Le kebab au cochon
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Le kebab au cochon
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La mode vient d'Allemagne, de Berlin plus précisément, où le kebab est venu améliorer l'ordinaire des étudiants comme des cadres stressés, lassés du classique sandwich. Il n'a pas fallu longtemps pour que le phénomène déborde dans toute l'Europe. On estime que la production de kebab augmente chaque année de 20%, une croissance qui fait pâlir d'envie plus d'un restaurateur. Le nom complet, c'est döner kebab, qui signifie, en gros, viande rôtie en tournant.
A Berlin, capitale en pleine reconstruction, derrière les derniers vestiges du mur, est installée une des plus grandes communautés turques d'Europe. Ils sont plus de trois cent mille, turcs et kurdes, à vivre dans le quartier de Kreuzberg. Ils ont leur marché deux fois par semaine, ils parlent en turc, les odeurs d'épices se mélangent à celles des narguilés. L'ambiance est résolument orientale. On se sent plus à Istanbul qu'à Berlin.
Ici, le kebab a supplanté la wurst. Il s'en mange trois fois plus qu'à Istanbul. Il y a des échoppes dans tous les coins de rue.
[DR] [DR] Ce sont les ouvriers turcs, arrivés au début des années 70, qui donnent une nouvelle vie au kebab. Imprégnée du succès des hamburgers à la sauce US, la communauté turque de Berlin doit s'adapter au mode de vie occidental, qui cherche à diversifier ses menus fast-food. Désormais, le kebab ne se sert plus sur assiette. Pour percer dans l'univers économique occidental sans se ruiner, on remplit un pain turc de viande, on y ajoute de la salade, des tomates, de la sauce et des épices. Le kebab moderne était né. C'est le sandwich chaud que vous mangez aujourd'hui dans toute l'Europe.
Dans ce quartier, anciennement à l'est, sont regroupés des restaurants plus chics. La communauté turque y est aussi présente. Depuis 10 ans, Aygun Ahmet propose différentes spécialités orientales dans une ambiance feutrée. Il nous explique ce qu'est un kebab: "En fait, il y a deux sortes de döner kebab. Il en existe un avec de la viande hachée, c'est le plus courant. Et puis, il y a aussi le Yaprak Döner, qui n'est composé que de viande, du bœuf ou du veau, voire les deux ensemble. Un Döner kebab n'est composé que de viande de bœuf ou de veau. Sinon, ce n'est pas un döner kebab. Il n'y a pas de viande de porc. Jamais de viande de porc."
Le döner kebab a donc changé de composition. Il y a 600 ans, en Turquie, il était composé d'agneau. Mais son goût et son odeur ont été jugés trop forts par le public occidental. Pour séduire l'Europe, les nababs des kebabs ont été contraints de se porter sur des viandes au caractère gustatif moins fort.
Erdogan Yusuf est réputé à Berlin pour la bonne qualité de ses kebabs. Des paquets de viande de 40 kilos comme celui-ci, il en vend en tout cas un par jour. Sa spécialité, ce n'est pas la viande hachée, mais le 100% pur veau en couches superposées. Selon lui, c'est la manière la plus saine de manger le kebab. Le plus sain, et sans doute le plus fiable. Parce que le kebab fait de viande hachée ouvre la porte à tous les abus. A Berlin, l'automne passé, il a fallu faire respecter la loi. Certains vendeurs de kebab ne mettaient que 20% de viande dans leur préparations, alors que l'Ordonnance allemande sur les denrées alimentaires en impose 60%. Le reste, c'est du gras, des liants et des épices.
Heinz Buschkowsky, maire de Neukölln dans la région de Berlin, nous raconte: "La situation avait vraiment dégénéré. Tout le monde cassait les prix. On vendait un döner pour un euro, voire moins. Cela ne pouvait donc pas être un vrai döner, à moins que les marchands de kebabs ne soient devenus de vraies Mère Teresa. Il y avait de la triche là-derrière, c'est évident. Nos contrôles ont montré que ce n'était pas de la mauvaise viande. Personne n'a été malade, mais c'est la même différence qu'entre la goulash et le filet. On ne peut pas appeler ça un döner kebab."
En tant que capitale européenne du kebab, Berlin n'a pas le droit de lésiner sur la qualité.
Suite à ces contrôles, le 30% des échoppes à kebabs de la ville ont dû revoir leur méthode de fabrication.
[DR] [DR] L'appellation kebab n'est pas protégée et il n'y a pas de législation spécifique à ce produit. En revanche, il y a une obligation d'afficher la composition. Les vendeurs devraient donc au minimum disposer de panneaux indiquant clairement au consommateur la composition de ce qu'il est en train d'acheter. En l'absence de cet affichage obligatoire, la parole du vendeur a force de loi. S'il vous dit oralement qu'il vous vend de l'agneau et que c'est faux, il est en infraction.
Nous avons acheté 17 kebabs, un peu partout en Suisse romande, avant de les faire analyser. Le laboratoire a effectué une analyse bactériologique. Il a mesuré notamment la quantité de graisse contenue dans la partie viande et, enfin, il a procédé à l'identification des protéines de chaque échantillon, ce qui lui a permis de déterminer de quelle viande, issue de quel animal, il s'agissait. La bonne nouvelle, c'est que sur le plan bactériologique, les 17 échantillons étaient propres. La mauvaise nouvelle, c'est que c'est trop gras, sur 17 kebabs, deux seulement contiennent 14 % de gras ou moins. En effet, une viande correcte ne doit pas dépasser 14% de gras. La surprise vient de la composition de certains kebabs.
Pour la première fois, ABE a demandé au Laboratoire cantonal vaudois de procéder à des analyses génétiques de pointe. Le laboratoire a pu déterminer quel type de viande se cache dans des préparations chaudes, tels que les kebabs.
Pour Christian Richard, il s'agit de déterminer ce qui est tromperie ou ce qui ne l'est pas.
Après analyse détaillée de nos échantillons, il peut se baser sur l'article 19 de l'Ordonnance sur les denrées alimentaires.
Dans quel cas a-t-on des tromperies ? Christian Richard nous répond: "Dans le cas où le commerçant ne déclare pas une espèce animale qui se trouve dans cette viande de kebab. Ou dans un autre cas, lorsque la viande qui était déclarée dans ces kebabs ne se trouve pas présente."
Résultats des tests
Dans tous les cantons romands, notre enquêteur a demandé aux marchands un kebab à l'agneau, selon la recette d'origine turque. Il a bien noté sa réponse. Lorsqu'un panneau stipulait qu'il s'agissait d'un kebab fait d'une autre viande, notre enquêteur a relevé l'indication de provenance.
Le constat est sans appel: sur 17 kebabs, 11 trompent le client sur la marchandise vendue!
[DR] [DR] A Lausanne, rue Neuve, chez Ephèse. On nous annonce dans ce döner kebab de l'agneau et du bœuf. Le laboratoire a découvert du bœuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Cyberpizza à Bienne, rue centrale. Le restaurant vend un döner kebab à l'agneau. Le laboratoire a découvert du bœuf, de l'agneau et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Snack Marmara à Genève, rue de Berne. On nous promet de l'agneau. C'est fantasque. Dans ce döner kebab, il n'y a que du boeuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Kebab House à Genève, boulevard Saint-Georges. Le magasin vante de l'agneau. Là aussi, il n'y en a pas une trace. Il n'y a que du bœuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Snack Ankara à Fribourg, rue de l'Hôpital. On nous propose un döner kebab à l'agneau. S'il y a bien de l'agneau, il y a aussi du poulet et du bœuf. C'est par ailleurs l'échantillon le plus gras de notre test, plus de 10% par rapport à la moyenne de 14%. TROMPERIE.
Les six döner kebab qui viennent ne respectent pas la loi non plus. Mais, en plus, dans les échantillons suivants, la viande est composée notamment de porc. Ce qui est plutôt surprenant pour un plat oriental, en provenance directe d'un pays à majorité musulmane.
[DR] [DR] Chez Antalya à Martigny, place Centrale. On nous promet de l'agneau. Il n'y en a pas. Le laboratoire découvre du bœuf, du poulet et du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Chez Amanos à Lausanne, place du Tunnel. On trouve dans cet échantillon du bœuf, du poulet, de l'agneau et du porc. Alors que le restaurant promet un döner kebab à l'agneau et c'est tout. TROMPERIE.
[DR] [DR] Derya Kebab à Genève, rue des Eaux-Vives. On nous vend de l'agneau et du bœuf, pour 26 francs 15 le kilo, c'est le plus cher de notre test. Le laboratoire détecte du bœuf, du poulet et du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Echoppe Istanbul à Fribourg, rue de l'Hôpital. Ici, c'est un joli mélange de bœuf, d'agneau, de poulet et de porc, alors que l'on nous annonce de l'agneau et du bœuf. TROMPERIE.
[DR] [DR] Le Backgammon à Nyon, rue de la Gare. On nous vend de l'agneau et du bœuf. C'est juste, mais on y a rajouté du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Enfin, le restaurant Istanbul à La Chaux-de-Fonds, avenue Léopold-Robert. On nous propose un döner kebab au bœuf, alors que l'on trouve, dans cet échantillon, pas moins de 5 viandes différentes: du bœuf, de l'agneau, du poulet, de la dinde et du porc. On est loin du compte. TROMPERIE.
Réactions
Avant de voir la suite des résultats, nous avons évidemment voulu éclaircir cette histoire de porc dans les kebabs. Vis à vis du consommateur et de la loi, le vendeur est responsable de ce qu'il vend. C'est donc à lui de s'assurer de la qualité du produit qu'il achète à son fournisseur. Nous avons écrit aux six restaurateurs dont les kebabs contenaient du porc. Nous avons reçu cinq réponses. Le restaurateur du Kebab Amanos à Lausanne nous a téléphoné hier matin en affirmant haut et fort qu'il n'utilisait que du veau, pas de bœuf et, au grand jamais, du porc! Pourtant les analyses du laboratoire sont sans appel.
Chez Antalya à Martigny, place Centrale, le patron reconnaît dans sa lettre qu'il n'est qu'un revendeur de produit. Il s'étonne du résultat des analyses, surtout de la présence de porc. Il va donc empoigner le problème: "Nous allons demander des explications à notre fournisseur, aussi bien sur la présence de porc que sur la teneur excessive en matière grasse."
Au snack Istanbul, à La Chaux-de-Fonds, avenue Léopold-Robert, le patron ignorait tout de ces traces de porc, comme il ignorait la présence de cinq viandes différentes dans son döner kebab. Il n'a pas voulu nous recevoir. Il nous a envoyé chez son boucher, qui nous a accueilli avec son avocat. Tous deux contestent les faits.
Claude-Alain Christen, boucher: "Premièrement, je conteste vos analyses. Elles n'ont pas été faites correctement. Je crois que je n'ai rien à me reprocher. Je travaille énormément. Et j'ai confiance en moi."
Nos analyses sont formelles. C'est un laboratoire de pointe qui les a effectuées. Il est difficile de les contester et quand nous les lui avons remises, c'est son avocat, Jean-Daniel Kramer qui nous répond: "Dans cette affaire, mon client a été très surpris du résultat des analyses, dont on ne prend connaissance véritablement aujourd'hui. Dans la mesure où il affirme de manière péremptoire que les kebabs qu'il fabrique sont faits à base de veau pour 90% et d'agneau pour 10%. Nous ne contestons pas que les kebabs proviennent de chez Monsieur Christen. Ca c'est clair. Mais nous, de notre côté, nous affirmons, et nous pourrons entendre le cas échéant les personnes qui fabriquent les kebabs dans la boucherie de mon client, qu'ils sont bel et bien faits de veau et d'agneau. Alors on ne peut pas aujourd'hui expliquer pourquoi vous avez trouvé d'autres viandes semble-t-il. En tout cas en ce qui nous concerne, nous sommes clairs, il n'y a jamais eu d'escroquerie sur la viande."
Au Backgammon à Nyon, rue de la Gare, on reconnaît le problème de l'origine des viandes.
Dans son courrier, le patron nous fait les déclarations suivantes: "Il est vrai que, naïvement, nous n'avons jamais songé à faire effectuer un contrôle chimique. Nous nous sommes fiés aux compliments de nos clients. (…) Au lieu de nous fier aux déclarations, nous aurions dû être extrêmement vigilants et contrôler la qualité. Nous pouvons dire concernant la tromperie, qu'avant même de tromper par ricochet nos clients, nous étions trompés par nos fournisseurs."
Par ailleurs, il précise que dès qu'il a appris la présence de porc dans sa viande, il a contacté un autre fournisseur.
Enfin, à Genève, au snack Derya kebab, rue des Eaux-Vives, le patron nous a reçu absolument navré. Il constate les faits et va tout faire pour que cela ne recommence pas.
Ahmet Kisa, Derya kebab: "J'ai été surpris, comme vous, parce qu'en général dans le kebab, on ne met pas de porc. Chez nous, la composition est de l'agneau, du bœuf et du poulet, un tiers, un tiers, un tiers. Mais, malheureusement, quand j'ai appris cela. j'ai téléphoné tout de suite à mon boucher. Il m'a annoncé qu'il avait été en rupture de stock d'agneau, et qu'il l'avait remplacé par de la poitrine de porc. Ce qui est inadmissible pour moi et ma clientèle. Parce que j'ai une clientèle de musulman qui ne mange pas de porc."
Est-ce que vous allez changer de fournisseur ?
"Fort possible. Je vais voir si je trouve un autre boucher qui est aussi ponctuel avec la fraîcheur et la qualité. C'est fort possible que je changerai."
Cette enquête démontre qu'il y a un sérieux problème de traçabilité puisque l'on ne peut pas savoir d'où vient exactement la viande des kebabs que nous avons fait analyser. A la question de savoir ce que fait du porc dans le kebab, le vendeur dit "ce n'est pas moi, c'est mon fournisseur". Le fournisseur dit : "rien ne prouve que ce soit moi, ce vendeur peut très bien avoir d'autres fournisseurs", bref tout le monde se renvoie la responsabilité. De plus, on a trouvé du porc aussi bien chez des vendeurs qui achètent leur viande à de grosses entreprises que chez ceux qui se fournissent auprès du boucher de la région. Les vendeurs de kebabs ne sont pas des franchisés, ils sont indépendants et peuvent avoir plusieurs fournisseurs différents.
Suite des résultats des tests
Il existe trois grosses entreprises : Kings Kebab à Zurich, Royal Kebab à Wintertour et Günes SA à Soleure qui fournissent, à elles trois, environ 70% de tous les kebabs de Suisse. In fine, ce qu'attend le consommateur, c'est qu'on lui vende ce qu'on lui promet et rien d'autre. Seulement 6 commerçants sur 17 sont dans ce cas. Ce n'est vraiment pas beaucoup.
[DR] [DR] Le Döner Kebab du snack du Marché à Lausanne, rue pré-du-Marché, est conforme à la loi. On nous vend du bœuf. C'est bien du bœuf. En plus, c'est l'échantillon le moins gras de notre test avec 12,6% de graisse. CONFORME.
[DR] [DR] A Genève, échoppe Istanbul, rue de Berne. On nous propose un döner kebab à l'agneau. On le retrouve dans l'échantillon. CONFORME.
[DR] [DR] Au snack Express Sima Eximpo, rue du Canal à Bienne. On nous propose un döner kebab au bœuf. C'est bien le cas ! CONFORME.
[DR] [DR] Chez Dylan à Delémont, rue Pierre-Péquignat. Le restaurant indique un mélange de viande. Le laboratoire le confirme en détectant du boeuf, du poulet et de la dinde. CONFORME.
[DR] [DR] A Lausanne, au Bosphore, rue de la Louve. Là aussi, on nous propose un döner kebab à viandes multiples. C'est juste. Il y a du bœuf et du poulet. CONFORME.
[DR] [DR] Et enfin, à La Chaux-de-Fonds, au Paradis, avenue Léopold-Robert. On nous affirme que le döner kebab est composé d'un mélange de viandes. Le laboratoire a, en effet, détecté du bœuf et du poulet. CONFORME.
Sur 17 kebabs, il n'y a donc qu'un seul qui soit entièrement à l'agneau comme la recette originale. Les autres se sont visiblement adaptés au goût de leur clientèle. Au delà de l'aspect strictement commercial, cette spécialité culinaire a plusieurs vertus: c'est une alternative aux sandwichs ou aux hamburgers. On l'a dit, c'est nourrissant, comptez 850 calories en moyenne pour un kebab avec une viande de bonne qualité, sinon beaucoup plus. Mais ce n'est pas tout, le kebab, c'est aussi un moyen d'intégration, un premier travail pour de nombreux immigrés.
L'intégration par le kebab
[DR] [DR] Le kebab est arrivé en Suisse par le biais des grands festivals. C'est au Paléo à Nyon et au Montreux Jazz, par exemple, que le Suisse moyen a dégusté cette spécialité orientale pour la première fois. C'était il y a une quinzaine d'années.
En fait, cela correspond à la période d'arrivée massive de réfugiés turcs et kurdes dans notre pays. Ce sont eux qui se sont lancés à l'eau, avec sans doute quelques abus en matière de travail au noir.
Ishan Kurt a suivi cette évolution de près. Il est arrivé en Suisse en 1996, comme réfugié. Il a donc constaté l'importance de ce marché pour la survie de sa communauté: "Les familles qui ne voulaient pas vivre de l'assistance, ou qui avaient de la peine à s'intégrer, ont essayé de créer leurs propres petites entreprises familiales. Aujourd'hui, partout on parle de kebabs, des boutiques poussent chaque jour comme des champignons. C'est devenu un nouveau marché pour les nouveaux requérants d'asile qui viennent d'arriver au pays, qui ont toujours des problèmes d'intégration."
Matthieu Bendel, de la FAREAS (Fondation vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile), nous confirme: "Dans leur recherche d'emploi, ils vont favoriser leur réseau. Ils auront beaucoup plus de chance de trouver un travail dans les réseaux qu'ils connaissent au niveau de la nationalité et du pays d'origine. C'est aussi un moyen de travailler et de s'intégrer."
Le kebab devient donc vecteur de communication et d'intégration. Ces petits restaurants improvisés deviennent des lieux de rencontre et de rassemblement.
Les communautés kurdes s'y retrouvent, comme ils avaient l'habitude de le faire dans leur pays d'origine. En plus, le kebab permet au public suisse de diversifier sa nourriture fast-food. Aujourd'hui, manger un kebab, c'est tout aussi à la mode que d'écouter de la musique world.
Korkmaz Mehmet est vendeur de kebabs en plein cœur de Morges. Il est kurde. Il est arrivé en Suisse, il y a 16 ans, comme réfugié politique. Au bénéfice d'un diplôme de dessinateur en machine, il n'a pas pu exercer son métier comme il le voulait. Il y a deux ans, il passe son cours de cafetier et se lance dans le kebab avec toute sa famille.
Il nous raconte :"Comme cela les gens connaissent notre culture, notre mentalité. Personnellement, j'aime bien. Il faut qu'il y ait toutes les cultures. Depuis presque 17 ans que je suis là, on est naturalisés. Parce que je vis ici. Mes enfants sont nés ici. Je suis suisse quoi !"
Cette ouverture a un prix: Korkmaz Mehmet travaille du matin au soir 7 jours sur 7. En compensation, lui et sa femme touchent environ 10'000 francs par mois. Mais, au-delà de cela, ce qui compte pour la famille Mehmet, c'est d'avoir un statut, une reconnaissance aux yeux des habitants de Morges.
Ce goût d'ailleurs, on le retrouve dans 1000 restaurants différents en Suisse. Au milieu du monde du fast-food qui nous assaille de toutes parts, le kebab -et la communauté qui l'entoure- a réussi à faire sa place dans notre pays. Le marché du kebab en Suisse est détenu à 70% par des réfugiés kurdes. Cela représente près de 3000 personnes.
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La mode vient d'Allemagne, de Berlin plus précisément, où le kebab est venu améliorer l'ordinaire des étudiants comme des cadres stressés, lassés du classique sandwich. Il n'a pas fallu longtemps pour que le phénomène déborde dans toute l'Europe. On estime que la production de kebab augmente chaque année de 20%, une croissance qui fait pâlir d'envie plus d'un restaurateur. Le nom complet, c'est döner kebab, qui signifie, en gros, viande rôtie en tournant.
A Berlin, capitale en pleine reconstruction, derrière les derniers vestiges du mur, est installée une des plus grandes communautés turques d'Europe. Ils sont plus de trois cent mille, turcs et kurdes, à vivre dans le quartier de Kreuzberg. Ils ont leur marché deux fois par semaine, ils parlent en turc, les odeurs d'épices se mélangent à celles des narguilés. L'ambiance est résolument orientale. On se sent plus à Istanbul qu'à Berlin.
Ici, le kebab a supplanté la wurst. Il s'en mange trois fois plus qu'à Istanbul. Il y a des échoppes dans tous les coins de rue.
[DR] [DR] Ce sont les ouvriers turcs, arrivés au début des années 70, qui donnent une nouvelle vie au kebab. Imprégnée du succès des hamburgers à la sauce US, la communauté turque de Berlin doit s'adapter au mode de vie occidental, qui cherche à diversifier ses menus fast-food. Désormais, le kebab ne se sert plus sur assiette. Pour percer dans l'univers économique occidental sans se ruiner, on remplit un pain turc de viande, on y ajoute de la salade, des tomates, de la sauce et des épices. Le kebab moderne était né. C'est le sandwich chaud que vous mangez aujourd'hui dans toute l'Europe.
Dans ce quartier, anciennement à l'est, sont regroupés des restaurants plus chics. La communauté turque y est aussi présente. Depuis 10 ans, Aygun Ahmet propose différentes spécialités orientales dans une ambiance feutrée. Il nous explique ce qu'est un kebab: "En fait, il y a deux sortes de döner kebab. Il en existe un avec de la viande hachée, c'est le plus courant. Et puis, il y a aussi le Yaprak Döner, qui n'est composé que de viande, du bœuf ou du veau, voire les deux ensemble. Un Döner kebab n'est composé que de viande de bœuf ou de veau. Sinon, ce n'est pas un döner kebab. Il n'y a pas de viande de porc. Jamais de viande de porc."
Le döner kebab a donc changé de composition. Il y a 600 ans, en Turquie, il était composé d'agneau. Mais son goût et son odeur ont été jugés trop forts par le public occidental. Pour séduire l'Europe, les nababs des kebabs ont été contraints de se porter sur des viandes au caractère gustatif moins fort.
Erdogan Yusuf est réputé à Berlin pour la bonne qualité de ses kebabs. Des paquets de viande de 40 kilos comme celui-ci, il en vend en tout cas un par jour. Sa spécialité, ce n'est pas la viande hachée, mais le 100% pur veau en couches superposées. Selon lui, c'est la manière la plus saine de manger le kebab. Le plus sain, et sans doute le plus fiable. Parce que le kebab fait de viande hachée ouvre la porte à tous les abus. A Berlin, l'automne passé, il a fallu faire respecter la loi. Certains vendeurs de kebab ne mettaient que 20% de viande dans leur préparations, alors que l'Ordonnance allemande sur les denrées alimentaires en impose 60%. Le reste, c'est du gras, des liants et des épices.
Heinz Buschkowsky, maire de Neukölln dans la région de Berlin, nous raconte: "La situation avait vraiment dégénéré. Tout le monde cassait les prix. On vendait un döner pour un euro, voire moins. Cela ne pouvait donc pas être un vrai döner, à moins que les marchands de kebabs ne soient devenus de vraies Mère Teresa. Il y avait de la triche là-derrière, c'est évident. Nos contrôles ont montré que ce n'était pas de la mauvaise viande. Personne n'a été malade, mais c'est la même différence qu'entre la goulash et le filet. On ne peut pas appeler ça un döner kebab."
En tant que capitale européenne du kebab, Berlin n'a pas le droit de lésiner sur la qualité.
Suite à ces contrôles, le 30% des échoppes à kebabs de la ville ont dû revoir leur méthode de fabrication.
[DR] [DR] L'appellation kebab n'est pas protégée et il n'y a pas de législation spécifique à ce produit. En revanche, il y a une obligation d'afficher la composition. Les vendeurs devraient donc au minimum disposer de panneaux indiquant clairement au consommateur la composition de ce qu'il est en train d'acheter. En l'absence de cet affichage obligatoire, la parole du vendeur a force de loi. S'il vous dit oralement qu'il vous vend de l'agneau et que c'est faux, il est en infraction.
Nous avons acheté 17 kebabs, un peu partout en Suisse romande, avant de les faire analyser. Le laboratoire a effectué une analyse bactériologique. Il a mesuré notamment la quantité de graisse contenue dans la partie viande et, enfin, il a procédé à l'identification des protéines de chaque échantillon, ce qui lui a permis de déterminer de quelle viande, issue de quel animal, il s'agissait. La bonne nouvelle, c'est que sur le plan bactériologique, les 17 échantillons étaient propres. La mauvaise nouvelle, c'est que c'est trop gras, sur 17 kebabs, deux seulement contiennent 14 % de gras ou moins. En effet, une viande correcte ne doit pas dépasser 14% de gras. La surprise vient de la composition de certains kebabs.
Pour la première fois, ABE a demandé au Laboratoire cantonal vaudois de procéder à des analyses génétiques de pointe. Le laboratoire a pu déterminer quel type de viande se cache dans des préparations chaudes, tels que les kebabs.
Pour Christian Richard, il s'agit de déterminer ce qui est tromperie ou ce qui ne l'est pas.
Après analyse détaillée de nos échantillons, il peut se baser sur l'article 19 de l'Ordonnance sur les denrées alimentaires.
Dans quel cas a-t-on des tromperies ? Christian Richard nous répond: "Dans le cas où le commerçant ne déclare pas une espèce animale qui se trouve dans cette viande de kebab. Ou dans un autre cas, lorsque la viande qui était déclarée dans ces kebabs ne se trouve pas présente."
Résultats des tests
Dans tous les cantons romands, notre enquêteur a demandé aux marchands un kebab à l'agneau, selon la recette d'origine turque. Il a bien noté sa réponse. Lorsqu'un panneau stipulait qu'il s'agissait d'un kebab fait d'une autre viande, notre enquêteur a relevé l'indication de provenance.
Le constat est sans appel: sur 17 kebabs, 11 trompent le client sur la marchandise vendue!
[DR] [DR] A Lausanne, rue Neuve, chez Ephèse. On nous annonce dans ce döner kebab de l'agneau et du bœuf. Le laboratoire a découvert du bœuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Cyberpizza à Bienne, rue centrale. Le restaurant vend un döner kebab à l'agneau. Le laboratoire a découvert du bœuf, de l'agneau et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Snack Marmara à Genève, rue de Berne. On nous promet de l'agneau. C'est fantasque. Dans ce döner kebab, il n'y a que du boeuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Kebab House à Genève, boulevard Saint-Georges. Le magasin vante de l'agneau. Là aussi, il n'y en a pas une trace. Il n'y a que du bœuf et du poulet. TROMPERIE.
[DR] [DR] Snack Ankara à Fribourg, rue de l'Hôpital. On nous propose un döner kebab à l'agneau. S'il y a bien de l'agneau, il y a aussi du poulet et du bœuf. C'est par ailleurs l'échantillon le plus gras de notre test, plus de 10% par rapport à la moyenne de 14%. TROMPERIE.
Les six döner kebab qui viennent ne respectent pas la loi non plus. Mais, en plus, dans les échantillons suivants, la viande est composée notamment de porc. Ce qui est plutôt surprenant pour un plat oriental, en provenance directe d'un pays à majorité musulmane.
[DR] [DR] Chez Antalya à Martigny, place Centrale. On nous promet de l'agneau. Il n'y en a pas. Le laboratoire découvre du bœuf, du poulet et du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Chez Amanos à Lausanne, place du Tunnel. On trouve dans cet échantillon du bœuf, du poulet, de l'agneau et du porc. Alors que le restaurant promet un döner kebab à l'agneau et c'est tout. TROMPERIE.
[DR] [DR] Derya Kebab à Genève, rue des Eaux-Vives. On nous vend de l'agneau et du bœuf, pour 26 francs 15 le kilo, c'est le plus cher de notre test. Le laboratoire détecte du bœuf, du poulet et du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Echoppe Istanbul à Fribourg, rue de l'Hôpital. Ici, c'est un joli mélange de bœuf, d'agneau, de poulet et de porc, alors que l'on nous annonce de l'agneau et du bœuf. TROMPERIE.
[DR] [DR] Le Backgammon à Nyon, rue de la Gare. On nous vend de l'agneau et du bœuf. C'est juste, mais on y a rajouté du porc. TROMPERIE.
[DR] [DR] Enfin, le restaurant Istanbul à La Chaux-de-Fonds, avenue Léopold-Robert. On nous propose un döner kebab au bœuf, alors que l'on trouve, dans cet échantillon, pas moins de 5 viandes différentes: du bœuf, de l'agneau, du poulet, de la dinde et du porc. On est loin du compte. TROMPERIE.
Réactions
Avant de voir la suite des résultats, nous avons évidemment voulu éclaircir cette histoire de porc dans les kebabs. Vis à vis du consommateur et de la loi, le vendeur est responsable de ce qu'il vend. C'est donc à lui de s'assurer de la qualité du produit qu'il achète à son fournisseur. Nous avons écrit aux six restaurateurs dont les kebabs contenaient du porc. Nous avons reçu cinq réponses. Le restaurateur du Kebab Amanos à Lausanne nous a téléphoné hier matin en affirmant haut et fort qu'il n'utilisait que du veau, pas de bœuf et, au grand jamais, du porc! Pourtant les analyses du laboratoire sont sans appel.
Chez Antalya à Martigny, place Centrale, le patron reconnaît dans sa lettre qu'il n'est qu'un revendeur de produit. Il s'étonne du résultat des analyses, surtout de la présence de porc. Il va donc empoigner le problème: "Nous allons demander des explications à notre fournisseur, aussi bien sur la présence de porc que sur la teneur excessive en matière grasse."
Au snack Istanbul, à La Chaux-de-Fonds, avenue Léopold-Robert, le patron ignorait tout de ces traces de porc, comme il ignorait la présence de cinq viandes différentes dans son döner kebab. Il n'a pas voulu nous recevoir. Il nous a envoyé chez son boucher, qui nous a accueilli avec son avocat. Tous deux contestent les faits.
Claude-Alain Christen, boucher: "Premièrement, je conteste vos analyses. Elles n'ont pas été faites correctement. Je crois que je n'ai rien à me reprocher. Je travaille énormément. Et j'ai confiance en moi."
Nos analyses sont formelles. C'est un laboratoire de pointe qui les a effectuées. Il est difficile de les contester et quand nous les lui avons remises, c'est son avocat, Jean-Daniel Kramer qui nous répond: "Dans cette affaire, mon client a été très surpris du résultat des analyses, dont on ne prend connaissance véritablement aujourd'hui. Dans la mesure où il affirme de manière péremptoire que les kebabs qu'il fabrique sont faits à base de veau pour 90% et d'agneau pour 10%. Nous ne contestons pas que les kebabs proviennent de chez Monsieur Christen. Ca c'est clair. Mais nous, de notre côté, nous affirmons, et nous pourrons entendre le cas échéant les personnes qui fabriquent les kebabs dans la boucherie de mon client, qu'ils sont bel et bien faits de veau et d'agneau. Alors on ne peut pas aujourd'hui expliquer pourquoi vous avez trouvé d'autres viandes semble-t-il. En tout cas en ce qui nous concerne, nous sommes clairs, il n'y a jamais eu d'escroquerie sur la viande."
Au Backgammon à Nyon, rue de la Gare, on reconnaît le problème de l'origine des viandes.
Dans son courrier, le patron nous fait les déclarations suivantes: "Il est vrai que, naïvement, nous n'avons jamais songé à faire effectuer un contrôle chimique. Nous nous sommes fiés aux compliments de nos clients. (…) Au lieu de nous fier aux déclarations, nous aurions dû être extrêmement vigilants et contrôler la qualité. Nous pouvons dire concernant la tromperie, qu'avant même de tromper par ricochet nos clients, nous étions trompés par nos fournisseurs."
Par ailleurs, il précise que dès qu'il a appris la présence de porc dans sa viande, il a contacté un autre fournisseur.
Enfin, à Genève, au snack Derya kebab, rue des Eaux-Vives, le patron nous a reçu absolument navré. Il constate les faits et va tout faire pour que cela ne recommence pas.
Ahmet Kisa, Derya kebab: "J'ai été surpris, comme vous, parce qu'en général dans le kebab, on ne met pas de porc. Chez nous, la composition est de l'agneau, du bœuf et du poulet, un tiers, un tiers, un tiers. Mais, malheureusement, quand j'ai appris cela. j'ai téléphoné tout de suite à mon boucher. Il m'a annoncé qu'il avait été en rupture de stock d'agneau, et qu'il l'avait remplacé par de la poitrine de porc. Ce qui est inadmissible pour moi et ma clientèle. Parce que j'ai une clientèle de musulman qui ne mange pas de porc."
Est-ce que vous allez changer de fournisseur ?
"Fort possible. Je vais voir si je trouve un autre boucher qui est aussi ponctuel avec la fraîcheur et la qualité. C'est fort possible que je changerai."
Cette enquête démontre qu'il y a un sérieux problème de traçabilité puisque l'on ne peut pas savoir d'où vient exactement la viande des kebabs que nous avons fait analyser. A la question de savoir ce que fait du porc dans le kebab, le vendeur dit "ce n'est pas moi, c'est mon fournisseur". Le fournisseur dit : "rien ne prouve que ce soit moi, ce vendeur peut très bien avoir d'autres fournisseurs", bref tout le monde se renvoie la responsabilité. De plus, on a trouvé du porc aussi bien chez des vendeurs qui achètent leur viande à de grosses entreprises que chez ceux qui se fournissent auprès du boucher de la région. Les vendeurs de kebabs ne sont pas des franchisés, ils sont indépendants et peuvent avoir plusieurs fournisseurs différents.
Suite des résultats des tests
Il existe trois grosses entreprises : Kings Kebab à Zurich, Royal Kebab à Wintertour et Günes SA à Soleure qui fournissent, à elles trois, environ 70% de tous les kebabs de Suisse. In fine, ce qu'attend le consommateur, c'est qu'on lui vende ce qu'on lui promet et rien d'autre. Seulement 6 commerçants sur 17 sont dans ce cas. Ce n'est vraiment pas beaucoup.
[DR] [DR] Le Döner Kebab du snack du Marché à Lausanne, rue pré-du-Marché, est conforme à la loi. On nous vend du bœuf. C'est bien du bœuf. En plus, c'est l'échantillon le moins gras de notre test avec 12,6% de graisse. CONFORME.
[DR] [DR] A Genève, échoppe Istanbul, rue de Berne. On nous propose un döner kebab à l'agneau. On le retrouve dans l'échantillon. CONFORME.
[DR] [DR] Au snack Express Sima Eximpo, rue du Canal à Bienne. On nous propose un döner kebab au bœuf. C'est bien le cas ! CONFORME.
[DR] [DR] Chez Dylan à Delémont, rue Pierre-Péquignat. Le restaurant indique un mélange de viande. Le laboratoire le confirme en détectant du boeuf, du poulet et de la dinde. CONFORME.
[DR] [DR] A Lausanne, au Bosphore, rue de la Louve. Là aussi, on nous propose un döner kebab à viandes multiples. C'est juste. Il y a du bœuf et du poulet. CONFORME.
[DR] [DR] Et enfin, à La Chaux-de-Fonds, au Paradis, avenue Léopold-Robert. On nous affirme que le döner kebab est composé d'un mélange de viandes. Le laboratoire a, en effet, détecté du bœuf et du poulet. CONFORME.
Sur 17 kebabs, il n'y a donc qu'un seul qui soit entièrement à l'agneau comme la recette originale. Les autres se sont visiblement adaptés au goût de leur clientèle. Au delà de l'aspect strictement commercial, cette spécialité culinaire a plusieurs vertus: c'est une alternative aux sandwichs ou aux hamburgers. On l'a dit, c'est nourrissant, comptez 850 calories en moyenne pour un kebab avec une viande de bonne qualité, sinon beaucoup plus. Mais ce n'est pas tout, le kebab, c'est aussi un moyen d'intégration, un premier travail pour de nombreux immigrés.
L'intégration par le kebab
[DR] [DR] Le kebab est arrivé en Suisse par le biais des grands festivals. C'est au Paléo à Nyon et au Montreux Jazz, par exemple, que le Suisse moyen a dégusté cette spécialité orientale pour la première fois. C'était il y a une quinzaine d'années.
En fait, cela correspond à la période d'arrivée massive de réfugiés turcs et kurdes dans notre pays. Ce sont eux qui se sont lancés à l'eau, avec sans doute quelques abus en matière de travail au noir.
Ishan Kurt a suivi cette évolution de près. Il est arrivé en Suisse en 1996, comme réfugié. Il a donc constaté l'importance de ce marché pour la survie de sa communauté: "Les familles qui ne voulaient pas vivre de l'assistance, ou qui avaient de la peine à s'intégrer, ont essayé de créer leurs propres petites entreprises familiales. Aujourd'hui, partout on parle de kebabs, des boutiques poussent chaque jour comme des champignons. C'est devenu un nouveau marché pour les nouveaux requérants d'asile qui viennent d'arriver au pays, qui ont toujours des problèmes d'intégration."
Matthieu Bendel, de la FAREAS (Fondation vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile), nous confirme: "Dans leur recherche d'emploi, ils vont favoriser leur réseau. Ils auront beaucoup plus de chance de trouver un travail dans les réseaux qu'ils connaissent au niveau de la nationalité et du pays d'origine. C'est aussi un moyen de travailler et de s'intégrer."
Le kebab devient donc vecteur de communication et d'intégration. Ces petits restaurants improvisés deviennent des lieux de rencontre et de rassemblement.
Les communautés kurdes s'y retrouvent, comme ils avaient l'habitude de le faire dans leur pays d'origine. En plus, le kebab permet au public suisse de diversifier sa nourriture fast-food. Aujourd'hui, manger un kebab, c'est tout aussi à la mode que d'écouter de la musique world.
Korkmaz Mehmet est vendeur de kebabs en plein cœur de Morges. Il est kurde. Il est arrivé en Suisse, il y a 16 ans, comme réfugié politique. Au bénéfice d'un diplôme de dessinateur en machine, il n'a pas pu exercer son métier comme il le voulait. Il y a deux ans, il passe son cours de cafetier et se lance dans le kebab avec toute sa famille.
Il nous raconte :"Comme cela les gens connaissent notre culture, notre mentalité. Personnellement, j'aime bien. Il faut qu'il y ait toutes les cultures. Depuis presque 17 ans que je suis là, on est naturalisés. Parce que je vis ici. Mes enfants sont nés ici. Je suis suisse quoi !"
Cette ouverture a un prix: Korkmaz Mehmet travaille du matin au soir 7 jours sur 7. En compensation, lui et sa femme touchent environ 10'000 francs par mois. Mais, au-delà de cela, ce qui compte pour la famille Mehmet, c'est d'avoir un statut, une reconnaissance aux yeux des habitants de Morges.
Ce goût d'ailleurs, on le retrouve dans 1000 restaurants différents en Suisse. Au milieu du monde du fast-food qui nous assaille de toutes parts, le kebab -et la communauté qui l'entoure- a réussi à faire sa place dans notre pays. Le marché du kebab en Suisse est détenu à 70% par des réfugiés kurdes. Cela représente près de 3000 personnes.
zimbalist- Nombre de messages : 91
Date d'inscription : 07/12/2010
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