par une question d’ordre général : l’après-guerre n’a pas donné naissance à une génération d’écrivains qui aient la taille d’un Mammeri, d’un Yacine ou d’un Feraoun. La production en langues populaires peut-elle prendre la relève ?


Mohand-ou-Yahia : C’est une chose que tout le monde constate en effet... L’après-guerre n’a pas donné naissance à une génération d’écrivains qui aient l’envergure d’un Mammeri, d’un Yacine ou d’un Feraoun. Certes des noms émergent d’ici, de là mais, outre que ce sont malheureusement des exceptions qui confirment la règle, ceux-ci, apparemment, ne parviennent pas à susciter cette espèce de complicité du public à défaut de laquelle il me paraît difficile d’utiliser à leur endroit l’expression de génération d’écrivains.

Quant à savoir si la production en langues populaires peut prendre la relève, que puis-je répondre ?... Car justement, toute la question est là. Bien qu’à proprement parler la question ne soit pas tellement d’assurer la relève de qui que ce soit mais bien plutôt d’essayer de développer une tradition littéraire en langues populaires, et ce, indépendamment de ce qui pourrait se faire par ailleurs.
Mais, pour revenir à cette production en langues populaires, tout d’abord celle-ci est aujourd’hui ce qu’elle est ; c’est à dire en réalité, peu abondants et puis trop marginalisée et ce, entre autres, parce qu’elle consiste surtout en poésies et chansonnettes. Pourtant, et pour ne nous tenir qu’à ce qui se fait en kabyle, puisque c’est ce que connaissons le mieux, on constate que ce qui a marqué notre histoire culturelle de ces dix dernières années, c’est bien le fait que ces poésies, dites ou chantées, soient encore ce qui reflète le mieux les réalités vécues par notre société. Et je dis ceci en tout état de cause, dans la mesure ou les faiblesses et les maladresses qu’on ne manque pas d’y relever sont elles-mêmes significatives du niveau culturel des gens de chez nous.

Maintenant, pour répondre plus précisément à la question du développement d’une tradition littéraire en langues populaires, je dirai qu’au vu des expériences réalisées jusqu’ici, oui, il est tout à fait possible de développer une tradition littéraire en langues populaires. Il reste que pour vraiment concrétiser les choses et aller encore plus loin dans ce domaine, les plus grands efforts sont nécessairement demandés au plus grand nombre. Je m’empresse d’ajouter, néanmoins, qu’il serait illusoire de viser tout de suite à produire des œuvres de la classe de "l’opium et le bâton", entièrement rédigées en langue vernaculaire. En fait, le public lui-même n’est pas prêt à accueillir des ouvrages d’une telle importance. Par conséquence, ce qui serait plus réaliste, serait de multiplier les expériences et de procéder par étapes. La plus petite réalisation devenant ainsi un gage pour l’avenir.

D’autre part, il conviendrait peut-être de reconsidérer la question sous l’angle plus général qui est celui de la communication. Le problème à résoudre devenant ainsi celui de faire passer le maximum d’informations, au sens large du terme, avec le minimum de moyens, aussi bien linguistiques, techniques, que matériels. C’est ce qui permettrait de recourir, selon les cas, aux moyens les plus opportuns, lesquels pourraient être ceux de l’écrit ou ceux de 1’audio-visuel ; et ceci sans le moindre complexe, il va de soi.

Du point de vue pratique donc, à supposer que nous voulions réellement faire quelque chose, ce qui reste encore à prouver, un effort considérable doit être fait en premier lieu en vue de recenser le maximum des possibilités de dire les choses qu’offre la langue vernaculaire. Ces possibilités sont offertes, entre autres, par le système lexical, la syntaxe, la grammaire, les locutions, les apophtegmes, les mimiques et, j’ajouterai même, les silences dans certains cas. En un mot, si nous voulons nous exprimer dans notre langue, la condition nécessaire, sinon suffisante, est d’abord et avant tout de bien étudier cette langue, c’est à dire de l’étudier à la lumière des acquis de l’analyse linguistique. Ceci afin de toujours mieux en connaître les ressources.

Je dis peut-être une banalité, mais tant pis. Je vois trop de gens jouer aux grands artistes et qui n’ont qu’une connaissance infuse de leur langue. Cela ne prêterait pas à conséquence si, de surcroît, ils ne se prétendaient les défenseurs acharnés de cette langue. Mais passons... Je veux surtout dire par là qu’il serait peut-être l’heure de mettre un terme au temps des incantations et de se mettre un peu au travail.

En tous cas, ce qui transparaît à travers cette question de la relève, c’est bien le défi auquel nous devons aujourd’hui faire face. Car tout est de savoir si effectivement nous sommes d’ores et déjà en mesure de parler de notre société aussi bien, sinon mieux, que ne l’ont déjà fait des écrivains tels que Mammeri ou Feraoun, et ceci dans uns langue accessible à tous les éléments qui composent cette même société.

Pour ma part, je dois dire que je ne vois pas d’autre alternative qui réponde à ce défi en dehors de celle qui consiste à écrire dans la langue vernaculaire. Car, dans le contexte de l’Algérie d’aujourd’hui on constate, premièrement, qu’en dépit de toutes les vicissitudes de l’histoire, la sensibilité à la langue maternelle est peut-être plus vive qu’elle ne l’a jamais été ; deuxièmement, que pour la majorité des algériens la langue maternelle est toujours, quoi qu’on dise, la langue la mieux maîtrisée. Par conséquent, la réponse qui serait apportée à ce défi est pour elle, pourrait-on dire, une question de vie ou de mort.

Mais qu’est-ce qui peut amener quelqu’un aujourd’hui à s’exprimer dans la langue vernaculaire ?
Il fut un temps où l’arabe classique aussi bien que le français conféraient à ceux qui les possédaient prestige et sécurité de l’emploi. Or tel n’est plus le cas aujourd’hui où l’arabe classique devient une langue de pédants et où nous voyons tant de bacheliers ne trouver, au mieux, qu’à s’employer comme veilleurs de nuit à Paris. Et ceci remet déjà les choses à leur juste place ; je veux dire que la langue redevient de fait, et ce aux yeux de la plupart des gens, ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire un outil de communication et rien de plus. Alors, outil de communication pour outil de communication, pourquoi pas la langue maternelle ? Ceci pour dire que s’il reste une seule chose qui puisse présider au choix d’une langue, c’est uniquement le souci de se faire entendre de telle ou telle catégorie de gens. On peut aussi bien entendu choisir de s’exprimer dans une langue pour plaire à certains ou encore pour déplaire à d’autres, mais ce qui n’en demeure pas moins vrai cependant, c’est que si l’on veut être compris de la majorité, on ne peut que s’exprimer dans nos langues vernaculaires, c’est à dire le berbère ou l’arabe populaire.

En somme donc, et pour parler d’ailleurs en termes plus généraux, il n’est pas du tout impensable qu’une vie culturelle d’expression populaire - une vie culturelle digne de ce nom, je veux dire - puisse voir le jour chez nous. Cela dépend en premier lieu des efforts que fournit chacun de nous pour se réapproprier sa langue maternelle. Le reste est une question d’intendance et une question de techniques, (techniques littéraires, techniques audio-visuelles, etc.). Or, l’intendance, cela s’organise et les techniques s’acquièrent.

Car en définitive, qu’est-ce qu’une œuvre littéraire, artistique, cinématographique ? C’est une combinaison de signes linguistiques, de formes, de couleurs... reflet de la vie d’un groupe et au fil de laquelle passe, comme un écho, le souffle de la vie.



Dans ton travail, le point de départ est presque toujours un auteur étranger. Ne penses-tu pas écrire un jour une œuvre plus personnelle ?

Oui, je fais surtout des adaptations d’auteurs étrangers. Je crois que pour élaborer des choses de son propre cru, il faut tout de même jouir de beaucoup de disponibilité d’esprit et peut-être aussi se détacher quelque peu des contingences matérielles. Car on peut focaliser ainsi toute son énergie sur le travail qu’on entreprend. Personnellement, je n’ai jamais pu travailler dans des conditions, disons très propices. Mais ne nous étalons pas là-dessus car des conditions trop faciles font souvent qu’on se complaît dans la facilité justement. Donc, travaillant dans des conditions relativement peu favorables, il m’a toujours paru plus aisé d’adapter des auteurs étrangers que de noircir des pages et des pages de mon cru. Ceci lorsque, naturellement, je trouve chez ces auteurs des préoccupations parallèles aux moyens. La fin − nécessité de produire vite et bien − justifiant les moyens, c’est une façon de se faire mâcher le travail pour ainsi dire.

Mais ceci n’est que l’aspect le plus immédiat de la chose. L’autre aspect, et de loin le plus important, réside dans le fait, me semble-t-il, que l’adapation d’auteurs étrangers nous donne le moyen concret de renouveler notre production, de la revivifier.
Quand on fait le tour de tout ce qui s’écrit et de tout ce qui se dit chez nous, et on en fait vite le tour, croyez le bien, on ne manque pas de ressentir un certain sentiment d’insatisfaction. Car on constate que tout cela est un peu rudimentaire par rapport à ce qui se dit sous d’autres latitudes. Quelles attitudes peuvent alors découler de cette insatisfaction ? La première attitude, qui est stérile à mon sens, est celle qui aboutit au rejet pur et simple de tout ce qui émane des gens de chez nous. Cela se fait souvent avec des sourires condescendants mais le résultat est bien sûr le même. Et encore je parle ici de ceux qui font tout de même l’effort (louable) de prêter quelque oreille à ce qui se passe dans notre société. Ne parlons pas des autres. L’autre attitude est celle de celui qui se dit, toute vanité mise à part, est-ce que, moi, je ne pourrais pas faire mieux ? Et qui se met donc au travail sans se douter du danger qui le guette, celui de retomber dans les sentiers battus. En reprenant des thèmes éculés dans des formes tellement rabâchées (la forme des poèmes de Si Moh-ou-Mhand par exemple), en prenant toutes ces idées saugrenues que chacun de nous se forge dans sa petite tête pour des vérités essentielles, inutile d’insister... On ne va pas très loin. C’est qu’en dépit de la meilleure volonté du monda, on reste inconsciemment prisonnier des sables mouvants de certaines traditions, lesquelles, bien entendu, ne manquent pas d’offrir l’avantage de maints aspects sécurisants. Il n’en reste pas moins que, sous tous leurs attraits, ces traditions cachent pour nous aujourd’hui des pièges dans lesquels nous voyons beaucoup de gens s’empêtrer hélas trop facilement.

L’enjeu est de taille car il s’agit pour nous de devenir pleinement adultes ou d’en rester à l’âge infantile, c’est-à-dire à l’âge où l’on a besoin, parcs que dépassés par les évènements, de s’entourer du cocon douillet de fausses sécurisations. Celles-ci revêtant des formes diverses bien entendu. Au-delà de nos "traditions littéraires", c’est aussi la berbérisme de "l’Oasis de Siwa jusqu’aux Iles Canaries" chez nous encore, mais aussi 1’arabo-islamisme, et puis tous ces rêves, bien sûr, qui puisent leur consistance dans le désir de changer le monde avec des mots.

Mais, pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, celui de l’adaptation d’auteurs étrangers, personnellement, c’est de ce côté que j’ai trouvé une certaine issue. Evidemment, je n’ai qu’une petite expérience en la matière, aussi faut-il bien se garder d’en tirer des conclusions hâtives. Ce dont je me suis rendu compte cependant, c’est que, outre qu’elle permet d’éviter les pièges évoqués plus haut, la pratique de l’adaptation offre des possibilités réelles de tirer profit de l’expérience des autres.

Entendons-nous bien, je dis tirer profit de l’expérience des autres, je ne dis pas mimer stupidement les autres. Car l’adaptateur est celui qui s’intéresse en premier lieu au canevas sur lequel- est construite une oeuvre, aux procédés d’élaboration, aux mots-clés et à la structure de celle-ci. Ceci, lorsque l’oeuvre on question semble faire écho à ses préoccupations, bien entendu. Ce qui supposa encore un choix conscient de sa part, il va de soi. Ce n’est donc qu’après avoir disséqué une oeuvre, afin d’en percer les secrets, que l’adaptateur procède au travail d’adaptation proprement dit, c’est-à-dire à la reconstruction de celle-ci au moyen de matériaux qu’il puise dans son environnement culturel. Il est visible qu’en fin de compte, la mise en œuvre de cas matériaux donne du même coup à l’adaptateur la moyen d’ancrer et finalement d’inscrire son ouvrage dans son propre univers culturel.

Sortir la langue vernaculaire et donc aussi notre culture traditionnelle de son confinement, ce dernier mot rimant avec dépérissement est apparemment aujourd’hui, malgré tout, l’un des soucis majeurs de la plupart d’entre nous. Mais est-ce vraiment rendre service à notre société que de remettre à l’honneur des résurgences du passé comme le font certains ? Car, quelle que soit notre susceptibilité, il faut bien admettre que nous sommes déjà suffisamment en retard comme cela. Nous sortons à peine du Moyen-âge, par conséquent notre culture traditionnelle est à bien des égards encore une culture moyenâgeuse, donc inopérante dans le monde d’aujourd’hui. Et d’aucuns veulent encore nous ramener au temps de Massinissa ! ...

Le fait d’adapter des auteurs contemporains, et d’une manière générale des auteurs appartenant à des civilisations différentes de la notre, revient encore à situer notre expérience vécue par rapport à celle vécue par d’autres hommes sous d’autres deux. A défaut d’en tirer des règles de conduite, la chose au demeurant ne peut que nous aider à faire l’économie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont déjà été commises par ces autres hommes. Cela revient assurément aussi, oui, à compléter, sinon à remplacer, nos vieilles références culturelles par d’autres références moins désuètes.

Et puis nous ne pouvons pas nous couper du reste du monde. Voyez par exemple l’insistance avec laquelle des milliers de nos compatriotes cherchent à se faire établir des titres de séjour en France. Cette insistance parle d’elle-même. Le monde étant mouvement, mouvements des hommes, des biens, des idées, nous devons bien au contraire chercher à dominer ces mouvements si nous ne voulons pas être mis sur la touche. Aussi devons-nous chercher par tous les moyens à nous tenir au fait de ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, et cela si nous avons simplement pour ambition d’être de ce monde. Or, si j’ai bien compris, non seulement c’est là l’ambition de notre société, mais celle-ci encore veut être de ce monde sans pour autant se voir assimilée ni aux uns ni aux autres. II tombe sous le sens que ceci nous commande donc de travailler et retravailler nos langues vernaculaires de telle sorte qu’elles puissent nous faire accéder à tous les domaines de la connaissance. Et, dans cette perspective, je suis enclin à penser que la pratique courante de l’adaptation, si elle venait à se répandre chez nous, devrait jouer un rôle décisif. Ce serait véritablement le raccourci qui nous permettrait de rattraper des siècles de retard en quelques années.

Sinon, et pour toutes les raisons citées plus haut, non, je ne pense pas écrire quelque chose de mon cru, tout au moins dans l’immédiat. Ceci d’autant plus que je n’ignore pas les dangers d’une telle entreprise. Et puis, j’ai assez de pain sur la planche comme cela.



Pourquoi as-tu abandonné la poésie ? Tes dernières productions concernent toutes le théâtre. Est-ce définitif ? Et pourquoi ?

Pour commencer, je dois dire la chose suivante : c’est que faire des poésies ou des pièces de théâtre n’a jamais été pour moi un but en soi. Ce qui m’a toujours intéressé le plus, c’est tout ce qu’il y a au-delà. C’est-à-dire, en un mot, tout ce qui pourrait nous faire parvenir à une réelle maturité d’esprit. Or une langue, en même temps, me semble-t-il, qu’elle est le ciment de la société qui la parle, est encore la caisse de résonance dans laquelle sont répercutés tous les éléments de la vie de cette société. Donc, je ne vois pas comment on peut s’intéresser à une société d’hommes dans leur devenir sans s’intéresser à leur langue. Et puis, la faculté de parler, n’est-ce pas ce qui distingue l’homme de l’animal ? Car les hommes s’expriment d’abord et surtout par leur langage. Dès lors que ceci est posé on est amené directement, bien sûr, à prendre en considération toutes les formes d’expression qui constituent ce langage. Et de là, il n’y a qu’un pas à faire pour se retrouver dans le domaine si varié des genres littéraires.

Revenons à ce qui se passe chez nous. La poésie, la chanson, le conte, le récit, sont les genres auxquels nous sommes le plus familiarisés. Si on se rappelle le traditionnel amghar uceqquf et, plus près de nous, les pièces radiophoniques diffusées par la chaîne II, on peut ajouter aussi que le théâtre ne nous est pas, en fait, totalement inconnu. A partir de ce qui précède, et pour être logiques avec nous-mêmes, nous devons amener notre langue à couvrir l’essentiel du devenir de notre société, un peu à la manière dont un journal couvre l’essentiel de l’actualité. Et si je me hasarde à tenir ces propos, c’est que je crois la chose tout à fait faisable, et cela d’ores et déjà... dans l’immédiat. Car, aujourd’hui, il ne reste plus à démontrer que nous pouvons travailler dans tous les genres, cela a déjà été prouvé. Nous devons, bien sûr, enrichir les genres qui nous sont familiers, et ce, aussi bien sur le plan du contenu que sur le plan formel, mais je ne vois pas ce qui doit nous empêcher de nous intéresser plus profondément aux genres auxquels nous sommes moins habitues. Car, une chose est certaine, c’est qu’on ne peut pas tout dire avec des poésies et des chansonnettes, à moins de faire de l’opéra, et encore... Nous retomberions là encore dans un genre lequel a aussi ses limites.

Maintenant, pour revenir à ma personne, je dois donc d’abord lever l’équivoque. Je ne me suis jamais mis dans l’idée de devenir poète, et mieux, je crois que je ne me suis jamais senti l’âme d’un poète. Je suis peut-être un grand naïf, mais pas à ce point. L’adaptation d’auteurs étrangers procédait encore, tout au moins dans ma tête, d’une autre démarche très simple ; il s’agissait pour moi de voir concrètement jusqu’où nous pouvions aller avec notre langue vernaculaire. En d’autres termes, je voulais, par l’entremise de l’adaptation, mesurer les potentialités de notre langue vernaculaire à l’aune des auteurs que j’adaptais. Or, il se trouve que j’ai adapté des poètes, des chansonniers et autres faiseurs de rimes... D’où l’équivoque signalée plus haut. Mais je précise, encore une fois, qu’il n’a jamais été question pour moi de m’en tenir à un genre quelconque.

Et puis, j’ai comme l’impression que ce qui caractérise la poésie, c’est de focaliser l’attention sur des sujets, des points de vue ou des sentiments bien déterminés. Cela vient peut-être de ce côté un peu paranoïaque facile à déceler chez presque tous les poètes. Il me semble par conséquent que la poésie ne saurait en aucun cas permettre une vision très élargie des choses. Alors que ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui c’est au contraire d’élargir justement quelque peu nos champs de vision.
En abordant le terrain de la poésie, j’avais tout à fait à l’esprit que c’était là un genre particulier, puisque celui-ci jouit chez nous d’un statut privilégié. Donc qui dit statut privilégié dit possibilité d’établir rapidement le contact avec le public et ce, afin de l’intéresser, autant faire se peut, à la suite des événements. La suite des événements étant dans mon esprit tout le travail qui devrait finalement aboutir à l’instauration d’une tradition littéraire moderne et diversifiée, c’est-à-dire d’une tradition littéraire au sens le plus complet du terme. On comprendra certainement aussi, bien sûr, que si nous voulons que ce travail ait quelque chance d’aboutir, il est indispensable que le plus grand nombre de gens soient disposés à mettre la main à la pâte.

C’est ainsi que pour ma part donc, et pour toutes les raisons citées plus haut, j’essaie de faire ce que je peux, en particulier dans les domaines de la nouvelle et du théâtre. Ceci pour nous en tenir à mes dernières compositions. Mais, il est bien évident que pour le moment tout cela reste encore, je crois, plus du bricolage qu’autre chose, et cela dans la mesure où rien n’est encore acquis de manière irréversible.



Autre évolution, dans le thème cette fois-ci. De Brecht à Beckett... Et pourquoi ce ton de la dérision ? ...


D’abord, les thèmes, c’est comme tout... A force de ressasser toujours la même chose, on finit, par se lasser et lasser les autres. D’où la nécessité de se renouveler constamment. Et, pour ce faire, il suffit en réalité de regarder autour de soi. Nous vivons dans un monde contradictoire et multiforme... Réduire tout ce qui nous entoure à quelques grandes idées, fussent-elles des idées maîtresses, c’est faire preuve, il faut bien le reconnaître, d’une grande étroitesse d’esprit.

Pour revenir à mes petites bricoles, je crois pouvoir dire que j’ai connu deux périodes assez distinctes : la première s’étendrait de 1974 jusqu’à 1980 et la deuxième de 1982 jusqu’à aujourd’hui. Une vision des choses peut-être un peu simpliste semble dominer la première période. Selon cette vision, ce serait dans les agressions en provenance de l’extérieur que se situerait l’origine de tous nos maux ; les totalitarismes d’aujourd’hui ne faisant ainsi que remplacer le colonialisme d’hier, par exemple. D’où il découle que je me faisais peut-être une trop haute idée des petites gens de chez nous, en qui je voyais les victimes innocentes de l’appétit des grands de ce monde. Comme dirait Lou Sin, je croyais qu’ils valaient mieux que les gens des classes supérieures. Je me rendais bien compte, pourtant, qu’au moment où leurs propres intérêts sont touchés, ceux-ci se comportent bel et bien comme ceux-là, mais je trouvais qu’ils avaient déjà assez d’ennemis comme cela. Par conséquent, je réservais mes petites méchancetés pour ces ennemis en question.

La deuxième période équilibre peut-être la première. Si je devais la résumer en une phrase, je dirais, pour parodier l’autre : "La nature a horreur de la faiblesse". De veux dire par là que c’est nous-mêmes surtout qui sommes responsables de la majeure partie de nos déboires. Et j’essaie, partant de là, de lever le voile sur nos faiblesses, tout au moins les plus criantes d’entre elles. Car, si au préalable nous ne localisons pas nos faiblesses, je me demande comment nous pourrions un jour les surmonter.

D’autre part, une littérature qui est censée être destinée au grand public ne peut se présenter sous la forme d’exposés froids et rébarbatifs ; ceci dans l’état actuel des choses tout au moins. Aussi est-il nécessaire de recourir à des techniques littéraires qui permettent d’intégrer la "substantifique moelle", si tant est qu’on en détient quelque peu, dans des compositions accessibles à tous. Et ces techniques, si j’en parle, c’est que je m’en sers évidemment ; le conte voltairien demeurant pour moi un modèle en la matière.

Et puis, je ne cherche surtout pas à convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Personnellement, je n’ai absolument rien à vendre. Etant donné que je ne suis plus moi-même sûr de quoi que ce soit. Je pense par conséquent que chacun doit s’assumer, aller jusqu’au bout de sa logique. Mais, on ne peut s’assumer vraiment en jouant à des jeux dont on ignore les règles, ou encore à des jeux dans lesquels les dés sont pipés d’avance. N’ayant moi-même aucune certitude ni rien de bien net à proposer, je ne peux dès lors que m’amuser à déceler la taille dans ce qui nous est proposé par ailleurs. Se moquer de nos faiblesses, de nos illusions, prendre à contre-pied les idées reçues, pousser certains raisonnements jusqu’à l’absurde, démythifier ce qui nous entoure, c’est finalement ce à quoi je m’amuse le plus souvent. Et il est évident que ceci ne peut se faire sur le ton de la tragédie nos plus. D’où ce ton de la dérision qui accompagne à peu près tout ce que j’ai pu faire.

Mais, à ce propos, et avant de clore ce chapitre, on pourrait se demander s’il n’y a pas dans le ton de la dérision quelque chose de salutaire. On voit tellement de choses qui donnent envie de pleurer. Or, il ne sert à rien de pleurer. A cet égard, il me revient une phrase que j’ai lue quelque part : "L’homme a pu survivre au grand stress historique et planétaire en arrivant parfois à se tenir les côtes". Et je précise à ma décharge que celui qui s’exprimait ainsi est quelqu’un d’autrement plus sérieux que moi.



Un mot sur la langue utilisée... Pourquoi les recours fréquents aux emprunts ? Cela est sans doute efficace face à un public... Mais pour l’écrit, pour le long terme... Ne penses-tu pas fixer autrement par écrit ton travail ?


La langue que j’utilise, c’est tout simplement la langue des gens auxquels je suis censé m’adresser. Comme dirait Djehha, celui qui n’en est pas convaincu peut toujours vérifier. Et je ne dis pas cela pour me justifier. Car, en fait, si je devais justifier quelqu’un, ce serait précisément ces gens que je devrais justifier. On peut lire dans n’importe quel manuel de linguistique générale qu’une langue est un fait social. Donc, à ce titre, une langue est sujette à évolution, et ceci du simple fait que la société qui la parle évolue elle-même tout au long de son histoire. Voilà pour les généralités.

Maintenant, pour le cas précis des mots que nous empruntons à l’arabe et au français, je crois qu’ils témoignent tout simplement du déséquilibre des échanges que nous entretenons avec les sociétés qui nous entourent. S’il faut donc que soit posé le problème, celui-ci doit être posé entièrement.
Il y a, je crois, deux grandes catégories de littérateurs. La première est celle de ceux, et ce sont de loin les plus significatifs qui se contentent de refléter aussi fidèlement que possible l’image de la société dans laquelle ils vivent. Libre à ceux qui les lisent, évidemment, de faire de cette image ça que bon leur semble. La deuxième catégorie est celle de ceux qui voudraient voir la société en question se conformer à une image préétablie. C’est à cette catégorie qu'appartiennent,entre autres,les tenants de la veine du réalisme socialiste dans sa version des années 60, lesquels poussent la manie jusqu’à ne plus débiter que des inepties.

Si j’avais donc réellement voulu faire œuvre de littérateur, je n’aurais rien pu faire de mieux que d’essayer de refléter, aussi fidèlement que possible, l’image de la société dans laquelle nous vivons. D’où je déduis la chose suivante : dès lors que le recours aux emprunts est un des traits caractéristiques de notre société, il n’y avait pour moi rien de mieux à faire que refléter aussi bien ce trait dans mes compositions. Je veux surtout dire par là que le problème des emprunts est un problème de société et que, s’il doit être pose, il doit l’être au niveau de toute la société et non au niveau d’un auteur ni même au niveau d’un spécialiste, quel qu’il soit. Car le rôle de ces derniers est uniquement de prendre acte de ce qu’ils sont amenés à constater.

Il reste une chose dont il faudrait peut-être aussi avoir conscience, c’est que, dans la réalité de tous les jours, à vrai dire, tout le monde n’utilise pas les emprunts de la même manière. Premièrement, la fréquence des emprunts varie suivant l’expérience vécue du sujet parlant ; plus on s’éloigne du monde paysan traditionnel, plus cette fréquence augmente. Deuxièmement, les mots empruntés subissent des distorsions par rapport à ce qu’ils sont dans les langues d’origine, distorsions dans la prononciation et distorsions aussi dans le sens.

Mais, cette fois-ci, plus on se rapprocha au contraire du monde paysan, plus ces distorsions deviennent importantes.
S’il devait être permis à celui qui écrit de ne reculer devant rien lorsqu’il s’agit d’être expressif au maximum, on s’apercevra je crois facilement de ce que cet état de fait lui offre comme marge de manoeuvre. Un simple petit exemple : que celui-ci ait, et la chose est fréquente, à camper un personnage, le seul fait de mettre dans la bouche du personnage en question tel ou tel type d’emprunt lui donne la possibilité de le situer précisément et à moindre coût dans telle ou telle catégorie sociale.

En dernier ressort, il faut quand même dire aussi qu’il vaut encore mieux emprunter un vocable à une autre langue que rester muet. Ceci évidemment lorsque la langue vernaculaire, telle que nous l’avons héritée de nos aïeux, n’offre pas d’autre ressource. Le drame de la situation, en l’occurrence, car il y a tout de même un drame, vient à mon avis du fait que beaucoup de nos emprunts peuvent paraître totalement gratuits ; ce qui est d’ailleurs très souvent le cas, il faut bien le reconnaître. Tout se passe dans ces cas là comme si le recours aux emprunts devenait un palliatif, non pas au manque de ressource dont souffrirait la langue vernaculaire mais à la méconnaissance de ces ressources. Et, chose certainement plus grave encore, un palliatif qui renforce cette méconnaissance. Nous avons le sentiment, dès lors que les emprunts concurrencent et finalement court-circuitent les ressources propres à la langue vernaculaire.

Tout ceci pour dire que l’emprunt peut se justifier chez celui qui y recourt en toute connaissance de cause mais qu’il peut effectivement prêter à discussion lorsque celui qui en fait usage le fait à tort et à travers. Ne perdons pas de vue, au demeurant, qu’une situation quelle qu’elle soit n’est jamais définitive. Le propre d’une langue vivante, tout comme celui d’un organisme vivant, est de passer par une succession d’états transitoires, succession à laquelle la mort seule peut mettre un terme. Le passage d’une langue d’un état transitoire à l’état suivant, lequel sera fatalement tout aussi transitoire, entre parenthèses, est dicte de manière impérative par le besoin qu’ont les hommes qui parlent cette langue de faire toujours mieux répondre celle-ci à leurs besoins en matière de communication.
Or, il se trouve que jusqu’à présent ces besoins en matière de communication ont trouvé une réponse dans l’utilisation que nous faisons des termes provenant d’emprunts. Mais, il est bien évident que de nouveaux besoins surgissent tous les jours, auxquels il faudra bien trouver de nouvelles réponses. Donc, il ne s’agit pas, à mon avis, de proscrire les termes provenant d’emprunts, surtout ceux bien acclimatés. En revanche, il faut bien sûr souhaiter la renaissance d’une créativité propre au berbère pour répondre aux besoins de désignation des choses nouvelles.

A cet égard, nous pouvons considérer que l’élaboration du lexique de mathématiques paru récemment pourrait devenir une expérience exemplaire pour ce qui est de l’introduction des néologismes, Car, s’il répond vraiment à un double besoin, celui des élèves et celui des professeurs, et surtout, ceci est capital, s’il a été élaboré par ceux-là même qui s’en serviront, ce lexique de mathématiques devrait avoir toutes les chances d’entrer dans les mœurs. Et puis, imaginons un instant que chaque branche de l’activité humaine se donne aussi son nouveau lexique ; celui-ci, dès lors qu’il se serait d’abord imposé aux gens concernés, finirait fatalement par s’imposer aussi aux autres et donc aussi à ceux qui seront les écrivains de demain.

Mais c’est à ces gens concernés qu’il appartient d’abord de faire le premier pas. Car un auteur n’invente jamais une langue. Un auteur ne peut écrire que dans la langue communément admise autour de lui, parce que son unique but, précisément, est d’être avant tout efficace face à un public. Je veux citer un exemple : l’auteur de la chanson de Roland ne pouvait pas écrire son texte dans le français d’aujourd’hui, puisque à son époque, c’est à dire au XIème siècle, ce français n’existait même pas encore. Un auteur témoigne donc de l’état d’une langue à un moment de l’histoire. Par contre, on peut dire qu’il n’est en rien responsable de l’évolution de celle-ci, car cette évolution est en réalité l’affaire de tous. Dans cet ordre d’idée on peut dire que si la langue de Dante s’est vue consacrée, la responsabilité de cette consécration incombe à tous les italiens et non à Dante lui-même.

Si je voulais aller jusqu’au bout de mon raisonnement, je dirais aussi la chose suivante : l’oralité étant encore une des caractéristiques de notre langue vernaculaire, la publication sous forme de cassettes audio et/ou vidéo est encore ce qui correspond le mieux aux exigences de l’heure. Ceci dit, il va de soi en réalité que le problème de l’écrit entre aussi dans mes préoccupations. Dois-je préciser que tout ce que j’ai publié sur cassettes a d’abord été élaboré par écrit ? II reste que pour régler la question de l’écrit de manière définitive, il conviendrait peut-être de se pencher sérieusement sur les deux points suivants : premièrement, celui de la notation des intonations, ceci sur le plan purement technique, et, deuxièmement, celui de l’analphabétisme ambiant, lequel malheureusement sévit encore au niveau de notre société.

Toujours est-il que je publierais volontiers par écrit si le manque de temps ne m’en empêchait.



Ton travail occupe une place singulière dans la littérature berbère ( !) où l’essentiel de la production consiste en chansons... Comment vois-tu l’avenir de tout cela ?


Je crois que je me suis suffisamment étalé dans ce qui précède sur ce qui pourrait faire la singularité de l’entreprise. Il reste que cette singularité n’est pas si singulière que cela. Il serait peut-être bon de rappeler qu’il y a plus de cent cinquante ans que les japonais ont commencé à songer à sortir de leur coquille pour s’adapter au monde contemporain. Chose qui, au demeurant, ne leur pas fait trop de mal dans l’ensemble, bien au contraire.

Quant à l’avenir de tout cela... seul l’avenir le dira. Car l’avenir ne dépend pas de ce que fait un individu en particulier mais bien de la conjugaison des efforts de tous. Or, il faut bien dire que ces efforts, aujourd’hui, sont pour le moins trop inégaux... Ce qui fait que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge !



II y a dans ce que tu fais une présence de l’émigration, mais, tu ne sembles pas très intégré dans le mot "beur". Comment te situes-tu ? ... (racisme, avenir de l’émigration...)


II y a quarante ans, ainsi que le dit Feraoun, le séjour des émigrés en France pouvait encore apparaître comme une parenthèse dans le cours de la vie des émigrés en question ; parce que l’immense majorité de ceux-ci reprenaient, dès leur retour dans leur pays d’origine, les us et coutumes de celui-ci. Or, il semblerait que ceci ne soit plus du tout vrai aujourd’hui ou il y a 800 000 algériens en France alors qu’ils étaient à peine 200 000 en 1950. Aujourd’hui, les séjours en France sont beaucoup plus longs qu’ils ne l’étaient il y a quarante ans. Une proportion considérable des nôtres se sont installés en France avec femme et enfants. De plus, le développement des moyens de communication fait qu’il s’est établi des liaisons quasi-permanentes entre les communautés émigrées et les terroirs d’origine. Et, qui dit liaisons dit transferts, surtout de biens matériels, en direction de ces terroirs d’origine mais aussi transferts de nouvelles références culturelles liées à l’acquisition et à la consommation de ces biens. Il s’ensuit que la communauté émigrée ne peut plus nous apparaître de nos jours comme un ilôt complètement détaché de la société qui lui a donné naissance. Ce qui serait peut-être plus juste serait d’y voir un prolongement de cette société mais aussi et surtout un prolongement qui replace le centre de gravité de cette société quelque part au beau milieu de la Méditerranée.

Il découlerait de ceci que les problèmes spécifiques de 1’émigration ne sauraient en aucun cas être dissociés du problème général de la confrontation de notre société avec celles qui nous entourent. Et c’est pour cette raison, au fond, que lorsque je mets sn scène des émigrés dans mes compositions, c’est le plus souvent pour traiter de thèmes relevant de préoccupations qui pourraient tout aussi bien être celles ce nos compatriotes demeurés au pays.



Et les "beurs" dans tout cela ?


Les "beurs" sont, à mon avis, la preuve vivante d’une double faillite, faillite de nos cultures traditionnelles face aux nouvelles réalités que nous vivons et, faillite pareillement de la culture officielle prônée par le pouvoir politique algérien face à ces réalités.

Il est, remarquable de voir, à cet égard, que nos "beurs" n’ont pas d’équivalents chez les espagnols ni chez les portugais lesquels sont pourtant deux fois plus nombreux en France que les algériens. On va dire : ‘Oui... Mais... Les espagnols et les portugais sont des européens... Et puis ce sont des chrétiens... etc., etc." Mais croyez-vous que les français leur fassent des cadeaux pour autant ?... Déjà que ces derniers se font rarement de cadeaux, même entre eux. La réalité est que les enfants d’espagnols ou de portugais s’appliquent à tirer partie au maximum des possibilités que leur offre le pays d’accueil. Et ceci parce qu’ils sont déjà mieux armés que les enfants de nos émigrés. Ensuite, ils demeurent quand ils grandissent presque toujours attachés à la culture de leur pays d’origine. Mais qu’est-ce qui rend cet attachement possible ? C’est bien sûr essentiellement le fait qu’il n’existe aucune contradiction majeure entre cette culture d’une part et l’expérience vécue d’autre part. Ce qui suppose bien sûr encore que la culture des espagnols et des portugais se renouvelle chaque jour en s’alimentant à la source vive de cette expérience vécue.

Or, tel n’est pas le cas chez les algériens, lesquels commencent d’abord par affirmer avec force des principes rigoureux, principes qu’ils s’empressent ensuite de détourner à qui mieux. Car, le plus souvent, il s’avère qu’à l’usage nos valeureux principes sont bien évidemment, impossibles à assumer. A moins de se tenir prudemment à l’écart de tout. Et comment ? En faisant l’autruche. D’où cette cassure très nette qui existe entre nos vieilles références culturelles, si riches et si généreuses, tout au moins à ce nous imaginons, et nos pratiques quotidiennes, lesquelles sont trop souvent des pratiques de chacals. Et cela à tous les niveaux de la société, si bien qu’on pourrait se demander si la tartufferie n’est pas devenue chez nous un art de vivre. Là-dessus, pour compléter l’ensemble, il y a ceux qui poussent des soupirs du style : "Où va la jeunesse d’aujourd’hui ?..." Viennent ensuite ceux qui, pour bien arranger les choses, donnent tête baissée dans 1’arabo-islamisme et puis ceux qui, pour faire pièce à 1’arabo-islamisme, nous déterrent le tifinagh parce que n’ayant rien d’autre sous la main. Ceux-ci d’un côté. De l’autre côté, il y a les "beurs" lesquels évidemment envoient promener tout le monde.

Puisqu’il m’est demandé de me situer, je dirai la chose suivante : certes je fais bien sûr grand cas de toutes les mouvances que j’évoque ici. Néanmoins, ce que j’ai publie doit donner, je crois, clairement à entendre que je ne m’inscris dans aucune d’entre elles. Car, si les premières m’apparaissent comme frappées de stérilité en débouchant sur des impasses, je ne crois pas, non plus, que les "beurs" soient des exemples à suivre. Et ceci pour la simple raison que les "beurs" sont avant tout une population déracinée voire déstabilisée.

Finalement, et ceci résumera peut-être les quelques indications éparses que j’ai données plus haut concernant mes préoccupations, ce que je fais est une chose très simple : je m’efforce de dire dans notre langue maternelle l’essentiel de notre expérience vécue. Et ceci au delà de tous discours doctrinaires d’une manière générale et au-delà du discours doctrinaire de gauche en particulier, lequel, il faut bien le dire, a, à força d’être galvaudé, perdu toute espèce de crédibilité. Ceci dit, j’ai le sentiment, tout de même, que cet effort pourrait encore répondre à deux nécessités d’égale importance. D’une part, le fait de s’exprimer en langue maternelle pourrait à bien des égards répondre à la nécessité dans laquelle nous nous voyons de trouver remède au déracinement qui frappe beaucoup d’entre nous. D’autre part, dire l’essentiel de l’expérience vécue, cela ne revient-il pas en quelque sorte à faire le point sur les réalités dans lesquelles nous vivons ? Et, faire le point de temps en temps, c’est peut-être une chose encore qui pourrait justement nous aider à ne pas être débordés par ces réalités.

Si ce que je dis venait à être vérifié, il y aurait peut-être là l’esquisse de ce qui pourrait être un lien allant d’un extrême à l’autre de notre société ; c’est-à-dire un lien qui permettrait à un grand-père de comprendre son petit-fils "beur" et à celui-ci de comprendre ce grand-père lequel, sinon, est à des années-lumière loin derrière lui.

Mais ne rêvons pas trop... Et puis qu’est-ce qui prouve qu’il n’est pas déjà trop tard ?

Ensuite, les émigrés et le Fascisme. Je ne veux pas m’étaler sur ce sujet parce que ce serait trop long. Je dirai seulement qu’il est trop facile de brandir le spectre du racisme chaque fois qu’un conflit éclate entre des français et des algériens, comme cela se fait souvent. Rappelons-nous les 36 000 marocains résidant en Algérie, qui en 1976 se sont vus intimer l’ordre par les autorités algériennes de quitter le pays sous 48 heures. Et là-dessus on nous chante le grand maghreb arabe sur tous les tons !... Comment admettre que ceux qui ont cautionné une telle décision, ne serait-ce que par leur silence, viennent aujourd’hui nous rebattre les oreilles à propos du racisme auquel seraient en butte les algériens résidant en France ?... Et puis même si le racisme existe en France, et il existe de la même manière qu’il existe dans tous les pays du monde, ce n’est pas, à ma connaissance, un fait institutionnalisé ; c’est un fait de société. Et, l’un dans l’autre, notre société a au moins autant de responsabilité que la société française à cet égard.

Une seule chose encore. Imaginons nos "beurs" débarquant du jour au lendemain en Algérie. Comment seraient-ils reçus ? Je parie qu’ils seraient mis dans des camps de concentration. Donc, avisons-nous d’abord de nous occuper de nos faiblesses et de nos défauts avant de nous occuper de ceux des autres.

Concernant l’avenir de l’émigration algérienne en France, évidemment je ne suis pas devin. Il reste tout de même que si on veut y regarder d’un peu plus près, on constate que le phénomène s’est développé sur la base d’une certaine convergence d’intérêts entre, d’un côté des gens qui avaient besoin de main-d’oeuvre et, de l’autre, des gens qui avaient besoin de vendre leur force de travail. Convergence d’intérêts inégaux sûrement, mais convergence d’intérêts tout de même. Pour ce qui est de l’avenir donc, je ne vois pas comment l’émigration pourrait se maintenir en France sur d’autres bases que celles-ci. Car il apparaît que la tendance chez les émigrés eux- mêmes est bel et bien, me semble-t-il, au maintien du statu quo. Et ceci, en dépit de tous les drames individuels qu’ils connaissent souvent ; je veux dire des drames liés au fait de s’expatrier, à la solitude, à la détresse, etc.

Les pays occidentaux en général, et la France en particulier, connaissent depuis une dizaine d’années une récession économique, et ceci n’est pas du tout une plaisanterie. Il est à parier néanmoins que tous ces pays dépasseront cette crise d’une manière ou d’une autre et ce pour la bonne raison suivante : ils en ont vu d’autres. Au reste, aujourd’hui, c’est ce à quoi ils s’emploient le plus. C’est ainsi que les mots les plus couramment repris en ce moment en France sont ceux de compétitivité, restructuration de l’économie, rénovation de l’appareil productif, rentabilité, etc... La logique qui découle de cette situation voudrait que le critère de rentabilité s’applique aussi à l’endroit des immigrés. Et du fait, c’est ce qui se produit. En dépit des discours et autres manifestations de soutien, lesquels ne servent à rien d’autre en réalité qu’à "noyer le poisson", l’immigration algérienne se voit peu à peu faire l’objet d’un laminage. Mais si la plupart de nos compatriotes, lorsqu’ils se retrouvent au chômage, préfèrent rentrer définitivement, il est encore permis de penser qu’à l’avenir ceux qui resteront en France seront ceux, salariés ou travailleurs indépendants, qui auront su accéder à des situations moins précaires que celles étant en général le lot de la plupart d’entre nous. Mais, combien feront l’effort de chercher à accéder à des situations moins précaires et combien y parviendront ?

Hommage à Mohia! Mohya10

Le pays change vite et profondément. Quelle attitude préconises-tu par rapport à l’islam et à l’arabe classique entendu comme langue nationale ? (leur utilisation ou leur rejet...)

La première chose que je dirai ici est que je ne me sens bien évidemment aucune qualité pour préconiser quoi que ce soit. Ce qui ne m’empêche pas, au demeurant, d’avoir mon opinion sur les sujets évoqués ici.

Il y a peut-être un an de cela, quelle n’a pas été ma stupéfaction d’entendre Lakdar Hamina, qu’on interrogeait sur Radio n Tmazight à Paris, dire textuellement ceci : "II y a 20 millions d’habitants en Algérie, ça sont 20 millions de tubes digestifs" !!!... J’en suis encore à me demander ce qu’il voulait dire par là.
Voulait-il dire que les algériens ont mal tourné depuis qu’ils sont indépendants ? Mais alors à qui la faute ? Ceux qui nous gouvernent ont au moins une responsabilité à cet égard. Or, Monsieur Hamina, cinéaste tout ce qu’il y a de plus officiel et ce surcroît haut fonctionnaire algérien, appartient bel et bien à la famille de ceux qui pendant vingt ans ont eu la haute main sur le destin des algériens.

Voulait-il dire que les algériens consomment plus qu’ils ne produisent ? Mais, là encore, l’exemple vient de haut. La politique d’arabisation coûte des milliards d’investissement à l’Algérie et produit des "infirmes mentaux", et ceci est encore une expression de Monsieur Brerhi, notre ministre de l’enseignement supérieur.
A moins que Monsieur Hamina n’ait voulu dire par là que les algériens ne méritent même plus l’air qu’ils respirent, auquel cas la chose est simple, cela voudrait dire que ceux qui nous gouvernent "ne sont pas contents de leur peuple. Ils doivent donc élire un nouveau peuple.

Ce qui précède pourra peut-être sembler une manière d’esquiver la question qui m’est posée, Mais c’est que le spectacle de ces changements rapides et profonds qui interviennent chez nous a souvent de quoi dérouter le plus désabusé des hommes. Et puis, il se pourrait aussi que la démythification conduise au pessimisme...

Je trouve à peine la force de dire qu’il faut quand même oser regarder loin devant soi. Il me semble que le prochain grand rendez-vous de l’Algérie avec l’histoire sera celui de l’après-pétrole. Car, si aujourd’hui encore la rente pétrolière autorise le pouvoir politique algérien à persévérer dans toutes ses fuites en avant ou à se livrer à des contorsions, le jour, lequel n’est peut-être pas si loin, où cette rente viendra à manquer, il lui faudra bien trouver autre chose.

En attendant chacun doit être libre d’agir suivant ce qu’il croit être ses intérêts. Ce qui n’empêche pas qu’on puisse songer sérieusement, et ce dès à présent, à chercher les issues qui nous permettraient d’échapper à l’obligation qui nous est faite d’avoir à choisir entre l’abrutissement par 1’arabe-islamisme ou l’abrutissement par l’alcool.



Paris, 26 janvier 1985



http://algeriasong.over-blog.com/article-entretien-avec-muhend-u-yahia-55807389.html
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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 1:19

Muhand u Yahia, l'homme qui disait; "La culture ne s'achète pas"!

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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 1:21

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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 1:22

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Message  Red@_Senoune Mar 4 Déc - 1:28

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Mohia (poète et dramaturge)


Hommage à Mohia! Mohia13


Mohia, le pionnier du théâtre d'expression Kabyle!
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Message  Aokas Revolution Mar 4 Déc - 14:05

Merci

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 17:57

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:00

Un hommage lui sera rendu vendredi et samedi prochains
Mohia, l’intemporel

Pour la journée de vendredi, le public aura droit à une pièce théâtrale, intitulée ‘’tacbaylit’’ qui sera présentée par l’association Uqtaan d’Akaouadj, alors que la journée de samedi sera marquée par une conférence débat qui sera animée par M. Omar Fetmouche, directeur du Théâtre Régional de Béjaïa, au tour de l’œuvre de Mohia.
02/12/2012 - 11:42 mis a jour le 02/12/2012 - 11:41 par La Rédaction


Vendredi prochain coïncidera ave le 8ème anniversaire de la disparation de l’inénarrable dramaturge Kabyle Mohia. Deux jours durant, vendredi et dimanche prochains, la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou abritera des festivités commémoratives.
La direction de la culture, en collaboration avec la maison de la culture, le Comité des activités culturelles et artistiques et le Théâtre Régional Kateb Yacine ont concocté un programme pour la circonstance. Au programme des témoignages, une exposition permanente d’article de presse et photos de Mohia, des conférences etc.

Pour la journée de vendredi, le public aura droit à une pièce théâtrale, intitulée ‘’tacbaylit’’ qui sera présentée par l’association Uqtaan d’Akaouadj, alors que la journée de samedi sera marquée par une conférence débat qui sera animée par M. Omar Fetmouche, directeur du Théâtre Régional de Béjaïa, au tour de l’œuvre de Mohia. Elle sera suivie par une prise de parole et des témoignages et le tout sera clôturé par le dépôt d’une gerbe de fleurs sur sa tombe à Aït Rabah, dans la commune Iboudrarene.

La Rédaction

Qui est Mohia ?

Par Yahia Yanes

Mohand Ouyahia de son vrai nom Abdallah Mohia est né en 1950 au village d’Ait Erbah près de Tassaft. C’est un illustre dramaturge, poète et homme de culture algérien d’expression Kabyle. Décédé le 07 décembre 2004 d’une tumeur au cerveau à la clinique Jeanne Garnier de Paris, il a été inhumé le 13 Décembre dans son village natal. Mathématicien et militant au sein de l’académie berbère, puis du groupe d’études berbères, il a été la cheville ouvrière de son bulletin et de la revue ’’ Tisuraf.’’
Mohand Ouyahia alias Abdellah Mohia a révolutionné le théâtre kabyle. Créateur original, il a traduit de nombreux textes de valeur universelle en kabyle ainsi que certaines œuvres de célèbres auteurs comme : Bertolt Brecht, Jacques Prévert, Boris Vian, Lou Sin, François Béranger, Guy de Maupassant, William Shakespeare, Georges Brassens, Tristan Corbière, Philippe Soupault, Jean Racine, Jacques Brel, Luigi Pirandello, Samuel Beckett, Félix Leclerc, Jean Ferrat, Gilles Servat, Clément, Poitier, Singer, Voltaire, Molière… Il a consacré également tout un ouvrage sous le titre « Izlan » l’œuvre artistique de Slimane Azem.
Mohand Ouyahia n’est malheureusement pas très connu du public algérien. Beaucoup ne connaissent pas ses créations et son talent. Discret et modeste de son vivant, ce n’est qu’après sa mort que le public s’intéresse de plus en plus à son œuvre.
Cet immense créateur est connu extra muros pour ses fameuses adaptations de pièces de théâtre tirées des œuvres de la littérature universelle et pour sa poésie que certains de nos grands chanteurs comme Idir, Ferhat Imazighen Imoula, Ideflawen, Malika Domrane ont mis en musique et chantés. Diplômé en mathématiques, il s’est découvert une âme littéraire, une sensibilité artistique pour le grand bonheur de notre culture.
Beaucoup se sont enrichis de tamazight en privilégiant l’accessoire, lui l’a enrichie en allant à l’essentiel. Il fut un défenseur acharné et un chantre du développement d’une tradition littéraire. Sa disparition à l’âge de 54 ans est ressentie par le milieu culturel et artistique Kabyle comme une incommensurable perte.
Mohand Ouyahia/Abdellah Mohia fait désormais partie de notre patrimoine au même titre que Mouloud Mammeri, Si Mohand Ou M’hand, Slimane Azem, L’hasnaoui, Jean Amrouche, Tahar Djaout, Boulifa, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Bélaïd Aït-Ali...

* I kečč a Muḥya.

Tamusni-k d ajgu n nnif Win tedhen iẓra d acu Ulac tiyta deg wungif D uḥdiq i teqsed a tt-iwεu Isεeb ubrid yak γezzif Ilzem s laεqel ad iddu Terγa neγ tegres kifkif S ṣṣber i ibda usefru Seg yiγes inγel wadif Yal tiyta a d-tettrussu Iqbel uγilas lḥif Wala ddel ad as-iknu Mmi-s n udrar aḥnif Muḥya d awezγi a k-nettu sgunfu, nsuter-ak laεfu.

YAHIA YANES. (Enseignant, poète et écrivain)

http://www.tamurt.info/mohia-l-intemporel,3279.html?lang=fr
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:04

MOHIA : L’HONNEUR DE LA CREATION CUTURELLE AMAZIGH

Un exemple stimulant, à la jonction du terreau national et de l’universel

mercredi 8 décembre 2010

Les visiteurs de "Socialgerie.net" ne peuvent que remercier Khelifa Hareb d’avoir, par son envoi, contribué à combler l’injustice et le tort profond causés à l’Algérie par la méconnaissance des trésors culturels que nous a laissés le grand MOHIA.
Peu de témoignages rendent hommage à Mohia, pour la substance et l’importance sociale et culturelle de son œuvre, y compris dans sa dimension politique nationale au sens profond du terme.

Je me souviens que jamais je n’ai tant ri aux éclats et apprécié une œuvre théâtrale que lorsque, dans les ténèbres de ma vie clandestine, vers les années 80, j’ai reçu de la part du regretté Aziz Belgacem (* ) la cassette de la pièce théâtrale "Tacbaylit" (La Jarre), si merveilleusement adaptée à notre société qu’on aurait cru que Pirandello l’avait créée directement en Kabyle et pour les berbérophones. Le miracle, c’est que l’oeuvre savoureuse est écrite dans la langue courante, accessible au moins instruit et dans la chaumière la plus reculée du pays. Un peu comme les poèmes si profonds de Lounis Ait Manguellet dont le dernier album "Tawriqt tacebehat" ( La feuille blanche) vient de paraître.

Par son oeuvre et sans débordements théoriques oiseux, Mohia a aussi tranché le faux et pernicieux débat à connotation idéologique, celui de la nature des caractères (latins, arabes ou tifinagh) à utiliser.
Comme le rappelait à juste titre le regretté Aït Amrane, créateur en janvier 1945 de l’hymne "Ekker a miss Oumazigh", la priorité absolue est à la production, à la création féconde, quelle que soit la transcription alphabétique, pourvu que celle-ci donne accès à un secteur de la population à qui cette transcription est la plus familière.
Ensuite, l’usage, la qualité des oeuvres produites trancheront sur le moyen terme en faveur des modalités les plus opérationnelles, les plus souhaitables et les plus consacrées par la vie et le contexte global.

Il reste le plus important pour tous : relayer et diffuser toutes les productions susceptibles d’irriguer et féconder les demandes culturelles arabophones ou berbérophones encore en friche, à quoi s’ajoutent les créations en langues étrangères, comme l’ouvrage de Brahim Senouci qui entre autres restitue avec verve les anecdotes révélatrices d’états d’âme populaires dans une région arabophone de l’Ouest algérien.

(*) Le regretté Aziz Belgacem fut mon adjoint organique et un coordinateur efficace de l’Exécutif du PAGS durant mes périodes d’indisponibilité physique. Il fut assassiné au milieu des tragiques années 90.

« Notre théâtre est un théâtre de combat ; dans la lutte des classes, on ne choisit pas son arme.
Le théâtre est la nôtre.
Il ne peut pas être discours, nous vivons devant le peuple ce qu’il a vécu, nous brassons mille expériences en une seule, nous poussons plus loin et c’est tout.
Nous sommes des apprentis de la vie. »
Kateb Yacine, Le Monde, 11septembre 1975.

Qui parmi nous ne connait pas la chanson « Ah ya dine Qessam », un hymne en référence à Berrouaghia, la tristement célèbre prison où avaient croupi les militants de la cause amazighe et des droits de l’Homme durant les années 1980 en Algérie ?
Qui parmi nous, également, n’a pas entendu la chanson « Tahya Breziden » reprise par Ferhat Imazighen Imoula ?
… Mais combien parmi nous connaissent réellement le véritable auteur de ces chefs-d’œuvre ? Nous ne sommes pas nombreux, hélas. L’auteur demeure pour beaucoup un inconnu puisqu’il a toujours agi loin des projecteurs, des caméras, dans les coulisses…

Telle fut la vie de Mohand Ou Yahia de son vrai nom Mohia Abdellah, un artiste, un militant qui aura marqué de son empreinte indélébile la production culturelle d’expression amazighe.

Mohia, cet enfant d’Ath Eurvah, près de Tassaft Ouguemoune, sur les hauteurs de la Kabylie, après des études primaires, a fréquenté le lycée Amirouche de Tizi Ouzou. À la fin de ses études secondaires, il a rejoint l’université d’Alger où il a obtenu une licence en mathématiques en 1972.
Après sa réussite dans un concours, il est parti en France où il s’est installé l’année suivante.

Il y rejoint directement l’Académie berbère. Il a enseigné Tamazight à l`Association de Culture Berbère (ACB). À l’université Paris VIII, il se montra particulièrement actif en rejoignant des groupes d’études et en animant des bulletins et des revues. Il constitua, avec un groupe d’amis, un atelier de traduction-adaptation.
Sa vie qui se confond avec son œuvre renseigne sur un génie et un talent inégalables, investis dans un engagement pour les causes justes.
Naturellement, il sera question ici de la présentation de son œuvre théâtrale monumentale qui consiste en la traduction des chefs-d’œuvre du théâtre universel dans un kabyle authentique. Ce qui fait de lui d’ailleurs une référence dans ce domaine-là.

Pour Mohia l’action culturelle était un choix militant où il n’a négligé aucun aspect. Il a porté son grain au moulin de la production et de la promotion de tamazight dans ses divers répertoires : de la littérature à la poésie, de l’adaptation à la traduction, en finissant par le théâtre.
Il ne restait que le cinéma auquel il n’a pas touché. Faute de moyens, sommes nous tentés de dire.
Dès son admission à l’université d’Alger, il se lança pleinement dans le combat identitaire. Il assistait aux cours de Tamazight dispensés par Mouloud Mammeri.

Ses premiers pas artistiques Mohia les fit en tant que poète, et ce ne furent pas des moindres, puisque plusieurs de ses textes sont interprétés et chantés par beaucoup d’artistes kabyles : Ferhat Imazighen Imoula, Ali Ideflawen, Malika Domrane, Takfarinas, Djudjura, Slimane Chabi, la troupe Debza…

Ces chansons sont de véritables hymnes à la démocratie et aux libertés.

Cela en traduisant les poèmes de Boris Vian, de Seghers, de Nazim Hikmet, de Brassens, Prévert et autres vers la langue la plus authentique de la rive sud de la méditerranée dont il connaissait les moindres méandres.

Toutefois, bon nombre de ses poèmes restent, à ce jour, inédits.

Les Contes qui constituent un véritable gisement de la culture orale berbère ont été fortement travaillés par Mohia : Tamacahut n Iqannan (histoire des nains), tamacahut nyeɣyal (histoire des ânes), asmi nxeddem le théâtre (quand on jouait au théâtre) et bien d’autres.
Aussi, et en parallèle, il préfaça plusieurs publications et élabora plusieurs essais notamment sur la chanson kabyle.
Il collabora, régulièrement, à plusieurs revues et bulletins de publications militantes qui traitent des divers aspects de la culture amazighe.

Mohia entame vraiment sa carrière de dramaturge par des traductions de pièces de théâtre (Molière, Pirandello, Beckett…), un domaine où il est considéré comme un pionnier, notamment dans celui d’expression amazighe.
Ses débuts dans le théâtre remontent déjà au lycée où il anima avec un groupe de lycéens une troupe théâtrale. Une fois le bac décroché, sa rencontre à l’université d’Alger avec les anciens amis du lycée Amirouche se solda par la constitution du « cercle des étudiants de Ben-Aknoun ». À cette époque-là, les esprits étaient déjà en ébullition, stimulés par la parution de la pièce théâtrale de Kateb Yacine « Mohamed, prends ta valise ».

Ce même Kateb Yacine qui partage, par ailleurs, le point de vue de Mohia sur le plan linguistique, apporta ce témoignage : « Certains en déduisent qu’elle n’a pas de littérature. C’est qu’ils ignorent les contes populaires, les “poèmes de Si Muhand U Mhand”. Ils ne savent pas qu’un nommé Mohia, exilé à Paris, ne cesse de traduire et adapter le théâtre moderne de Pirandello, Brecht, Beckett. Ils ne savent pas que grâce à Mohia, une jeune troupe algérienne produit actuellement en tamazight la pièce de Beckett, “En attendant Godot.” » [1].

Mohia traduisit également en kabyle, dans une âme amazighe « Morts sans sépulture » de J.P. Sartre puis, avec Momoh Loukad cette fois-ci, « La putain respectueuse » du même auteur. Au milieu des années 1970, il adapta « L’exception et la règle » de Brecht (Llem-ik, Ddu d udar-ik) qu’il publia aux éditions “Tala”. Dans la préface, Mohia insistait, déjà, sur la nécessité de produire en Tamazight. L’autre œuvre de Brecht que Mohia adapta fut « La décision » (annegaru ad d-yerr tabburt).

Comme tous les printemps du monde, au printemps amazigh, les bourgeons soyeux et argentés donnent naissance à des fleurs. L’artiste en élément de la nature, l’emplit de beauté et de rayonnement. Doublant la cadence, Mohia mit les bouchées doubles et adapta en tamazight plusieurs autres œuvres relevant du patrimoine universel, notamment « Le ressuscité » (Muhand Ucaâban) du célèbre écrivain chinois Lu Xun. Cette dernière a connu un grand succès et a fait l’objet d’une production cinématographique quelques années plus tard. Par la suite, Mohia s’intéressa à Pirandello.
La pièce intitulée “ La Giara ” qui a donné « La Jarre » en français, est devenue « Tacbaylit » sous sa plume. Deux pièces vont suivre également : « Tartuffe » de Molière et « Ubu Roi » d’Alfred Jarry, qui sont adaptées en kabyle respectivement sous les titres de « Si Partuf » et « Caebibi ».
Puis, ce sont deux autres pièces encore : « Le Médecin malgré lui » de Molière et « En attendant Godot » de Samuel Beckett qui sont adaptées respectivement sous les titres de « Si Leh’lu » et de « Am win yettrajun R’ebbi ». D’autres adaptations phares se succèdent : « Si nistri » (La farce de maître Patelin, composée au 13ème siècle par un inconnu), « Les fourberies de Scapin » et « Le malade imaginaire » de Molière qui restèrent au stade du manuscrit, mais aussi « Knock » de Jules Romain.

Il élargit son champ en s’intéressant aux autres cultures et civilisations, particulièrement la Grèce antique dont les auteurs le fascinent. Sur le ton de la confidence, à l’un de ses amis, poète qui sait servir sa culture en son vivant : "les philosophes grecs ont tout dit" [2] ! Ainsi il adapta la pièce « Entre les émigrés » de Mrozeck qu’il intitula « Sin nni » et la véritable histoire de « Ahq n Muh Terri ».

L’immensité et la grandeur de son travail nécessitent la publication de l’ensemble de son œuvre dans des ouvrages et autres manuscrits scolaires et devront bénéficier d’une large diffusion dans les radios, les télévisons et les bibliothèques, pour qu’ils soient à la portée de tous.

Ainsi, l’œuvre pour laquelle il a consacré toute une vie sera préservée et transmise de génération en génération. Ce jour-là, le philosophe, le chanteur magistral toujours en vie nous interprétera à Assouel [3], le poème de la fierté de l’appartenance et de la résistance :

"Si Tasaft id kehiɣ asɣar macci de dderya uɣanim".
(Mon bois est issu du chêne et non du roseau.),
le sirocco soufflera la missive :
« les gens de la montagne n’ont pas pour habitude et encore moins pour principe de courber l’échine »
en direction de l’ouest, dans les oreilles des koulaks [4] Okbistes d’Alger et de Rabat
et vers l’est pour ceux de Tunis et de Tripoli.

Pour conclure il est important aujourd’hui pour la culture nord-africaine et très vital pour le théâtre amazigh d’immortaliser l’œuvre de Mohia, cela en perpétuant et continuant le travail d’un homme qui fait partie de cette catégorie de gens qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour la cause, contrairement aux autres qui ne font et ne savent que recevoir.

Khelifa Hareb¸
Montréal le 01 décembre 2010.

Sources :berberes.com

http://www.berberes.com/images/pdf/mohia-07dec2010.pdf
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:05

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:07

http://www.socialgerie.net/spip.php?article310
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:08

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:11

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:15

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:16

Muhend U Yehya - Un esprit fondateur
sam, 2011-12-10 04:24 -- Amezyan AÏT ZIRI

Mohia hommage à Paris

De temps à autre, du tréfonds de la solitude où les âges les ont acculés, les peuples orphelins se décarcassent et se trouvent des hommes ou des femmes qui réaniment leur destin et les sort de la torpeur pour les amarrer à l’Histoire.

Ainsi, la fureur que l’Algérie indépendante a mise pour gommer les langues, l’histoire et la culture millénaires du pays au profit exclusif de l’arabo-islamisme a donné raison et corps à la riposte égale de la part des victimes spoliées.

Il y eut d’abord la souche que Kateb Yacine a qualifiée de Maquisards de la chanson et le théâtre de résistance, pour percer la chape de plomb de l’entreprise d’acculturation et de dépersonnalisation de la Kabylie méthodiquement menée par le pouvoir algérien au lendemain même de l’indépendance. À côté de ces expressions visibles qui s’étaient imposées durant un laps de temps, il y avait des milliers de niches de résistance formées de femmes et d’hommes, en groupe ou individuellement, qui ont laborieusement mené un travail de résurrection de la langue kabyle avec une conviction chevillée au corps.

Dans cette large et interminable galaxie de militantes et militants qui travaillaient dans la solitude et le dénuement, il y avait une étoile particulière qui s’appelle Muhend u Yehya.

À l’entame de sa quête, Muhend u Yehya ne s’est jamais considéré plus qu’un simple artisan qui accomplit consciencieusement son art. Il n’avait pas les moyens et ne disposait pas d’un environnement favorable pour se projeter dans une ambition supérieure.

À cœur vaillant, rien d’impossible ! Tel que Didon l’a fait pour le peuple phénicien, il a d’abord voulu obtenir un écot “autant qu’il en pourrait tenir dans la peau d’un bœuf” pour la langue et la culture de son peuple.
Et, l’un dans l’autre, durant près de 30 ans, sans donner l’air d’en faire, il a construit une œuvre monumentale qui a immergé de plain pied la langue kabyle dans l’universalité.

Il est dit par ailleurs que les nains aussi ont commencé petits. Au-delà du génie pur de ses œuvres, celui qui a dit : di 62 teffeγ Fransa, tkecm-ed Lzayer (en 1962, la France est partie, El Djazaïr l’a remplacée) a su contourner l’endiguement bien étanche de l’ostracisme subie par sa langue en inventant un support inédit de vulgarisation par l’enregistrement sonore répliqué sur des cassettes audio qui se sont démultipliées par centaines de milliers au fil du temps.

Tasekkurt timellalin ! Le soft et le hardware en quelque sorte.

Muhend u Yehya est mort il y a 7 ans. À l’annonce sa mort, un immense chagrin a pris à la gorge tout un peuple. À son corps défendant, sa légende a commencé le jour même de sa mort. De juste raison, car s’il y a une personnalité qui n’a pas usurpé la pleine et entière reconnaissance de son peuple, c’est bien lui.

Aujourd’hui, la ferveur a supplanté la mélancolie. Naturellement, 3 jours d’hommage ne sauront jamais suffire à épuiser le sujet. Loin s’en faut.
Nous le célébrons déjà tous les jours dans nos cœurs et à chacun de ses anniversaires, nous serons un festival en sa mémoire.

En ce moment, une pétition circule sur le net pour exiger de baptiser de son nom la Maison de la culture d’Azazga. C’est la moindre des gratitudes. C’est peut-être l’occasion pour ceux qui ont tenté une récupération douteuse de son corps à son arrivée l’aéroport d’appuyer le projet.

En tout cas, le peuple exige cette justice à Muhend u Yehya. Vox populi, vox dei !

Azazga, le 8 décembre 2011

Azru Loukad


http://www.kabyle.com/fr/blog/amezyan-a%C3%AFt-ziri/muhend-u-yehya-un-esprit-fondateur-18773-10122011
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:18

La culture amazighe et la culture kabyle ont perdu un homme immense.
Poète et dramaturge de talent, Mohya a traduit des oeuvres théâtrales universitaires et les a introduites dans la société kabyle.
Il a été un militant irréprochable de la cause berbère. La culture et l'identité de son peuple l'ont habité jusqu'à sa mort.
À travers ses personnages multiples, on reconstitue le village kabyle et son mode de vie. On y découvre les vertus et l'absurde, la beauté et la laideur, la sagesse et la folie, l'amour et la haine, le travail et la paresse, la solidarité et l'égoïsme, l'honnêteté et la ruse.
Il a tout donné à la mémoire de son peuple.
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:21

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:23

Culture : EN LIBRAIRIE
MOHIA, LE PLUS CÉLÈBRE DES INCONNUS DE ABDERRAHMANE LOUNÈS
Ainsi parlait Muhend Uyehya

Pour Abderrahmane Lounès, Mohia est «le plus célèbre des inconnus». Au-delà de l’humour bien «lounèssien», il aurait pu tout aussi bien dire que Mohia est le plus mal connu des hommes célèbres. Dans son livre, un essai bibliographique, intitulé justement, «Mohia, le plus célèbre des inconnus», paru aux éditions El Othmania, Abderrahmane Lounès, cite le chanteur Ali Ideflawen qui estime que «celui qui veut connaître (ou découvrir) Mohia, doit connaître (ou découvrir) ce qu’il a laissé».
Mohia inconnu ? Oui, parce que déjà, les gens pensent que son vrai nom est un pseudonyme d’auteur. Muhend Uyehya que les gens prennent pour le vrai nom de l’auteur est au contraire le pseudo de Abdellah Mohia né le 1er novembre 1950 au village Ath Rbah, près d’Iboudraren dans l’actuelle wilaya de Tizi Ouzou. Mohia qui a quitté ce monde en 2004, est effectivement méconnu, car quand on demande aux gens de parler de lui, ils se contentent généralement de citer le titre d’une ou deux pièces théâtrales, sans plus. «Comment faire pour parler de Muhend Uyehya qu’on désigne par le simple nom de Mohia ? Comment faire pour parler de Mohia, le père fondateur du théâtre d’expression berbère, le Molière des années soixante-dix et quatre-vingt, sans tomber dans les clichés habituels des nécrologues professionnels qui ne font rien que copier les uns sur les autres ?», écrit Abderrahmane Lounès. La tâche n’est pas aisée, d’autant plus que Muhend Uyehya a presque toujours refusé les interviews et que «durant plus de trente- cinq ans, il n’a eu besoin ni de télé ni de radio pour se faire connaître». Mohia, mathématicien de formation, a de multiples «fa (r) cettes» (le jeu de mots est de Lounès). Ainsi, il est poète, parolier, musicien, auteur dramatique, metteur en scène, comédien, traducteur–adaptateur, écrivain, etc. Dans le domaine de la chanson, par exemple, il a signé des œuvres qui seront chantées par de grands artistes ou groupes kabyles comme Idir, Malika Domrane, Takfarinas, Djurdjura, Ferhat Imazighen Imoula, Ali Ideflawen, Slimane Chabi, Bahi, Imuzagh et d’autres. Après des études au lycée Amirouche d’Azazga, Abdellah Mohia rejoint la capitale. En 1969, il est à l’université d’Alger où pendant au moins trois ans, il participe aux cours de Mouloud Mammeri dont il est un élève assidu. En 1973, il part en France pour poursuivre ses études en mathématiques. Désormais, il va partager sa vie entre militantisme et création littéraire et artistique. Le livre de Abderrahmane Lounès comporte aussi des «choix de textes» de Mohia dont ceux intitulés «Retour au pays», «A chacun sa cause», «Entre hier et aujourd’hui» ou «A chacun sa philosophie». Ces textes sont en kabyle avec des adaptations en français. Lounès a aussi déniché «quelques saillies de Mohia», dont celle-ci : «A un jeune venu lui dire qu’il était prêt à mourir pour tamazight, Mohia répond : Tu seras un homme quand tu sauras vivre pour tamazight». «Ainsi parlait Mohia» est un entretien de Muhend Uyehya réalisé en 1985 par Hend Sadi pour la revue clandestine Tafsut (printemps en berbère) du Mouvement culturel berbère (MCB). «Le fait d’adapter des auteurs contemporains et d’une manière générale des auteurs appartenant à des civilisations différentes de la nôtre, revient encore à situer notre expérience vécue par rapport à celle vécue par d’autres hommes sous d’autres cieux. A défaut d’en tirer des règles de conduite, la chose au demeurant ne peut que nous aider à faire l’économie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont été déjà commises par ces autres hommes», répond Mohia à une question relative aux adaptations. Plus loin, il nous dit en toute humilité : «Je ne cherche surtout pas à convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Personnellement, je n’ai absolument rien à vendre. Etant donné que je ne suis plus moi-même sûr de quoi que ce soit, je pense par conséquent que chacun doit s’assumer, aller jusqu’au bout de sa logique. Mais on ne peut s’assumer vraiment en jouant à des jeux dont on ignore les règles, ou encore à des jeux dans lesquels les dés sont pipés d’avance. N’ayant moi-même aucune certitude ni rien de bien net à proposer, je ne peux dès lors que m’amuser à déceler la faille dans ce qui est proposé par ailleurs». L’entretien se termine ainsi : «En attendant, chacun doit être libre d’agir suivant ce qu’il croit être ses intérêts. Ce qui n’empêche pas qu’on puisse songer sérieusement, et ce, dès à présent, à chercher les issues qui nous permettrait d’échapper à l’obligation qui nous est faite d’avoir à choisir entre l’abrutissement par l’arabo-islamisme ou l’abrutissement par l’alcool.» Le lecteur trouvera enfin un chapitre sur «L’humour et le théâtre berbères d’expression kabyle : des arts occultés», signé Abderrahmene Lounès. La lecture de ce très intéressant ouvrage, permettra aux lecteurs de mieux connaître «le plus célèbre des inconnus».
Kader B.

Essai bibliographique Mohia, le plus célèbres des inconnus de Abderrahmane Lounès. Editions El Dar El Othmania (Alger).149 pages. Année. 2012.

http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/10/28/article.php?sid=140760&cid=16
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:30

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:32

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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:35

Deuxième édition du Festival culturel de l’amitié à Boumerdès
Vibrant hommage au poète et dramaturge militant Mohya
12-05-2008
image

Par Sihem Ammour

Le parcours militant de la revendication identitaire du poète et dramaturge Mohya est au cœur de la deuxième édition du Festival culturel de l’amitié à Boumerdès, organisé par l’association estudiantine Cirta de l’université M’hamed Bougara de Boumerdès et placé sous le patronage du Haut-Commissariat à l’amazighité. La manifestation a débuté dimanche dernier à la maison de la culture «Rachid Mimouni», en présence des compagnons de route du défunt Mohya, des personnalités du monde de la culture, à l’instar d’Omar Fatmouche, de Hamida Aït El Hadj, de Mourad Khan, de Younes Adli, de Youcef Aït Mouloud et d’une forte présence estudiantine.
Le président de l’association Cirta a souligné que «l’objectif de la manifestation est de préserver nos valeurs ancestrales, de promouvoir le patrimoine culturel et de créer des espaces d’échange entre les différentes cultures».
La manifestation, qui se poursuivra jusqu’à demain, comporte un programme riche et varié concocté par l’association Cirta, avec notamment, un concours de la meilleure représentation donnée par une troupe de théâtre d’expression amazighe, des conférences et des projections de films.
Après une ouverture festive sous les rythmes des «Idabalen», la première journée de la manifestation a notamment été marquée par la représentation de la troupe d’Amizour, Béjaïa, avec une pièce intitule L’qahwa Algerian de Nordine. A travers une succession de quatre tableaux, la pièce plonge les spectateurs au cœur du marasme que vit la jeunesse algérienne. Elle est illustrée par la dualité qui oppose Da Lakhal, riche propriétaire d’un café, vétéran de la guerre de libération aux principes rigides, et son serveur l’Hocine, universitaire, contraint par le chômage d’accepter ce petit boulot. L’association estudiantine à caractère culturel et scientifique, Cirta, créée officiellement en 2003, œuvre, depuis, à la promotion de la culture et du savoir au sein de la wilaya et à l’université et à la création d’un lieu de réflexion et de débat. Ainsi, après le succès de la première édition du festival intitulée «Si Muhand U Hand… 100 ans déjà», l’association a décidé de rendre hommage au parcours exceptionnel du poète dramaturge Mohya. De son vrai nom Mohia Abdellah, il est né le 1er novembre 1950 à Azazga. Sa famille est originaire d’At Rbahdans, la célèbre tribu des At Wasif. Son père, tailleur de profession, s’est installé avec sa famille à Azzugan, avant de déménager à Tizi Ouzou.
Le jeune Mohya, brillant élève au lycée Amirouche à Tizi Ouzou, décroche son bac en 1968. Il rejoint l’université d’Alger où il poursuit des études supérieures en mathématiques. C’est là qu’il investit le milieu du militantisme identitaire en suivant les cours de tamazight dispensés par l’écrivain Mouloud Mammeri à la faculté centrale d’Alger. Dans sa chambre d’étudiant, entre ses études logarithmiques et sa passion de la littérature universelle, il écrit ses plus beaux textes contestataires, qui seront interprétés par les grands noms de la chanson amazighe, à l’instar d’Idir, de Slimane Azem, de Ferhat Imazighen Imoula et du groupe Djurdjura. Après avoir obtenu sa licence de math sup. en 1972, il participe à un concours qui lui permet de s’inscrire à l’Ecole d’ingénieurs en hydraulique en France. De Strasbourg, il rejoint Paris où il intègre le Groupe d’études amazighes créé à l’Université Paris VIII. Il sera, un des animateurs des revues publiées par ce groupe : Bulletin d’études amazighes (BEA) puis Tisuraf.
Mohya est surtout connu pour les adaptations et traduction en tmazight d’un grand nombre de poésies et textes de chansons, de contes et nouvelles tirés notamment des œuvres de Brecht, de Prévert, de Clément, de Potier, de Vian, de Béranger. Il est aussi connu dans le milieu du quatrième art pour ses brillantes traductions en langue amazighe d’une vingtaine de pièces, dont En attendant Godot de Beckett, l’Exception et la Règle de Brecht, la Jarre de Pirandello, et le Tartuffe de Molière.
Après une vie riche et prolixe en œuvres littéraires, Mohya est décédé suite à une tumeur au cerveau à l’âge de 55 ans à la maison médicale Jeanne-Garnier, à Paris, loin des montagnes de sa Kabylie natale à laquelle il était viscéralement attaché.
Dans une interview qu’il avait accordée à la revue Tafsut en 1985, Mohya avait déclaré : «Dans le contexte de l’Algérie d’aujourd’hui, on constate, premièrement, qu’en dépit de toutes les vicissitudes de l’histoire, la sensibilité à la langue maternelle est peut-être plus vive qu’elle ne l’a jamais été ; deuxièmement, que, pour la majorité des Algériens, la langue maternelle est toujours, quoi qu’on dise, la langue la mieux maîtrisée. Par conséquent, la réponse qui serait apportée à ce défi est pour elle, pourrait-on dire, une question de vie ou de mort.»

S. A

http://www.latribune-online.com/culture/111.html
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Message  laic-aokas Mar 4 Déc - 18:38

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