témoignage d'un appelé français
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témoignage d'un appelé français
Témoignage d'un appelé.
D’après le témoignage de Jean-Claude Fauché,
recueilli par Bernard Zimmermann.
Les photographies présentées ici sont extraites d'un album de photos prises par Jean-Claude Fauché, soldat du contingent, en 1961-62. Il s'agit d'un ensemble exceptionnel de documents
témoignant de la vie quotidienne d'un appelé durant les 14 mois de la guerre d'Algérie précédant le cessez-le-feu du 19 mars.
J-C. Fauché, incorporé au camp de Souges, près de Bordeaux, a été versé au 57ème R.I. et affecté durant presque toute la durée de son service dans la Compagnie de Commandement d'Appui et de Services, au poste de Cap Aokas, près de Bougie.
Le "poste" était tenu par une section comprenant deux appelés français, un sergent la commandant et lui-même, et une harka de 21 hommes, des Algériens dont un n'était pas un harki mais un appelé. Les harkis étaient sous l'autorité directe d'un sergent harki ; ce dernier était un ancien maquisard rallié.
Les missions de la section consistaient en la garde du poste qui couvrait notamment le camp de prisonniers de Cap Aokas, où opéraient les hommes des Services de renseignement (il s'y pratiquait la torture) ; la section ouvrait quotidiennement la piste entre Cap Aokas et Tizi n'Berber, elle participait à des opérations de bouclage, de ratissage, elle pouvait être affectée à la protection des populations civiles européennes, par exemple le dimanche sur la plage de Tichi…
J-C. Fauché décrit ainsi les relations entre les appelés français et les harkis. "Je préférais les harkis aux appelés (algériens, Ndlr), parce que les appelés étaient là obligés ; les harkis étaient plus francs. Pourquoi étaient-ils là ? Je ne leur ai jamais posé la question de leurs motivations. Les plus engagés sont restés jusqu'au bout, quelques uns sont partis un peu avant la fin, peut-être parce qu'il y avait des pressions sur leurs familles. Nous avions une certaine méfiance vis à vis d'eux ; au poste, on ne mettait jamaisdeux harkis à monter la garde ensemble. A la station de pompage de Cap Aokas, tenue par des appelés français, avec un harki parmi eux, une nuit, la porte a été ouverte et tous les hommes ont été enlevés ; on ne les a jamais retrouvés. Les soupçons ont porté sur le harki ; on avait toujours cette crainte… Lorsque je suis arrivé au poste, les harkis ont commencé par me mener la vie dure. Mon ami, le sergent D. qui commandait le poste voisin, m'avait dit : "Ne te laisse pas faire, si tu as un problème avec eux, adresse-toi au sergent harki, il s'en occupera." Après, ça a été, parce qu'ils voyaient que je crapahutais avec eux…
Les harkis de la section étaient des hommes des villages kabyles des alentours. Un jour, le sergent a eu l'idée d'aller dormir dans la famille du sergent harki. Il avait une perm tous les mois, nous
sommes allés deux ou trois fois avec lui dans sa mechta ; c'était une cour avec une sorte de
murette et leur petit logement ; deux familles vivaient là. Le sergent avait sa mère et un frère ; ils nous ont bien accueillis ; la mère nous installait un matelas avec un oreiller. Jamais je n'aurais cru
que je dormirais dans une mechta comme en France. Nous ne faisions pas que dormir, on montait la garde aussi ! On mangeait avec eux, parlait un peu de tout, ils parlaient français mais entre eux en kabyle.
Je n'avais pas peur, au contraire, je trouvais ça super de sortir du poste, d'aller dormir dans une
mechta; j'étais inconscient. Comme le sergent avait sa perm qui tombait à intervalles réguliers, et que nous prenionstoujours le même chemin pour aller chez lui, les autres ont fini par nous tendre une embuscade. On s'en est bien sortis cette fois-là ; en face, il ont eu deux tués. Après cette affaire, le capitaine nous a interdit de retourner dormir à la mechta. Les harkis, eux, risquaient gros, car ils devaient laisser leurs armes au poste lorsqu'ils rentraient chez eux. C'étaient des guerriers, ils n'avaient pas peur d'aller au baroud. Aux maquisards, ils ne faisaient pas de cadeaux. Une fois, on a arrêté un jeune de 15-16 ans ; ils l'ont passé à tabac…
Le sergent harki a été tué dans une embuscade. Les autres, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus."
La harka de Cap Aokas en opération (à Bouhala, en zone rebelle)
Fête de la harka
(intérieur du poste de Cap Aokas)
Fête au mois de Ramadan 1961
(Poste de Cap Aokas)
Drapeau pris aux maquisards à l'issue d'un accrochage ( au premier rang, accroupi, le sergent de la harka de Cap Aokas.)
Prisonniers F.L.N. chargeant du sable
sous la garde de la harka de Cap Aokas
Visite des familles
aux prisonniers du camp de Cap Aokas
(photo prise de la meurtrière de la tour du poste).
bab.el.oueb.free.fr/assosoleilenessonne/memoire_histoire/conflits-memoires/lesharkisetnous.htm - 158k
D’après le témoignage de Jean-Claude Fauché,
recueilli par Bernard Zimmermann.
Les photographies présentées ici sont extraites d'un album de photos prises par Jean-Claude Fauché, soldat du contingent, en 1961-62. Il s'agit d'un ensemble exceptionnel de documents
témoignant de la vie quotidienne d'un appelé durant les 14 mois de la guerre d'Algérie précédant le cessez-le-feu du 19 mars.
J-C. Fauché, incorporé au camp de Souges, près de Bordeaux, a été versé au 57ème R.I. et affecté durant presque toute la durée de son service dans la Compagnie de Commandement d'Appui et de Services, au poste de Cap Aokas, près de Bougie.
Le "poste" était tenu par une section comprenant deux appelés français, un sergent la commandant et lui-même, et une harka de 21 hommes, des Algériens dont un n'était pas un harki mais un appelé. Les harkis étaient sous l'autorité directe d'un sergent harki ; ce dernier était un ancien maquisard rallié.
Les missions de la section consistaient en la garde du poste qui couvrait notamment le camp de prisonniers de Cap Aokas, où opéraient les hommes des Services de renseignement (il s'y pratiquait la torture) ; la section ouvrait quotidiennement la piste entre Cap Aokas et Tizi n'Berber, elle participait à des opérations de bouclage, de ratissage, elle pouvait être affectée à la protection des populations civiles européennes, par exemple le dimanche sur la plage de Tichi…
J-C. Fauché décrit ainsi les relations entre les appelés français et les harkis. "Je préférais les harkis aux appelés (algériens, Ndlr), parce que les appelés étaient là obligés ; les harkis étaient plus francs. Pourquoi étaient-ils là ? Je ne leur ai jamais posé la question de leurs motivations. Les plus engagés sont restés jusqu'au bout, quelques uns sont partis un peu avant la fin, peut-être parce qu'il y avait des pressions sur leurs familles. Nous avions une certaine méfiance vis à vis d'eux ; au poste, on ne mettait jamaisdeux harkis à monter la garde ensemble. A la station de pompage de Cap Aokas, tenue par des appelés français, avec un harki parmi eux, une nuit, la porte a été ouverte et tous les hommes ont été enlevés ; on ne les a jamais retrouvés. Les soupçons ont porté sur le harki ; on avait toujours cette crainte… Lorsque je suis arrivé au poste, les harkis ont commencé par me mener la vie dure. Mon ami, le sergent D. qui commandait le poste voisin, m'avait dit : "Ne te laisse pas faire, si tu as un problème avec eux, adresse-toi au sergent harki, il s'en occupera." Après, ça a été, parce qu'ils voyaient que je crapahutais avec eux…
Les harkis de la section étaient des hommes des villages kabyles des alentours. Un jour, le sergent a eu l'idée d'aller dormir dans la famille du sergent harki. Il avait une perm tous les mois, nous
sommes allés deux ou trois fois avec lui dans sa mechta ; c'était une cour avec une sorte de
murette et leur petit logement ; deux familles vivaient là. Le sergent avait sa mère et un frère ; ils nous ont bien accueillis ; la mère nous installait un matelas avec un oreiller. Jamais je n'aurais cru
que je dormirais dans une mechta comme en France. Nous ne faisions pas que dormir, on montait la garde aussi ! On mangeait avec eux, parlait un peu de tout, ils parlaient français mais entre eux en kabyle.
Je n'avais pas peur, au contraire, je trouvais ça super de sortir du poste, d'aller dormir dans une
mechta; j'étais inconscient. Comme le sergent avait sa perm qui tombait à intervalles réguliers, et que nous prenionstoujours le même chemin pour aller chez lui, les autres ont fini par nous tendre une embuscade. On s'en est bien sortis cette fois-là ; en face, il ont eu deux tués. Après cette affaire, le capitaine nous a interdit de retourner dormir à la mechta. Les harkis, eux, risquaient gros, car ils devaient laisser leurs armes au poste lorsqu'ils rentraient chez eux. C'étaient des guerriers, ils n'avaient pas peur d'aller au baroud. Aux maquisards, ils ne faisaient pas de cadeaux. Une fois, on a arrêté un jeune de 15-16 ans ; ils l'ont passé à tabac…
Le sergent harki a été tué dans une embuscade. Les autres, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus."
La harka de Cap Aokas en opération (à Bouhala, en zone rebelle)
Fête de la harka
(intérieur du poste de Cap Aokas)
Fête au mois de Ramadan 1961
(Poste de Cap Aokas)
Drapeau pris aux maquisards à l'issue d'un accrochage ( au premier rang, accroupi, le sergent de la harka de Cap Aokas.)
Prisonniers F.L.N. chargeant du sable
sous la garde de la harka de Cap Aokas
Visite des familles
aux prisonniers du camp de Cap Aokas
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Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: témoignage d'un appelé français
Commentaire 1
Vous faite un travail remarquable, je vous souhaite une bonne continuation.
Je vous invite à lire les Tlemceniens de Ighmouracene sur mon bloc, ça parle de votre passé.
www.xatralien.com
source:
http://aokas.dzblog.com/article-35472103-6.html#c
Vous faite un travail remarquable, je vous souhaite une bonne continuation.
Je vous invite à lire les Tlemceniens de Ighmouracene sur mon bloc, ça parle de votre passé.
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Zhafit- Admin
- Nombre de messages : 13508
Date d'inscription : 26/04/2008
Re: témoignage d'un appelé français
commentaire 2
Je faisais parti du 57 RI de la 5e compagnie a Darguinah du 2eme Bataillon CCAS d'Aokas.La station de pompage a été prise dans la nuit du 25 au 26 /01/1961.Je faisais mon peloton de sergent au chateau de la comtesse d'Aokas.Avec 4 camarades, j'ai quitté la station le 25 a 22h car il y avait des troubles a Bougie. Le 26 a 5h du matin en revenant a la station, celle-ci était vide. Je peux dire un grand merçi a mes instructeurs du peloton , car si nous étions resté la nuit comme cela était prévut,nous serions 5 disparus de plus.
Commentaire n°2 posté par Marichy Bernard
source
http://aokas.dzblog.com/article-35472103-6.html#c
Je faisais parti du 57 RI de la 5e compagnie a Darguinah du 2eme Bataillon CCAS d'Aokas.La station de pompage a été prise dans la nuit du 25 au 26 /01/1961.Je faisais mon peloton de sergent au chateau de la comtesse d'Aokas.Avec 4 camarades, j'ai quitté la station le 25 a 22h car il y avait des troubles a Bougie. Le 26 a 5h du matin en revenant a la station, celle-ci était vide. Je peux dire un grand merçi a mes instructeurs du peloton , car si nous étions resté la nuit comme cela était prévut,nous serions 5 disparus de plus.
Commentaire n°2 posté par Marichy Bernard
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Zhafit- Admin
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laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
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