«C’est la fin des Etats post-coloniaux»
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«C’est la fin des Etats post-coloniaux»
Spontanée et à haut débit, la
conférence de l’historien René
Gallissot, professeur émérite à
l’université Paris VIII – l’un des rares,
selon Harbi, à n’avoir pas abandonné,
après 1989, «le terrain de l’analyse
sociale» – décortique le «nouveau
mouvement social» qui répond, à ses
dires, «de la majorité de la société,
une société jeune» et le pourquoi de
son «épaisseur». Intitulée «Moment
de rupture : signification sociale et
succession politique et succession de
générations intellectuelles», la communication
de l’historien français
traite par ailleurs de «la fin» des Etats
post-coloniaux et néocoloniaux au
Proche-Orient (les sultanats). «C’est
même la fin du sionisme isolationniste,
car l’Etat d’Israël n’a pas d’avenir
dans sa forme actuelle, sinon une
forme suicidaire.» «Ces caricatures
d’Etats, explique-t-il, arrivent à leur
fin. Nous entrons dans la phase de la
fin des Etats établis dans la phase de
la décolonisation et de la recolonisation
néocoloniale. Leur chute devient
possible, car ces Etats se sont usés,
parce qu’ils ont poussé à l’extrême
la concussion et l’accaparement des
richesses, à l’image de Ben Ali.» Le
professeur à Paris VIII met en garde
toutefois contre la puissance de feu de
ces Etats militaro-policiers. «En plus
de la rente pétrolière, ces Etats possèdent
une puissance militaire. Et on a
tort de penser que les Etats militaires
policiers sont fragiles, ils ont pour eux
la puissance, la force de la violence,
cela explique leur durée. Et ils durent
par tous les moyens.»
L’époque est bel et bien celle de «la
succession» avec «l’irruption» d’un
mouvement social qu’il est difficile,
selon lui, de qualifier, travaillé par les
internautes et les réseaux sociaux. S’il
y a une analyse à faire, c’est celle se
rapportant à la génération majoritaire
de la société, la «génération du hors
travail», dit M. Gallissot. «Ou qui est
dans un travail dissimulé, dans des
formes de business, de l’accaparement
de l’Etat, les diplômés chômeurs,
ceux qui sont instruits et n’ont pas de
travail, les lycéens qui sont dans le
temps de suspens avant le travail…
ce sont eux qui manifestent.» Cette
génération, poursuit l’historien, est
«déconnectée» des syndicats et des
partis réputés être des organisations
«rentières».
L’historien passera en revue les différents
«âges idéologiques» des sociétés
du Maghreb post-indépendance,
à commencer par la génération de
l’indépendance. L’âge du nationalisme
indépendantiste, «développementiste
», axé sur un développement
«autocentré», mais qui «n’a plus cours
aujourd’hui». «C’est aujourd’hui impensable,
souligne-t-il. Les dépendances
mondiales l’interdisent, ce qui
est possible, c’est de coordonner les
mouvements et d’essayer de rompre
cette pesanteur, cette absence d’issue
dans le développement. Ce discours
anime encore les exilés, les élites
réprimées durant le deuxième âge
idéologique, à savoir l’âge de l’idéologie
islamiste qui est aussi une forme
de nationalisme sous des apparats
transnationaux».
Cet âge, l’âge islamiste, n’est pas
tout à fait fini puisque, remarque le
conférencier, «on l’a vu sur la place
Tahrir, tout le monde s’accroupit pour
la prière du soir». La question est de
savoir aujourd’hui quel est le projet
idéologique de cette génération qui
fait irruption ? Conclusions de M. Galissot
: «L’exception algérienne tient à
la force du régime qui a fait le vide,
éliminé la solution politique, intéressé
le plus de monde à l’Etat et supprimé
toute alternative. Et quand il n’y a
pas d’alternative, c’est l’immobilisme
perpétué avec une vie associative
nulle. La seule intelligentsia est celle
de l’envers de la génération islamiste,
c’est celle, minoritaire, qui se battait
pour les droits de l’homme, les droits
des femmes, les détenus etc. C’est
cette génération qui a été en peloton
de contestation au Maghreb en début
d’année.» René Galissot constate le
retour au bercail de la génération d’intellectuels
développementalistes, avec
eux ceux qui se sont tus pendant l’âge
islamiste ou ont disparu pendant. «Les
vieux intellectuels du nationalisme
developpementaliste croient encore
que les masses laborieuses peuvent
faire l’histoire. Ils en appellent aux
peuples, aux travailleurs et pensent
renouveler le développement dans
un seul Etat, l’enfermement dans un
seul Etat.» Et de mettre en garde que
le retour du nationalisme peut vouloir
dire le retour de l’arabisme sous de
nouvelles formes.
«Peut-être que cette génération
jeune est transnationale de par ses
moyens d’expression et d’information.
Peut-être qu’il faut poser la question
de l’enferment, de l’autarcie nationale...
C’est peut-être la grande question
d’aujourd’hui», conclut l’historien.
Mohand Aziri
conférence de l’historien René
Gallissot, professeur émérite à
l’université Paris VIII – l’un des rares,
selon Harbi, à n’avoir pas abandonné,
après 1989, «le terrain de l’analyse
sociale» – décortique le «nouveau
mouvement social» qui répond, à ses
dires, «de la majorité de la société,
une société jeune» et le pourquoi de
son «épaisseur». Intitulée «Moment
de rupture : signification sociale et
succession politique et succession de
générations intellectuelles», la communication
de l’historien français
traite par ailleurs de «la fin» des Etats
post-coloniaux et néocoloniaux au
Proche-Orient (les sultanats). «C’est
même la fin du sionisme isolationniste,
car l’Etat d’Israël n’a pas d’avenir
dans sa forme actuelle, sinon une
forme suicidaire.» «Ces caricatures
d’Etats, explique-t-il, arrivent à leur
fin. Nous entrons dans la phase de la
fin des Etats établis dans la phase de
la décolonisation et de la recolonisation
néocoloniale. Leur chute devient
possible, car ces Etats se sont usés,
parce qu’ils ont poussé à l’extrême
la concussion et l’accaparement des
richesses, à l’image de Ben Ali.» Le
professeur à Paris VIII met en garde
toutefois contre la puissance de feu de
ces Etats militaro-policiers. «En plus
de la rente pétrolière, ces Etats possèdent
une puissance militaire. Et on a
tort de penser que les Etats militaires
policiers sont fragiles, ils ont pour eux
la puissance, la force de la violence,
cela explique leur durée. Et ils durent
par tous les moyens.»
L’époque est bel et bien celle de «la
succession» avec «l’irruption» d’un
mouvement social qu’il est difficile,
selon lui, de qualifier, travaillé par les
internautes et les réseaux sociaux. S’il
y a une analyse à faire, c’est celle se
rapportant à la génération majoritaire
de la société, la «génération du hors
travail», dit M. Gallissot. «Ou qui est
dans un travail dissimulé, dans des
formes de business, de l’accaparement
de l’Etat, les diplômés chômeurs,
ceux qui sont instruits et n’ont pas de
travail, les lycéens qui sont dans le
temps de suspens avant le travail…
ce sont eux qui manifestent.» Cette
génération, poursuit l’historien, est
«déconnectée» des syndicats et des
partis réputés être des organisations
«rentières».
L’historien passera en revue les différents
«âges idéologiques» des sociétés
du Maghreb post-indépendance,
à commencer par la génération de
l’indépendance. L’âge du nationalisme
indépendantiste, «développementiste
», axé sur un développement
«autocentré», mais qui «n’a plus cours
aujourd’hui». «C’est aujourd’hui impensable,
souligne-t-il. Les dépendances
mondiales l’interdisent, ce qui
est possible, c’est de coordonner les
mouvements et d’essayer de rompre
cette pesanteur, cette absence d’issue
dans le développement. Ce discours
anime encore les exilés, les élites
réprimées durant le deuxième âge
idéologique, à savoir l’âge de l’idéologie
islamiste qui est aussi une forme
de nationalisme sous des apparats
transnationaux».
Cet âge, l’âge islamiste, n’est pas
tout à fait fini puisque, remarque le
conférencier, «on l’a vu sur la place
Tahrir, tout le monde s’accroupit pour
la prière du soir». La question est de
savoir aujourd’hui quel est le projet
idéologique de cette génération qui
fait irruption ? Conclusions de M. Galissot
: «L’exception algérienne tient à
la force du régime qui a fait le vide,
éliminé la solution politique, intéressé
le plus de monde à l’Etat et supprimé
toute alternative. Et quand il n’y a
pas d’alternative, c’est l’immobilisme
perpétué avec une vie associative
nulle. La seule intelligentsia est celle
de l’envers de la génération islamiste,
c’est celle, minoritaire, qui se battait
pour les droits de l’homme, les droits
des femmes, les détenus etc. C’est
cette génération qui a été en peloton
de contestation au Maghreb en début
d’année.» René Galissot constate le
retour au bercail de la génération d’intellectuels
développementalistes, avec
eux ceux qui se sont tus pendant l’âge
islamiste ou ont disparu pendant. «Les
vieux intellectuels du nationalisme
developpementaliste croient encore
que les masses laborieuses peuvent
faire l’histoire. Ils en appellent aux
peuples, aux travailleurs et pensent
renouveler le développement dans
un seul Etat, l’enfermement dans un
seul Etat.» Et de mettre en garde que
le retour du nationalisme peut vouloir
dire le retour de l’arabisme sous de
nouvelles formes.
«Peut-être que cette génération
jeune est transnationale de par ses
moyens d’expression et d’information.
Peut-être qu’il faut poser la question
de l’enferment, de l’autarcie nationale...
C’est peut-être la grande question
d’aujourd’hui», conclut l’historien.
Mohand Aziri
Re: «C’est la fin des Etats post-coloniaux»
c'est aussi la fin des communes post-coloniales ,ces communes mixtes de la discorde
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