50e anniversaire de l’indépendance : La gifle
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50e anniversaire de l’indépendance : La gifle
La gifle
Hocine le jardinier était «un très bon jardinier fleuriste», de l’avis bienveillant de l’administrateur de la commune mixte de Cap Aokas chez lequel l’Algérien était employé depuis la nuit des temps.
Toute la famille du fondé de pouvoir était aimable avec lui parce qu’il s’acquittait de sa tâche avec conscience et déférence, avec simplicité et aptitude reconnue. La satisfaction mutuelle ressentie par l’horticulteur et ses patrons était devenue, au fil des années, presque de l’amitié. En tout cas, cette sympathie leur donnait parfois l’occasion de rire ensemble à une anecdote...
Dans le village, tout le monde connaissait Pierrot Chambon, un Français de souche italienne qui avait choisi de vivre en vagabond. Sale, toujours aviné, souvent fauché, il promenait sa carcasse dans les artères du bourg en apostrophant les passants – surtout ses compatriotes – pour les railler ou les injurier.
Son vocabulaire était pauvre comme lui, mais il l’avait enrichi d’un nombre incalculable de mots grossiers qu’il débitait à tout-va au hasard de ses rencontres avec les Européens. Un jour d’été, au début de l’après-midi, le pochard passa sous le balcon de l’administrateur qui prenait un bol d’air tout en suivant de sa balustrade le travail de Hocine qui arrosait les plantes. Apercevant le haut fonctionnaire, Pierrot s’arrêta net et, d’un coup, sortit de ses gonds. De sa voix haut perchée et pâteuse, il commença à déverser un flot d’insanités au milieu d’une pluie de postillons qu’il projetait rageusement.
Dix jours de mise à pied
Incommodé par ce spectacle lamentable et ces propos outrageants pour son patron, Hocine courut vers l’ivrogne et lui colla une gifle en lui demandant de passer son chemin. Le poivrot s’en alla aussitôt sans demander son reste.
Une minute après, l’administrateur fit venir le jardinier dans son bureau et lui tint à peu près ce langage : d’un ton sans équivoque : «Hocine, ce que tu viens de faire est intolérable ! Sais-tu que tu viens de gifler un Français. Pour te punir, je t’inflige dix jours de mise à pied. Et ne t’avises plus jamais de porter la main sur une personne de ma race !»
Hocine n’en croyait pas ses oreilles. Cette «gifle» reçue en plein cœur était autrement plus douloureuse que celle qu’il venait d’administrer à un clochard pour défendre l’honneur offensé de son patron. Son cœur se serra et quelques larmes perlèrent à ses yeux. Pour le colon, le dernier des Français était plus respectable que n’importe quel Algérien.
Mais de pleur en fleur, le jardinier verra un jour le soleil de l’indépendance se lever sur son jardin. Il recouvrera sa dignité. La vraie dignité. Celle d’un homme de race libre...
Khaled Lemnouer
Hocine le jardinier était «un très bon jardinier fleuriste», de l’avis bienveillant de l’administrateur de la commune mixte de Cap Aokas chez lequel l’Algérien était employé depuis la nuit des temps.
Toute la famille du fondé de pouvoir était aimable avec lui parce qu’il s’acquittait de sa tâche avec conscience et déférence, avec simplicité et aptitude reconnue. La satisfaction mutuelle ressentie par l’horticulteur et ses patrons était devenue, au fil des années, presque de l’amitié. En tout cas, cette sympathie leur donnait parfois l’occasion de rire ensemble à une anecdote...
Dans le village, tout le monde connaissait Pierrot Chambon, un Français de souche italienne qui avait choisi de vivre en vagabond. Sale, toujours aviné, souvent fauché, il promenait sa carcasse dans les artères du bourg en apostrophant les passants – surtout ses compatriotes – pour les railler ou les injurier.
Son vocabulaire était pauvre comme lui, mais il l’avait enrichi d’un nombre incalculable de mots grossiers qu’il débitait à tout-va au hasard de ses rencontres avec les Européens. Un jour d’été, au début de l’après-midi, le pochard passa sous le balcon de l’administrateur qui prenait un bol d’air tout en suivant de sa balustrade le travail de Hocine qui arrosait les plantes. Apercevant le haut fonctionnaire, Pierrot s’arrêta net et, d’un coup, sortit de ses gonds. De sa voix haut perchée et pâteuse, il commença à déverser un flot d’insanités au milieu d’une pluie de postillons qu’il projetait rageusement.
Dix jours de mise à pied
Incommodé par ce spectacle lamentable et ces propos outrageants pour son patron, Hocine courut vers l’ivrogne et lui colla une gifle en lui demandant de passer son chemin. Le poivrot s’en alla aussitôt sans demander son reste.
Une minute après, l’administrateur fit venir le jardinier dans son bureau et lui tint à peu près ce langage : d’un ton sans équivoque : «Hocine, ce que tu viens de faire est intolérable ! Sais-tu que tu viens de gifler un Français. Pour te punir, je t’inflige dix jours de mise à pied. Et ne t’avises plus jamais de porter la main sur une personne de ma race !»
Hocine n’en croyait pas ses oreilles. Cette «gifle» reçue en plein cœur était autrement plus douloureuse que celle qu’il venait d’administrer à un clochard pour défendre l’honneur offensé de son patron. Son cœur se serra et quelques larmes perlèrent à ses yeux. Pour le colon, le dernier des Français était plus respectable que n’importe quel Algérien.
Mais de pleur en fleur, le jardinier verra un jour le soleil de l’indépendance se lever sur son jardin. Il recouvrera sa dignité. La vraie dignité. Celle d’un homme de race libre...
Khaled Lemnouer
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: 50e anniversaire de l’indépendance : La gifle
http://www.elwatan.com/dossiers/50eme-anniversaire-independance-algerie/la-gifle-02-07-2012-176923_260.php
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
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