Le fils de Belkhadem, ce «voyou» qui gifle un opposant à papa

Le choc des mots, le poids de la photo, pour paraphraser le célèbre slogan de Paris Match. C’est l’histoire d’une photographie qui a été prise vendredi 15 juin 2012 avant l’ouverture de la réunion du comité central du FLN (Front de libération nationale). Shooté par un anonyme, le cliché tourne en boucle sur les réseaux sociaux et tourne en bourrique le fils de Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN et ex-chef du gouvernement. S’agit-il vraiment du fils du patron du FLN ? Décryptage d’un cliché qui fait couler beaucoup d’encre.


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Le contexte

En proie depuis deux ans à une crise interne qui remet en cause le leadership de M. Belkhadem, le FLN organise vendredi 15 et samedi 16 juin une session de son comité central (CC), dans un hôtel situé sur le littoral ouest d'Alger.

Au sein du vieux parti, deux factions s’affrontent. D’un côté, les redresseurs qui exigent le départ de Belkhadem, de l’autre les fidèles et les partisans de ce dernier qui veulent le maintenir coûte que coûte à son poste.

Le cliché

Pris par un anonyme, ce cliché est très vite mis en ligne et partagé, notamment par des journalistes, sur le réseau social Facebook. Et largement commenté.

Que voit-on sur la photographie ? Un jeune homme portant des lunettes, crâne rasé, barbe de trois jours, polo bleu, met une gifle à un homme d’un certain âge. Celui-ci tient dans sa main gauche une pancarte.

Sur le cliché, on voit aussi un autre jeune, mâchoire serrée et l’air menaçant, agripper l’homme par son poignet droit. Un deuxième cliché, également mis en ligne sur le net, montre la victime à terre alors qu’un troisième personnage, en costume noir, s’éloigne avec la pancarte.

Le fils de Belkhadem le « troglodyte »

Sur le net, notamment sur Facebook, le jeune homme au polo bleu qui agresse le vieux monsieur porte un nom : c’est le fils de Abdelaziz Belkhadem.

Aussitôt désigné ainsi par les internautes, l’agresseur et son géniteur font l’objet de moqueries, de railleries, d’insultes, de condamnations…

« Saïf el islam algérien » (allusion au fils du colonel Khadafi), « tel père, tel fils », « baltagui » « chien », « mouton », « voyou », « troglodyte », « fils de chien »… Les expressions fleurissent pour qualifier le rejeton de l’ancien chef du gouvernement. Son père en prend également pou son grade.


L’indignation des internautes est d’autant plus forte que les partisans de Belkhadem n’ont pas hésité ce vendredi et ce samedi à recourir à la force pour imposer celui-ci à la tête du parti.

Tel père, tel fils? Mais est-ce vraiment le fils de Abdelaziz Belkhadem qui agresse l’homme âgé comme le croient ou le laissent croire les internautes ?

Pas du tout.




La scène racontée par un journaliste

Nous avons retrouvé deux témoins, un journaliste et un photographe, qui ont assisté à la scène. Nous avons également obtenu des clichés shootés peu de temps avant cette scène de pugilat. Ces témoignages livrent une version totalement différente de celle qui circule sur le net.

Karim Aimeur, journaliste au quotidien L’Expression, qui a couvert les travaux du CC du FLN, raconte la scène.

« Dès les premières heures de la matinée, un vieux d'une soixantaine d’années fait le va-et-vient sur la route longeant l'hôtel Riadh où se tient la réunion du CC. L’homme porte une pancarte dont le contenu appelle à l'union des rangs du FLN. Les opposants à Belkhadem, nombreux à l'extérieur de l'hôtel, tentent à plusieurs reprises de lui arracher sa pancarte. En vain.

Puis arrivent sur les lieux Mohamed Seghir Kara et El Hadi Khaldi, ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels, tous deux membres du CC du FLN et opposants déclarés à Belkhadem. L’homme à la pancarte expose ses doléances en expliquant que les agissements des détracteurs de Belkhadem ne sont pas démocratiques. Mohamed Seghir Kara lui signifie qu’il peut s'exprimer librement et porter sa pancarte en toute liberté. Jusque là tout est calme.


Mais à l’intérieur de la salle où se réunissent les membres du comité central, la tension est à son comble. Les échos provenant de l'hôtel et qui font état d'une impasse totale entre redresseurs et partisans de Belkhadem mettent les contestataires en rogne.

Un jeune homme, 38 ans environ, vêtu d’un t-shirt bleu et qui fait partie du groupe de Kara et d’El Hadi Khaldi, s’avance alors vers le vieux monsieur, le gifle violemment. Un autre jeune le met carrément par terre. La pancarte sera finalement récupérée par les opposants à Belkhadem avant d’être taillée en pièces. »

Les clichés de Ramzi

Ramzi Boudina, reporter photographe à L’Expression, est également présent sur les lieux au moment de l’agression. Les clichés qu’il a pris sur place lèvent encore plus le doute sur l’identité de l’agresseur.

Sur un des clichés du photographe, on peut voir clairement l’agresseur se tenant debout, à droite, juste derrière le ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels. Selon nos informations, l’homme s’appelle Sid Ali et il est originaire du quartier de Belcourt, à Alger.

Le « voyou », le « fils de chien » ou encore le « troglodyte » ne peut donc pas être le fils de Abdelaziz Belkhadem.




Confusion


Pourquoi une telle confusion ? Comment le nom du fils de Belkhadem a-t-il été associé à cette agression ?

Il est difficile, voire impossible, de déterminer avec exactitude qui a mis en ligne ce fameux cliché sur le net ainsi que l’origine de la confusion sur l’identité de l’agresseur. Toutefois, il y a un indice.

L’agresseur a quelques traits de ressemblances avec l’un des fils de Abdelaziz Belkhadem.

Crâne dégarni, barbe fournie, la trentaine, l’un des rejetons du SG du FLN, Chawki Belkhadem, s’est déjà illustré un certain jeudi 13 octobre 2011 lors d’une réunion tenue sur les hauteurs d’Alger par des responsables du FLN opposés à Belkhadem.

Arrivé à bord d’une limousine, propriété du parc automobile de l’Assemblée populaire nationale, Chawki Belkhadem avait tenté à l’époque de perturber la réunion en brandissant des portraits de son papa.

Presque la même scène que ce vendredi 15 juin 2012 sauf que cette fois-ci le fils de Belkhadem n’était pas aux bords de l’hôtel Riadh.

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