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L’écriture littéraire en Algérie Au-delà des élucubrations des rentiers

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L’écriture littéraire en Algérie Au-delà des élucubrations des rentiers Empty L’écriture littéraire en Algérie Au-delà des élucubrations des rentiers

Message  rebai_s Lun 15 Déc - 15:46

Que peut bien représenter le romancier et traducteur Abdallah Hammadi dans le gotha des lettres algériennes, lui qui, avec une rare outrecuidance propre aux artistes approximatifs et aux serviteurs zélés, déclara, au cours du dernier séminaire international sur la traduction qui s’est tenu à Alger au début de ce mois, que Mohamed Dib et Mouloud Mammeri “ne représentent pas la littérature algérienne” !

Sans arrêter de surprendre une assistance hébétée, il invita une responsable d’une maison d’édition allemande présente dans la salle à ignorer, dans ses projets de traduction, ces deux écrivains ! " Je voudrais que, ’à partir de maintenant, l’on apprenne l’importance d’oublier ces noms ", ajoutera-t-il avec une sacrée indécence que l’auteur Omar Chaâlal, dans une riposte instantanée, qualifiera de pensée nihiliste. L’information rapportée par El Khabar du 6 décembre dernier n’a pas soulevé de protestations particulières auprès des hommes de culture algériens. La culture algérienne n’en est pas à sa première descente aux enfers. Elle a trop subi le mépris et la culpabilisation des différents pouvoirs pour qu’elle soit aujourd’hui scandalisée par les comportements de ce genre.

Il en est probablement ainsi de tous les écrivaillons promus à un anonymat certain ; un anonymat qui s’enclenchera dès l’assèchement de la rente qui est derrière cette fausse célébrité.

Le paysage littéraire algérien est pourtant, en ce début du 21e siècle, incontestablement riche de la diversité de ses horizons, de l’éventail de ses styles, de la pluralité de ses thématiques et de la gamme de ses langues d’expression. Les études et les critiques littéraires nous apprendront dans quelques années si vraiment la relève de la génération de la guerre de libération nationale est définitivement assurée. Cela ne pourra se faire que par des moyens académiques (université, revues littéraires spécialisées, séminaires, …) seuls à même de juger l’impact et l’importance des œuvres, jauger les décantations qui se feront dans un domaine où les auteurs faussaires disputent la vedette aux écrivains authentiques et dégager les tendances lourdes des écrits algériens qui s’expriment en arabe, en français et en berbère.

Dans l’univers esthétique des lettres algériennes, la puissance et la prégnance des pères fondateurs de la littérature moderne ne cessent d’exercer leur influence sur les lecteurs d’aujourd’hui et les auteurs en herbe au point de recouvrir d’une ombre gênante la génération des écrivains de l’après-indépendance. En effet, Mammeri, Feraoun, Kateb et Dib jouent, dans ce cas de figure, le rôle de mythe fondateur. La renommée et le mérite de ces pères ne sont pas surfaites. Ils ont participé par la plume à l’éveil de la société algérienne écrasée par un ordre colonial inique.

Les écrivains qui ont écrit après 1962 ont essayé d’exprimer les nouvelles préoccupations des Algériens liées aux nouvelles réalités politiques et sociales induites par la gestion autocratique et clientéliste du pays sous le règne d’un ‘’socialisme de caserne’’. Mimouni, Djaout, Rabah Belamri, Mouloud Achour et beaucoup d’autres encore ont pu donner un souffle nouveau à la littérature algérienne écrite en français et ce malgré les clivages et l’ostracisme secrétés par la tendance arabo-baâthiste du pouvoir.

Ce n’est pas sans une belle surprise que de jeunes auteurs se sont imposés au milieu de la tourmente de la subversion islamiste. Autour de la revue Algérie/Littérature-Action, éditée en France par Aïssa Khelladi, se sont regroupés certains écrivains, à l’image de Aziz Chouaki, et ont redonné une autre vigueur à l’acte d’écrire en se situant dans le nouveau contexte fait de peur et d’inquisition, mais aussi de courage et de résistance.

D’autres écrivains, issus d’horizons divers, ont pu aussi s’imposer sur la scène d’une façon inattendue : Boualem Sensal, fonctionnaire dans l’Industrie, Yasmina Khadra, ancien officier de l’ANP, Arezki Metref, journaliste, Salim Bachi, jeune auteur émigré…ont pu avoir les suffrages des lecteurs, du moins du peu de lecteurs qui restent encore en Algérie.

Une passerelle qui semble exprimer les mérites et les qualités des générations d’Algériens ayant écrit ou écrivant actuellement dans la langue de Molière, c’est sans aucun doute la grande Assia Djebar. L’honneur fait à la dame du Chenoua est indubitablement un hommage à cette saga littéraire qui remonte à Jean et Taos Amrouche, Djamila Débèche, Ismaïl Aït Djaâfar,…Le destin de la langue française en Algérie est d’une extraordinaire et paradoxale fortune.

Ironie du sort


Alors que la politique débilitante de l’arabisation battait son plein en fournissant les premiers ‘’contingents’’ de l’école fondamentale, le français refait surface dans les administrations, s’affirme puissamment à l’université, maintient et renforce sa présence dans les secteurs économiques et se déploie fastueusement dans le nouvel univers de la presse indépendante.

Plus qu’un butin de guerre, c’est un héritage de l’histoire et un précieux moyen d’ouverture sur le monde. L’anglais- langue des sciences et des techniques- que l’on nous présente hypocritement comme une alternative imparable au français n’a aucune profondeur sociologique ni ambiance culturelle qui feraient de lui une première langue étrangère en Algérie.

Nous ne serons jamais étonnés lorsqu’on tombe- cela arrive souvent- sur des recueils de poésie, contes, proverbes écrits en kabyle et accompagnés d’une traduction en français.

Chez beaucoup de jeunes auteurs que nous avons approchés, c’est même une nécessité vitale de se faire traduire en français. Il est vrai que, parfois, la chose relève de la coquetterie intellectuelle ou de la simple ostentation, qui nous renseigne quand même sur l’état d’esprit qui règne chez nos auteurs.

Si une partie de ceux qui écrivent arrivent à faire passer leur message par le biais de l’édition, une frange importante de poètes, prosateurs, conteurs et chercheurs en patrimoine culturel plonge dans l’anonymat le plus durable. L’édition étant d’abord un acte commercial, le ‘’célèbre anonyme’’ d’un village ou canton éloigné de la montagne ne dispose pas d’armes nécessaires pour affronter l’édition.

A compte d’auteur, voilà la nouvelle logique marchande. Beaucoup de candidats hésitent ou refusent à franchir le pas. C’est un peux le cercle vicieux : pour se faire éditer, il faut être un auteur établi, sinon célèbre.

Pour accéder à ce statut, il faut se faire d’abord éditer ! C’est pourquoi, des dizaines de jeunes auteurs, principalement en Kabylie, font leur deuil d’une possible publication de leurs écrits mais continuent à taquiner le papier, à coucher des strophes et à consigner des renseignements historiques et ethnologiques précieux. Sans grands moyens, ils tiennent des cahiers d’écolier ou des feuillets volants sur lesquels ils transcrivent les inspirations de la journée, les halètements de leur cœur, les ennuis d’un quotidien morose ou les espoirs de la vie en rose. En kabyle ou en français, parfois dans les deux langues, des écrivains anonymes existent. Ils ne se confient qu’à des connaissances qui peuvent comprendre leur situation de poètes ou prosateurs damnés. Quelques privilégiés parmi eux ont accédé furtivement à l’antenne de la radio Chaîne II.

D’autres ont pu glisser certains de leurs textes à des chanteurs qui se les sont parfois appropriés d’une manière indécente. A chacun son destin dans un domaine où les mérites et les compétences mettent beaucoup de temps pour s’imposer.

Malgré l’adversité et les différents écueils qui se mettent au travers de la voie de l’écriture littéraire, des jeunes tiennent à prolonger l’acte de Feraoun, à s’inspirer des idéaux de Mammeri, à perpétuer la combativité de Jean Amrouche, à sonder de nouvelles voies à la manière de Dib et à faire leurs le sentiment de révolte et l’esprit de rébellion de Kateb Yacine. Il n’y a que les faux prophètes, les pharisiens de la plume et les énergumènes, comme ceux qui ‘’passent à tabac’’ les héritages de Dib et de Mammeri, qui n’y trouveront plus leur compte.

Amar Naït Messaoud

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