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HENRI ALLEG se confie au journal "el moujahid"

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HENRI ALLEG  se confie au journal "el moujahid"  Empty HENRI ALLEG se confie au journal "el moujahid"

Message  azemour Mar 1 Nov - 10:55

:
Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, est né à Londres le
20 juillet 1921. Journaliste franco-algérien, membre du PCF, il
a été aussi ancien directeur d'Alger républicain. A plus de 90
ans, ce militant n’a rien perdu de sa verve. Il se livre dans cet
entretien à notre collaboratrice.



Nous sommes à la veille du 1er
Novembre, cela évoque quoi
pour vous ?
Henri Alleg : A cette époque,
quand le 1er Novembre a éclaté, en
vérité, certains qui sont encore
vivants prétendent aujourd’hui
qu’ils ont prévu et qu’ils savaient
que ça allait se passer comme ça
et par conséquent, le 1er novembre
était un jour éblouissant. En réalité,
ça n’a pas été, à mon avis,
aussi clair, que certains veulent le
dire. Quand il y a eu les premiers
coups de feu, ceux qui, à l’époque,
étaient en âge de réfléchir, dont
j’étais (je le dis sans fierté), les
gens qui étaient trop politisés, les
gens qui étaient déjà en lutte pour
une autre Algérie qui se battaient
contre l’esprit colonial qui imbibait
l’Algérie, qui luttaient contre le
racisme et tout ce que les
Algériens détestaient, se rendaient
compte qu’il y avait quelque chose
de nouveau qui commençait.
C’est-à-dire qu’on commençait
une période où les Algériens
allaient refuser d’accepter le système
colonial et ce que prétendait le
gouvernement français. Lorsque
François Mitterrand, qui était
ministre du gouvernement, évidemment
colonialiste, est venue
en Algérie, sa conclusion après sa
visite était que « l’Algérie était
calme » et « qu’il n’y avait pas de
problèmes énormes à régler », par
conséquent « l’Algérie et la France
allaient continuer ensemble ». Des
déclarations qui démontrent le
refus de comprendre que certains
Français voulaient éviter que
l’Algérie se tourne vers une orientation
qui ressemble absolument à
ce qu’avait été la vie du peuple
vietnamien. Et bien, si la France
refusait de comprendre qu’il y avait
une chose de fondamental à changer
et bien on arriverait à une
situation, qui non seulement rappellerait
mais ouvrirait la voie à ce
que les Algériens choisissent la
seule possibilité qui leur restait,
c’est-à-dire la lutte armée. Comme
cela a été le cas au Vietnam (en
Indochine). Alors, je pense que
lorsqu’on revoit ce qu’a été
novembre pour les Algériens, les
jeunes qui l’ont pas connu doivent
y réfléchissent maintenant. C’était
une date majeure pour l’Algérie.
Vous avez fait le choix
d'épouser la cause algérienne
alors que vous aviez à peine 20
ans, pourquoi ?
Ce n’est pas 20 ou 19 ans qui
ont compté pour moi. C’est le fait
que j’avais fait des études à Paris,
dans un lycée français et dans ce
lycée, on nous parlait de ce
qu’était « l’empire français », tout
en essayant d’exalter chez les
jeunes Français la soif de défendre
ce qui apparaissait comme « une
chose remarquable » par rapport à
tous les autres pays, c’était l’existence
d’un « empire français ». On
expliquait que l’empire était constitué
de colonies françaises, toutes
ces colonies étaient une joie pour
ceux qui avaient été conquis par
les troupes françaises d’être dans
l’empire français, parce que c’est
ainsi qu’ils pouvaient d’abord parler
la langue française, qu’ils pouvaient,
grâce à l’appartenance à
l’empire français, développer des
idées qui étaient celles de la
Révolution française. Par conséquent,
les personnes qui appartenaient
à l’empire, que ce soit en
Afrique noire, en Asie ou en
Amérique, les jeunes Français
devaient se réjouir de cette situation
pour eux. Mais il y avait
quelques organisations qui se
levaient pour démolir cette idée,
elles disaient : « Attendez, vous
vous trompez. Le colonialisme,
c’est l’oppression des gens qui ont
été soi-disant conquis par le colonialisme
pour leur bien. » Dans
tous les pays qui ont étaient soumis
au colonialisme français, ça
été pour eux une catastrophe. Je
suis arrivé en Algérie, non pas
avec l’idée d’y rester, mais curieux
de connaître ce pays. En descendant
du bateau, il y avait des
enfants pieds nus, en loques. Ils ne
parlaient pas le français mais ils
connaissaient, juste quelques
mots pour proposer leurs prestations
aux passagers européens.
Celui qui arrivait de Paris, à qui on
avait dit que les peuples qui
étaient sous l’empire français
avaient de la chance d’être colonisés
est frappé par la découverte
d’une autre réalité et des mensonges
dont ils nous avaient nourris
depuis longtemps. Il y avait à
l’époque pour les gens qui voulaient
voyager, des auberges de
jeunesse. La seule qui existait
dans le Maghreb, se trouvait à
Alger. Dans cette auberge, il y
avait des types qui arrivaient
d’Europe et aussi d’Amérique,
c’était un endroit pas cher et où il
était possible de côtoyer des gens
de l’extérieur au pays, mais en
même temps, chose très surprenante,
y avait quelques Algériens
qui venaient et faisaient connaissance.
Moi j’ai eu de la chance de
tomber sur des jeunes Algériens
qui n’étaient pas des étudiants et
qui étaient charmés de pouvoir
répondre aux questions qui étaient
innocentes que des personnes
comme moi pouvaient poser. Il ne
m’ont pas dit directement qu’ils
étaient membres du Parti du
peuple algérien (PPA), mais sans
dire qu’ils aimaient Messali car ils
risquaient d’aller en prison. L’une
de ces personnes avec qui j’étais
très copain s’appelait Kateb, ce
n’était pas Kateb Yacine, celui-là je
l’ai connu après, c’était Mustapha
Kateb qui n’était pas encore au
théâtre. A cette époque il était postier.
Assez rapidement je me suis
débarrassé, peut-être pas de
toutes, des idées des colonialistes
français.
Comment avez-vous décidé
de rester en Algérie ?
D’abord il y avait des bouleversements
en France, pendant un
moment, la guerre avait commencé
avec les Allemands, les Italiens.
En Algérie, les choses se déroulaient
d’une façon différente.
Qu’est-ce qu’il fallait que je fasse
dans cette situation-là ? Moi, j’ai
pensé qu’il fallait continuer le combat
en France et en Algérie, je me
suis dit qu’il fallait à la fois que je
me batte aux côtés des Algériens
et en même temps garder l’oeil
toujours ouvert sur ce qui se passait
en France. Il n’était plus question
pour moi de reprendre le
bateau et de rentrer chez moi en
disant « j’ai fait un beau voyage »,
non il fallait se battre. Avec les
Algériens que je rencontrais, il y
avait de grandes discussions. Ce
qu’il y avait d’intéressant, c’était la
position des dirigeants nationalistes,
celui qui avait la plus grande
répercussion quand il parlait c’était
Messali El Hadj. Le problème, pour
ceux qui pensaient à l’avenir,
consistait à prendre une position.
Je me suis dit, alors, qu’il fallait me
rendre utile. Je me suis engagé
dans le Parti communiste algérien,
qui à l’époque était clandestin, et
dont de nombreux militants étaient
en prison. En 1934, les communistes
qui étaient en Algérie
avaient publié un manifeste pour
lutter contre l’esprit colonialiste.
Les journaux colonialistes ont trouvé
ce manifeste qui était distribué
à l’intérieur du Parti communiste.
Cela a fait l’effet d’une bombe. Il a
été utilisé pour dire que les communistes
étaient l’ennemi du colonialiste.
Mais les communistes
étaient très heureux, malgré qu’ils
fussent emprisonnés parce que
pour eux ces journaux faisaient la
propagande pour eux sans le
savoir.
Vous avez été emprisonné et
torturé, quels sentiments vous
inspire cette période de votre
vie ?
Quand les Français parlent de
cette époque, ils veulent faire croire
que la torture était une chose
exceptionnelle. Ils pensaient que
c’était de la propagande mensongère
de la part des nationalistes et
des communistes. Certains colonialistes
disaient « quand vous
êtes arrêtés, les dirigeants communistes
vous disaient qu’il faut
dire tout de suite que vous êtes
torturés parce que c’est comme ça
qu’il faut parler ».
Malheureusement, c’était la
vérité. Lorsqu’un Algérien, ou un
Européen, qui luttait pour l’indépendance
était arrêté, il était automatiquement
torturé à son arrestation.
Je raconte souvent, que
lorsque j’ai été arrêté, je n’ai eu
aucune surprise. Je connaissais
mon sort. Je savais qu’on allait me
torturer, et je connaissais même
les méthodes. Il y avait un mot
d’ordre parmi les parachutistes qui
disaient « quand on prend un
tronc » c’est un des mots
employés par les militaires racistes
pour désigner les Algériens. La torture
n’était pas une chose exceptionnelle
ou organisée, orientée
par les tortionnaires eux-mêmes.
C’était des gens qui étaient à un
niveau inférieur dans la hiérarchie
militaire. La torture était pratiquée
avec la bénédiction des autorités
françaises et ce, depuis le général
en chef Massu qui, lui-même, était
protégé par ses supérieurs. Ils
pensaient que la torture pouvait
rapporter quelque chose. En réalité
Massu avant son décès, avait
regretté d’avoir utilisé ces
méthodes. Il a affirmé qu’elles
n’étaient pas nécessaires. Ce
qu’ils cherchaient au-delà des
informations qu’ils cherchaient,
était finalement secondaire pour
eux. Ce qui importait c’est que
dans toute l’Algérie on sache que
si on se dressait contre la France,
les conséquences pour chaque
individu, homme et femme, était
obligatoirement terrible d’où la
création d’un sentiment de terreur
vis-à-vis des autorités françaises
et dans la mesure où des jeunes
de 20 ans qui allaient au maquis et
ceux qui n’étaient pas encore allés
et qui avaient un frère, un père ou
un proche savaient ce que le frère,
le père ou leur proche allait subir et
peut-être mourir sous la torture.
Pour les Français, cette pensée
pouvait faire renoncer ceux qui
avaient l’ambition de se mettre du
côté du FLN. La torture n’était pas
accidentelle dans la guerre coloniale
mais c’était la base même de
la guerre colonialiste.Moi je savais
ça. Il y avait des Algériens qui lorsqu’ils
sortaient de prison, venaient
à Alger Républicain témoigner de
ce qu’ils avaient subi. Si les témoignages
étaient publiés dans le
journal, la personne retournait en
prison et le journal risquait d’être
saisi. La torture, je le dis toujours
sous forme plaisante, c’est que
lorsque je suis arrivé dans la salle
où on a mis sur une planche, je
savais ce qui m’attendait et je pouvais
continuer de leur dire « vous
allez me faire ça, après ça ».
Comme si que c’était un film déjà
vu, mais cette fois-ci, c’était moi le
personnage en scène. Je crois que
tous ceux qui sont passés par là
avaient le même sentiment.
Avec le recul, referiez-vous le
même parcours militant ?
Vous savez, j’ai dépassé maintenant
les 90 ans. Quand on arrive
à cet âge et qu’on a pas changé
d’opinion, il est un peu tard pour
changer. Pour moi, toute cette
période, la dénonciation de la torture,
était une chose qui a compté
pour le combat anticolonialiste.
La France officielle est très
réticente à l'idée de reconnaître
ses crimes coloniaux. Pourquoi
à votre avis ?
Parce que, il y a encore aujourd’hui
des gens qui considèrent que
les combats menés par l’armée
française, y compris les moyens
utilisés, se justifient parfaitement.
Par conséquent, en aucun cas on
ne peut reconnaître les responsabilités
des autorités françaises,
dont les choses ignobles qui ont
été commises. Cela explique pourquoi
pendant toute cette période
on a refusé de reconnaître la vérité.
La commémoration cette
année des massacres du 17
Octobre 1961 a donné lieu à une
forte participation de la gauche
française. Peut-on considérer
qu'une frange de la classe politique
française est moins hostile
à l'idée d'assumer l'histoire
de son pays ?
En réalité, je pense que les
Français qui manifestent leur
volonté de dire enfin la vérité, ne
sont pas les mêmes que ceux qui
ont été entraînés pendant la guerre.
eux-là ont été trompés. Ils se
rendent compte tardivement. Mais
les jeunes d’aujourd’hui ne comprennent
pas que leurs parents et
leurs oncles aient passé tant d’années
sans leur dire la vérité. Alors
aujourd’hui, ces jeunes revendiquent
que la vérité soit dite, et ils
pensent que l’honneur de leur
pays passe par la reconnaissance
des crimes commis. Personne ne
le nie aujourd’hui. Non, ils ne
azemour
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