Terrorisme bureaucratique et distribution de rente : où va l’Algérie?
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Terrorisme bureaucratique et distribution de rente : où va l’Algérie?
C’est l’histoire que j’ai vécue personnellement, en ce mois de juillet 2012, une histoire réelle non encore terminée, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates qui vivent dans une autre planète.
Se faire délivrer le moindre document est devenu un calvaire pour le commun des Algériens. Dans cette histoire mon seul souci, étant muni d’un titre de propriété légal, est de récupérer un livret foncier où la demande a été transmise aux services des enregistrements depuis en 2006 avec des références précises. J’interpelle les autorités concernées pour lever ces obstacles bureaucratiques inadmissibles.
Ce que j’ai vécu en ce mois de juillet 2012
Je me suis présenté dans une sous structure dite d’enregistrement des titres de propriété. On m’informe que depuis 2010, il n’existe pas de responsable ni régional, ni de wilaya, un simple chef de services dépendant directement d’Alger. Des centaines pour ne pas dire des milliers de dossiers sont amoncelées. Aucune informatisation, tout se traite au manuel avec un personnel limité. Bien malin pour retrouver tel ou tel dossier ; il faut avoir le flair. Le bureaucrate en voyant ces centaines de personnes le supplier dans cette liste d’attente interminable est dans une jouissance extrême. C’est la puissance de la bureaucratie. Ce n’est pas de notre faute, renchérit le responsable local car avec l’informatisation, le gain de temps et surtout cette attente interminable des citoyens serait réduite de 80%. Alger ne veut pas informatiser malgré plusieurs demandes depuis des années. Cela ne date pas d’aujourd’hui. "Benmeradi qui a été à la tête des domaines pendant plus de 10 ans n’a rien fait dans ce sens. J’espère que sa promotion en tant que ministre de l’Investissement lui a fait changer d’idées", me rétorque un cadre ironiquement. J’ai rencontré une veille femme e 75 ans qui me glisse : "Mon fils cela fait plus une année qu’il me font revenir après une attente de plusieurs heures. Je pointe parfois à 5 heures du matin. Je n’ai pas de connaissances ; ue dois-je faire ?" Vient un jeune qui interpelle un employé des domaines. "Je viens de la part de Nordine, il vous a appelé", lui dit-il. "Qui est Nordine? réplique l’employé. Qu’il vienne me voir tout seul et on verra". Rendons tout même hommage à certaines structures comme celles de l’Etat civil du ministère de l’intérieur, des banques et de la justice, même s'il reste encore beaucoup d’efforts à faire contre cet hydre bureaucratique.
C’est l’histoire que j’ai vécu en ce mois de juillet 2012, où mon seul souci est de récupérer un livret foncier transmis en 2006 au service enregistrement par le notaire. Cela n’est pas propre malheureusement à ma personne mais concerne la majorité des Algériens qui n’ont pas de connaissances. La nouvelle réglementation est claire. L’acte notarié n’étant plus suffisant, il faut à présent un livret foncier pour régulariser toute transaction immobilière. Le premier paradoxe est que ceci n’a apparemment pas l’objectif de réduire les spéculations foncières. J’ai du donc passé l’épreuve d’acquisition du livret foncier. Les personnes âgées sont généralement les plus concernées afin d’exécuter une fredha. Cela devient un chemin de calvaire pour elles. Il leur faut accéder pour certaines wilayas d’abord aux services concernés.
Il y aura toujours une âme généreuse qui viendra vous dire que la réception ne commence que l’après midi, il ne vous dira pas que les bureaux ferment à 16h. Il vous informera qu’auparavant il faut aller récupérer le numéro de votre bien auprès du Cadastre. La surprise commencera d’abord là bas. L’assaut des bureaux concernés commencent à l’ouverture et bien heureux celui qui arrachera le ticket d’accès à la chaîne qui s’est déjà formée. Alors fier d’avoir récupéré la précieuse information, le bienheureux se présente aux services des domaines le lendemain en début d’après midi, en pensant être le premier. Quelle est sa surprise lorsqu’il s’aperçoit que la file est constituée déjà à partir de midi. Le nombre est tel qu’il est évident qu’il est impossible pour lui d’arriver aux guichets avant l’heure de fermeture. Il essaye encore le lendemain et c’est la même situation. Tout Algérien responsable arrive au constat qu’il lui sera impossible d’arriver à régler son problème de cette façon. Il demande à parler au directeur qui se trouvait par hasard de passage, il est vrai que la cohue avait atteint son paroxysme. Notre citoyen l’interpelle en lui faisant remarquer qu’à moins d’abandonner son travail pour venir camper devant les bureaux, il était impossible d’obtenir satisfaction. Il ose recommander d’organiser l’accès aux services des domaines par un enregistrement des citoyens pour faire respecter l’ordre d’arrivée et de clôturer l’enregistrement une fois le quota atteint en en attendant que les autorités centrales veiulent bien informatiser ces services cruciaux..
Le citoyen lambda sait qu’il y a des passe-droits contre rémunération. Les passe-droits par contre sont bien organisés, contrairement à l'administration. Les personnes âgées malheureuses continueront leurs lamentations devant ces situations inextricables. Le fonds de commerce induit ne peut s’accommoder de la transparence qu’imposera une informatisation du système, ce qui permettrait de réduire le divorce Etat/citoyens. Le contrôle de cette information est un pouvoir trop grand pour espérer qu’il soit abandonné au profit d’une bonne gouvernance. Il serait intéressant à partir d’enquêtes de voir, par exemple, combien de temps ça prend si vous voulez acheter les droits, c’est-à-dire la délivrance des titres de propriété.
De Soto, grand expert de la sphère informelle a clairement démontré lors d’enquêtes - calcul des démarches (longs circuits) - pour avoir un titre légal peut prendre dans certains pays 17 ans. Il y a lieu, également, de mesurer le temps pris en moyenne pour marchander avec la bureaucratie (corruption). Ainsi, un Egyptien passe approximativement entre 3 et 6 années de sa vie dans ce marchandage, reflet de l’extension de la corruption organisée. En Algérie, on n’est pas loin à ce que j’ai pu voir et entendre. Mais point de preuves. Tout se traite à l’oral. Combien d’Algériens ont construit des habitations individuelles notamment mais qui ont en majorité entre 5 à 10 ans des actes administratifs et non des titres de propriété ? Paradoxe des conflits entre des structures de l’Etat notamment les APC et les réserves foncières. Combien d‘entrepreneurs au niveau des zones industrielles ont-ils des titres de propriété souvent demandés par les banques comme une fraction des garanties des prêts octroyés ? Qu’en sera-t-il pour le dossier sensible du cadastre agricole et des enquêtes précises montrent que la majorité des entreprises publiques n’ont pas une délimitation claire de la superficie réelle qu’elle possède et celle figurant dans leur bilan? Que l’on visite en Algérie toutes les wilayas, faisons un inventaire de ces actifs et rapportons cette valeur à celle que donnent les statistiques officielles, et nous aurons mesuré l’importance de ces immobilisations en dehors du Droit et que le produit national ne décode pas.
Comprendre l’essence du terrorisme bureaucratique
Toute démarche scientifique exige de partir du général pour revenir au particulier afin de proposer des solutions concrètes aux problèmes multidimensionnels auxquelles est confrontés le pays durant cette étape décisive, les tactiques devant s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique à moyen et long terme. La confusion des rôles jouant comme vecteur dans ce sens dans la mesure où la forme d’organisation ne fait que traduire les objectifs ou les non objectifs qui ont un soubassement politique. Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Aussi, la lutte contre le terrorisme bureaucratique en Algérie renvoie à la problématique de la sphère informelle, en fait à la construction d’un Etat de droit qui implique une bonne gouvernance et pose la problématique d’une manière générale à la difficile construction de l’économie de marché concurrentielle et de la démocratie.
Des structures centrales et locales hétéroclites non synchronisées et souvent antinomiques bloquent la circulation de l’information qui en ce XXIe siècle avec la révolution d’Internet constitue le véritable pouvoir, certaines sous structures ou personnes acquérant plus de pouvoir par la détention de certaines informations. Ces réseaux croisés – étanches – expliquent que lors de séminaires à intervalles de quelques mois, des responsables donnent des chiffres différents parfois contradictoires. Par exemple, les différents taux de croissance, d’inflation et du taux de chômage donnés contredisent les tests de cohérence. La non maîtrise des données internationales, la faiblesse dé la codification existante, la rente ayant pendant des années comblé les déficits au nom d’une paix sociale fictive, la marginalisation des compétences, tout cela engendré fondamentalement par la nature du système bureaucratique, et explique l’effondrement du système d’information à tous les niveaux. Pire, parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur. Or la base de toute décision repose sur une information fiable et une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la nation de plusieurs centaines voire des milliards de dollars.
Pour l’ensemble des raisons évoquées précédemment, les rapports de l’IGF, de la Cour des comptes, des Commissaires aux comptes, et même de l’APN restent incomplets surtout en tant que mesures à prendre, en recommandations pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent car ne cernant pas les causes fondamentales et surtout des liens complexes entre l’environnement international, les politiques macro-économiques et sociales et les cellules de base entreprises ou services collectifs. Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu’elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe ? Un directeur général d’entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large - véritable pouvoir de décision -de son entreprise ? Qui est propriétaire en Algérie de l’ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes? C’est toute la problématique du passage de l’Etat propriétaire gestionnaire à l’Etat régulateur ou stratège que n’ont résolu jusqu’à présent ni la structure des fonds de participations ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l’Etat SGP qu’ils soient de 10, 20 ou 30. Cela pose la question fondamentale des incohérences des politiques socio-économiques et du manque de visibilité dans la démarche d’une économie de marché productive s’insérant dans la globalisation de l’économie.
Ce pouvoir doit céder...
Le statut quo actuel est préjudiciable à l’avenir du pays amplifié par l’extension du marché informel qui est proportionnel aux actions bureaucratiques. La lutte contre la bureaucratie, source de la corruption renvoie à la question de l’Etat de droit, la transparence dans les décisions soutenue par un dialogue permanent ouvert à la société, la bonne gouvernance et à la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle. Cela est sous tendu par la nécessaire rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Cela n’est pas une question de lois vision bureaucratique et d’une culture dépassée, les pratiques sociales contredisant quotidiennement le juridisme. En fait le dépassement de cette entropie implique la refonte de l’Etat, liée à la moralisation des personnes chargées de générer la Cité.
L’urgence en Algérie est la fin de l’Etat de la mamelle et celle de la légitimité révolutionnaire, qui doit signifier que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste et de justice. Sans cela, les grandes fractures sociales et politiques différées par la distribution passive de la rente des hydrocarbures sont à venir. L’histoire réelle, sujet d’un livret foncier, mais pouvant être étendue à d’autres segments que vivent des centaines de milliers de citoyens algériens quotidiennement, montre clairement l’Algérie du pouvoir bureaucratique rentier sclérosant.
Abderrahmane Mebtoul, (Docteur d’Etat (1974), expert international, Professeur d’Université Expert international, Directeur des études économiques et Premier conseiller (magistrat) à la Cour des comptes 1980/1983 auteur de trois ouvrages sur l’Etat de droit et la sphère informelle.
N.B. : "Le terrorisme bureaucratique, la sphère informelle et la corruption sont les obstacles principaux au frein à l’Etat de droit et à l’investissement porteur en Algérie" Extrait de l’interview d’Abderrahmane Mebtoul au quotidien financier français Les Echos(2008)
Se faire délivrer le moindre document est devenu un calvaire pour le commun des Algériens. Dans cette histoire mon seul souci, étant muni d’un titre de propriété légal, est de récupérer un livret foncier où la demande a été transmise aux services des enregistrements depuis en 2006 avec des références précises. J’interpelle les autorités concernées pour lever ces obstacles bureaucratiques inadmissibles.
Ce que j’ai vécu en ce mois de juillet 2012
Je me suis présenté dans une sous structure dite d’enregistrement des titres de propriété. On m’informe que depuis 2010, il n’existe pas de responsable ni régional, ni de wilaya, un simple chef de services dépendant directement d’Alger. Des centaines pour ne pas dire des milliers de dossiers sont amoncelées. Aucune informatisation, tout se traite au manuel avec un personnel limité. Bien malin pour retrouver tel ou tel dossier ; il faut avoir le flair. Le bureaucrate en voyant ces centaines de personnes le supplier dans cette liste d’attente interminable est dans une jouissance extrême. C’est la puissance de la bureaucratie. Ce n’est pas de notre faute, renchérit le responsable local car avec l’informatisation, le gain de temps et surtout cette attente interminable des citoyens serait réduite de 80%. Alger ne veut pas informatiser malgré plusieurs demandes depuis des années. Cela ne date pas d’aujourd’hui. "Benmeradi qui a été à la tête des domaines pendant plus de 10 ans n’a rien fait dans ce sens. J’espère que sa promotion en tant que ministre de l’Investissement lui a fait changer d’idées", me rétorque un cadre ironiquement. J’ai rencontré une veille femme e 75 ans qui me glisse : "Mon fils cela fait plus une année qu’il me font revenir après une attente de plusieurs heures. Je pointe parfois à 5 heures du matin. Je n’ai pas de connaissances ; ue dois-je faire ?" Vient un jeune qui interpelle un employé des domaines. "Je viens de la part de Nordine, il vous a appelé", lui dit-il. "Qui est Nordine? réplique l’employé. Qu’il vienne me voir tout seul et on verra". Rendons tout même hommage à certaines structures comme celles de l’Etat civil du ministère de l’intérieur, des banques et de la justice, même s'il reste encore beaucoup d’efforts à faire contre cet hydre bureaucratique.
C’est l’histoire que j’ai vécu en ce mois de juillet 2012, où mon seul souci est de récupérer un livret foncier transmis en 2006 au service enregistrement par le notaire. Cela n’est pas propre malheureusement à ma personne mais concerne la majorité des Algériens qui n’ont pas de connaissances. La nouvelle réglementation est claire. L’acte notarié n’étant plus suffisant, il faut à présent un livret foncier pour régulariser toute transaction immobilière. Le premier paradoxe est que ceci n’a apparemment pas l’objectif de réduire les spéculations foncières. J’ai du donc passé l’épreuve d’acquisition du livret foncier. Les personnes âgées sont généralement les plus concernées afin d’exécuter une fredha. Cela devient un chemin de calvaire pour elles. Il leur faut accéder pour certaines wilayas d’abord aux services concernés.
Il y aura toujours une âme généreuse qui viendra vous dire que la réception ne commence que l’après midi, il ne vous dira pas que les bureaux ferment à 16h. Il vous informera qu’auparavant il faut aller récupérer le numéro de votre bien auprès du Cadastre. La surprise commencera d’abord là bas. L’assaut des bureaux concernés commencent à l’ouverture et bien heureux celui qui arrachera le ticket d’accès à la chaîne qui s’est déjà formée. Alors fier d’avoir récupéré la précieuse information, le bienheureux se présente aux services des domaines le lendemain en début d’après midi, en pensant être le premier. Quelle est sa surprise lorsqu’il s’aperçoit que la file est constituée déjà à partir de midi. Le nombre est tel qu’il est évident qu’il est impossible pour lui d’arriver aux guichets avant l’heure de fermeture. Il essaye encore le lendemain et c’est la même situation. Tout Algérien responsable arrive au constat qu’il lui sera impossible d’arriver à régler son problème de cette façon. Il demande à parler au directeur qui se trouvait par hasard de passage, il est vrai que la cohue avait atteint son paroxysme. Notre citoyen l’interpelle en lui faisant remarquer qu’à moins d’abandonner son travail pour venir camper devant les bureaux, il était impossible d’obtenir satisfaction. Il ose recommander d’organiser l’accès aux services des domaines par un enregistrement des citoyens pour faire respecter l’ordre d’arrivée et de clôturer l’enregistrement une fois le quota atteint en en attendant que les autorités centrales veiulent bien informatiser ces services cruciaux..
Le citoyen lambda sait qu’il y a des passe-droits contre rémunération. Les passe-droits par contre sont bien organisés, contrairement à l'administration. Les personnes âgées malheureuses continueront leurs lamentations devant ces situations inextricables. Le fonds de commerce induit ne peut s’accommoder de la transparence qu’imposera une informatisation du système, ce qui permettrait de réduire le divorce Etat/citoyens. Le contrôle de cette information est un pouvoir trop grand pour espérer qu’il soit abandonné au profit d’une bonne gouvernance. Il serait intéressant à partir d’enquêtes de voir, par exemple, combien de temps ça prend si vous voulez acheter les droits, c’est-à-dire la délivrance des titres de propriété.
De Soto, grand expert de la sphère informelle a clairement démontré lors d’enquêtes - calcul des démarches (longs circuits) - pour avoir un titre légal peut prendre dans certains pays 17 ans. Il y a lieu, également, de mesurer le temps pris en moyenne pour marchander avec la bureaucratie (corruption). Ainsi, un Egyptien passe approximativement entre 3 et 6 années de sa vie dans ce marchandage, reflet de l’extension de la corruption organisée. En Algérie, on n’est pas loin à ce que j’ai pu voir et entendre. Mais point de preuves. Tout se traite à l’oral. Combien d’Algériens ont construit des habitations individuelles notamment mais qui ont en majorité entre 5 à 10 ans des actes administratifs et non des titres de propriété ? Paradoxe des conflits entre des structures de l’Etat notamment les APC et les réserves foncières. Combien d‘entrepreneurs au niveau des zones industrielles ont-ils des titres de propriété souvent demandés par les banques comme une fraction des garanties des prêts octroyés ? Qu’en sera-t-il pour le dossier sensible du cadastre agricole et des enquêtes précises montrent que la majorité des entreprises publiques n’ont pas une délimitation claire de la superficie réelle qu’elle possède et celle figurant dans leur bilan? Que l’on visite en Algérie toutes les wilayas, faisons un inventaire de ces actifs et rapportons cette valeur à celle que donnent les statistiques officielles, et nous aurons mesuré l’importance de ces immobilisations en dehors du Droit et que le produit national ne décode pas.
Comprendre l’essence du terrorisme bureaucratique
Toute démarche scientifique exige de partir du général pour revenir au particulier afin de proposer des solutions concrètes aux problèmes multidimensionnels auxquelles est confrontés le pays durant cette étape décisive, les tactiques devant s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique à moyen et long terme. La confusion des rôles jouant comme vecteur dans ce sens dans la mesure où la forme d’organisation ne fait que traduire les objectifs ou les non objectifs qui ont un soubassement politique. Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Aussi, la lutte contre le terrorisme bureaucratique en Algérie renvoie à la problématique de la sphère informelle, en fait à la construction d’un Etat de droit qui implique une bonne gouvernance et pose la problématique d’une manière générale à la difficile construction de l’économie de marché concurrentielle et de la démocratie.
Des structures centrales et locales hétéroclites non synchronisées et souvent antinomiques bloquent la circulation de l’information qui en ce XXIe siècle avec la révolution d’Internet constitue le véritable pouvoir, certaines sous structures ou personnes acquérant plus de pouvoir par la détention de certaines informations. Ces réseaux croisés – étanches – expliquent que lors de séminaires à intervalles de quelques mois, des responsables donnent des chiffres différents parfois contradictoires. Par exemple, les différents taux de croissance, d’inflation et du taux de chômage donnés contredisent les tests de cohérence. La non maîtrise des données internationales, la faiblesse dé la codification existante, la rente ayant pendant des années comblé les déficits au nom d’une paix sociale fictive, la marginalisation des compétences, tout cela engendré fondamentalement par la nature du système bureaucratique, et explique l’effondrement du système d’information à tous les niveaux. Pire, parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur. Or la base de toute décision repose sur une information fiable et une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la nation de plusieurs centaines voire des milliards de dollars.
Pour l’ensemble des raisons évoquées précédemment, les rapports de l’IGF, de la Cour des comptes, des Commissaires aux comptes, et même de l’APN restent incomplets surtout en tant que mesures à prendre, en recommandations pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent car ne cernant pas les causes fondamentales et surtout des liens complexes entre l’environnement international, les politiques macro-économiques et sociales et les cellules de base entreprises ou services collectifs. Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu’elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe ? Un directeur général d’entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large - véritable pouvoir de décision -de son entreprise ? Qui est propriétaire en Algérie de l’ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes? C’est toute la problématique du passage de l’Etat propriétaire gestionnaire à l’Etat régulateur ou stratège que n’ont résolu jusqu’à présent ni la structure des fonds de participations ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l’Etat SGP qu’ils soient de 10, 20 ou 30. Cela pose la question fondamentale des incohérences des politiques socio-économiques et du manque de visibilité dans la démarche d’une économie de marché productive s’insérant dans la globalisation de l’économie.
Ce pouvoir doit céder...
Le statut quo actuel est préjudiciable à l’avenir du pays amplifié par l’extension du marché informel qui est proportionnel aux actions bureaucratiques. La lutte contre la bureaucratie, source de la corruption renvoie à la question de l’Etat de droit, la transparence dans les décisions soutenue par un dialogue permanent ouvert à la société, la bonne gouvernance et à la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle. Cela est sous tendu par la nécessaire rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Cela n’est pas une question de lois vision bureaucratique et d’une culture dépassée, les pratiques sociales contredisant quotidiennement le juridisme. En fait le dépassement de cette entropie implique la refonte de l’Etat, liée à la moralisation des personnes chargées de générer la Cité.
L’urgence en Algérie est la fin de l’Etat de la mamelle et celle de la légitimité révolutionnaire, qui doit signifier que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste et de justice. Sans cela, les grandes fractures sociales et politiques différées par la distribution passive de la rente des hydrocarbures sont à venir. L’histoire réelle, sujet d’un livret foncier, mais pouvant être étendue à d’autres segments que vivent des centaines de milliers de citoyens algériens quotidiennement, montre clairement l’Algérie du pouvoir bureaucratique rentier sclérosant.
Abderrahmane Mebtoul, (Docteur d’Etat (1974), expert international, Professeur d’Université Expert international, Directeur des études économiques et Premier conseiller (magistrat) à la Cour des comptes 1980/1983 auteur de trois ouvrages sur l’Etat de droit et la sphère informelle.
N.B. : "Le terrorisme bureaucratique, la sphère informelle et la corruption sont les obstacles principaux au frein à l’Etat de droit et à l’investissement porteur en Algérie" Extrait de l’interview d’Abderrahmane Mebtoul au quotidien financier français Les Echos(2008)
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: Terrorisme bureaucratique et distribution de rente : où va l’Algérie?
http://www.lematindz.net/news/8718-terrorisme-bureaucratique-et-distribution-de-rente-ou-va-lalgerie.html
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
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