Mohamed Arkoun: Le penseur qui pensait l’impensé
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Mohamed Arkoun: Le penseur qui pensait l’impensé
Mohamed Arkoun: Le penseur qui pensait l’impensé
«Comme d’autres phares, Mohamed Arkoun vient d’achever son voyage dans la nuit du monde culturel arabo-islamique. Il a été un point de la cohésion et un drapeau brandi dans la bataille contre l’ignorance, l’arriération et l’aveuglement vis-à-vis de la connaissance et du progrès, dirigés contre l’être humain» ainsi parlait Adonis, l’immense poète syrien sur son ami de combat Mohamed Arkoun lorsqu’il a su pour son décès. Mohamed Arkoun cet islamologue, philosophe et anthropologue passeur par excellence des trois monothéismes, cet enfant d’une Algérie qui a atteint les cimes et qui a aspiré la vie durant, à tort peut-être, car, c’était sans compter sur une société qui n’a cure de se définir dans l’ère du temps, à un monde où l’on peut être soi sans encourir les foudres des «apostasieurs», des muftis et de leurs clownesques trouvailles et des zélateurs de tout acabit.
A-t-on jamais daigné convier cet humble bonhomme dans une tribune algérienne pour qu’il nous explique sa théorie de l’islam dans l’histoire, pour qu’il nous dise que cet islamisme qui ne cesse d’effeuiller l’arbre de la raison de tout son feuillage et ramage et qui continue à faire, nonobstant les concordes civiles que l’on décrète à tout va, des centaines de milliers de morts, est tout bonnement et vulgairement «un bruit idéologique» qu’il faille vite réduire à son espace initiatique de bruit déraisonné qui n’a que la mort comme finalité? Ou alors, pourquoi convie-t-on des Karadaoui, des El Kerni, des Oumrou Khaled, des Tourabi et acolytes, tous ces vendeurs d’un islam salafiste, misogyne, archaïque, homophobe, anachronique? La réponse, je le pense, est simple : qu’à-t-on à cirer d’un penseur qui propose un islam humaniste et sécularisé, un espace du vivre ensemble laïque qui respecte toutes les religions et tout ce qui constitue l’espace intime d’un individu avec toutes ses convictions et pensées, un état où il fait bon vivre qui n’et pas l’apanage d’identités nationalistes ou religieuses. Oui, qu’a-t-on à faire d’une telle proposition? On vivrait ensemble, tu ne serais plus mon ennemi, on aspirerait à un partage égal de l’espace public et subséquemment des richesses du pays, de ses cultures, de son histoire qui pareillement en serait sécularisée pour reprendre l’expression historique cher à notre imminent historien Mohamed Harbi. Car, comme plaide notre islamologue à cette sécularisation immanquablement à venir comme condition sine qua non pour éviter «le choc des ignorances» (identités dogmatiques et nationalistes) et «l’ignorance sacrée», afin que l’on puisse enfin r-entrer (entrer à nouveau) dans l’histoire, Mohamed Harbi plaide, pareillement, en faveur d’une lecture de l’histoire sécularisée; sécularisée de toute idéologie, contextualisé dans le fait historique et incorruptible par le gouvernant. Quelle est cette dictature qui accepterait que tous les citoyens, quelque que soient leurs places en société, deviennent égaux de droits et de devoirs? Quelle est ce tyran, ce corrompu, ce voleur de deniers, ce violeur de valeurs qui accepterait que cesse son pays d’être l’île aux pirates où l’on partage le trésor pendant que se pourlèchent leurs babines des millions de claque-dents, de crève-la-faim, de va-nu-pieds, de pauvres gens haves et déguenillés, dans l’attente inexorable que se détache une quelque miette de la table des pirates? On n’en a pas encore cette engeance capable de préférer l’histoire… à la gloire.
Mohamed Arkoun, si je puis exprimer en d’autres mots une vieille pensée Kabyle, est ce furoncle qui a éclaté dans le corps malade et qui en a révélé violement une purulence caractéristique, généralisée; un mal que l’on ne peut guérir à coups de rafistolages hâtifs, de maçonnages improvisés ou d’amulettes magiques. Il nous dit en termes on ne peut plus crus: l’islam a cessé d’être réfléchi et de réfléchir à partir du 13ème siècle. En l’occurrence avec Averroès (Ibn Rochd) en Andalousie, que d’aucuns disent être le fondateur de la laïcité[1], l’islam a cessé d’avancer dans le temps et d’assumer l’histoire. Il en était devenu la propriété exclusive des muphtis, des savants de foi attitrés, des imams zélés qui en ont élevé une forteresse infranchissable où les vigiles sont les idéologues, des muftis qui décrètent les hommes apostats ou mécréants dont le sang mérite d’être d’emblée versé, des propagandistes eschatologiques qui dégainent à l’envi des fatwas sur l’allaitement de l’adulte, l’urine bénite de l’âne ou encore la necessité de dissimuler l’intimité, El Aoura, du baudet en espace public, etc. Du reste, ça a commencé avec le philosophe Averroès lui-même. Les autorités ne l’avaient-elles pas décrété hérétique, ne l’avaient-elle pas contraint à l’exil, ordonné que l’on brûlât ses livres? Il venait de commettre l’innommable. Parce qu’«Il ancre la philosophie dans la réalité sociale. Il s’agit de fonder en droit l’existence du philosophe dans la cité musulmane, ce qui aboutit à cet évènement singulier dans l’histoire : la philosophie se trouve ainsi légitimée aussi bien aux yeux du droit de la société, qu’à ceux de la loi religieuse»[2]. Averroès était le dernier philosophe de l’islam classique qui proposait le retour au modèle aristolicien et au rationalisme en défendant l’acte et le droit de philosopher sans que l’on soit apostasié ou accusé d’impiété. Le monde musulman a-t-il jamais réussi depuis à enfanter un courant philosophique de la taille des Moutazilites? Une mystique et un regard aussi profond que celui d’Ibn Arabi que d’aucuns disent être le père du panthéisme de Spinoza ? Une œuvre qui puise dans le divin et la réflexion existentialiste comme celle d’Abou El Alla El Maari que l’on a empoisonné tant il secouait comme jamais les soupentes du dogme et des prêcheurs qui avaient pignon sur rue? Les Milles et une nuit, œuvre magistrale que Stendhal, l’immense auteur de La chartreuse de Parme, disait occuper trois quarts (¾ ) de son cerveau, et qui a repensé la femme, son corps, magnifié l’érotisme? Des débats aussi osés entre les philosophes? Pour sûr que non.
La philosophie, a-t-on souvent entendu, est la mère des sciences. Comment? Eh bien, le foisonnement philosophique et l’existence de la question philosophique sont un gage pour construire une société de compromis, de débats, de construction commune, de partage et du vivre ensemble. Des technicistes ne se satisferont point du raccourci. Comment? diront-ils. Eh bien, c’est aussi simple que concis, l’avenir d’une société se joue dans une classe où un enseignant explique aux futurs citoyens c’est quoi la laïcité, c’est quoi le destin, c’est quoi la croyance, c’est quoi le libre arbitre et si l’enseignant considère que l’on a le droit de poser certaines questions et non pas d’autres c’est que la brique posée sur le grand édifice qu’est la société de demain est partie pour édifier non pas une maison qui donne sur le monde et où l’on peut coexister sans coup férir mais, bel et bien, sur une prison où la vie est supplice qui donne sur la négation, la dictature, le rejet et la haine de l’autre.
Les lumières se sont à juste titre saisi de la philosophie et ont en posé la question comme piédestal de construction sociale et sociétale. D’où est né du reste la laïcité dans les contours politiques et sociologiques modernes que l’on connaît, et qui sont inhérents aux sociétés d’où sont parties ces Lumières. Ainsi, avons-nous une laïcité française assimilationniste et une laïcité anglo-saxonne ou hollandaise tirant plus au moins vers une sorte de communautarisation. Faudrait-il que l’on parle de la laïcité américaine avec ses dérives religieuses délétères pour le vivre ensemble?
La philosophie est l’antidote de la pensée unique, idéologique et Idéologisante, nationaliste, dogmatique, uniciste, etc. Mohamed Arkoun dénonce à juste titre ce monolithisme de la pensée qui fait de l’élève, le futur citoyen, le futur médecin, le futur éboueur, le futur pompier, le futur ministre, le futur ingénieur, le futur maçon, etc., un consommateur du savoir où le sacré empêche la pénétration de l’intelligence et nous explique ce monopole de «la violence légale» par «les gestionnaires du sacré» reprenant les termes de Max Weber et du « Fait coranique» en ce qui concerne l’islam pour empêcher toute approche qui utilise les outils de la connaissance savante dans son étudeé Il dit: « Il est évident qu’en islam, comme en chrétienté et dans le judaïsme, la symbolique se dégrade en codes juridiques, en rituels mécanisés, en doctrines scolastiques, en idéologies de domination. On peut suivre cette dégradation depuis la mort du Prophète, en 632»[3]. Mohamed Arkoun dit que l’on a puisé dans le texte coranique une idéologie de «sacralisation et transcendantalisation»[4] qui obstrue toute évolution, bannit toute interrogation, plaçant ce qui doit être pensé dans l’impensable et l’impensé, l’immuable, l’irréprochable, la sacré sanctifié; interdisant de ce fait, ou pire, menaçant de mort tout auteur d’une approche qui propose de soumettre le fait coranique à l’histoire (historicité), à la sociologie, à l’anthropologie, aux sciences humaines en général, comme Nasr Abou Zeid en Égypte, Ahmed El Baghdadi au Koweït, Mohamed Abid El Jabiri au Maroc. Car : «Ce que la pensée théologique présente comme une «orthodoxie» religieuse est dévoilée par la sociologie et l’anthropologie religieuses comme l’idéologie de chaque groupe pour imposer sa suprématie»[5]. Des idéologies qui empêchent toute interprétation existentielle, c’est-à-dire à la lumière de que l’on vit dans le présent et au service du besoin social tout aussi présent.
Le monde musulman en est venu à une vulgaire décalcomanie de la foi où dieu, pour reprendre l’expression de V. Hugo, est un rôtisseur qui épie la faute du pécheur. La preuve en est que Karadaoui, le pape de l’islam pour ainsi dire, écouté religieusement par des centaines de millions de gens, ose discourir sur la physique, sur la chimie, sur la biologie, voire sur l’astronomie, etc.; n’a-t-il pas énoncé que la masturbation féminine tue? Du reste le même à apostasier Mohamed Arkoun et à l’accuser d’avoir renié la Charia islamique[6]. Car, bien entendu, « le prophète » zélé en veut au professeur de ne considérer ce qu’il appelle «Sahwa de la Oumma» (éveil de la nation) de par ces soubresauts galvaniques et hystériques qui parcourent les sociétés musulmanes que comme une quête du dormeur de la position idoine pour prolonger son sommeil et s’y enfoncer à ne plus s’en réveiller.
Mohamed Arkoun désarçonne de sa pensée. Il ne croit pas entre autres à ce que l’on nomme la religion vraie. Il n’y a pas pour lui de guerre juste, pas plus qu’il ne y en ait une religion vraie, à l’instar de celle prônée par le pape Benoit XVI pour le catholicisme ou Karadaoui pour l’islam ou encore les orthodoxes qui justifient la colonisation de la Palestine par le concept de La terre promise pour ne citer que les religions monothéistes. Il n’y a pas d’islam vrai, il y a, n’a-t-il jamais cessé de le répéter dans ses livres, dans ses conférences dans toutes les tribunes où il était amené à émettre sa façon de voir, l’islam dans l’histoire, le christianisme dans l’histoire, le judaïsme dans l’histoire. Cette idée de religion authentique est une chimère et est d’une «naïveté extrême» a-t-il dit lors d’une émission sur la célèbre chaine culturelle franco-allemande Arte. L’islam tout au long de son histoire a été modelé, conçu, réfléchi, imaginé par les cultures, les sociétés, les structures sociales avec lesquelles il interagissait, desquelles il tirait sa légitimité, sa survie, sa cohabitation, etc. Selon l’anthropologue, même le mouvement réformiste des Oulémas fondé par Ibn Badis en 1931 avec lequel on ne cesse de nous bassiner ne proposait qu’une seule chose : annihiler toute pensée qui tient de l’Algérie païenne, millénaire et qui ne soit pas islamique. Y compris tout ce qui est berbère, tout ce qui fait l’anthropologie intrinsèque des algériens. Ne doit y subsister que l’islam comme référent et l’arabe comme langue. Comme si l’histoire de l’Algérie commençait il y a juste quatorze siècles! Nous avons tous en tête le fameux slogan d’Ibn Badis : Le peuple algérien est musulman, et est partie intégrante de l’arabité… celui qui doute de cette origine men (traduction approximative). Bien entendu, on trouvera toujours à dire qu’il voulait dire ceci ou qu’il répondait à un quelque besoin momentané.
D’abord, faudrait que l’on soit d’accord avec la définition religieuse donnée à une société : une Algérie musulmane. N’avons-nous pas le droit de penser une Algérie qui soit mère-patrie aussi bien du croyant que du non-croyant, du musulman comme du non-musulman? Une Algérie algérienne où l’homme n’est pas un croyant, mais un citoyen avec des devoirs et des droits pour interagir dans son espace citoyen, qui n’ait aucun dividende à tirer de ses convictions profondes ni n’en a d’inconvénient du reste, tant justement elles relèvent de l’intime, du personnel, du droit de conscience. Ensuite, dire que l’Algérie est exclusivement ou exclusivement musulmane est une aberration, voire d’une ignorance des mécanismes historiques, sociologiques et culturels qui régissent, modèlent et pensent les sociétés. Enfin, affirmer que quiconque ose pourfendre ce que l’on hisse idéologiquement à la certitude ne laisse plus aucune place au débat. Nous sommes d’emblée dans le dogmatique, dans l’intouchable, le tabou. Ainsi, a-t-on érigé une stèle titanesque et infranchissable pour l’erreur dans les enceintes des universités et des écoles algériennes et maghrébines en général. Des espaces où l’on définit l’algérien, voire le maghrébin ou l’africain du nord musulman et arabe et où l’on fait fi de toute l’anthropologie et l’histoire qui ont façonné ce même algérien ou maghrébin : « il y a le maghrébin idéologique, définit par le discours nationaliste (et religieux) et puis, il y a le maghrébin de l’Afrique du nord…… pour définir sa personnalité il faut se servir de deux disciplines : l’anthropologie (anthrôpos=homme, Logos=étude : langue, raison, raisonnement, argumentation, le récit mythique… toutes les cultures ont des récits de fondation de la nation, de la mémoire du groupe pour cimenter les membres dans une même référence; une référence commune représentative de valeurs… et qui dit anthropologie dit berbère, la population première. On fabrique des identités avec des fragments de référence; on fabrique du pouvoir monolithique qui ne peut prétendre à aucune légitimité…»[7].
Conscient du conditionnement dont use l’état-nation, qui tire sa légitimité souvent d’un passé revolutionnaire, d’une définition centré sur le patriotisme et la singularité, ou le groupe idéologique, comme les frères musulmans ou les divers groupes qui puisent dans la religion l’être et le paraître pour résumer, conscient du danger qui guette les sociétés non-sécularisées, Mohamed Arkoun prend conscience que l’étude de l’islam à la lumière de l’histoire et de l’anthropologie est plus que jamais nécessaire pour recentrer le débat et déconstruire, le terme cher à Derrida, le philosophe de la déconstruction, ces montagnes figées du dogme et des tabous qui empêchent la lueur de poindre à l’horizon. Pour ce faire, il fonde et développe « L’islamologie appliquée» : «en constatant et en analysant les contradictions dans la culture de son pays et des pays du Maghreb, ainsi que dans une certaine orientation politique, qui voulait réintroduire l’islam-après la fin de la période coloniale. Elle s’occupe d’étudier les problèmes politiques tels qu’ils apparurent après la décolonisation, c’est-à-dire au moment où les pays arabo-musulmans gagnent leur indépendance. Mohamed Arkoun fait remarquer que les hommes politiques refusaient alors la prise en compte de l’histoire de l’Islam et de la culture arabe, ainsi que les particularités culturelles, sociales et anthropologiques des pays du Maghreb. Cette discipline analyse les contradictions d’une histoire ainsi que les différences entre le monde musulman et le monde occidental et les différents discours qui les expriment. Elle ne s’oppose pas à l’islamologie classique dont elle utilise les acquis les plus fiables dans la critique philologique et historique des grands textes classiques. Elle prend en charge la relecture anthropo-historique de ces textes en intégrant les interrogations nouvelles et les explorations les plus récentes de la connaissance pluridisciplinaire. Parmi les tâches théoriques les plus éclairantes pour les débats en cours sur l’islam, l’Union européenne et l’Occident, on soulignera l’actualité des chantiers de la Critique de la Raison islamique et ceux de l’impensable et de l’impensé dans la pensée islamique contemporaine.»[8]
Cependant, les pourfendeurs du penseur n’hésitent pas à le traiter d’orientaliste qui ne connaît pas les réalités sociales propres aux sociétés musulmanes. À savoir que son œil est pollué dans son objectivité scientifique par le regard aliéné par l’occident, par son éducation aux mains de pères blancs, par son parcours à travers les universités occidentales. Ce qui est évidemment totalement infondé et dénué d’arguments.
Mohamed Arkoun est un anticolonialiste invétéré ; en vérité, il a toujours lutté sur deux fronts. Pour le penseur, l’orientalisme comme l’islamisme ont, les deux, échoué a proposé une solution du vivre ensemble à ces sociétés : « J’ai dit que l’approche orientaliste des sociétés musulmanes s’interdit précisément le diagnostic parce que l’orientaliste refuse de se mêler de questions qui ne le concernent en rien en tant que citoyen de sociétés occidentales. L’intellectuel musulman qui souffre avec les siens des maux de la société se doit, au contraire, d’insister sur le diagnostic froid, précis, sans complaisance, sans concession aux évocations nostalgiques des origines perdues, des sources de l’islam primitif souillées, taries par un Occident iconoclaste et athée! Autant dire que l’intellectuel musulman doit, aujourd’hui, se battre sur deux fronts: celui de la pratique des sciences sociales selon le style désengagé, narratif, descriptif de l’orientalisme; celui de l’apologie offensive/défensive des musulmans, qui compensent par l’affirmation dogmatique et le discours d’auto-fondation, les atteintes répétées à «l’authenticité», à «l’identité» de la personnalité islamique»[9].
Par ailleurs, si Mohamed Arkoun considère que l’on doit séculariser nos sociétés, il n’en est pas moins intransigeant quand il s’agit de définir ou de redéfinir la place de la religion ou de la croyance en général dans l’espace public des sociétés occidentales. « Le choc des ignorances» comme il dit, est désormais un phénomène qui parcourt même les sociétés sécularisées. L’on assiste depuis le 11 septembre 2001 à une «extrême-droitisation», pour reprendre une expression qui fait son chemin dans les milieux politiques français de gauche, des mouvements politiques occidentaux de droite. Les identités «idéologiques», ou encore les identités meurtrières, pour reprendre le célèbre auteur Amin Maalouf, qui ont le vent en poupe menacent plus que jamais le fragile compromis des sociétés laïques. Le heurt fracassant des extrémismes augure de mauvais jours à venir. C’est dire que «l’inter-culturalité» est plus que jamais urgente dans lesdites sociétés, dans toutes les sociétés du reste, afin d’humaniser le rapport à l’autre…
H. Lounes
«Comme d’autres phares, Mohamed Arkoun vient d’achever son voyage dans la nuit du monde culturel arabo-islamique. Il a été un point de la cohésion et un drapeau brandi dans la bataille contre l’ignorance, l’arriération et l’aveuglement vis-à-vis de la connaissance et du progrès, dirigés contre l’être humain» ainsi parlait Adonis, l’immense poète syrien sur son ami de combat Mohamed Arkoun lorsqu’il a su pour son décès. Mohamed Arkoun cet islamologue, philosophe et anthropologue passeur par excellence des trois monothéismes, cet enfant d’une Algérie qui a atteint les cimes et qui a aspiré la vie durant, à tort peut-être, car, c’était sans compter sur une société qui n’a cure de se définir dans l’ère du temps, à un monde où l’on peut être soi sans encourir les foudres des «apostasieurs», des muftis et de leurs clownesques trouvailles et des zélateurs de tout acabit.
A-t-on jamais daigné convier cet humble bonhomme dans une tribune algérienne pour qu’il nous explique sa théorie de l’islam dans l’histoire, pour qu’il nous dise que cet islamisme qui ne cesse d’effeuiller l’arbre de la raison de tout son feuillage et ramage et qui continue à faire, nonobstant les concordes civiles que l’on décrète à tout va, des centaines de milliers de morts, est tout bonnement et vulgairement «un bruit idéologique» qu’il faille vite réduire à son espace initiatique de bruit déraisonné qui n’a que la mort comme finalité? Ou alors, pourquoi convie-t-on des Karadaoui, des El Kerni, des Oumrou Khaled, des Tourabi et acolytes, tous ces vendeurs d’un islam salafiste, misogyne, archaïque, homophobe, anachronique? La réponse, je le pense, est simple : qu’à-t-on à cirer d’un penseur qui propose un islam humaniste et sécularisé, un espace du vivre ensemble laïque qui respecte toutes les religions et tout ce qui constitue l’espace intime d’un individu avec toutes ses convictions et pensées, un état où il fait bon vivre qui n’et pas l’apanage d’identités nationalistes ou religieuses. Oui, qu’a-t-on à faire d’une telle proposition? On vivrait ensemble, tu ne serais plus mon ennemi, on aspirerait à un partage égal de l’espace public et subséquemment des richesses du pays, de ses cultures, de son histoire qui pareillement en serait sécularisée pour reprendre l’expression historique cher à notre imminent historien Mohamed Harbi. Car, comme plaide notre islamologue à cette sécularisation immanquablement à venir comme condition sine qua non pour éviter «le choc des ignorances» (identités dogmatiques et nationalistes) et «l’ignorance sacrée», afin que l’on puisse enfin r-entrer (entrer à nouveau) dans l’histoire, Mohamed Harbi plaide, pareillement, en faveur d’une lecture de l’histoire sécularisée; sécularisée de toute idéologie, contextualisé dans le fait historique et incorruptible par le gouvernant. Quelle est cette dictature qui accepterait que tous les citoyens, quelque que soient leurs places en société, deviennent égaux de droits et de devoirs? Quelle est ce tyran, ce corrompu, ce voleur de deniers, ce violeur de valeurs qui accepterait que cesse son pays d’être l’île aux pirates où l’on partage le trésor pendant que se pourlèchent leurs babines des millions de claque-dents, de crève-la-faim, de va-nu-pieds, de pauvres gens haves et déguenillés, dans l’attente inexorable que se détache une quelque miette de la table des pirates? On n’en a pas encore cette engeance capable de préférer l’histoire… à la gloire.
Mohamed Arkoun, si je puis exprimer en d’autres mots une vieille pensée Kabyle, est ce furoncle qui a éclaté dans le corps malade et qui en a révélé violement une purulence caractéristique, généralisée; un mal que l’on ne peut guérir à coups de rafistolages hâtifs, de maçonnages improvisés ou d’amulettes magiques. Il nous dit en termes on ne peut plus crus: l’islam a cessé d’être réfléchi et de réfléchir à partir du 13ème siècle. En l’occurrence avec Averroès (Ibn Rochd) en Andalousie, que d’aucuns disent être le fondateur de la laïcité[1], l’islam a cessé d’avancer dans le temps et d’assumer l’histoire. Il en était devenu la propriété exclusive des muphtis, des savants de foi attitrés, des imams zélés qui en ont élevé une forteresse infranchissable où les vigiles sont les idéologues, des muftis qui décrètent les hommes apostats ou mécréants dont le sang mérite d’être d’emblée versé, des propagandistes eschatologiques qui dégainent à l’envi des fatwas sur l’allaitement de l’adulte, l’urine bénite de l’âne ou encore la necessité de dissimuler l’intimité, El Aoura, du baudet en espace public, etc. Du reste, ça a commencé avec le philosophe Averroès lui-même. Les autorités ne l’avaient-elles pas décrété hérétique, ne l’avaient-elle pas contraint à l’exil, ordonné que l’on brûlât ses livres? Il venait de commettre l’innommable. Parce qu’«Il ancre la philosophie dans la réalité sociale. Il s’agit de fonder en droit l’existence du philosophe dans la cité musulmane, ce qui aboutit à cet évènement singulier dans l’histoire : la philosophie se trouve ainsi légitimée aussi bien aux yeux du droit de la société, qu’à ceux de la loi religieuse»[2]. Averroès était le dernier philosophe de l’islam classique qui proposait le retour au modèle aristolicien et au rationalisme en défendant l’acte et le droit de philosopher sans que l’on soit apostasié ou accusé d’impiété. Le monde musulman a-t-il jamais réussi depuis à enfanter un courant philosophique de la taille des Moutazilites? Une mystique et un regard aussi profond que celui d’Ibn Arabi que d’aucuns disent être le père du panthéisme de Spinoza ? Une œuvre qui puise dans le divin et la réflexion existentialiste comme celle d’Abou El Alla El Maari que l’on a empoisonné tant il secouait comme jamais les soupentes du dogme et des prêcheurs qui avaient pignon sur rue? Les Milles et une nuit, œuvre magistrale que Stendhal, l’immense auteur de La chartreuse de Parme, disait occuper trois quarts (¾ ) de son cerveau, et qui a repensé la femme, son corps, magnifié l’érotisme? Des débats aussi osés entre les philosophes? Pour sûr que non.
La philosophie, a-t-on souvent entendu, est la mère des sciences. Comment? Eh bien, le foisonnement philosophique et l’existence de la question philosophique sont un gage pour construire une société de compromis, de débats, de construction commune, de partage et du vivre ensemble. Des technicistes ne se satisferont point du raccourci. Comment? diront-ils. Eh bien, c’est aussi simple que concis, l’avenir d’une société se joue dans une classe où un enseignant explique aux futurs citoyens c’est quoi la laïcité, c’est quoi le destin, c’est quoi la croyance, c’est quoi le libre arbitre et si l’enseignant considère que l’on a le droit de poser certaines questions et non pas d’autres c’est que la brique posée sur le grand édifice qu’est la société de demain est partie pour édifier non pas une maison qui donne sur le monde et où l’on peut coexister sans coup férir mais, bel et bien, sur une prison où la vie est supplice qui donne sur la négation, la dictature, le rejet et la haine de l’autre.
Les lumières se sont à juste titre saisi de la philosophie et ont en posé la question comme piédestal de construction sociale et sociétale. D’où est né du reste la laïcité dans les contours politiques et sociologiques modernes que l’on connaît, et qui sont inhérents aux sociétés d’où sont parties ces Lumières. Ainsi, avons-nous une laïcité française assimilationniste et une laïcité anglo-saxonne ou hollandaise tirant plus au moins vers une sorte de communautarisation. Faudrait-il que l’on parle de la laïcité américaine avec ses dérives religieuses délétères pour le vivre ensemble?
La philosophie est l’antidote de la pensée unique, idéologique et Idéologisante, nationaliste, dogmatique, uniciste, etc. Mohamed Arkoun dénonce à juste titre ce monolithisme de la pensée qui fait de l’élève, le futur citoyen, le futur médecin, le futur éboueur, le futur pompier, le futur ministre, le futur ingénieur, le futur maçon, etc., un consommateur du savoir où le sacré empêche la pénétration de l’intelligence et nous explique ce monopole de «la violence légale» par «les gestionnaires du sacré» reprenant les termes de Max Weber et du « Fait coranique» en ce qui concerne l’islam pour empêcher toute approche qui utilise les outils de la connaissance savante dans son étudeé Il dit: « Il est évident qu’en islam, comme en chrétienté et dans le judaïsme, la symbolique se dégrade en codes juridiques, en rituels mécanisés, en doctrines scolastiques, en idéologies de domination. On peut suivre cette dégradation depuis la mort du Prophète, en 632»[3]. Mohamed Arkoun dit que l’on a puisé dans le texte coranique une idéologie de «sacralisation et transcendantalisation»[4] qui obstrue toute évolution, bannit toute interrogation, plaçant ce qui doit être pensé dans l’impensable et l’impensé, l’immuable, l’irréprochable, la sacré sanctifié; interdisant de ce fait, ou pire, menaçant de mort tout auteur d’une approche qui propose de soumettre le fait coranique à l’histoire (historicité), à la sociologie, à l’anthropologie, aux sciences humaines en général, comme Nasr Abou Zeid en Égypte, Ahmed El Baghdadi au Koweït, Mohamed Abid El Jabiri au Maroc. Car : «Ce que la pensée théologique présente comme une «orthodoxie» religieuse est dévoilée par la sociologie et l’anthropologie religieuses comme l’idéologie de chaque groupe pour imposer sa suprématie»[5]. Des idéologies qui empêchent toute interprétation existentielle, c’est-à-dire à la lumière de que l’on vit dans le présent et au service du besoin social tout aussi présent.
Le monde musulman en est venu à une vulgaire décalcomanie de la foi où dieu, pour reprendre l’expression de V. Hugo, est un rôtisseur qui épie la faute du pécheur. La preuve en est que Karadaoui, le pape de l’islam pour ainsi dire, écouté religieusement par des centaines de millions de gens, ose discourir sur la physique, sur la chimie, sur la biologie, voire sur l’astronomie, etc.; n’a-t-il pas énoncé que la masturbation féminine tue? Du reste le même à apostasier Mohamed Arkoun et à l’accuser d’avoir renié la Charia islamique[6]. Car, bien entendu, « le prophète » zélé en veut au professeur de ne considérer ce qu’il appelle «Sahwa de la Oumma» (éveil de la nation) de par ces soubresauts galvaniques et hystériques qui parcourent les sociétés musulmanes que comme une quête du dormeur de la position idoine pour prolonger son sommeil et s’y enfoncer à ne plus s’en réveiller.
Mohamed Arkoun désarçonne de sa pensée. Il ne croit pas entre autres à ce que l’on nomme la religion vraie. Il n’y a pas pour lui de guerre juste, pas plus qu’il ne y en ait une religion vraie, à l’instar de celle prônée par le pape Benoit XVI pour le catholicisme ou Karadaoui pour l’islam ou encore les orthodoxes qui justifient la colonisation de la Palestine par le concept de La terre promise pour ne citer que les religions monothéistes. Il n’y a pas d’islam vrai, il y a, n’a-t-il jamais cessé de le répéter dans ses livres, dans ses conférences dans toutes les tribunes où il était amené à émettre sa façon de voir, l’islam dans l’histoire, le christianisme dans l’histoire, le judaïsme dans l’histoire. Cette idée de religion authentique est une chimère et est d’une «naïveté extrême» a-t-il dit lors d’une émission sur la célèbre chaine culturelle franco-allemande Arte. L’islam tout au long de son histoire a été modelé, conçu, réfléchi, imaginé par les cultures, les sociétés, les structures sociales avec lesquelles il interagissait, desquelles il tirait sa légitimité, sa survie, sa cohabitation, etc. Selon l’anthropologue, même le mouvement réformiste des Oulémas fondé par Ibn Badis en 1931 avec lequel on ne cesse de nous bassiner ne proposait qu’une seule chose : annihiler toute pensée qui tient de l’Algérie païenne, millénaire et qui ne soit pas islamique. Y compris tout ce qui est berbère, tout ce qui fait l’anthropologie intrinsèque des algériens. Ne doit y subsister que l’islam comme référent et l’arabe comme langue. Comme si l’histoire de l’Algérie commençait il y a juste quatorze siècles! Nous avons tous en tête le fameux slogan d’Ibn Badis : Le peuple algérien est musulman, et est partie intégrante de l’arabité… celui qui doute de cette origine men (traduction approximative). Bien entendu, on trouvera toujours à dire qu’il voulait dire ceci ou qu’il répondait à un quelque besoin momentané.
D’abord, faudrait que l’on soit d’accord avec la définition religieuse donnée à une société : une Algérie musulmane. N’avons-nous pas le droit de penser une Algérie qui soit mère-patrie aussi bien du croyant que du non-croyant, du musulman comme du non-musulman? Une Algérie algérienne où l’homme n’est pas un croyant, mais un citoyen avec des devoirs et des droits pour interagir dans son espace citoyen, qui n’ait aucun dividende à tirer de ses convictions profondes ni n’en a d’inconvénient du reste, tant justement elles relèvent de l’intime, du personnel, du droit de conscience. Ensuite, dire que l’Algérie est exclusivement ou exclusivement musulmane est une aberration, voire d’une ignorance des mécanismes historiques, sociologiques et culturels qui régissent, modèlent et pensent les sociétés. Enfin, affirmer que quiconque ose pourfendre ce que l’on hisse idéologiquement à la certitude ne laisse plus aucune place au débat. Nous sommes d’emblée dans le dogmatique, dans l’intouchable, le tabou. Ainsi, a-t-on érigé une stèle titanesque et infranchissable pour l’erreur dans les enceintes des universités et des écoles algériennes et maghrébines en général. Des espaces où l’on définit l’algérien, voire le maghrébin ou l’africain du nord musulman et arabe et où l’on fait fi de toute l’anthropologie et l’histoire qui ont façonné ce même algérien ou maghrébin : « il y a le maghrébin idéologique, définit par le discours nationaliste (et religieux) et puis, il y a le maghrébin de l’Afrique du nord…… pour définir sa personnalité il faut se servir de deux disciplines : l’anthropologie (anthrôpos=homme, Logos=étude : langue, raison, raisonnement, argumentation, le récit mythique… toutes les cultures ont des récits de fondation de la nation, de la mémoire du groupe pour cimenter les membres dans une même référence; une référence commune représentative de valeurs… et qui dit anthropologie dit berbère, la population première. On fabrique des identités avec des fragments de référence; on fabrique du pouvoir monolithique qui ne peut prétendre à aucune légitimité…»[7].
Conscient du conditionnement dont use l’état-nation, qui tire sa légitimité souvent d’un passé revolutionnaire, d’une définition centré sur le patriotisme et la singularité, ou le groupe idéologique, comme les frères musulmans ou les divers groupes qui puisent dans la religion l’être et le paraître pour résumer, conscient du danger qui guette les sociétés non-sécularisées, Mohamed Arkoun prend conscience que l’étude de l’islam à la lumière de l’histoire et de l’anthropologie est plus que jamais nécessaire pour recentrer le débat et déconstruire, le terme cher à Derrida, le philosophe de la déconstruction, ces montagnes figées du dogme et des tabous qui empêchent la lueur de poindre à l’horizon. Pour ce faire, il fonde et développe « L’islamologie appliquée» : «en constatant et en analysant les contradictions dans la culture de son pays et des pays du Maghreb, ainsi que dans une certaine orientation politique, qui voulait réintroduire l’islam-après la fin de la période coloniale. Elle s’occupe d’étudier les problèmes politiques tels qu’ils apparurent après la décolonisation, c’est-à-dire au moment où les pays arabo-musulmans gagnent leur indépendance. Mohamed Arkoun fait remarquer que les hommes politiques refusaient alors la prise en compte de l’histoire de l’Islam et de la culture arabe, ainsi que les particularités culturelles, sociales et anthropologiques des pays du Maghreb. Cette discipline analyse les contradictions d’une histoire ainsi que les différences entre le monde musulman et le monde occidental et les différents discours qui les expriment. Elle ne s’oppose pas à l’islamologie classique dont elle utilise les acquis les plus fiables dans la critique philologique et historique des grands textes classiques. Elle prend en charge la relecture anthropo-historique de ces textes en intégrant les interrogations nouvelles et les explorations les plus récentes de la connaissance pluridisciplinaire. Parmi les tâches théoriques les plus éclairantes pour les débats en cours sur l’islam, l’Union européenne et l’Occident, on soulignera l’actualité des chantiers de la Critique de la Raison islamique et ceux de l’impensable et de l’impensé dans la pensée islamique contemporaine.»[8]
Cependant, les pourfendeurs du penseur n’hésitent pas à le traiter d’orientaliste qui ne connaît pas les réalités sociales propres aux sociétés musulmanes. À savoir que son œil est pollué dans son objectivité scientifique par le regard aliéné par l’occident, par son éducation aux mains de pères blancs, par son parcours à travers les universités occidentales. Ce qui est évidemment totalement infondé et dénué d’arguments.
Mohamed Arkoun est un anticolonialiste invétéré ; en vérité, il a toujours lutté sur deux fronts. Pour le penseur, l’orientalisme comme l’islamisme ont, les deux, échoué a proposé une solution du vivre ensemble à ces sociétés : « J’ai dit que l’approche orientaliste des sociétés musulmanes s’interdit précisément le diagnostic parce que l’orientaliste refuse de se mêler de questions qui ne le concernent en rien en tant que citoyen de sociétés occidentales. L’intellectuel musulman qui souffre avec les siens des maux de la société se doit, au contraire, d’insister sur le diagnostic froid, précis, sans complaisance, sans concession aux évocations nostalgiques des origines perdues, des sources de l’islam primitif souillées, taries par un Occident iconoclaste et athée! Autant dire que l’intellectuel musulman doit, aujourd’hui, se battre sur deux fronts: celui de la pratique des sciences sociales selon le style désengagé, narratif, descriptif de l’orientalisme; celui de l’apologie offensive/défensive des musulmans, qui compensent par l’affirmation dogmatique et le discours d’auto-fondation, les atteintes répétées à «l’authenticité», à «l’identité» de la personnalité islamique»[9].
Par ailleurs, si Mohamed Arkoun considère que l’on doit séculariser nos sociétés, il n’en est pas moins intransigeant quand il s’agit de définir ou de redéfinir la place de la religion ou de la croyance en général dans l’espace public des sociétés occidentales. « Le choc des ignorances» comme il dit, est désormais un phénomène qui parcourt même les sociétés sécularisées. L’on assiste depuis le 11 septembre 2001 à une «extrême-droitisation», pour reprendre une expression qui fait son chemin dans les milieux politiques français de gauche, des mouvements politiques occidentaux de droite. Les identités «idéologiques», ou encore les identités meurtrières, pour reprendre le célèbre auteur Amin Maalouf, qui ont le vent en poupe menacent plus que jamais le fragile compromis des sociétés laïques. Le heurt fracassant des extrémismes augure de mauvais jours à venir. C’est dire que «l’inter-culturalité» est plus que jamais urgente dans lesdites sociétés, dans toutes les sociétés du reste, afin d’humaniser le rapport à l’autre…
H. Lounes
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Re: Mohamed Arkoun: Le penseur qui pensait l’impensé
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