20 minutes avec Zerhouni : Ce que Yazid m'a dit
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20 minutes avec Zerhouni : Ce que Yazid m'a dit
11h30, Boulevard de la Madeleine à Paris. Je croise un vieux monsieur dont le visage m’était familier. Je le fixe bien, aucun doute, c’est lui : Nouredine Yazid Zerhouni. Ancien ministre de l’intérieur, ancien diplomate, mais surtout ancien patron des services secrets algériens. Je fais demi tour et le suis, le filme même de dos avec mon téléphone portable. Je fais un grand détour et lui passe devant. Je l’attends enfin juste à côté de la Place de la Madeleine, à l’entrée de la grande boutique de l’opérateur téléphonique Orange.
Je l’accoste : Monsieur Zerhouni ? Il me répond avec un sourire : Non, je lui ressemble. Et me demande à qui il avait l’honneur. Je lui réponds spontanément : je suis membre de l’opposition algérienne. Je suis du FFS (Front des Forces Socialistes). Je lui demande to de go ce qu’ils ont fait de notre pays et s’ils comptent ouvrir un jour les yeux pour voir les Algériens et le drame qu’ils vivent. S’ensuit une longue discussion d’interpellations de ma part et de justifications de sa part.
C’était comme dans un rêve pour moi. Je tenais enfin devant moi ce qu’on a toujours appelé « Le Pouvoir ». Du coup je ne me suis pas gêné à l’ausculter du regard. Un homme banal, avec un costume et une cravate tous banals. Rien n’indique en lui que cet homme occupe un tel rang dans son pays. Celui qui ne le connait pas le prendrait facilement pour l’un de ces chibanis endimanché sorti tout droit de son foyer Sonacotra. Je regarde ses pellicules abondantes sur sa veste et à sa façon de me parler et de se justifier je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette réflexion faite par SAS (Sid Ahmed Semiane), le célèbre chroniqueur algérien après avoir interviewé plusieurs généraux et hommes du sérail pour son livre sur les événements d’octobre 1988 (Octobre, ils parlent). Il s’était étonné du décalage entre l’idée que se fait le peuple de ces gens-là et leur réalité. Des gens qui ne maitrisent pas vraiment tout et qui ont parfois peur, et à SAS de se demander comment on continue encore à être gouverné par ces gens-là ?
C’est donc cela « Le Pouvoir » ? Ce bout de vieux malade et fragile qui me parle en me tenant par la main et me disant qu’il me parlait comme à son fils ? C’est donc de ces personnages que dépendait et dépend encore la vie des Algériens ? Je lui parle franchement et lui déballe tout. Je le tiens ce « Pouvoir », et je veux comprendre enfin comment peut-on être si indifférent à la souffrance de son peuple. Je veux comprendre ce qui se passe dans leurs têtes, s’ils ont une conscience. Il me dit qu’il se balade à Paris tout comme je le faisais moi-même. Je lui dis que ce n’est pas la même chose, que moi, comme beaucoup de mes compatriotes, j’ai fui le pays. Je lui explique que j’ai quitté le pays en 2003 quand il était au ministère de l’Intérieur justement ; traumatisé que j’étais par les événements du printemps dit « Noir » de Kabylie de 2001 et notamment par ce qu’il s’est passé lors de la marche du 14 juin de la même année à Alger. Ce jour-là comme beaucoup des miens, j’avais perdu espoir de rentrer vivant chez-moi. Je lui parle des voyous qu’ils ont envoyé nous attaquer.
Il nie tout, il minimise : il n’y avait qu’un mort selon lui, la journaliste écrasée par le bus de l’ETUSA. Je lui dis que j’ai vu de mes propres yeux des jeunes qui se sont fait poignardés. Pas moyens, pour lui ce n’était pas vrai. Il me rappelle le début des événements avec l’assassinat du jeune Guermah Massinissa dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala à Tizi-Ouzou et me dit que des gens avaient appelé à prendre d’assaut les locaux des gendarmeries. Je lui rappelle que c’était lui-même qui avait mis le feu aux poudres en traitant le jeune Massinissa de voyou. Il répond qu’il n’avait jamais dit cela et que c’était une invention de la presse. Je lui demande pourquoi n’avait-il pas agit à temps alors avant que cela ne dégénère ? Je lui explique qu’ils n’ont rien fait pour arrêter l’effusion du sang et qu’il aurait suffit de rendre justice immédiatement à Massinissa en jugeant le gendarme mis en cause au lieu de le muter comme ils l’ont fait. Il me dit qu’il n’a pas été muté. Je lui demande où il se trouve actuellement, il me répond qu’il doit être quelque part en prison encore. Je lui signifie encore une fois la légèreté avec laquelle il gère les vies des Algériens. Je lui dis qu’entre eux et les Algériens ils ont érigé un mur qui les empêche de les voir. Je lui dis vous vivez à Club des Pins et vous ne savez rien et surtout vous ne voulez rien entendre des cris du peuple. Il me répond qu’il ne vit pas à Club des Pins. J’ai souris et lui ai dit, peu importe, l’essentiel c’est que vous êtes dans un monde à part à mille lieues de ce que vit l’Algérien au quotidien.
Je lui demande s’ils ont une quelconque conscience et si cela les touche quand ils voient qu’avec les milliards qu’engrange le pays actuellement, certains Algériens se nourrissent dans les poubelles, et surtout si quelque chose en eux tremble quand ils voient des jeunes algériens prendre le large pour rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortunes au risque de leur vie. Je lui dis que je ne comprends pas quel Algérien ferait-il cela à ses enfants. Qu’au lieu de résoudre leurs problèmes, vous faites voter une loi qui punit les harragas ? Il répond : combien font-ils cela? Pour lui c’est un phénomène marginal. Je lui signifie que sa réponse me choque, que même s’il s’agissait d’une seule personne cela devait les interpeler, lui et ses amis au pouvoir. Je lui parle du chômage et de leur drôle de façon d’agir : au lieu de lutter contre le chômage, ils combattent les chômeurs. Qu’ils les emprisonnent parce qu’ils demandent un travail.
Je lui cite l’exemple le plus récent de Abdelkader Kherba, ce chômeur condamné à un an de prison. Il me dit qu’il n’est pas trop au courant mais que ce dernier a forcément fait quelque chose. Est-ce qu’il n’a rien cassé me demande-t-il. Je lui réponds que même s’il a cassé quelque chose, cela ne justifie pas son arrestation. Le pouvoir ayant cassé plus grave que ça ; des milliers de vies humaines. Il me sort alors des sornettes du genre « mais le chômage est partout, regardez ce qu’il se passe ici en France ». Je lui dis que ce n’est pas comparable et que chez-nous rien n’est fait pour créer de l’emploi. Il me répond que je suis trop endoctriné et qu’il faut que j’ouvre un peu les yeux. Je saisi de mieux en mieux leur logique. Surtout quand il m’a sorti l’histoire que si nous, nous avons fait des études, etc., sa génération « a marché pieds nus » et connu les affres du colonialisme. Je lui dis que c’est justement là le nœud du problème, c’est qu’ils continuent à prendre les Algériens pour des « indigènes » - mot qu’il n’a pas aimé- et que pour eux, l’Algérien doit se contenter du minimum qu’ « on lui octroi ». Je lui demande de quel droit d’ailleurs « ils nous octroi » des choses, l’Algérie est-elle leur bien propre ? Il me répond que lui personnellement il n’a pas cherché le pouvoir, et qu’il est venu par devoir pour aider à mettre fin au terrorisme. Je lui demande comment ils continuent à gouverner le pays, eux les vieux, alors que le pays est à majorité jeune ? Sa réponse est que c’est de notre faute à nous qui ont déserté le champ politique. Venez travailler me dit dit-il. Je lui rappelle que les Algériens n’attendent que ça ; travailler pour leur pays, mais que ce sont eux justement qui font tout pour les en empêcher. Vous avez tout fermé, lui dis-je.
Le champ politique, médiatique, la rue, tout. Pourquoi ne pas commencer à ouvrir la télé aux Algériens pour qu’ils puissent parler entre eux et résoudre leurs problèmes, pourquoi vous ne laisser pas les Algériens prendre leur sort en main sans vous sentir tout le temps obligés d’être là, partout ? Je lui demande s’il trouvait normal qu’on soit gouverné par un président malade depuis plusieurs années et qui ne gèrent plus rien ? Il me dit que c’est moi qui dis qu’il ne gère rien. Je lui dis comment expliquez-vous qu’il méprise son peuple à ce point, qu’ils ne dise aucun mot, qu’il ne signifie aucune compassion avec les Algériens quand ils vivent des drames comme les dernières intempéries, mais qu’il utilise « ses 5 minutes de forces pour tenir debout» (sic) rien que pour appeler les Algériens à aller voter ? Les Algériens sont réduit d’ailleurs à parler du prix de la pomme de terre qui atteint les 100 DA. Il me répond qu’il a eu l’information comme quoi ça a baissé à 40DA !!! Il me demande si le vote n’était pas une chose importante ? je lui dit que ce n’est pas le cas dans notre pays, notamment à cause de la fraude. Il minimise la fraude et me dit que si ma formation politique, le FFS a décidé de participer, c’est qu’elle a eu des garanties à ce sujet ? Je lui réponds qu’il savait très bien que ce n’est pas la raison de notre participation et que nous ne faisons aucunement confiance à leur administration.
Comme à chaque fois sa réponse était qu’il fallait juste attendre pour que les choses aillent mieux chez-nous, il me raconte une anecdote qui à mes yeux explique nettement leur façon de penser. Il me raconte qu’il a été il n’y a pas longtemps au Japon et qu’il a vu des gens vivre dans des petits réduits. Il demande à un de ses accompagnateurs comment ça se fait qu’on puisse voir ce genre de chose dans un pays aussi développé que le leur ? Et la personne de lui répondre que pour comprendre il faut vraiment connaître leur culture. Que les Japonais se contentent de ce qu’ils ont et évoluent petit à petit. Je n’ai pas trop suivi son histoire et je ne sais pas où il voulait en venir. Je l’interromps et lui demande si pour lui les Algériens doivent attendre des centaines d’années pour vivre dignement ? Je lui dis franchement : vous avez vu, Ben Bella est parti, vous aussi vous allez partir tout comme le président, vous arrive-t-il de penser à ce que vous avez fait de ce pays et ce que vous allez laisser derrière vous ? Il me dit que leur vœu et de laisser un pays sur la bonne voie etc., etc. Son téléphone sonne, quelqu’un l’attendait visiblement. Il me dit qu’il doit partir et que si un jour je croise Si Lhocine, je lui passe ses amitiés, car c’est un homme pour qui il a beaucoup de respect.
Je lui dis que le respect ne suffit pas, et qu’ils devaient écouter ses différentes propositions de sortie de crise avant qu’on en soit arrivé là, c’est-à-dire après des milliers de morts et un pays en ruines. Il me dit qu’encore une fois ce ne sont que des slogans et je devais ouvrir plus les yeux… Comme il allait vraiment partir, je tente une dernière question : et le général Toufik alors ? Il me dit : quoi le général Toufik ? Je lui dit c’est vrai ce qu’on dit, que c’est lui qui gouverne vraiment l’Algérie ou serait-ce juste un mythe ? Il me dit : il n’y a personne qui gouverne tout seul l’Algérie. C’est un mythe alors, lui dis-je ? Il me dit, oui et ce sont des gens comme vous qui l’ont inventé…
Voilà, je vous livre en vrac cette discussion car comme moi, je pense que beaucoup d’Algériens veulent savoir vraiment ce qui se passe dans la tête des gens du « Pouvoir ».
Pour ma part, je ne sais plus si j’ai discuté avec le diable ou non, mais comme SAS je tire la conclusion que nous sommes gouvernés par des gens à qui ont prête plus de pouvoir et d’intelligence qu’ils n’en ont. Et que c’est à l’opposition de revoir sa façon d’agir, car les grands discours que nous tenons à longueurs de journées ne les atteignent même pas.
Comme beaucoup de personnes averties qui ont approché ces gens du pouvoir de plus près, j’adhère à l’idée qui fait que nous avons vraiment affaire à des gens qui n’ont aucune stratégie ni politique claire. Toute leur force réside dans le monopole de la violence. C’est le seul langage qu’ils comprennent, et c’est le seul terrain où ils sont forts. D’où le fait que le vrai changement ne doit être que pacifique.
Contributeur : Boussaad BOUAICH
Je l’accoste : Monsieur Zerhouni ? Il me répond avec un sourire : Non, je lui ressemble. Et me demande à qui il avait l’honneur. Je lui réponds spontanément : je suis membre de l’opposition algérienne. Je suis du FFS (Front des Forces Socialistes). Je lui demande to de go ce qu’ils ont fait de notre pays et s’ils comptent ouvrir un jour les yeux pour voir les Algériens et le drame qu’ils vivent. S’ensuit une longue discussion d’interpellations de ma part et de justifications de sa part.
C’était comme dans un rêve pour moi. Je tenais enfin devant moi ce qu’on a toujours appelé « Le Pouvoir ». Du coup je ne me suis pas gêné à l’ausculter du regard. Un homme banal, avec un costume et une cravate tous banals. Rien n’indique en lui que cet homme occupe un tel rang dans son pays. Celui qui ne le connait pas le prendrait facilement pour l’un de ces chibanis endimanché sorti tout droit de son foyer Sonacotra. Je regarde ses pellicules abondantes sur sa veste et à sa façon de me parler et de se justifier je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette réflexion faite par SAS (Sid Ahmed Semiane), le célèbre chroniqueur algérien après avoir interviewé plusieurs généraux et hommes du sérail pour son livre sur les événements d’octobre 1988 (Octobre, ils parlent). Il s’était étonné du décalage entre l’idée que se fait le peuple de ces gens-là et leur réalité. Des gens qui ne maitrisent pas vraiment tout et qui ont parfois peur, et à SAS de se demander comment on continue encore à être gouverné par ces gens-là ?
C’est donc cela « Le Pouvoir » ? Ce bout de vieux malade et fragile qui me parle en me tenant par la main et me disant qu’il me parlait comme à son fils ? C’est donc de ces personnages que dépendait et dépend encore la vie des Algériens ? Je lui parle franchement et lui déballe tout. Je le tiens ce « Pouvoir », et je veux comprendre enfin comment peut-on être si indifférent à la souffrance de son peuple. Je veux comprendre ce qui se passe dans leurs têtes, s’ils ont une conscience. Il me dit qu’il se balade à Paris tout comme je le faisais moi-même. Je lui dis que ce n’est pas la même chose, que moi, comme beaucoup de mes compatriotes, j’ai fui le pays. Je lui explique que j’ai quitté le pays en 2003 quand il était au ministère de l’Intérieur justement ; traumatisé que j’étais par les événements du printemps dit « Noir » de Kabylie de 2001 et notamment par ce qu’il s’est passé lors de la marche du 14 juin de la même année à Alger. Ce jour-là comme beaucoup des miens, j’avais perdu espoir de rentrer vivant chez-moi. Je lui parle des voyous qu’ils ont envoyé nous attaquer.
Il nie tout, il minimise : il n’y avait qu’un mort selon lui, la journaliste écrasée par le bus de l’ETUSA. Je lui dis que j’ai vu de mes propres yeux des jeunes qui se sont fait poignardés. Pas moyens, pour lui ce n’était pas vrai. Il me rappelle le début des événements avec l’assassinat du jeune Guermah Massinissa dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala à Tizi-Ouzou et me dit que des gens avaient appelé à prendre d’assaut les locaux des gendarmeries. Je lui rappelle que c’était lui-même qui avait mis le feu aux poudres en traitant le jeune Massinissa de voyou. Il répond qu’il n’avait jamais dit cela et que c’était une invention de la presse. Je lui demande pourquoi n’avait-il pas agit à temps alors avant que cela ne dégénère ? Je lui explique qu’ils n’ont rien fait pour arrêter l’effusion du sang et qu’il aurait suffit de rendre justice immédiatement à Massinissa en jugeant le gendarme mis en cause au lieu de le muter comme ils l’ont fait. Il me dit qu’il n’a pas été muté. Je lui demande où il se trouve actuellement, il me répond qu’il doit être quelque part en prison encore. Je lui signifie encore une fois la légèreté avec laquelle il gère les vies des Algériens. Je lui dis qu’entre eux et les Algériens ils ont érigé un mur qui les empêche de les voir. Je lui dis vous vivez à Club des Pins et vous ne savez rien et surtout vous ne voulez rien entendre des cris du peuple. Il me répond qu’il ne vit pas à Club des Pins. J’ai souris et lui ai dit, peu importe, l’essentiel c’est que vous êtes dans un monde à part à mille lieues de ce que vit l’Algérien au quotidien.
Je lui demande s’ils ont une quelconque conscience et si cela les touche quand ils voient qu’avec les milliards qu’engrange le pays actuellement, certains Algériens se nourrissent dans les poubelles, et surtout si quelque chose en eux tremble quand ils voient des jeunes algériens prendre le large pour rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortunes au risque de leur vie. Je lui dis que je ne comprends pas quel Algérien ferait-il cela à ses enfants. Qu’au lieu de résoudre leurs problèmes, vous faites voter une loi qui punit les harragas ? Il répond : combien font-ils cela? Pour lui c’est un phénomène marginal. Je lui signifie que sa réponse me choque, que même s’il s’agissait d’une seule personne cela devait les interpeler, lui et ses amis au pouvoir. Je lui parle du chômage et de leur drôle de façon d’agir : au lieu de lutter contre le chômage, ils combattent les chômeurs. Qu’ils les emprisonnent parce qu’ils demandent un travail.
Je lui cite l’exemple le plus récent de Abdelkader Kherba, ce chômeur condamné à un an de prison. Il me dit qu’il n’est pas trop au courant mais que ce dernier a forcément fait quelque chose. Est-ce qu’il n’a rien cassé me demande-t-il. Je lui réponds que même s’il a cassé quelque chose, cela ne justifie pas son arrestation. Le pouvoir ayant cassé plus grave que ça ; des milliers de vies humaines. Il me sort alors des sornettes du genre « mais le chômage est partout, regardez ce qu’il se passe ici en France ». Je lui dis que ce n’est pas comparable et que chez-nous rien n’est fait pour créer de l’emploi. Il me répond que je suis trop endoctriné et qu’il faut que j’ouvre un peu les yeux. Je saisi de mieux en mieux leur logique. Surtout quand il m’a sorti l’histoire que si nous, nous avons fait des études, etc., sa génération « a marché pieds nus » et connu les affres du colonialisme. Je lui dis que c’est justement là le nœud du problème, c’est qu’ils continuent à prendre les Algériens pour des « indigènes » - mot qu’il n’a pas aimé- et que pour eux, l’Algérien doit se contenter du minimum qu’ « on lui octroi ». Je lui demande de quel droit d’ailleurs « ils nous octroi » des choses, l’Algérie est-elle leur bien propre ? Il me répond que lui personnellement il n’a pas cherché le pouvoir, et qu’il est venu par devoir pour aider à mettre fin au terrorisme. Je lui demande comment ils continuent à gouverner le pays, eux les vieux, alors que le pays est à majorité jeune ? Sa réponse est que c’est de notre faute à nous qui ont déserté le champ politique. Venez travailler me dit dit-il. Je lui rappelle que les Algériens n’attendent que ça ; travailler pour leur pays, mais que ce sont eux justement qui font tout pour les en empêcher. Vous avez tout fermé, lui dis-je.
Le champ politique, médiatique, la rue, tout. Pourquoi ne pas commencer à ouvrir la télé aux Algériens pour qu’ils puissent parler entre eux et résoudre leurs problèmes, pourquoi vous ne laisser pas les Algériens prendre leur sort en main sans vous sentir tout le temps obligés d’être là, partout ? Je lui demande s’il trouvait normal qu’on soit gouverné par un président malade depuis plusieurs années et qui ne gèrent plus rien ? Il me dit que c’est moi qui dis qu’il ne gère rien. Je lui dis comment expliquez-vous qu’il méprise son peuple à ce point, qu’ils ne dise aucun mot, qu’il ne signifie aucune compassion avec les Algériens quand ils vivent des drames comme les dernières intempéries, mais qu’il utilise « ses 5 minutes de forces pour tenir debout» (sic) rien que pour appeler les Algériens à aller voter ? Les Algériens sont réduit d’ailleurs à parler du prix de la pomme de terre qui atteint les 100 DA. Il me répond qu’il a eu l’information comme quoi ça a baissé à 40DA !!! Il me demande si le vote n’était pas une chose importante ? je lui dit que ce n’est pas le cas dans notre pays, notamment à cause de la fraude. Il minimise la fraude et me dit que si ma formation politique, le FFS a décidé de participer, c’est qu’elle a eu des garanties à ce sujet ? Je lui réponds qu’il savait très bien que ce n’est pas la raison de notre participation et que nous ne faisons aucunement confiance à leur administration.
Comme à chaque fois sa réponse était qu’il fallait juste attendre pour que les choses aillent mieux chez-nous, il me raconte une anecdote qui à mes yeux explique nettement leur façon de penser. Il me raconte qu’il a été il n’y a pas longtemps au Japon et qu’il a vu des gens vivre dans des petits réduits. Il demande à un de ses accompagnateurs comment ça se fait qu’on puisse voir ce genre de chose dans un pays aussi développé que le leur ? Et la personne de lui répondre que pour comprendre il faut vraiment connaître leur culture. Que les Japonais se contentent de ce qu’ils ont et évoluent petit à petit. Je n’ai pas trop suivi son histoire et je ne sais pas où il voulait en venir. Je l’interromps et lui demande si pour lui les Algériens doivent attendre des centaines d’années pour vivre dignement ? Je lui dis franchement : vous avez vu, Ben Bella est parti, vous aussi vous allez partir tout comme le président, vous arrive-t-il de penser à ce que vous avez fait de ce pays et ce que vous allez laisser derrière vous ? Il me dit que leur vœu et de laisser un pays sur la bonne voie etc., etc. Son téléphone sonne, quelqu’un l’attendait visiblement. Il me dit qu’il doit partir et que si un jour je croise Si Lhocine, je lui passe ses amitiés, car c’est un homme pour qui il a beaucoup de respect.
Je lui dis que le respect ne suffit pas, et qu’ils devaient écouter ses différentes propositions de sortie de crise avant qu’on en soit arrivé là, c’est-à-dire après des milliers de morts et un pays en ruines. Il me dit qu’encore une fois ce ne sont que des slogans et je devais ouvrir plus les yeux… Comme il allait vraiment partir, je tente une dernière question : et le général Toufik alors ? Il me dit : quoi le général Toufik ? Je lui dit c’est vrai ce qu’on dit, que c’est lui qui gouverne vraiment l’Algérie ou serait-ce juste un mythe ? Il me dit : il n’y a personne qui gouverne tout seul l’Algérie. C’est un mythe alors, lui dis-je ? Il me dit, oui et ce sont des gens comme vous qui l’ont inventé…
Voilà, je vous livre en vrac cette discussion car comme moi, je pense que beaucoup d’Algériens veulent savoir vraiment ce qui se passe dans la tête des gens du « Pouvoir ».
Pour ma part, je ne sais plus si j’ai discuté avec le diable ou non, mais comme SAS je tire la conclusion que nous sommes gouvernés par des gens à qui ont prête plus de pouvoir et d’intelligence qu’ils n’en ont. Et que c’est à l’opposition de revoir sa façon d’agir, car les grands discours que nous tenons à longueurs de journées ne les atteignent même pas.
Comme beaucoup de personnes averties qui ont approché ces gens du pouvoir de plus près, j’adhère à l’idée qui fait que nous avons vraiment affaire à des gens qui n’ont aucune stratégie ni politique claire. Toute leur force réside dans le monopole de la violence. C’est le seul langage qu’ils comprennent, et c’est le seul terrain où ils sont forts. D’où le fait que le vrai changement ne doit être que pacifique.
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laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: 20 minutes avec Zerhouni : Ce que Yazid m'a dit
http://www.nessnews.com/nesspolitique/20-minutes-avec-zerhouni-ce-que-yazid-m-a-dit-1626
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
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