L’intellectuel et l’islamisme
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L’intellectuel et l’islamisme
Par Mohand Bakir
En réponse à Hacen Rémaoun, Addi Lahouari a publié dans l’édition de dimanche du Soir d’Algérie une contribution qui appelle quelques remarques.
L’article final de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) traduit la crainte, qu’avaient ses rédacteurs, que tel droit ou telle disposition consigné dans ce document soit instrumentalisé à l’encontre d’une partie ou de l’ensemble des droits qui y sont énoncés. D’où l’anticipation posée en son article 30. Pour parer au risque décrit, ils apposent un véritable «scellé» en clôture de la déclaration : «Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés. » La contribution d’A. Lahouari publiée dans le Soir d’Algérie illustre parfaitement la pertinence de cet article 30. Il nous faut considérer le plaidoyer de A. Lahouari non seulement dans sa pertinente condamnation de principe de la torture et du rejet sans appel qui en découle, mais aussi dans la finalité qu’il donne à cette condamnation. Son argumentaire, s’il est recevable dans sa critique de l’autoritarisme de l’État, ne l’est absolument pas dans son obstination à(re)légitimer les attitudes conciliantes à l’égard de l’obscurantisme islamiste. Il n’y a que l’auteur, lui-même, pour croire que sa contribution peut passer pour un avis exprimé avec la rigueur de l’universitaire, et que son caractère partisan étroit, dissimulé et camouflé échappera aux lecteurs. Ce n’est pas la première fois que le promoteur de la thèse de la fécondité de la régression islamiste mobilise «sa science» pour enrober des positionnements politiques conciliants avec l’islamisme. Alors qu'il est attendu de lui qu’il nous explique où il en est de la vérification de sa théorie ; une théorie, dont nous attendons toujours les délices, puisque le fond de l’idée est qu’il ne fallait pas se braquer sur les fruits amers dont la «dégringolade» régressive nous a gavés avec magnanimité. Le voilà qu’il étend aux droits de l’homme le sort qu’il a fait à la sociologie. La DUDH est mobilisée au service du clergé islamiste. La DUHC et le droit humanitaire en général sont présentés, de façon tendancieuse et spécieuse, comme opposables aux seuls États. Pas un instant il n’explique que l’antagonisme entre les droits de l’homme et l’islamisme est essentiel. Elle n’est pas dans les formes, ou les aspects de détails, elle est dans l’essence même de chacun des deux corpus. S’il a absolument raison d’affirmer que l’État algérien, dans le traitement de la violence islamiste, devait, et doit, s’interdire tout recours à la torture ; toute atteinte aux «droits naturels» des individus, cette protection des individus et de leurs droits ne peut en aucun cas être invoquée pour fonder, promouvoir et porter des conceptions attentatoires aux droits de l’Homme. Les «droits naturels» de ces individus leurs octroient-ils le «droit» de construire leur État islamique ? Pour échapper à cette question, A. Lahouari introduit, en filigrane de son argumentaire, une confusion entre islamisme et islam. «L’habitus religieux n’est pas que chez les islamistes. Il existe aussi chez ceux qui réifient des constructions sociales au détriment du droit naturel des individus à la vie et à leur intégrité physique.» On voit bien là que l’opposition entre l’islamisme et le souverainisme tatillon d’un côté, et la DUDH, de l’autre, n’est pas de même nature. Les souverainismes tatillons, qui ont succédé aux luttes pour les indépendances et ont accompagné les politiques développementalistes, en contrevenant aux droits de l’homme, en les bafouant, trahissent leur propre nature et dérogent à leur vocation de promotion de ces droits. Alors que l’islamisme en s’opposant à ces droits, ou en les instrumentalisant, exprime son essence totalitaire, négatrice des droits politiques des individus et de la citoyenneté. Il faut reconnaître qu’il y a bien plus de facilité à porter atteinte aux droits naturels des individus dans les systèmes théocratiques (Iran, Afghanistan, Pakistan, Soudan, Arabie saoudite…), qu’en Algérie par exemple. Le propos de M. Lahouari perd encore plus de son crédit, lorsque, entraîné par ses a priori idéologiques et ses affinités politiques, il cite un ancien ministre des gouvernements de Boumediene, parmi les sommités du droit international. Certainement qu’à l’appui de ce jugement, il pourrait nous fournir quelques ouvrages de référence en la matière, que le vénérable Ali Yahia Abdennour aura signés de sa plume (La plateforme de Sant’Egidio mise à part) ?! Alors que la torture était pratique courante, Ali Yahia Abdennour n’était nullement gêné ni par cette pratique ni par la proximité d’un dictateur. Mais comment attendre cela de quelqu’un qui, encore aujourd’hui, met son action politique au service du fascisme ? Le propos de A. Lahouari finit de fondre comme neige au soleil, et se révèle dans toute son inconsistance, lorsqu’après les doctes explications censées démontrer l’avance acquise, outre- Méditerranée, sur l’intellectuel resté au pays des généraux «condamnés» à attendre la fécondité promise, il finit par s’emmêler les pinceaux et trahir sa totale ignorance en la matière où il prétend donner des leçons. Il confond les Tribunaux internationaux dont la compétence connaissait des limites de durée et de territorialité, et la Cour internationale de justice, instituée par le statut de Rome, dont la compétence est réputée universelle, ou du moins est-elle projetée en tant que telle. Même mieux, il va dans la confusion jusqu’à croire que la signature d’un traité international vaut ratification et donc transposition dans le droit national. L’Algérie est l’un des Etat signataires du traité de Rome, mais à ce jour, elle n’a pas procédé à sa ratification, ce qui exclut l’Algérie de compétences de la Cour pénale internationale. Ce n’est pas pour autant que l’Algérie, quels que soient les évènements et les circonstances, se trouve hors du champ de compétences de la CPI, une situation qui pourrait être qualifiée de génocide, d’atteintes graves aux droits de l’homme, une situation où l’État algérien paraîtrait avoir renoncé à son devoir de protection de ses citoyens peuvent enclencher des actions de la CPI (par auto-saisine de son procureur, ou injonction du Conseil de sécurité de l’ONU) à l’encontre de l’État algérien. La question est donc de savoir si cet État risque et peut se mettre dans cette situation. La «communauté internationale» est loin d’être cette harmonie parfaite qui se mobilise pour la veuve et l’orphelin, et le droit humanitaire est trop souvent réduit à un faire-valoir des volontés impériales des puissances qui dominent le monde. Le droit humanitaire préfigure une société mondiale plus égalitaire, plus juste, plus humaine, mais il faudra que toutes les forces de progrès s’investissent dans cette nouvelle lutte pour un monde fait par l’Homme pour l’Homme.
En réponse à Hacen Rémaoun, Addi Lahouari a publié dans l’édition de dimanche du Soir d’Algérie une contribution qui appelle quelques remarques.
L’article final de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) traduit la crainte, qu’avaient ses rédacteurs, que tel droit ou telle disposition consigné dans ce document soit instrumentalisé à l’encontre d’une partie ou de l’ensemble des droits qui y sont énoncés. D’où l’anticipation posée en son article 30. Pour parer au risque décrit, ils apposent un véritable «scellé» en clôture de la déclaration : «Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés. » La contribution d’A. Lahouari publiée dans le Soir d’Algérie illustre parfaitement la pertinence de cet article 30. Il nous faut considérer le plaidoyer de A. Lahouari non seulement dans sa pertinente condamnation de principe de la torture et du rejet sans appel qui en découle, mais aussi dans la finalité qu’il donne à cette condamnation. Son argumentaire, s’il est recevable dans sa critique de l’autoritarisme de l’État, ne l’est absolument pas dans son obstination à(re)légitimer les attitudes conciliantes à l’égard de l’obscurantisme islamiste. Il n’y a que l’auteur, lui-même, pour croire que sa contribution peut passer pour un avis exprimé avec la rigueur de l’universitaire, et que son caractère partisan étroit, dissimulé et camouflé échappera aux lecteurs. Ce n’est pas la première fois que le promoteur de la thèse de la fécondité de la régression islamiste mobilise «sa science» pour enrober des positionnements politiques conciliants avec l’islamisme. Alors qu'il est attendu de lui qu’il nous explique où il en est de la vérification de sa théorie ; une théorie, dont nous attendons toujours les délices, puisque le fond de l’idée est qu’il ne fallait pas se braquer sur les fruits amers dont la «dégringolade» régressive nous a gavés avec magnanimité. Le voilà qu’il étend aux droits de l’homme le sort qu’il a fait à la sociologie. La DUDH est mobilisée au service du clergé islamiste. La DUHC et le droit humanitaire en général sont présentés, de façon tendancieuse et spécieuse, comme opposables aux seuls États. Pas un instant il n’explique que l’antagonisme entre les droits de l’homme et l’islamisme est essentiel. Elle n’est pas dans les formes, ou les aspects de détails, elle est dans l’essence même de chacun des deux corpus. S’il a absolument raison d’affirmer que l’État algérien, dans le traitement de la violence islamiste, devait, et doit, s’interdire tout recours à la torture ; toute atteinte aux «droits naturels» des individus, cette protection des individus et de leurs droits ne peut en aucun cas être invoquée pour fonder, promouvoir et porter des conceptions attentatoires aux droits de l’Homme. Les «droits naturels» de ces individus leurs octroient-ils le «droit» de construire leur État islamique ? Pour échapper à cette question, A. Lahouari introduit, en filigrane de son argumentaire, une confusion entre islamisme et islam. «L’habitus religieux n’est pas que chez les islamistes. Il existe aussi chez ceux qui réifient des constructions sociales au détriment du droit naturel des individus à la vie et à leur intégrité physique.» On voit bien là que l’opposition entre l’islamisme et le souverainisme tatillon d’un côté, et la DUDH, de l’autre, n’est pas de même nature. Les souverainismes tatillons, qui ont succédé aux luttes pour les indépendances et ont accompagné les politiques développementalistes, en contrevenant aux droits de l’homme, en les bafouant, trahissent leur propre nature et dérogent à leur vocation de promotion de ces droits. Alors que l’islamisme en s’opposant à ces droits, ou en les instrumentalisant, exprime son essence totalitaire, négatrice des droits politiques des individus et de la citoyenneté. Il faut reconnaître qu’il y a bien plus de facilité à porter atteinte aux droits naturels des individus dans les systèmes théocratiques (Iran, Afghanistan, Pakistan, Soudan, Arabie saoudite…), qu’en Algérie par exemple. Le propos de M. Lahouari perd encore plus de son crédit, lorsque, entraîné par ses a priori idéologiques et ses affinités politiques, il cite un ancien ministre des gouvernements de Boumediene, parmi les sommités du droit international. Certainement qu’à l’appui de ce jugement, il pourrait nous fournir quelques ouvrages de référence en la matière, que le vénérable Ali Yahia Abdennour aura signés de sa plume (La plateforme de Sant’Egidio mise à part) ?! Alors que la torture était pratique courante, Ali Yahia Abdennour n’était nullement gêné ni par cette pratique ni par la proximité d’un dictateur. Mais comment attendre cela de quelqu’un qui, encore aujourd’hui, met son action politique au service du fascisme ? Le propos de A. Lahouari finit de fondre comme neige au soleil, et se révèle dans toute son inconsistance, lorsqu’après les doctes explications censées démontrer l’avance acquise, outre- Méditerranée, sur l’intellectuel resté au pays des généraux «condamnés» à attendre la fécondité promise, il finit par s’emmêler les pinceaux et trahir sa totale ignorance en la matière où il prétend donner des leçons. Il confond les Tribunaux internationaux dont la compétence connaissait des limites de durée et de territorialité, et la Cour internationale de justice, instituée par le statut de Rome, dont la compétence est réputée universelle, ou du moins est-elle projetée en tant que telle. Même mieux, il va dans la confusion jusqu’à croire que la signature d’un traité international vaut ratification et donc transposition dans le droit national. L’Algérie est l’un des Etat signataires du traité de Rome, mais à ce jour, elle n’a pas procédé à sa ratification, ce qui exclut l’Algérie de compétences de la Cour pénale internationale. Ce n’est pas pour autant que l’Algérie, quels que soient les évènements et les circonstances, se trouve hors du champ de compétences de la CPI, une situation qui pourrait être qualifiée de génocide, d’atteintes graves aux droits de l’homme, une situation où l’État algérien paraîtrait avoir renoncé à son devoir de protection de ses citoyens peuvent enclencher des actions de la CPI (par auto-saisine de son procureur, ou injonction du Conseil de sécurité de l’ONU) à l’encontre de l’État algérien. La question est donc de savoir si cet État risque et peut se mettre dans cette situation. La «communauté internationale» est loin d’être cette harmonie parfaite qui se mobilise pour la veuve et l’orphelin, et le droit humanitaire est trop souvent réduit à un faire-valoir des volontés impériales des puissances qui dominent le monde. Le droit humanitaire préfigure une société mondiale plus égalitaire, plus juste, plus humaine, mais il faudra que toutes les forces de progrès s’investissent dans cette nouvelle lutte pour un monde fait par l’Homme pour l’Homme.
M. B.
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