Contribution : Désobéissance et non-violence
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Contribution : Désobéissance et non-violence
Contribution : Désobéissance et non-violence
Par Moncef Benouniche, citoyen démocrate
«L’oppresseur ne se rend pas compte du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte.» C’est ce qu’écrivait Henry David Thoreau (1817-1862 ), théoricien de la Désobéissance civile (1849) qui a été mis en prison une nuit pour avoir refusé de payer ses impôts dans la mesure où il considérait que ceux-ci servaient à financer des actions profondément injustes, la politique esclavagiste et la guerre contre le Mexique.
En effet, pour le philosophe américain, l’homme ne saurait obéir à autre chose qu’à ce que lui a décidé de faire ou de ne pas faire, cela sous son entière et unique responsabilité, et l’Etat, en tant que tel est, par nature, profondément liberticide ; selon certains commentateurs, l’Etat de droit est, pour Thoreau, un oxymore — à l’exemple du Merveilleux Malheur(Boris Cyrulnik) ou de l’Obscure clarté (Pierre Corneille) —, cette figure de style qui consiste à placer l’un après l’autre deux mots parfaitement contradictoires. Au-delà de cette rhétorique qui ne manque certainement pas d’intérêt, il apparaît que la question de la désobéissance civile se pose dans la situation de refus opposé à un ordre injuste, considéré hostile à la reconnaissance et au vécu des droits fondamentaux du citoyen et responsable d’un lien social dégradé et de l’injustice sociale. Ce refus, qui ne devient concevable que dans la mesure où la capacité de s’opposer, en quelque situation, à l’ordre manifestement illégal ou illégitime, et en tout cas injuste, est le fruit de la pensée et d’une volonté construite ; il est de nature profondément politique puisqu’il s’inscrit dans le cadre de l’organisation sociale et la vie de la cité. «La désobéissance civile inclut des actes illégaux, généralement dus à leurs auteurs collectifs, définis à la fois par leur caractère public et symbolique, et par le fait des principes, actes qui comportent, en premier lieu, des moyens de protestations non violents et qui appellent à la capacité de raisonner et au sens de la justice de peuple.» (Habermas) Dès lors, la caractéristique fondamentale de cette attitude de refus est la non-violence, puisque le «désobeisseur » décide en toute conscience de refuser d’exécuter l’ordre qui émane de l’autorité contestée et met en œuvre, pacifiquement, sa décision en la portant à la connaissance de tous. La non-violence est un choix politique destiné à soutenir une action tendant à s’opposer à l’ordre établi, jugé injuste ou dictatorial, avec les moyens pacifiques, excluant toute atteinte aux biens et aux personnes, et suppose une conscience sociale et politique élevée et une détermination d’agir dans la durée ; il est évident que cela n’est pas toujours possible et requiert parfois des conditions extrêmement difficiles à réunir. Que faire face à l’ordre injuste ? Certainement désobéir ; mais il est peu probable que l’autorité à laquelle on désobéit accepte une telle attitude et c’est l’intensité et la nature de la réaction de celui auquel il est désobéi qui dessine la non-violence ou la violence du désobéisseur. C’est, en effet, la violence symbolique – ou parfaitement consistante – manifestée par celui-là même qui est l’unique détenteur de la violence légitime destinée à la mise en œuvre consentie ou imposée de la loi — l’Etat – qui maîtrise la partition, répartit les rôles et finalement décide de la violence ou de la non-violence du «désobéisseur ». Il apparaît que violence et non-violence ne sont pas dans une relation d’opposition ou d’antinomie mais de «continuité temporelle», toute la question étant de savoir comment s’opposer à l’ordre injuste ? Quelle est l’attitude la plus efficace, la plus adéquate pour faire entendre une voix par celui qui, généralement, dans un archaïsme immature et un autisme infantile, ne comprend que la sienne. Ainsi, dans la perspective retenue, la désobéissance à l’autorité est l’objectif poursuivi par la violence et/ou la non- violence, qui en aucune façon ne s’opposent mais, au contraire, dessinent la démarche considérée la plus respectueuse de l’homme et de ce qui fonde la vie sociale et/ou la plus efficiente pour parvenir à la contestation et au rejet de l’ordre fondé sur l’injustice sociale. Il est indispensable d’évoquer, outre Thoreau, Ghandi, Marthin Luther King et Nelson Mandela… apôtres de la non-violence mais tous confrontés aux relations non contradictoires et sismiques à la fois, de la non-violence et de la violence, car c’est à partir de l’acte de désobéissance que l’on peut appréhender le séisme annoncé. Thoreau a inspiré Ghandi, lequel a accompagné le pasteur américain «qui a fait un rêve», «Madiba», l’icône universelle, d’autres encore et seuls, les «damnés de la terre» pouvaient si résolument élaborer la pensée la plus accomplie pour désobéir et réfléchir aux moyens – à tous les moyens, parmi lesquels la non-violence — susceptibles de changer qualitativement, l’ordre colonial, raciste… dictatorial… dans le respect des valeurs humanistes. Au demeurant, il faut rappeler qu’en France, le droit de résistance à l’oppression, conséquence immédiate de la désobéissance civile, est l’un des droits naturels fondamentaux reconnus par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et que la Constitution «montagnarde» de 1793, jamais appliquée, indiquait, dans son dernier article : «Quand le gouvernement viole les droits fondamentaux du peuple, l’insurrection est, pour le peuple, ou pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.» Il est intéressant de souligner que le premier projet de Constitution, rejeté par référendum y faisait référence ; dommage… Ainsi, désobéissance, résistance, non-violence et violence constituent la tragique et salvatrice réponse à l’ordre injuste dont la caractéristique première est l’incapacité absolue et, semble-t-il, irrémédiable de comprendre le message – parfois le cri de douleur – du «désobéisseur». Qu’en est-il en Algérie, ce pays toujours excessif et vivant au-delà du paroxysme en diable ? Emeutes, particulièrement violentes semble-t-il, à El-Kala pour des questions de logements traitées, comme chacun sait, par l’autorité locale «compétente » ; échauffourées au marché de gros de Sayada, près de Mostaganem pour pastèques et melons… ; ce sont les toutes dernières nouvelles livrées par la presse du 2/07/2011. La colère est constante, elle exprime l’exaspération de celui qui ne sait pas réagir autrement que par la violence et n’influe, en aucune façon, le cours tranquille et impassible de celui qui organise – volonté politique délibérée ? – les conditions de cette exaspération. C’est, évidemment, le mépris (hogra) qui attise la colère et nul doute qu’il est indispensable de faire appel à la raison pour comprendre, d’abord, et réfléchir, ensuite, aux moyens permettant de mettre fin à ce cycle infernal et suicidaire. S’il ne semble pas concevable de voir l’oppresseur prendre conscience «du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte» (Thoreau), c’est à l’opprimé d’exprimer autrement le refus de la situation qui l’accable ; il a déjà, par beaucoup et à plusieurs reprises, été précisé que les colères multiples et éparpillées ne pouvaient avoir aucun effet sur ce qui génère la mal-vie et le désespoir. Combien de harraga aujourd’hui ? Et demain ? Combien d’interventions musclées de la police — constituée de citoyens — depuis le début de cette année pour faire taire ceux qui disent autre chose que ce que dit le détenteur du pouvoir et de la «violence légitime » ? Certes, il est très désagréable de se retrouver dans une posture qui évoque l’insupportable club des Yaca, «faucon» (il n’y a qu’à… il faut qu’on…) ; il est cependant urgent de mener cette réflexion indispensable relative aux impossibles dialogue et rencontre des colères, à l’inatteignable fédération des énergies autour d’objectifs communs, aussi réduits soient-ils. Il apparaît que, dans les conditions actuelles, c’est l’acceptation de l’oppression qui se dessine avec la complicité objective de ceux qui se disent opposés à l’ordre injuste mais se trouvent dans une totale incapacité — pour des raisons incompréhensibles — de se parler, se comprendre, agir ensemble sur le minimum qui peut les unir. Cela concerne, très directement, les partis politiques dont la responsabilité est majeure dans cette crise et, bien sûr, cette fameuse — tant espérée et si éloignée — société civile active et présente dans tous les secteurs de la vie sociale. Une fois encore, n’oublions pas que le pays n’est pas un legs des parents mais un prêt des enfants. Dans quel état allons-nous le leur rendre ?
M. B.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/07/09/article.php?sid=119764&cid=41
Par Moncef Benouniche, citoyen démocrate
«L’oppresseur ne se rend pas compte du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte.» C’est ce qu’écrivait Henry David Thoreau (1817-1862 ), théoricien de la Désobéissance civile (1849) qui a été mis en prison une nuit pour avoir refusé de payer ses impôts dans la mesure où il considérait que ceux-ci servaient à financer des actions profondément injustes, la politique esclavagiste et la guerre contre le Mexique.
En effet, pour le philosophe américain, l’homme ne saurait obéir à autre chose qu’à ce que lui a décidé de faire ou de ne pas faire, cela sous son entière et unique responsabilité, et l’Etat, en tant que tel est, par nature, profondément liberticide ; selon certains commentateurs, l’Etat de droit est, pour Thoreau, un oxymore — à l’exemple du Merveilleux Malheur(Boris Cyrulnik) ou de l’Obscure clarté (Pierre Corneille) —, cette figure de style qui consiste à placer l’un après l’autre deux mots parfaitement contradictoires. Au-delà de cette rhétorique qui ne manque certainement pas d’intérêt, il apparaît que la question de la désobéissance civile se pose dans la situation de refus opposé à un ordre injuste, considéré hostile à la reconnaissance et au vécu des droits fondamentaux du citoyen et responsable d’un lien social dégradé et de l’injustice sociale. Ce refus, qui ne devient concevable que dans la mesure où la capacité de s’opposer, en quelque situation, à l’ordre manifestement illégal ou illégitime, et en tout cas injuste, est le fruit de la pensée et d’une volonté construite ; il est de nature profondément politique puisqu’il s’inscrit dans le cadre de l’organisation sociale et la vie de la cité. «La désobéissance civile inclut des actes illégaux, généralement dus à leurs auteurs collectifs, définis à la fois par leur caractère public et symbolique, et par le fait des principes, actes qui comportent, en premier lieu, des moyens de protestations non violents et qui appellent à la capacité de raisonner et au sens de la justice de peuple.» (Habermas) Dès lors, la caractéristique fondamentale de cette attitude de refus est la non-violence, puisque le «désobeisseur » décide en toute conscience de refuser d’exécuter l’ordre qui émane de l’autorité contestée et met en œuvre, pacifiquement, sa décision en la portant à la connaissance de tous. La non-violence est un choix politique destiné à soutenir une action tendant à s’opposer à l’ordre établi, jugé injuste ou dictatorial, avec les moyens pacifiques, excluant toute atteinte aux biens et aux personnes, et suppose une conscience sociale et politique élevée et une détermination d’agir dans la durée ; il est évident que cela n’est pas toujours possible et requiert parfois des conditions extrêmement difficiles à réunir. Que faire face à l’ordre injuste ? Certainement désobéir ; mais il est peu probable que l’autorité à laquelle on désobéit accepte une telle attitude et c’est l’intensité et la nature de la réaction de celui auquel il est désobéi qui dessine la non-violence ou la violence du désobéisseur. C’est, en effet, la violence symbolique – ou parfaitement consistante – manifestée par celui-là même qui est l’unique détenteur de la violence légitime destinée à la mise en œuvre consentie ou imposée de la loi — l’Etat – qui maîtrise la partition, répartit les rôles et finalement décide de la violence ou de la non-violence du «désobéisseur ». Il apparaît que violence et non-violence ne sont pas dans une relation d’opposition ou d’antinomie mais de «continuité temporelle», toute la question étant de savoir comment s’opposer à l’ordre injuste ? Quelle est l’attitude la plus efficace, la plus adéquate pour faire entendre une voix par celui qui, généralement, dans un archaïsme immature et un autisme infantile, ne comprend que la sienne. Ainsi, dans la perspective retenue, la désobéissance à l’autorité est l’objectif poursuivi par la violence et/ou la non- violence, qui en aucune façon ne s’opposent mais, au contraire, dessinent la démarche considérée la plus respectueuse de l’homme et de ce qui fonde la vie sociale et/ou la plus efficiente pour parvenir à la contestation et au rejet de l’ordre fondé sur l’injustice sociale. Il est indispensable d’évoquer, outre Thoreau, Ghandi, Marthin Luther King et Nelson Mandela… apôtres de la non-violence mais tous confrontés aux relations non contradictoires et sismiques à la fois, de la non-violence et de la violence, car c’est à partir de l’acte de désobéissance que l’on peut appréhender le séisme annoncé. Thoreau a inspiré Ghandi, lequel a accompagné le pasteur américain «qui a fait un rêve», «Madiba», l’icône universelle, d’autres encore et seuls, les «damnés de la terre» pouvaient si résolument élaborer la pensée la plus accomplie pour désobéir et réfléchir aux moyens – à tous les moyens, parmi lesquels la non-violence — susceptibles de changer qualitativement, l’ordre colonial, raciste… dictatorial… dans le respect des valeurs humanistes. Au demeurant, il faut rappeler qu’en France, le droit de résistance à l’oppression, conséquence immédiate de la désobéissance civile, est l’un des droits naturels fondamentaux reconnus par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et que la Constitution «montagnarde» de 1793, jamais appliquée, indiquait, dans son dernier article : «Quand le gouvernement viole les droits fondamentaux du peuple, l’insurrection est, pour le peuple, ou pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.» Il est intéressant de souligner que le premier projet de Constitution, rejeté par référendum y faisait référence ; dommage… Ainsi, désobéissance, résistance, non-violence et violence constituent la tragique et salvatrice réponse à l’ordre injuste dont la caractéristique première est l’incapacité absolue et, semble-t-il, irrémédiable de comprendre le message – parfois le cri de douleur – du «désobéisseur». Qu’en est-il en Algérie, ce pays toujours excessif et vivant au-delà du paroxysme en diable ? Emeutes, particulièrement violentes semble-t-il, à El-Kala pour des questions de logements traitées, comme chacun sait, par l’autorité locale «compétente » ; échauffourées au marché de gros de Sayada, près de Mostaganem pour pastèques et melons… ; ce sont les toutes dernières nouvelles livrées par la presse du 2/07/2011. La colère est constante, elle exprime l’exaspération de celui qui ne sait pas réagir autrement que par la violence et n’influe, en aucune façon, le cours tranquille et impassible de celui qui organise – volonté politique délibérée ? – les conditions de cette exaspération. C’est, évidemment, le mépris (hogra) qui attise la colère et nul doute qu’il est indispensable de faire appel à la raison pour comprendre, d’abord, et réfléchir, ensuite, aux moyens permettant de mettre fin à ce cycle infernal et suicidaire. S’il ne semble pas concevable de voir l’oppresseur prendre conscience «du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte» (Thoreau), c’est à l’opprimé d’exprimer autrement le refus de la situation qui l’accable ; il a déjà, par beaucoup et à plusieurs reprises, été précisé que les colères multiples et éparpillées ne pouvaient avoir aucun effet sur ce qui génère la mal-vie et le désespoir. Combien de harraga aujourd’hui ? Et demain ? Combien d’interventions musclées de la police — constituée de citoyens — depuis le début de cette année pour faire taire ceux qui disent autre chose que ce que dit le détenteur du pouvoir et de la «violence légitime » ? Certes, il est très désagréable de se retrouver dans une posture qui évoque l’insupportable club des Yaca, «faucon» (il n’y a qu’à… il faut qu’on…) ; il est cependant urgent de mener cette réflexion indispensable relative aux impossibles dialogue et rencontre des colères, à l’inatteignable fédération des énergies autour d’objectifs communs, aussi réduits soient-ils. Il apparaît que, dans les conditions actuelles, c’est l’acceptation de l’oppression qui se dessine avec la complicité objective de ceux qui se disent opposés à l’ordre injuste mais se trouvent dans une totale incapacité — pour des raisons incompréhensibles — de se parler, se comprendre, agir ensemble sur le minimum qui peut les unir. Cela concerne, très directement, les partis politiques dont la responsabilité est majeure dans cette crise et, bien sûr, cette fameuse — tant espérée et si éloignée — société civile active et présente dans tous les secteurs de la vie sociale. Une fois encore, n’oublions pas que le pays n’est pas un legs des parents mais un prêt des enfants. Dans quel état allons-nous le leur rendre ?
M. B.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/07/09/article.php?sid=119764&cid=41
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
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La désobéissance civile est le seul chemin de la liberté
Azul- Nombre de messages : 29959
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