Sans l’autonomie de la Kabylie, le changement est illusoire(Bouaziz Ait Chebib et Moussa Nait Amara)

Le pouvoir s’apprête à remodeler sa constitution pour la énième fois. A cet effet, Bouteflika désigne le président du sénat pour recevoir les partis politiques afin d’arriver à un « consensus ». Dans le même registre, le FFS et son ex allié le PT, suggèrent une assemblée constituante. La CNCD demande à l’ANP de destituer le président dans le respect de la constitution : un coup d’Etat masqué en d’autre terme.



Pendant que le régime essaye de redorer son blason par l’annonce d’une pseudo démocratisation, l’opposition légaliste lui assure un concours inespéré : changer la façade du système mais pas son fond, en s’inscrivant toujours dans l’optique de « ALGERIE UNE ET INDIVISIBLE ».

La destitution de Bouteflika n’a rien d’une perspective politique, même s´il n’est pas en mesure de terminer un mandat qu’il a usurpé. Il ne suffit pas de changer le personnel politique pour fonder une nouvelle Algérie. La véritable révolution ne repose pas sur des slogans démocratiques, mais sur une autre façon de concevoir l’avenir en tenant compte de la réalité algérienne, mal façonnée par la colonisation, et en adoptant des méthodes de bonne gouvernance plus modernes et plus adaptées à la réalité plurielle de la société algérienne.

Elire une assemblée constituante sous l’égide du régime dont on veut se débarrasser n’est que de la poudre aux yeux. Le bon sens nous recommande de voir les choses en face : élire cette même assemblée dans les meilleures conditions possibles ne changera rien à la nature de l’Etat, dès lors que les forces démocratiques (kabyles en l’occurrence) y seront minorées et ne pourront même pas changer une virgule dans une phrase. Le bricolage constitutionnel n’est pas une solution encore moins une alternative quelle que soit la manière d’y procéder. Le vrai changement passera inévitablement par la rupture avec l’Algérie arabe et son système jacobin en garantissant à la Kabylie, voire à toutes les régions qui le souhaitent, le droit d’accéder au statut d’autonomie.

Le régime d’Alger fonde sa façade « démocratique » sur la participation des partis d’opposition à la gestion des institutions « élues ». Il se vante même des APC et APW présidées par le RCD et le FFS. Il se sert de ces deux partis pour crédibiliser son image à l’échelle internationale. On ne peut pas le lui reprocher. Mais il appartient à ces deux forces d’opposition d’être au diapason de ce qu’elles défendent comme projet de société. L’entrisme ne permet aucun changement, bien au contraire, il renforce le régime en place en lui assurant une caution démocratique.

Les « élus » de la Kabylie doivent démissionner de leur fonction afin de mettre à nu le régime d’Alger. C’est la condition pour entamer un vrai processus révolutionnaire. Ce processus ne peut venir que de la rue et jamais de l’intérieur.

Cette démarcation historique, qui ne peut qu’honorer ces deux partis et leurs élus, est un acte salutaire pour la préservation de l’homogénéité de la Kabylie, qui subit une déstructuration politique, économique et culturelle programmée depuis 1962.

Le RCD et le FFS sont des forces politiques kabyles et la Kabylie saura reconnaitre ses enfants. Ils doivent impérativement, rompre avec cette logique clanique dans laquelle ils se sont enfermés à son détriment depuis l’arrêt du processus électoral en 1992.

Notre région est tenue de tirer profit de toutes les expériences politiques qui ont jalonné notre histoire afin d’avancer et de concrétiser son projet d’autodétermination.

Nous invitons ces deux partis à cesser leur illusion « algerianiste » et à réaliser ce sursaut historique qui leur permettra de rejoindre leur camp naturel ; celui de la construction d’un Etat Kabyle démocratique, social et laïc. L’Algérie n’est pas la Tunisie, ni l’Egypte, ni la Syrie. Ces pays, contrairement à l’Algérie, se caractérisent par l’homogénéité de leurs peuples respectifs ayant permis un vrai soulèvement populaire qui a eu raison de leurs despotiques. En Algérie, la donne est différente. Pendant que la Kabylie se sacrifie afin de bâtir une Algérie meilleure, le régime d’Alger trouve soutien dans l’indifférence du reste des algériens adeptes inconditionnels et indéfectibles de l’idéologie arabo-islamique qui fonde l’Etat algérien.

Tout le monde s’accorde à dire que le mal de l’Algérie réside dans la nature de son système politique qui repose sur deux principes : l’islamo-baâthisme comme idéologie, le jacobinisme comme mode de gestion.

L’Algérie indépendante est une Algérie orientée contre elle-même en érigeant l’apartheid anti-kabyle en constante nationale et constitutionnelle. L’Etat-nation qui a succédé à la colonisation constitue à cet effet la perpétuation de l’ordre colonial à travers une Algérie arabe à la place d’une Algérie française. Un Etat sans une véritable nation règne sur des nations sans Etats dont la nation kabyle qui continue à subir les affres de ce néo-colonialisme.

Le printemps noir a mis en lumière cette vérité tant occultée. La mise en avant de la revendication autonomiste par le MAK, a constitué un tournant décisif dans l’histoire du peuple kabyle qui s’assume en fin en tant que tel sans aucun complexe ni crainte d’être taxé de servir « l’impérialisme occidental ».

Les voiles sont désormais tombés. L’Algérie est composée de plusieurs peuples. On ne peut défricher la voie du salut sans prendre en considération cette réalité. La reconnaissance du peuple kabyle à travers son autonomie régionale est un préalable à tout changement digne de ce nom. Cette condition sine qua non est le seul rempart contre la mort absurde de la nation kabyle et de même une première base de la construction d’une nouvelle Algérie à savoir : une Algérie des peuples et des langues au lieu de « l’Algérie une et indivisible ». Tel est le vrai changement. Le reste c’est de la littérature.

Bouaziz Ait Chebib

Moussa Nait Amara

quelles sont es garanties que peut nous offrir ferhat m'henni pour nous assurer qu'il ne sera pas un dictateur ?