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L’Algérie au péril de l’arabisation

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L’Algérie au péril de l’arabisation Empty L’Algérie au péril de l’arabisation

Message  rebelle kabyle Dim 4 Mar - 15:55


  1. L’Algérie au péril de l’arabisation

    L’assassinat du chanteur kabyle Matoub Lounès suivi de l’entrée en vigueur de la loi d’arabisation entraînent des émeutes en Kabylie, où les émeutiers visent avec violence tout ce qui symbolise la langue arabe et l’Etat. Cette rage destructrice est l’une des conséquences prévisibles de la politique d’arabisation menée par le pouvoir algérien depuis l’indépendance.


" Parti unique, langue unique, pensée unique, Charte unique. "
Slogan du FLN

La loi d’arabisation est le point d’orgue d’un véritable projet que poursuivent les arabistes en Algérie, projet inspiré par le courant baâthiste, lui-même inspiré par tout le courant nationaliste moderne, principalement français, qui veut que la nation soit obligatoirement unifiée autour d’une langue, celle de l’élite gouvernante.


Langue de la légitimation

Parmi les éléments de légitimation de l’Etat au Maghreb, deux sont d’une importance capitale : l’islam et la langue arabe, qui lui est associée. Fondée en opposition constante au colonialisme français, la conception nationale valorise les éléments qui s’opposent terme à terme à l’histoire coloniale, pour bien marquer, symboliquement, les ruptures et la revendication d’une identité propre, là où la synthèse serait la démarche la plus féconde du point de vue de l’histoire et de l’avenir.

Symboliquement donc, on oppose le français à l’arabe, et l’islam au christianisme, puisque la France coloniale a occupé le pays en affirmant tantôt y apporter sa civilisation nationale, tantôt sa religion nationale. Le hic est que l’Algérie est un produit complexe de l’histoire, qui ne se réduit pas à la langue arabe, encore moins à celle du Coran, ni à l’islam. Le pays a un fond berbère qui atteste de sa pluralité, et pas seulement au plan linguistique. Les Berbères, qui ont fait la guerre à la France, ont une démarche pragmatique et ne souhaitent pas compromettre l’avenir dans des aventures idéologiques, surtout quand elles ne sont pas en résonance avec leur patrimoine historique, qui est toujours nié.

C’est pourquoi ils résistent à délivrer un certificat de légitimité à un Etat qui leur paraît encore étranger à la société, même s’il est le produit de leurs luttes anticoloniales. Il tiennent certes à l’unité nationale, à leur façon, mais n’hésitent pas à en contester les fondements tels que le pouvoir les énonce : l’Algérie arabe et musulmane.

Pour légitimer ses choix, l’élite dirigeante veut leur donner un air d’intérêt général. Ce faisant, elle semble donner raison à Marx, qui écrit dans l’Idéologie allemande : " Chaque nouvelle classe qui prend la place de celle qui dominait avant elle est obligée, ne fût-ce que pour son intérêt comme pour l’intérêt commun de tous les membres de la société, ou pour exprimer les choses sur le plan des idées : cette classe est obligée de donner à ses pensées la forme de l’universalité, de les représenter comme étant les seules raisonnables, les seules universellement valables. "


Langue du pouvoir et intégrisme linguistique

L’arabe classique, lu, mais pas parlé au quotidien en vérité, par une petite fraction de lettrés (10% environ), est une langue de l’élite. Cette conscience d’être une caste gouvernante est par exemple bien exprimée par Ibn Badis, le chef des oulémas, qui écrit : " Le langage utilisé par les "langues" au marché, sur les chemins et tous autres lieux populaires fréquentés par la masse ne peut être confondu avec le langage des plumes et du papier, des cahiers et des études, bref, d’une élite. " (Ibla, n° 128, 1971). Dès l’abord donc, on voit que la différenciation entre les langues de la khassa (l’élite) et de la ‘amma (la masse) est justifiée. De là le mépris des langues maternelles, de là le mépris des langues populaires, l’arabe parlé et le berbère. Mais, pour le berbère, le mépris cache, derrière l’animosité, une crainte de l’irrédentisme kabyle. En Tunisie, pour désigner la langue arabe populaire on l’appelle barbri, le " berbère ", ce qui veut tout dire. Même là où cette langue ne s’exprime pas, on la convoque à la table du mépris.

Cela donne des situations cocasses et absurdes. Des hommes politiques, de culture ou ayant une vie publique, qui s’expriment très mal en arabe classique, baragouinent et cherchent désespérément leurs mots classiques à la télévision au lieu de parler la langue du peuple auquel ils s’adressent pourtant. Si eux, qui sont instruits et cultivés, ne peuvent ainsi s’exprimer aisément en classique, on peut imaginer la réception du côté du public. La langue est un instrument de pouvoir, Orwell l’avait bien vu, qui a imaginé un monde, celui de 1984, où l’on imposerait la Novlangue, à l’exclusion de toute autre langue. Et imposer une langue, ce n’est pas simplement imposer un outil au détriment d’un autre, comme dans une opération technique. Plus profondément, une langue est une pensée, et sa disparition signifie celle d’une pensée alternative à celle qui s’impose. C’est ce que dit précisément Orwell quand il explique, dans les principes de la Novlangue, ceci : " Le but de la Novlangue était non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’Angsoc, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée. " C’est aussi ce que, dans sa naïveté, le FLN a exprimé dans une banderole affichée à Alger, au balcon du siège du parti, place Emir-Abdelkader, en réponse aux revendications berbères : " Parti unique, langue unique, pensée unique, Charte unique. "


Arabiser, c’est assimiler

Le but de l’arabisation n’a jamais été en vérité le partage d’une langue vernaculaire, comme on le croit chez les esprits les plus naïfs. Très tôt, le ministre Taleb Al-Ibrahimi, un arabo-islamiste, qui représente le courant des oulémas (1) au pouvoir en Algérie, reconnaissait lui-même que l’arabisation ne marcherait pas, mais qu’il fallait la faire. Mostefa Lacheraf ne manquera pas de le lui rappeler, lorsqu’il sera chargé de l’Education nationale au cours d’une polémique. Pour Mouloud Kassim, l’inamovible ministre des Affaires religieuses sous Boumédiène, il s’agissait, dès 1962, " non d’une arabisation linguistique ", selon ses propres termes, mais " d’arabiser les esprits et les cœurs ". Bref, on demande un ralliement corps et âme aux Berbères, et non le partage d’un espace de parole et de culture. Tout cela au nom d’un racisme qui n’avoue pas son nom, mais considère la berbérité comme un résidu des temps anciens, qu’il faudra assimiler. Le but profond de l’arabisme est l’avènement de l’homme nouveau. Cette prétention, qui était auparavant celle de la religion islamique, est maintenant portée aussi par l’arabisme, une idéologie nationaliste, qui s’est nourrie de la pensée fasciste dans son enfance. C’était par exemple le but de la tentative d’arabisation de l’état civil qui visait à interdire l’usage de prénoms berbères dans les années 70. Le cheikh Bachir Al-Ibrahimi voulant plaider pour l’unité arabo-berbère qu’aurait réalisée l’islam explique, dans El-Bassair (no 41), le journal des oulémas, que les Berbères se sont fraternellement soumis aux Arabes, et depuis sont frères. Il ne dit même pas qu’ils se sont soumis à l’islam, non c’est aux Arabes, et de plus fraternellement. C’est une telle fraternité qui fait croire peut-être qu’ils seront éternellement soumis. Tout est bon pour les assimiler, la trique, l’islam, la promesse ou la menace, c’est selon.


Bref retour sur le panarabisme

A entendre les arabistes et les islamistes algériens aujourd’hui, tout le mal viendrait d’un complot de la France, qui soutiendrait, en Algérie, un projet de république laïque et berbère, les Kabyles jouant le rôle de Cheval de Troie dans cette affaire. Cette aversion déclarée de l’Occident, à travers le cas de la France, n’était pas exprimée par les pères de l’arabisme que furent Sati‘ al-Husri (mort au Caire en 1963) ou Michel Aflak (1910-1989), fondateur du parti Baath. Husri considérait même comme un bienfait de favoriser l’influence des nationalismes européens sur le monde arabe. Les imitant, il propose, dans une démarche laïque, de fonder le nationalisme arabe sur la langue " commune " et non sur l’islam. En réalité le mot commune est un euphémisme, qui cache mal la volonté d’imposer la langue du pouvoir de gré ou de force.

L’arabisme veut tailler un même costume à chacun, exactement comme l’a fait le maoïsme, et il propose à la société un idéal de caserne, où la discipline et l’uniforme seront les bases de la nation arabe. Ainsi, dans les années 30 et 40, le parti Jeune Egypte, dans lequel se forma Nasser, avait l’habitude de défiler en chemises vertes, en singeant les partis fascistes. Un mouvement putschiste irakien se développe en Irak sous la direction de Rachid Ali Kilani, qui s’allie aux nazis, en 1941. Anouar Al-Sadate lui-même était lié aux actions en faveur des nazis à cette période. Il déclarera dans les années 60 publiquement son admiration pour Hitler. On peut citer également les organisations syrienne et libanaise de Antoun Saadé ou de Pierre Gemayel, les Kataeb (Phalanges). Il n’est jusqu'au mufti de Jérusalem Husseini qui chercha des armes du côté des nazis et des Italiens sous Mussolini. Tout cela inquiéta l’élite laïque et progressiste orientale, comme Loutfi Al-Sayyid ou les écrivains Taha Hussein, Neguib Mahfouz et Toufik Al-Hakim, qui se prononceront pour le pluralisme et la laïcité. Toufik Al-Hakim dénoncera même en 1963 un danger de nazification dans son pays. Dès l’abord donc, la pensée panarabiste est fondée sur une conception autoritariste et même fasciste. On comprend mieux pourquoi on peut avoir des Nasser, Hafed Al-Assad, Saddam Hussein ou Boumédiène.


Un pouvoir arrogant

Rien n’est devenu plus étranger à la société algérienne que le pouvoir algérien. Devant les révoltes qui ont secoué l’Algérie, ce pouvoir a été littéralement surpris, et pour cause, il ne connaît pas bien la société qu’il prétend gouverner.

Si on avait voulu dire aux Kabyles qu’ils n’étaient pas concernés par la fête de l’Indépendance, on n’aurait pas mieux fait que de choisir la date du 5 juillet pour appliquer la loi d’arabisation. Désormais, cette date se confondra avec l’entreprise de négation de leur culture et de leur langue et ils seront tenus en marge de la République des képis et des bottes jusqu’à ce qu’un jour leur insurrection aboutisse à une République égalitaire et sociale. En effet, l’aspiration égalitariste est très répandue au Maghreb et ne cesse d’inspirer tous les mouvements de contestation.

Du côté du pouvoir, au silence a succédé l’intimidation, puis les promesses démagogiques, pour à nouveau avoir recours aux intimidations. Le général Khaled Nezzar, qui a surtout à son actif un lourd passé de dictateur de l’ombre, vient expliquer avec arrogance dans la presse, à propos des actions du FFS et du RCD : " Ils exacerbent les sentiments d’une minorité de notre société afin de cibler des buts à caractère "politicien" tant ils sont aveuglés par le pouvoir. " Que le FFS et le RCD soient critiquables, personne n’en disconviendra, comme tous les partis, mais qu’un général à la retraite vienne nous expliquer encore son mépris de la minorité (on ne voit pas pourquoi il aurait souligné la chose autrement) et accuse les partis de l’opposition d’être aveuglés par la soif de pouvoir, il y aurait de quoi rire si la situation n’était tragique. La seule minorité au pays et les seuls aveuglés par le pouvoir sont les généraux, qui de plus gouvernent toujours dans l’ombre et ont recours à des hommes de mains contre leurs adversaires, comme contre Boudiaf, qu’ils ont assassiné, comme des lâches qu’ils sont. C’est un fléau dont l’Algérie cherche désespérément à se débarrasser. Elle y arrivera un jour, il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement. Ils iront alors rejoindre la cohorte des généraux mis à la poubelle durant ce siècle. n

Dossier réalisé par Mustapha Hadjarab

1-Lettrés de l’islam dont la principale figure en Algérie est le cheihk Ibn Badis, fondateur de l’association des oulémas à Constantine en 1926.




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rebelle kabyle

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