Kasri Abdelkader, dit « Abdelkader N’Tbellout »

Pourtant, quand je me penche sur mon passé lointain, un passé de répression et d’injustice coloniales, je ne trouve pas dans cette vie-là beaucoup de perspectives d’avenir permettant de caresser quelque espérance. En effet, né le jeudi 25 janvier 1937 à Aokas - chef lieu de la commune mixte de Oued-Marsa[1] - dans le hameau de Tabellout, j’ai atteint mes huit ans et demi en plein dans les remous des événements du huit Mai 1945.

En plus de vivre dans la misère, de trembler de froid et d’être constamment exposé aux maladies, les enfants de ma génération ont subi des terreurs traumatisantes que les forces coloniales ont fait régner dans le pays pour juguler le soulèvement populaire. En massacrant une population sans défense, l’objectif du pouvoir français était le maintien d’un statu quo d’une Algérie française. Mais une décennie plus tard, le déclenchement de la Révolution de 1954 viendra enfin sortir du néant cette belle Algérie au prix de grands sacrifices de tous ordres, et pendant une lutte acharnée de sept ans et demi.

La pauvreté, l’injustice, l’analphabétisme,... étaient autant de fléaux qui accablaient la population pendant la longue et noire nuit coloniale. L’Algérien cultivait une terre biblique, alors que le colon vivait dans une Californie de rêve.

Les Algériens étaient sujets français et non citoyens. Et ceux qui étaient soupçonnés par les autorités françaises d’être les relais du maquis sont envoyés en prison sans autre forme de procès. Au centre de torture de Cap-Aokas dénommé « Ferme Tourneux », les malheureux sont livrés au supplice après un interrogatoire musclé... quand ils ne sont pas purement et simplement assassinés…

Je me lancerai corps et âme dans cette guerre pour la liberté au bout de laquelle je sortirai indemne avec un corps, certes criblé de blessures légères ou graves, mais dont la douleur est sans commune mesure avec celle, plus profonde et plus cruelle, d’avoir perdu des compagnons d’armes ou de voir des groupes de maisons habitées dévastées au napalm par la soldatesque française semant le désarroi et la détresse au sein de la population désarmée et vulnérable.

Historique et tragique prélude de la Révolution de 1954, les événements du 8 Mai 1945 sont peu connus par les jeunes de la région. Garçonnet à cette époque, je me souviens de ce mardi 22 mai, deux semaines après l’effroyable bouleversement, quand mes parents nous ont laissés mon frère et moi à la maison pour répondre à la convocation générale du pouvoir colonial. Avant de relater mon parcours personnel, je voudrais rapporter à l’intention des jeunes lecteurs ce drame sanglant à travers des témoignages bouleversants de compatriotes décédés ou encore vivants.

Ait Bimoune) – Kendira (Béni Slimane) – Bouandas – Tararist (Ait Tizi) - Ifalène (Ait Bouissi) –Tagouba (Ait meloul) - Béni Amrous – Rif (Ait Smail) - Béni Ahsayène - Béni Ségoual - Béni Bouyoucef – Tababourt (Laalam) - Mansouriah – Aokas - Ait Ouaret Ouali.